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- Analyse verset par verset
v. 1 Et le troisième jour il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus sy trouvait.
Littéralement: Et au jour le troisième (tritē) une noce (gamos) survint à Cana (Kana) de Galilée, et était la mère (mētēr) de Jésus là.
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tritē (troisième) |
Troisième journée par rapport à quoi? Lindice nous est fourni par 1, 43 : « Le lendemain, Jésus résolut de partir pour la Galilée ». La scène raconte lappel de Philippe et de Nathanaël par Jésus. Si on considère cette scène comme le jour un, le troisième jour se situe deux jours après (doù la traduction de la Bible en français courant : « Deux jours après ». Et quand on regarde toutes les notations de temps du ch. 1 de Jean (voir lanalyse du contexte rapproché), on se rend compte que ce 3e jour termine une semaine de 7 jours.
- Jour 1 (1, 19-28) : Témoignage de Jean Baptiste
- Jour 2 (1, 29-34) « lendemain » : allusion au baptême de Jésus
- Jour 3 (1, 35-39) « lendemain » : deux disciples du Baptiste suivent Jésus
- Jour 4 (1, 40-42) « cette journée-là » : lappel de Simon.
- Jour 5 (1, 43-51) « lendemain » : vocation de Nathanaël
- Jour 7 (2, 1-11) « le troisième jour » après la journée 5 : noces à Cana
Pourquoi cette insistance sur la durée dune semaine et son sommet avec les noces de Cana? Cela nous renvoie clairement au récit de la Genèse qui raconte que Dieu créa lunivers en sept jours : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient labîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux. Dieu dit: "Que la lumière soit" et la lumière fut. » (voir Gn 1, 1 2, 3). Dailleurs, Jean ne commence-t-il pas ainsi son évangile : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu... Ce qui fut en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes, et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne lont pas saisie. » (Jean 1, 1-5). Pour lévangéliste, avec Jésus, nous avons une création nouvelle.
Mais le troisième jour évoque pour le chrétien la résurrection de Jésus. Sur ce sujet, voir lensemble du Nouveau Testament :
- « il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures » (1 Co 15, 4);
- « quil lui fallait... être tué et, le troisième jour, ressusciter. » (Mt 16, 21);
- « ils le tueront, et, le troisième jour, il ressuscitera » (Mt 17, 23;
- « le livreront aux païens pour être bafoué, flagellé et mis en croix; et le troisième jour, il ressuscitera » (Mt 20, 19);
- « Il faut, disait-il, que le Fils de lhomme... soit crucifié, et quil ressuscite le troisième jour » (Lc 24, 7);
- « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait dentre les morts le troisième jour » (Lc 24, 46);
- « Dieu la ressuscité le troisième jour et lui a donné de se manifester » (Actes 10, 40)
Chez Jean, lallusion est très claire quelques versets plus loin, dans la scène des vendeurs chassés du temple où les Juifs demandent à Jésus un signe qui lui donne le droit dagir ainsi et auxquels Jésus répond : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai » (Jean 2, 19). Bien sûr, le relèvement dont parle Jésus, cest sa résurrection. On y retrouve la même idée dune création nouvelle : par sa résurrection, Jésus remplace le temple, lieu du culte juif, par sa propre personne. Ainsi, les noces de Cana inaugurent une période nouvelle associée à sa résurrection des morts.
Enfin, rappelons que la notion de troisième jour ne provient pas dune date dans lhistoire correspondant au moment de la résurrection de Jésus, puisquil ny a aucun récit décrivant la résurrection de Jésus. La notion de troisième jour provient dun texte du prophète Osée que les chrétiens ont relu et associé au fait que Jésus était maintenant ressuscité : « Après deux jours il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence » (Osée 6, 2).
Ainsi, demblée, par cette simple mention de temps, nous sommes avertis du contexte dans lequel il nous faudra relire ce récit des noces de Cana.
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gamos (noce) |
Bien sûr, parler de noce cest parler de mariage, un phénomène qui fait partie de la vie courante. Mais dans la Bible, les noces ont aussi une valeur symbolique pour décrire la relation de Dieu avec son peuple, comme on le voit chez Isaïe : « Ton créateur est ton époux, Yahvé Sabaot est son nom, le Saint dIsraël est ton rédempteur, on lappelle le Dieu de toute la terre » (Isaïe 54, 5); cest le cas aussi chez Osée où Dieu se décrit comme un époux déçu : « Cest pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son coeur » (Osée 2, 16). Cette idée est reprise par lApocalypse qui décrit le festin des noces des croyants avec le Christ, appelé lAgneau : « car voici les noces de lAgneau, et son épouse sest faite belle » (Apocalypse 19, 7). Ce regard symbolique sur la scène des noces de Cana est important, autrement elle perd toute sa valeur et son importance pour ne devenir quun fait divers.
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Kana (Cana) |
Ce petit village était situé à 15 kilomètres au nord de Nazareth, soit environ trois heures de marche (voir la carte de la Palestine). Dans tout le Nouveau Testament, Jean est le seul à y faire allusion, dabord dans cette scène des noces (Jn 2, 1.11), puis dans le récit de guérison du fils dun fonctionnaire royal (Jn 4, 46). Il mentionne également que Nathanaël était de Cana. La source quutilise ici le quatrième évangile était donc familière avec ce coin de pays.
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mētēr (mère) |
Le quatrième évangile ne donne jamais le nom de la mère de Jésus, même sil le connaissait fort probablement. Pourquoi? Tout au long de son évangile, il tient à garder la trame de fond au niveau de la foi : voilà le niveau où se situent les vraies relations. Cela est confirmé par le fait que la mère de Jésus, qui apparaît ici au début de son ministère, ne reviendra quà la fin de lévangile, devant Jésus en croix, alors quil dit à sa mère : « Femme, voici ton fils », et quil dit au disciple bien aimé : « Voici ta mère ». Nous sommes devant une inclusion sémique.
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Le nom mētēr dans le Nouveau Testament |
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v. 2 Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples.
Littéralement : Fut invité (eklēthē) aussi le Jésus et les disciples (mathētai) de lui aux noces.
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eklēthē (il fut invité) |
Le verbe kaleō (appeler, nommer, inviter) est très rare chez Jean (Mt = 24 ; Mc = 4; Lc = 44; Jn = 2); sa seule autre utilisation est pour dire que Simon sappellera (kaleō) désormais Pierre. On aurait ici lindice dune source pré-johannique. Pourquoi mentionner ce fait? Comme nous le verrons plus loin, lensemble du vocabulaire du récit des noces de Cana porte la marque de Jean et de son vocabulaire théologique. Mais il est probable quil na pas créé de toute pièce cette scène, mais a repris un récit où la famille de Jésus participe à des noces.
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mathētai (disciples) |
Il vaut la peine de reprendre ici une affirmation de M.-E. Boismard (M. E. Boismard, A. Lamouille, Synopse des quatre évangiles, T. III - Lévangile de Jean. Paris : Cerf, 1977, p. 80) selon laquelle le récit originel parlait de « frères » plutôt que de « disciples », et ce serait un scribe ou un réviseur évangélique qui aurait remplacé frères par disciples sous linfluence du v. 11 ( et ses disciples crurent en lui). Les arguments avancés sont ceux-ci :
- Les mots « et ses disciples » au v. 12 (Après quoi, il descendit à Capharnaüm, lui, ainsi que sa mère et ses frères et ses disciples) sont omis par dimportants témoins du texte johannique : le codex Sinaïticus, une dizaine de minuscules, les meilleurs manuscrits de lancienne version latine, les versions arméniennes et géorgiennes, Épiphane, Jérôme et Chrysostome.
- Le texte Alexandrin avec P66 et P75 où on lit au v. 12 « ...lui et sa mère et les frères et ses disciples » donne limpression que « ses disciples » a été ajouté après coup, car on aurait dû avoir : lui et sa mère et les frères et les disciples, ladjectif possessif couvrant lénumération qui suit comme il était courant en grec; ainsi, il est probablement quà lorigine on avait seulement « lui et sa mère et les frères » et que « et ses disciples » a été ajouté après coup, ce qui expliquerait lapparition pour une deuxième fois de ladjectif possessif.
- Chrysostome (349 407) et Épiphane (315 403) lisaient le texte suivant au v. 2 : « Et fut invité Jésus aux noces, et sa mère était-là, et ses frères. »
- Nous savons que les scribes modifiaient parfois le texte évangélique en le recopiant. Or, il est plus facile de comprendre quun scribe ait remplacé frère par disciple, que linverse.
Lhypothèse de Boismard permet de reconstituer ainsi le début du récit quaurait eu Jean en sa possession : Et il eut des noces à Cana de Galilée et Jésus fut invité aux noces et sa mère était là et ses frères. Lavantage dune telle reconstitution est de nous présenter une scène vraisemblable de la Palestine du 1ier siècle où la famille entière de Jésus est invitée à des noces.
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v. 3 Alors quon manquait de vin, la mère sadresse à Jésus pour lui dire : « Ils nont plus de vin ».
Littéralement : Et manquant (hysterēsantos) le vin (oinou), dit (legei) la mère de Jésus vers (pros) Jésus : « De vin ils nont pas ».
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hysterēsantos (manquant) |
Voilà un verbe très rare (Mt = 1 ; Mc = 1; Lc = 2; Jn = 1). Chez Matthieu (19, 20) et chez Marc (10, 21), il apparaît dans le contexte de lhomme qui a observé les commandements et qui se demande ce qui lui manque encore, tandis que chez Luc il apparaît dabord dans la parabole de lenfant prodigue qui commence à manquer de lessentiel (15, 14), et dans une question de Jésus demandant à ses disciples sils ont manqué de quelque chose en mission (22, 35). Cest lindice quil ne fait pas partie du vocabulaire habituel de Jean, et donc provient sans doute dune source quil utilise. Pour Boismard, cette source est le document C.
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Textes avec le verbe hystereō dans les évangiles-Actes |
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oinou (vin) |
Contrairement à ce quon pourrait penser, on ne parle pas beaucoup de vin dans les évangiles (Mt = 4 ; Mc = 5; Lc = 6; Jn = 6). Dans les récits synoptiques, le mot sert surtout à une analogie de Jésus pour expliquer pourquoi ses disciples ne jeûnent pas : à du vin nouveau il faut des outres neuves (Mc 2, 22 || Mt 9, 17 || Lc 5, 37-38). Autrement, chez Marc et Matthieu, le mot apparaît à la croix alors quon donne à Jésus du vin mêlé de fiel / myrrhe (Mc 15, 23 || Mt 27, 34). Bien sûr, il y a eu du vin lors du dernier repas de Jésus avec ses disciples, mais les références sont indirectes alors quon parle de « coupe », de « produit de la vigne » et du fait que Jésus boira du vin nouveau dans le Royaume futur. Seul Luc, sans dire directement que Jésus était un buveur de vin, insiste pour mettre en contraste Jean Baptiste qui ne prenait aucun alcool (Lc 1, 15; 7, 33), et Jésus qui passait pour un ivrogne (Lc 7, 34). Avec Jean, nous nous retrouvons dans un contexte totalement différent : toutes les références au vin sont liées à la scène de Cana (Jn 2, 3.9.10; 4, 46), en conformité avec son habitude de regrouper les thèmes importants. Quel serait ici ce thème?
Dans lAncien Testament, le vin est lié à la fête, en particulier à la fête offerte par Dieu qui vient libérer son peuple : « Yahvé Sabaot prépare pour tous les peuples, sur cette montagne, un festin de viandes grasses, un festin de bons vins, de viandes moelleuses, de vins dépouillés. Il a détruit sur cette montagne le voile qui voilait tous les peuples et le tissu tendu sur toutes les nations; il a fait disparaître la mort à jamais. Le Seigneur Yahvé a essuyé les pleurs sur tous les visages, il ôtera lopprobre de son peuple sur toute la terre, car Yahvé a parlé » (Isaïe 25, 6-8). La présence de Jésus est associée à cette fête. Cest les sens des paroles de Marc quand il met dans la bouche de Jésus cette réponse aux Pharisiens qui demandent pourquoi les disciples ne jeûnent pas : « Tant quils ont lépoux avec eux, il ne peuvent pas jeûner ». Cest le temps de la fête, le temps des noces de Dieu avec son peuple. Avec les noces de Cana, Jean présente le même thème.
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legei pros (il dit vers) |
La phrase peut paraître banale. Mais la syntaxe signale un point intéressant. Car la façon habituelle de Marc, probablement originaire de Jérusalem, et du Juif Matthieu dexprimer le fait quune personne parle à quelquun est dutiliser le verbe legō (dire) suivi du datif, ou complément dobjet indirect, comme en français : dire à quelquun. Même si Jean utilise également cette construction, il emploie également une construction très fréquente dans le monde grec, le verbe legō (dire) suivi de pros (vers) et de laccusatif, ou complément dobjet direct, comme en français : dire à ladresse de quelquun (Mt = 1 ; Mc = 4; Lc = 89; Jn = 18). Comme on peut le constater, cest une construction quutilise très fréquemment Luc, le Grec. Tout cela renforce lidée que lintroduction de lintervention de la mère de Jésus avec lexpression « dire à ladresse de Jésus » se situe dans un contexte grec. Et de fait, pour Boismard, nous retrouvons ici la plume de Jean IIB, lévangéliste Jean alors quil a quitté la Palestine pour rejoindre le monde grec de lAsie mineure, probablement à Éphèse. Quest-ce à dire? La source ancienne mentionnait probablement que le vin vint à manquer, mais Jean aurait ajouté lintervention de la mère de Jésus, en conformité avec son rôle tel que décrit en croix, à la fin de lévangile (nous reviendrons sur les différentes couches du récit quand nous analyserons sa structure).
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de vin ils nont pas |
La question qui se pose ici : nest-il pas invraisemblable quune invitée intervienne pour quon règle un problème dintendance? Un autre point dinvraisemblance : pourquoi sadresser à Jésus? Jusquici Jésus na rien fait dextraordinaire, et on ne voit pas pourquoi il pourrait faire quelque chose face à un problème tout à fait mineur. Ce qui amène une troisième question : en quoi manquer de vin est-il un problème important qui mériterait une intervention divine. Franchement. Faut-il absolument que les gens se soûlent? On sent bien que, si on se situe simplement sur le plan historique et sur le plan humain, quelque chose ne tourne pas rond dans le récit. Revenons à la symbolique du vin qui est reliée à la fête et à laction libératrice de Dieu, à la symbolique des noces de Dieu et de son peuple. Ne pas avoir de vin, cest ne pas avoir de fête et de noces, cest ne pas avoir cette relation de Dieu avec son peuple. À ce niveau, ne pas avoir de vin est dramatique. À ce niveau, cest justement le rôle de Jésus de rétablir cette relation, et on comprend le rôle de la mère de Jésus. Jean a voulu faire delle la mère des croyants, la mère de la communauté chrétienne. Son intervention trouve tout son sens : cest à Jésus de rétablir la fête, les noces du peuple avec son Dieu.
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v. 4 Mais Jésus lui répondit : « Madame, pourquoi me dites-vous cela? Mon heure nest pas encore venue ».
Littéralement : [Et] dit à elle le Jésus: « Quoi à moi et à toi (ti emoi kai soi), femme (gynai)? Pas encore est arrivée lheure (hōra) de moi
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ti emoi kai soi (quoi à moi et à toi) |
Cette expression est tout à fait hébraïque pour dire : quy a-t-il de commun entre nous? Quelle relation y a-t-il entre nous pour que tu tadresses à moi. Nous en avons plusieurs exemples dans lAncien Testament :
- Juges 11, 12 (LXX): Et Jephté dépêcha des envoyés au roi des fils dAmmon, disant : Quy a-t-il entre moi et toi (Ti emoi kai soi), pour que tu viennes ici apporter la guerre en ma contrée
- 2 Samuel 16, 10 (LXX) : Mais le roi répondit : Quy a-t-il entre vous et moi (Ti emoi kai hymin), fils de Servia? Laisse-le, et quil continue de maudire, car le Seigneur lui a dit de maudire David ; qui donc ira lui dire : Doù vient que tu agis de la sorte?
- 2 Samuel 19, 23 (LXX) : Mais David dit : Quy a-t-il entre vous et moi (Ti emoi kai hymin), fils de Sarvia, pour quaujourdhui vous me tendiez un piège ? Nul homme en Israël aujourdhui ne sera mis à mort ; est-ce que jignore que je règne sur Israël?
- 1 Rois 17, 18 (LXX): Et la femme dit à Élie : Quy a-t-il entre moi et toi (Ti emoi kai soi), homme de Dieu? Es-tu venu chez moi pour rappeler le souvenir de mes péchés, et pour faire mourir mon fils?
Ainsi, le cadre est une interaction hostile où lun des protagonistes dit en quelque sorte : que tai-je fait pour que tu me veuilles du mal? On retrouve la même idée dans le Nouveau Testament.
- Marc 1, 24 || Mt 8, 29 || Lc 4, 34 : en disant: "Que nous veux-tu (ti hēmin kai soi), Jésus le Nazarénien? Es-tu venu pour nous perdre? Je sais qui tu es: le Saint de Dieu."
- Marc 5, 7 || Lc 8, 28: et cria dune voix forte: "Que me veux-tu (ti emoi kai soi), Jésus, fils du Dieu Très-Haut? Je tadjure par Dieu, ne me tourmente pas!"
Chez Jean, le contexte nest pas hostile, et il faut donc donner un sens différent à cette expression. Lidée est plutôt : pourquoi entrer en relation, nous ne sommes pas sur la même longueur donde. Pourquoi lévangéliste met-il une telle parole dans la bouche de Jésus alors quil sadresse à sa mère? Il faut regarder la suite.
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gynai (femme) |
On peut être surpris de voir Jésus appeler sa mère : femme, et non pas maman, ou encore mère. La première observation que nous pouvons faire, cest que lévangéliste utilise la même expression à plusieurs reprises :
- Jean 4, 21 : Jésus lui (la Samaritaine) dit: "Crois-moi, femme, lheure vient où ce nest ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père
- Jean 8, 10 : Alors, se redressant, Jésus lui (la femme adultère) dit: "Femme, où sont-ils? Personne ne ta condamnée?"
- Jean 19, 26 : Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près delle, le disciple quil aimait, dit à sa mère: "Femme, voici ton fils."
- Jean 20, 13 : Ceux-ci (deux anges) lui (Marie de Magdala) disent: "Femme, pourquoi pleures-tu?" Elle leur dit: "Parce quon a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on la mis."
- Jean 20, 15 : Jésus lui (Marie de Magdala) dit: "Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu?" Le prenant pour le jardinier, elle lui dit: "Seigneur, si cest toi qui las emporté, dis-moi où tu las mis, et je lenlèverai."
Il nest pas seul à le faire.
- Matthieu 15, 28 : Alors Jésus lui (la Cananéenne) répondit: "O femme, grande est ta foi! Quil tadvienne selon ton désir!" Et de ce moment sa fille fut guérie
- Luc 13, 12 : La voyant, Jésus linterpella et lui (la femme avec des pertes de sang) dit: "Femme, te voilà délivrée de ton infirmité"
- Luc 22, 57 : Mais lui (Pierre qui renie connaître Jésus) nia en disant: "Femme, je ne le connais pas."
En français courant, il faudrait traduire « femme » par « madame », ce qui exprime un certain respect, mais sans intimité. Alors, pourquoi lévangéliste Jean met-il ce mot dans la bouche de Jésus quand il sadresse à sa mère? Anticipons ce que nous dirons au paragraphe suivant : cest seulement dans le cadre de lheure, i.e. celui de la résurrection de Jésus, et de la foi en cette résurrection, que les relations prendront leur véritable dimension. Nous avons deux exemples :
- Jean 19, 27 : Puis il dit au disciple: "Voici ta mère."
- Jean 20, 16 : Jésus lui dit: "Marie!" Se retournant, elle lui dit en hébreu: "Rabbouni" - ce qui veut dire: "Maître."
Quand est arrivé lheure où Jésus rejoint son père, les relations changent. La mère de Jésus nest plus simplement « madame », elle devient la mère des croyants. Marie de Magdala qui se faisait appeler « femme » ou « madame », devient Marie, celle qui entre dans lintimité de Jésus. Pour lévangéliste, la période qui précède lheure et celle qui est introduite par lheure représentent deux mondes différents, quessaie de traduire les titres donnés aux gens.
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hōra (heure) |
Même si le quatrième évangile nest pas le seul à parler de lheure (en fait seul Marc, à Gethsémani, parle de lheure comme référence au procès et à la mort de Jésus, repris par Matthieu), il en fait néanmoins une notion clé (Mt = 21 ; Mc = 12; Lc = 17; Jn = 26; Ac = 11; 1Jn = 2; 2Jn = 0; 3Jn = 0). Écartons tout de suite les emplois où lheure nest pas reliée à la mort de Jésus, mais se réfère simplement au temps qui marque nos jours : la dixième heure (1, 39); la sixième heure (4, 6); la septième heure (4, 52-53); une heure (5, 35); douze heures (11, 9); lheure daccoucher (16, 21); sixième heure (19, 14); cette heure-là (19, 27).
Sur les 25 emplois en Jean, il en reste donc 15 qui revêtent un sens théologique. On peut les regrouper en quatre catégories :
- Lheure de Jésus nest pas arrivée
- Aux noces de Cana, il semble décliner la demande de sa mère (2, 4)
- Ses ennemis narrivent pas à se saisir de lui (7, 30; 8, 20)
- Lheure de Jésus approche
- À ce moment on nadorera plus le Père au mont Garizim ou à Jérusalem (4, 21)
- À ce moment les disciples seront tués par des gens qui penseront ainsi rendre un culte à Dieu (16, 2)
- Jésus annonce davance ce qui attend les disciples parce quà ce moment là il ne sera plus avec eux (16, 4)
- Lheure de Jésus a commencé à arriver
- Lheure vient - et cest maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père dans lesprit et la vérité (4, 23)
- Lheure vient - et cest maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lauront entendue vivront (5, 25.28)
- Lheure de Jésus est arrivée
- (Quand les Grecs veulent voir Jésus) Voici venue lheure où doit être glorifié le Fils de lhomme (12, 23)
- Maintenant mon âme est troublée. Et que dire? Père, sauve-moi de cette heure! Mais cest pour cela que je suis venu à cette heure (12, 27)
- Avant la fête de la Pâque, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde vers le Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusquà la fin (13, 1)
- Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit: "Père, lheure est venue: glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés" (17, 1-2)
Lheure renvoie à la mort en croix de Jésus, suivie de sa résurrection. Cette heure commence au moment où les Grecs veulent voir Jésus (ch. 12), et donc au moment où on anticipe lattrait de Jésus sur lhumanité entière, un attrait qui est le fruit de sa mort-résurrection. Cette mort est célébrée avec son dernier repas (qui commence au ch. 13) où Jean nous présente son discours dadieu. Mais ce qui importe est den saisir limpact.
- Le culte ancien, peu importe le lieu du temple, sera remplacé par un culte nouveau sans temple, où la relation à Dieu est en esprit et en vérité
- Les morts revivront
- Jésus exercera un attrait universel
- Jésus donnera la vie éternelle à tous ceux qui viendront vers lui
- En même temps, les disciples de Jésus connaîtront la persécution et même la mort à leur tour
En prenant connaissance de ce que signifie lheure, pouvons-nous répondre à la question : quel est le lien entre lheure de Jésus et la demande de sa mère? La véritable célébration des noces du peuple avec son Dieu doit passer par cette heure où Jésus aime jusquau don de sa vie, où la mort définitive est vaincue et la vie éternelle offerte.
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Le nom hōra dans les évangiles-Actes |
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v. 5 Sa mère dit aux garçons de table : « Quoi quil vous dise, faites-le ».
Littéralement : Dit la mère (mētēr) de lui aux serviteurs (diakonois) : ce quoi quil dise éventuellement à vous, faites (ho ti an legē hymin poiēsate).
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mētēr (mère) |
Faisons quelques observations sur ce mot. Quand on considère lensemble des évangiles ainsi que les Actes des Apôtres, on peut regrouper ce que désigne ce mot sous trois catégories : 1) la mère de Jésus; 2) la mère dune personne en particulier, comme Élisabeth mère de Jean Baptiste, ou Hérodiade, mère de celle qui dansa devant Hérode; 3) la mère en général, comme la demande dhonorer sa mère. On peut ainsi établir le tableau suivant.
| Mt | Mc | Lc | Jn | Ac |
La mère de Jésus | 8 | 2 | 7 | 10 | 1 |
La mère dune personne particulière | 5 | 4 | 5 | 0 | 3 |
La mère en général | 13 | 11 | 5 | 1 | 0 |
Total | 26 | 17 | 17 | 11 | 4 |
Dans ce contexte, on observe que Jean est celui qui fait le plus référence à la mère de Jésus dans tous les évangiles. Cest dautant plus surprenant quil na pas de récit denfance comme chez Matthieu et Luc où la mère de Jésus est omniprésente. Ces références chez Jean apparaissent dabord aux noces de Cana (4 fois), au début du ministère de Jésus, et en croix (4 fois), à la fin de son ministère, formant ainsi une grande inclusion. La seule autre référence à la mère de Jésus se trouve dans la bouche des Juifs qui disaient: "Celui-là nest-il pas Jésus, le fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère? (6, 42). Enfin, la seule référence à la mère en général est dans la bouche de Nicodème qui se demande comment entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître (3, 4). Que conclure? Jean fait jouer un rôle fondamental à la mère de Jésus et lui fait exécuter son rôle tel quexplicité en croix, celui dêtre la mère des croyants. Il faut en tenir compte dans linterprétation des noces de Cana.
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diakonois (serviteurs) |
Contrairement à ce quon peut penser, le mot diakonos (serviteur, ministre, diacre) est peu fréquent dans les évangiles (Mt = 3; Mc = 2; Lc = 0; Jn = 3). Il en est de même de son frère jumeau, le verbe diakoneō (servir, être serviteur, être diacre), qui nest guère plus fréquent (Mt = 6; Mc = 5; Lc = 8; Jn = 3). Quand on regroupe ces deux mots, on note quils servent à désigner trois situations différentes : 1) être sous lautorité de quelquun dont on accomplit les demandes ( celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur); 2) accomplir le service des tables ( Prépare-moi de quoi dîner, ceins-toi pour me servir); 3) subvenir aux besoins de quelquun ( Jeanne..., Suzanne et plusieurs autres, qui les servaient de leurs biens). Voici une grille selon les évangiles.
| Mt | Mc | Lc | Jn |
Être sous lautorité de quelquun | 4 | 4 | 1 | 3 |
Servir aux tables | 1 | 0 | 5 | 3 |
Pourvoir aux besoins de quelquun | 4 | 3 | 2 | 0 |
Total | 9 | 6 | 8 | 6 |
Dans ce contexte, le quatrième évangile présente certaines caractéristiques intéressantes. Notons dabord sa parenté avec Luc : tout comme ce dernier, le service des tables occupe une certaine place (à part eux, seul Matthieu le mentionne, mais dans le contexte dune parabole), et chez les deux évangélistes Marthe est lun des sujets de cette action. Le service des tables apparaît aux noces de Cana, au début du ministère de Jésus, et lors du repas chez Marthe et Marie (ch. 12), avec Lazare, peu de temps avant son dernier repas (ch. 13) et sa mort. La symbolique du repas apparaît donc à des moments stratégiques, encadrant son ministère. Nous avons ici une forme dinclusion. Et à chaque fois quon parle de repas, on parle de service, incluant le denier repas où Jésus se met à laver les pieds de ses disciples, invitant ses disciples à être serviteur (doulos, un synonyme de diakonos). Voilà le paradoxe : le repas évoque la fête et la joie, mais en même temps le service.
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ho ti an legē hymin poiēsate (ce quoi quil dise éventuellement à vous, faites) |
La première observation à faire concerne le rapprochement de cette expression avec un passage de la Genèse concernant lhistoire de Joseph. Rappelons-nous du récit. Le Pharaon a fait un rêve que Joseph interprètera comme sept années dabondance qui sannoncent et qui seront suivies de sept années de disette, et qui lui donne loccasion de linviter à faire des réserves pour éviter la catastrophe. Joseph sera perçu comme un homme sage et mis à la tête du pays pour assister le Pharaon (voir Genèse 41, 1-57). Quand la famine sévit dans le pays, le Pharaon dit : Allez à Joseph, et faites ce quil vous dira ( ho ean eipē hymin, poiēsate). Cette expression-ci est presquidentique à celle de Jean : ho (le pronom démonstratif « ce »); ean ou an expriment la même idée dune réalité conditionnelle (quoi que ce soit), eipē ou legē sont deux déclinaisons du même verbe verbe legō (dire), lun à laoriste du subjonctif, lautre à lindicatif du subjonctif; hymin (pronom personnel « à vous »); poiēsate (le verbe « faire » à limpératif aoriste, « faites »).
Jean ferait donc un rapprochement entre Joseph, lenvoyé providentiel de Yahvé en Égypte, pour répondre au problème de pénurie de nourriture, et Jésus, lenvoyé du Père, pour répondre au problème de pénurie de vin, qui est fondamentalement labsence de ces noces entre Dieu et son peuple.
Mais il est important de faire une autre observation. Qui prononce cette parole et invite à écouter Jésus, peu importe ce quil dise? La mère de Jésus que nous avons défini comme la mère des croyants. Or, Jésus vient de lui dire que son heure nest pas encore venue. Ny a-t-il pas quelque chose dillogique dagir comme sil navait rien dit? Nous avons ici un procédé typiquement johannique. Mettons en parallèle trois scènes.
| Noces de Cana | Guérison du fils du centurion | La ressuscitation de Lazare |
Situation problématique | Il ny a plus de vin | Le fils du centurion est malade à Capharnaüm | Lazare de Béthanie est malade |
Jésus semble refuser dagir | Mon heure nest pas encore venue | Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croirez pas! | Cette maladie ne mène pas à la mort |
Insistance du requérant qui exprime ainsi sa foi | Quoi quil vous dise, faites-le | Seigneur, descends avant que ne meure mon petit enfant | Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde |
Le refus apparent de Jésus semble mettre en valeur la foi du requérant. Mais il y a plus. Ce refus exprime un aspect de la théologie du quatrième évangile : la suprême liberté de Jésus. Personne ne peut le forcer à faire quoi que ce soit, personne ne peut même larrêter et le tuer. Cest toujours Jésus qui prend linitiative dagir, incluant celle de donner sa vie. Cest ce quon appelle la « théologie haute » de Jean, où le Jésus terrestre porte déjà les traits du ressuscité.
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v. 6 Il y avait là six jarres en pierre qui avaient été placées pour la purification des Juifs et qui contenaient chacune deux ou trois mesures de quarante litres.
Littéralement : Étaient là de pierre (lithinai) des jarres (hydriai) six (hex) en vue de la purification (katharismon) des Juifs (Ioudaiōn) placées, contenant (chōrousai) chacune des mesures de capacité liquide (metrētas) deux ou trois.
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lithinai (pierre) |
Avec lithinos (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 1) nous sommes devant un vocabulaire que seul Jean présente dans tous les évangiles. Ce sont des mots rares, car seul lithinos se retrouve ailleurs dans tout le Nouveau Testament, une fois chez Paul (2 Corinthiens 3, 3) pour opposer tables de pierre et table de chair, et une fois dans lApocalypse pour décrire le matériau des idoles (Apocalypse 9, 20). Quant à hydria, à part des deux utilisations dans les noces de Cana, il apparaît seulement dans tout le Nouveau Testament dans le récit de la Samaritaine (4, 28) quand celle-ci laisse sa jarre ou cruche pour courir en ville raconter sa rencontre avec Jésus. De manière claire, nous ne sommes pas devant le vocabulaire habituel de lévangéliste. Il ne faut pas se surprendre que M.E. Boismard (Synopse des quatre évangiles, T. III - Lévangile de Jean) attribue ces deux mots à la source (Document C) quutilise lévangéliste.
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hydriai (jarres) |
De même, hydria (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 3) apparaît seulement chez Jean dans tous les évangiles. Quand on se tourne vers la Septante, cette traduction grecque de lAncien Testament, on sera surpris dapprendre que le mot hydria nest pas si fréquent. Il y a dabord cette scène autour dun puits où Rebecca acceptera de verser sa cruche pour faire boire le serviteur dAbraham venu chercher une épouse pour son fils Isaac, et qui prendra linitiative de verser également de leau pour ses chameaux, signe que cest la femme choisie par Yahvé (Genèse 24). Mais il y a surtout le récit de la pauvre veuve de Sarepta (1 Rois 17) à qui le prophète Élie demande de lui préparer un morceau de pain, et à qui la femme répond quelle na quune poignée de farine dans une jarre et quun peu dhuile dans une fiole, quelle consommera avant de mourir avec son fils. La femme préparera néanmoins du pain pour le prophète, car celui-ci lui avait promis au nom de Yahvé : Jarre (hydria) de farine ne sépuisera, cruche dhuile ne se videra, jusquau jour où Yahvé enverra la pluie sur la face de la terre. Et la parole de Dieu sest réalisée, la jarre de farine ne sest pas épuisée, et la cruche dhuile ne sest pas vidée. Ce récit a marqué limaginaire des premiers chrétiens qui ont vu à travers Élie la figure de Jésus, ce qui a coloré beaucoup de leur catéchèse.
Le récit des noces de Cana en porte des traces : on ne parle pas de jarre de farine qui ne sépuise pas ou de cruche dhuile qui ne se vide pas, mais deau qui devient un excellent vin. Dailleurs, même lexpression rencontrée plutôt dans la bouche de Jésus : « Quy-a-il à toi et à moi? », se retrouve également dans notre récit dans la bouche de la veuve qui sadresse à Élie : « Quy a-t-il entre moi et toi (Ti emoi kai soi) » (1 Rois 17, 18).
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hex (six) |
Pourquoi lévangéliste se donne-t-il la peine de mentionner quil y avait six jarres? Car il aurait pu simplement dire : « il y avait là des jarres de pierre ». Sil prend la peine de spécifier quil y en avait six, cest quil est fort probable quil entend leur donner une portée symbolique. Symbole de quoi? À part des passages où on balise le temps avec « six jours plus tard », ou « six jours avant Pâque », on a peu dindice de sa valeur symbolique (Mt = 1; Mc = 1; Lc = 2; Jn = 3). Par contre, nous savons que le chiffre sept symbolisait la plénitude ou la totalité dans le monde juif. Quand Matthieu met dans la bouche de Pierre sil doit pardonner jusquà sept fois, il entend exprimer ce que doit être la plénitude du pardon (Mt 18, 21). De même, la durée de la semaine était de sept jours, car selon la Genèse, Dieu a travaillé pendant six jours, et le septième jour il se reposa, si bien que les Juifs travailleront six jours et le septième jour ils se reposeront et fêteront (Gn 2, 1-2). La même logique a été transposée dans le cycle agricole où on cultivera pendant six ans, et la septième année on laissera la terre en jachère (Exode 23, 11). Et cette septième année était aussi une année de grâce où les esclaves étaient libérées de leurs obligations (Exode 21, 2; voir Luc 4, 19 où Jésus fait référence au passage dIsaïe sur une année de grâce et quil identifie à son ministère). Bref, on peu conclure que le chiffre six appartient à limperfection, en attente de lachèvement quapportera le chiffre sept.
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katharismon (purification) |
Le mot katharismos apparait peu souvent dans les évangiles (Mt = 0; Mc = 1; Lc = 2; Jn = 2). Deux autres mots pointent vers la même réalité, katharizō (purifier, nettoyer : Mt = 7; Mc = 4; Lc = 7; Jn = 0) et katharos (pur sans tache : Mt = 3; Mc = 0; Lc = 1; Jn = 4). Les trois mots désignent une pratique bien connue dans lantiquité, et que la Bible nous a fait bien connaître : le monde profane et le monde sacré représentent deux mondes bien différents, et on ne peut passer de lun à lautre sans un certain rituel qui permet de laisser derrière soi le monde profane, par exemple le rituel des ablutions deau ou de limmersion dans leau par laquelle on devient pur et digne du monde sacré. Pour comprendre de quoi il sagit, il faut se référer à ce passage de Marc 7, 1-4 :
Les Pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se rassemblent auprès de lui, et voyant quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, cest-à-dire non lavées -- les Pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne mangent pas sans sêtre lavé les bras jusquau coude, conformément à la tradition des anciens, et ils ne mangent pas au retour de la place publique avant de sêtre aspergés deau, et il y a beaucoup dautres pratiques quils observent par tradition: lavages de coupes, de cruches et de plats dairain
Dans les évangiles, on mentionne en plus un certain nombre de situations qui exigeaient un rite particulier de purification, comme celles qui faisaient suite à une guérison de la lèpre (Mc 1, 40-44) ou à une naissance (Lc 2, 22). Bref, la présence deau simposait dans un lieu où on offrait une réception et où on mangeait, comme lors de ces noces à Cana : les convives devaient se laver les mains et les bras avant de prendre part au repas.
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Ioudaiōn (Juifs) |
Mais pourquoi lévangéliste insiste-t-il pour dire que ces jarres servaient à la purification des Juifs? Car il aurait pu mentionner les jarres sans préciser à quoi ils servaient. Il faut savoir que dans le quatrième évangile le mot « Juif » (Ioudaios : Mt = 13; Mc = 10; Lc = 14; Jn = 77) a une connotation négative, car il désigne ladversaire, ceux qui sopposent à Jésus. Dès lors, il faut interpréter lallusion à la purification des Juifs à travers le rite des ablutions rituelles dans un contexte polémique : comme Jésus annoncera à la Samaritaine le remplacement du temple du mont Garizim et celui de Jérusalem par sa propre personne, de même il faut sattendre à ce que Jésus remplace cette purification deau par autre chose. De fait, Jésus dira lors de son dernier repas : « Déjà vous êtes purs (katharos) grâce à la parole que je vous ai fait entendre » (Jean 15, 3).
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Textes l'adjectif ioudaios dans les évangiles-Actes |
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chōrousai (contenant) |
Le mot chōreō (accueillir, recevoir, faire place à, contenir : Mt = 4; Mc = 1; Lc = 0; Jn = 3) est peu fréquent et somme toute banal qui sapplique à deux occasions à la parole orale (ma parole na pas sa place (chōreō) en vous, Jn 8, 37), ou écrite (si on mettait par écrit les choses qua faites Jésus... le monde lui-même ne suffirait pas à contenir (chōreō) les livres, Jn 21, 25). Dans ce contexte, parler de jarres qui accueillent (chōreō) leau avec le même verbe utilisé pour désigner laccueil de la parole pourrait apparaître un jeu de mot intéressant, mais ce serait probablement voir des choses qui ont échappé à lauteur lui-même.
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metrētas (mesures de capacité liquide) |
Le mot metrētēs (mesure) est unique dans tout le Nouveau Testament (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 1). Cest une unité de mesure liquide, correspondant vraisemblablement au bath juif, soit un peu plus de 39 litres. Alors on imagine la capacité des six jarres : soit plus de 468 litres (6 jarres X 2 mesures de 39 litres), ou léquivalent de plus de 624 bouteilles de 750 ml., soit plus de 702 litres (6 jarres X 3 mesures de 39 litres), ou léquivalent de plus de 936 bouteilles de 750 ml. De telles quantités apparaissent un peu invraisemblables dans le contexte dun petit village. Mais elles entendent souligner la surabondance de ce que vient apporter Jésus.
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v. 7 Jésus leur dit : « Remplissez les jarres deau ». Et ils les remplirent jusquau bord.
Littéralement : Dit à eux le Jésus: « Remplissez (gemisate) les jarres deau ». Et ils remplirent elles jusquen haut (anō).
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gemisate (remplissez) |
Le mot grec gemizō est très rare non seulement dans les évangiles (Mt = 0; Mc = 2; Lc = 1; Jn = 3), mais également dans tout le Nouveau Testament (il apparaît seulement dans lApocalypse avec lange qui remplit une pelle de feu et le temple qui se remplit de fumée; voir 8, 5 et 15, 8). On peut faire la même affirmation pour lAncien Testament. Les évangiles, Luc en particulier, recourent le plus souvent à pimplēmi (remplir, rassasier, être rempli) pour transmettre lidée de remplir ou dêtre rempli (Mt = 2; Mc = 0; Lc = 13; Jn = 0). Gemizō est utilisé deux fois par Marc : la barque qui se remplit deau lors du récit de la tempête apaisée (4, 37) et en croix quand on remplit de vinaigre léponge pour la tendre à Jésus (15, 36); et une fois par Luc dans une parabole où le maître, déçu de voir que les gens nont pas répondu à son invitation à un banquet, force les gens à entrer pour que la maison soit remplie (14, 23). Chez Jean, le mot apparaît deux fois dans notre verset et lors de la scène où Jésus nourrit une grande foule, quand on ramasse les pains dorge qui restaient et quon en remplit douze couffins (6, 13). Que conclure? Tout dabord, il faut constater quil ny pas de parenté entre Jean et les synoptiques autour des récits auquel ce vocabulaire appartient, et que chez Jean lui-même, nous ne sommes pas devant un mot familier. Néanmoins, on doit reconnaître que le mot se retrouve dans deux récits dits de miracle, lun avec le vin, lautre avec le pain. Peut-être appartient-il à deux récits anciens du même milieu quaurait réutilisé lévangéliste.
On aura sans doute noté que laction de Jésus intervient après avoir refusé en apparence dagir. Plus tôt, nous avons noté que nous sommes devant un procédé typique de Jean, en particulier dans les récits de miracle, où il entend exprimer par là la suprême liberté de Jésus qui refuse dagir sous la pression : il ne fait que ce que lui demande son Père. En dehors des récits de miracle, on retrouve aussi le même procédé dans cette scène en Galilée où les frères de Jésus lui demandent de venir avec eux à Jérusalem pour la fête des Tentes (7, 1-10). Dressons un parallèle.
| Jn 2 | Jn 7 |
Situation | 1 Et le troisième jour il y eut des noces à Cana de Galilée... 3 Alors quon manquait de vin, | 1 Après cela, Jésus parcourait la Galilée; il navait pas pouvoir de circuler en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le tuer 2 Or la fête juive des Tentes était proche. |
Demande dun proche | la mère sadresse à Jésus pour lui dire : « Ils nont plus de vin ». | 3 Ses frères lui dirent donc: "Passe dici en Judée, que tes disciples aussi voient les oeuvres que tu fais: 4 on nagit pas en secret, quand on veut être en vue. Puisque tu fais ces choses-là, manifeste-toi au monde." 5 Pas même ses frères en effet ne croyaient en lui. |
Refus de Jésus | 4 Mais Jésus lui répondit : « Madame, pourquoi me dites-vous cela? Mon heure nest pas encore venue » | 6 Jésus leur dit alors: "Mon temps nest pas encore venu, tandis que le vôtre est toujours prêt... 8 Vous, montez à la fête; moi, je ne monte pas à cette fête, parce que mon temps nest pas encore accompli." 9 Cela dit, il resta en Galilée |
Action après coup de Jésus | 7 Jésus leur dit : « Remplissez les jarres deau ». Et ils les remplirent jusquau bord... 9 Lorsque le chef du service goûta leau devenue du vin... | 10 Mais quand ses frères furent montés à la fête, alors il monta lui aussi, pas au grand jour, mais en secret. |
Ce parallèle permet un certain nombre dobservations.
- Nous sommes dans les deux cas devant un événement public
- Dans les deux cas ce sont des proches qui font une demande à Jésus
- La demande concerne une intervention où Jésus doit manifester une capacité hors de lordinaire, une manifestation de son être exceptionnel
- Cependant les requérants divergent en ce que la mère de Jésus est le modèle du croyant (elle dit aux garçons de table : « Quoi quil vous dise, faites-le »), tandis que ses frères sont au contraire le modèle de lincroyant (Pas même ses frères en effet ne croyaient en lui)
- Le refus de Jésus puise dans les mêmes motifs : son heure ou son temps nest pas arrivé; ce qui signifie quil ne perçoit pas que cela correspond ce que lui demande maintenant son Père
- Finalement, dans les deux cas, Jésus va agir quand il laura décidé, mais ce sera à sa façon : dune part, sa transformation de leau des urnes est originale, car jamais cela na été demandé par sa mère; dautre part, il se rendra à la fête des Tentes, non pas selon les conditions de ses frères, mais selon ses conditions, i.e. en secret
Tout cela correspond chez Jean à la suprême transcendance de Jésus par rapport à toute volonté humaine, car il naspire quà une chose, faire la volonté de son Père. Mais en faisant cela, il répond néanmoins aux requêtes humaines, mais dune façon différente et plus grandiose encore : dune part, le vin offert sera surabondant et le meilleur qui soit; dautre part, sa manifestation au monde aura une dimension universelle qui atteindra tous les temps.
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anō (haut) |
Le mot anō se traduit littéralement : en haut, vers le haut, mais dans notre verset on le rend par : bord. Cest un mot qui ne se trouve que chez Jean dans les évangiles (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 3), et seulement quelque fois (6) dans le reste du Nouveau Testament pour désigner avant tout « le ciel là-haut ». Même chez Jean, son utilisation pour désigner le haut ou le bord de la jarre est unique, car dans les deux autres cas il est synonyme de ciel : moi, je suis den haut (8, 23); Jésus leva les yeux en haut et dit: "Père" (11, 41). Tout cela renforce ce que nous avons dit plus tôt : le verset 7 ne reflète pas le vocabulaire habituel de Jean, mais plutôt une source quil aurait utilisé.
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v. 8 Puis il leur dit : « Puisez maintenant et apportez au chef du service ». Et ils lui apportèrent.
Littéralement : Et il dit à eux: « Puisez (antlēsate) maintenant (nyn) et portez (pherete) au maître dhôtel (architriklinō) ». Eux alors portèrent.
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antlēsate (puisez) |
Dans la ligne de ce que nous venons de dire au verset précédent, le verbe antleō (puiser) est unique à Jean et napparaît nulle part ailleurs dans tout le Nouveau testament (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 4) : on le voit ici et au verset suivant pour décrire laction de puiser leau devenu du vin, et lors du récit de la Samaritaine où lévangéliste raconte quelle était venue au puits de Jacob pour puiser de leau (4, 7) et que, par la suite, elle demande à Jésus de lui donner de son eau afin quelle nait plus à venir au puits pour puiser de leau (4, 15). Il y a sans aucun doute une parenté entre les deux scènes, car toutes les deux tournent autour de leau que Jésus est capable de transformer pour quelle devienne une source surabondante et inépuisable de joie et de vie (Notons que pour Boismard, la source de Jean quest le Document C contenait également le récit de la Samaritaine).
Étant donné le peu de données que nous offre le Nouveau Testament, on peut se tourner vers lAncien Testament pour approfondir la signification du geste de puiser. De manière surprenante, le mot est très peu fréquent. Mais deux points méritent dêtre soulignés.
- La Bible raconte deux scènes décisives autour dun puits où des femmes viennent puiser de leau : celle où Rebecca puisera de leau pour lenvoyé dIsaac et ses chameaux, signe de Yahvé quelle sera lépouse du fils dAbraham (Genèse 24); celle où Moïse viendra aux secours des filles dun prêtre de Madiân venues au puits pour puiser de leau pour leur troupeau mais attaqués par des bergers, ce qui le conduira au mariage avec lun des filles du prêtre, Cippora (Exode 2, 15-21)
- Étant donné la dimension vitale de laction de puiser de leau, le geste prendra une valeur symbolique : « Voici mon Dieu et mon Sauveur ; je mettrai en lui ma confiance, et je serai sans crainte ; parce que le Seigneur est ma gloire, il est ma louange, il est mon salut. Puisez (antleō) avec joie leau des fontaines du salut » (Isaïe 12, 2-3)
Le cadre de lAncien Testament colore notre scène : le lieu où on vient puiser leau est la source des alliances qui conduisent au mariage, et puiser leau équivaut à puiser aux sources du salut. Nest-ce pas la signification profonde des noces de Cana? Autour de ces jarres où on puise leau que Jésus transforme avec sa personne, samorce une alliance qui sera une source de vie éternelle, selon les mots de lévangéliste.
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nyn (maintenant) |
Voici un adverbe courant qui peut sembler banal, mais qui ne lest pas dans le contexte du quatrième évangile (Mt = 4; Mc = 3; Lc = 13; Jn = 29). Sur le simple plan statistique, on note combien il surpasse tous les autres par lusage quil en fait. Pourquoi? Pour lui, même sil nous parle dun Jésus historique qui annonce le Royaume de son Père, ce Royaume est déjà présent, maintenant : ce qui, pour les autres évangélistes, est un futur, est pour lui déjà réalisé en partie. Regardons brièvement son emploi du mot « maintenant » quon peut regrouper en quatre grandes catégories.
- Le maintenant de la croix, quil appelle parfois « son heure », terme de sa mission, quil présente comme une glorification (13, 31), même si son âme est troublée (12, 27), car elle signifie le retour vers on Père (17, 5), vers celui qui la envoyé (16, 5); et cette mort entraîne une réalité nouvelle :
- maintenant, les véritables adorateurs adoreront le Père dans lesprit et la vérité (4, 23)
- maintenant, les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lauront entendue vivront (5, 25)
- maintenant, le Prince de ce monde va être jeté dehors (12, 31)
- maintenant, le monde reconnaîtra quil vient vraiment de Dieu (17, 7)
- maintenant, le monde fera lexpérience de la joie complète qui lhabite (17, 13)
- Le maintenant dune situation nouvelle, car la présence même et la mission de Jésus a introduit un jugement qui comporte deux aspects :
Un aspect positif pour certains :
- maintenant, la femme adultère est pardonnée et est appelée à ne plus pécher (8, 11)
- maintenant, pour les disciples le langage de Jésus est devenu clair (16, 29)
- maintenant, les disciples croient sans avoir besoin de questionner Jésus (16, 30)
- maintenant, Marthe croit que malgré la mort de Lazare la prière de Jésus sera efficace (11, 22)
Un aspect négatif pour dautres
- maintenant, les Juifs cherchent à tuer Jésus, parce quil dit la vérité (8, 40)
- maintenant, les Juifs savent maintenant que Jésus est possédé dun démon (8, 52)
- maintenant, les Juifs demeurent désormais dans leur péché car ils prétendent voir (9, 41)
- maintenant, les Juifs cherchent maintenant à le lapider (11, 8)
- maintenant, les Juifs nont maintenant plus dexcuse à leur péché, car Jésus leur a parlé (15, 22)
- maintenant que les Juifs ont vu les oeuvre de Jésus, ils haïssent Jésus et son Père (15, 24)
- maintenant, Pilate fait fausse route en simaginant que Jésus est roi dun royaume terrestre, car son royaume nest pas de ce monde (18, 36)
- Le maintenant de lÉglise où Simon-Pierre nest pas en mesure de suivre Jésus tout de suite (13, 36), mais seulement plus tard; où les disciples ont su davance le sort de Jésus, ce qui leur permet de croire à sa parole (14, 29); où ils vivent dans la tristesse labsence de Jésus, mais pourront vivre de nouveau la joie indicible de sa présence (16, 22).
- Le maintenant de linstant présent dans la séquence historique
- maintenant, le compagnon actuel de la Samaritaine nest pas son mari (4, 18)
- maintenant, comment quelquun bien connu comme fils de Joseph peut-il dire maintenant quil est descendu du ciel? (6, 42)
- maintenant, comment quelquun qui était aveugle peut-il voir maintenant? (9, 21)
- maintenant, Jésus demande dapporter à linstant présent les poissons de la pêche (21, 10)
Après cette analyse du mot « maintenant », revenons à notre verset et demandons-nous : dans quelle catégorie situer le « maintenant » dans la parole de Jésus : « Puisez maintenant ». Bien sûr, après avoir demandé plus tôt de remplir les jarres, le mot « maintenant » a tout son sens pour décrire la suite logique dune action. Mais sachant tous les registres sur lequel joue lévangéliste avec ce mot, on pourrait tout aussi bien le mettre dans la catégorie de la situation nouvelle quil a introduite par sa présence et sa mission : maintenant, désormais, on peut puiser à cette eau devenue du vin, qui est fondamentalement sa parole. Noublions pas, cest le début de son ministère, le premier des signes quil nous donnera.
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Les textes sur l'adverbe nyn au sens chronologique chez Jean |
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pherete (portez) |
Le verbe pherō (porter, supporter, apporter, emporter, entraîner) est dusage courant surtout chez Marc et Jean (Mt = 2; Mc = 15; Lc = 4; Jn = 17). Dans le 4e évangile, le verbe est utilisé à toutes les sauces : apporter à manger ou apporter quelque chose (4, 33; 19, 39; 21, 10), porter du fruit (12, 24; 15, 2.4.5.8.16), porter une accusation (18, 29), porter son doigt et porter sa main dans les plaies de Jésus (20, 27), mener quelquun (21, 10). Bref, il y a peu de choses à dire sur ce terme, sinon qu'il appartient au vocabulaire de Jean.
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architriklinō (maître dhôtel) |
Le nom architriklinos (maître dhôtel, ordonnateur de repas) napparaît dans toute la Bible que dans les noces de Cana (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 3). Il est formé de la contraction de trois mots : archōn (chef), tri-klinos ( trois lits/divans). Cétait donc un surintendant qui veillait aux convives qui mangeaient couchés. La présence dun maître dhôtel ou dun chef de service laisse entendre quil sagissait dun grand banquet avec la présence dun certain nombre de convives.
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v. 9 Lorsque le chef du service goûta leau devenue du vin, - il nen savait pas la provenance, les serviteurs, eux qui avaient puisé leau, savaient il appelle le jeune marié
Littéralement : Puis comme (hōs de) goûta (egeusato) le maître dhôtel leau vin devenue (to hydōr oinon gegenēmenon) et il navait pas su (ēdei) doù (pothen) il est, les serviteurs avaient su, eux ayant puisé leau, appelle le jeune époux (nymphion) le maître dhôtel
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hōs de (puis comme) |
Lexpression hōs de (hōs = comme, lorsque, pendant que; de = puis, or) est peu fréquente dans les évangiles (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 1; Jn = 3). Ailleurs chez Jean, on la retrouve en 6, 12 dans la scène où Jésus rassasie un grand foule (Quand ils furent repus...) et en 8, 7 dans la scène de la femme adultère (Comme ils persistaient à linterroger...). Encore une fois, comme on lavait remarqué avec le verbe « remplir », on note la parenté entre les noces de Cana et le récit de la multiplication des pains, comme si une même main est la source des deux récits. Un autre point vaut la peine dêtre noté : lexpression hōs de est à peu près absent du Nouveau Testament, avons-nous dit, sauf quon la retrouve sous la plume de Luc (Lc =1; Actes = 15). Dans le monde de la critique des sources, on reconnaît lindépendance de Jean par rapport aux Synoptiques, mais il est clair que, non seulement Jean et Luc ont eu en main des sources semblables (par exemple, la pêche miraculeuse, Lc 5 et Jn 21), mais semblent avoir partagé un cadre culturel qui explique parfois une parenté de vocabulaire (comme hōs de ou comme celui de la scène de la femme adultère en Jn 8).
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egeusato (il goûta) |
Geuomai (goûter) est un verbe générique peu fréquent dans les évangiles (Mt = 2; Mc = 1; Lc = 2; Jn = 2). Il y a seulement deux seuls cas où il sagit de goûter un liquide, ici et en Matthieu 27, 34 quand Jésus en croix ne veut pas goûter au fiel quon lui donne. Autrement, il a le sens de « faire lexpérience de », comme dans lexpression « ne goûteront pas la mort » (Mt 16, 28; Mc 9, 1; 9, 27; Jn 8, 52). Seul Luc se détache du groupe avec geuomai qui est synonyme de « manger » : Lc 14, 24; Actes 10, 10; 20, 11; 23, 14).
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to hydōr oinon gegenēmenon (leau vin devenue) |
On notera quil ny a aucune description sur la façon dont la transformation de leau en vin sest produite. On dit simplement que lorsque le maître dhôtel goûta à leau, cétait maintenant du vin.
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et il navait pas su (ēdei) doù (pothen) il est, les serviteurs avaient su, eux ayant puisé leau |
Ce bout de phrase apparaît assez clairement comme une incise ou un ajout après coup, qui récapitule ce quon sait déjà et najoute rien au récit. On pourrait dailleurs le supprimer sans briser le rythme du récit : Et comme goûta le maître dhôtel leau vin devenue (...) appelle le jeune époux le maître dhôtel. De plus, le vocabulaire de lincise est clairement johannique, en commençant par oida (connaître : Mt = 26; Mc = 21; Lc = 26; Jn = 83), puis avec pothen (doù, de quel lieu, de quelle origine, comment : Mt = 5; Mc = 3; Lc = 4; Jn = 13). Il vaut la peine de noter deux scènes chez Jean où pothen fait écho à ce que nous avons ici : (Samaritaine) Doù (pothen) las-tu donc, leau vive? (4, 11); "Où (pothen) achèterons-nous des pains pour que mangent ces gens?" (6, 5). Ainsi, quil sagisse du vin, de leau ou du pain offert par Jésus, la même question est posée : doù cela vient-il?
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nymphion (jeune époux) |
Le nom nymphios (nouveau mari, jeune époux) ne semble pas significatif à première vue (Mt = 6; Mc = 3; Lc = 2; Jn = 4), mais quand on parcourt les évangiles, on se rend compte de ceci : si on fait pour linstant abstraction des noces de Cana, lépoux fait toujours référence à Jésus, sauf dans la parabole de Matthieu (25, 1-10); en fait, Matthieu et Luc se contentent de reprendre Marc lorsquil écrit : « Jésus leur dit: "Les compagnons de lépoux peuvent-ils jeûner pendant que lépoux (nymphios) est avec eux? Tant quils ont lépoux (nymphios) avec eux, ils ne peuvent pas jeûner. Mais viendront des jours où lépoux (nymphios) leur sera enlevé; et alors ils jeûneront en ce jour-là » (Marc 2, 19-20). Quant à Jean, il a cette phrase dans la bouche de Jean Baptiste : « Qui a lépouse est lépoux; mais lami de lépoux qui se tient là et qui lentend, est ravi de joie à la voix de lépoux. Telle est ma joie, et elle est complète » (3, 29). De manière évidente, lépoux est Jésus. Sur le plan symbolique, Jésus est clairement lépoux, celui qui a réservé le meilleur vin pour maintenant.
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v. 10 et lui dit : « Tout homme sert dabord le meilleur vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as attendu jusquà maintenant pour servir le meilleur ».
Littéralement : et dit à lui: « Tout homme (anthrōpos) le premier (prōton) le bon (kalon) vin propose (tithēsin), et quand ils se sont enivrés (methysthōsin) le moindre (elassō). Toi, tu as gardé (tetērēkas) le bon vin jusquà cette heure (arti) ».
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anthrōpos (homme) |
Quand on examine lutilisation que fait Jean de anthrōpos (homme : Mt = 115; Mc = 56; Lc = 95; Jn = 59), on note quil ne se distingue pas vraiment des autres évangélistes et quon peut grouper les mentions du mot en trois grandes catégories :
- (32 fois) Homme au sens de cet homme en particulier, ce mâle quon peut désigner : cet homme qui était infirme, Nicodème, laveugle, Jésus, etc.
- (14 fois) Homme dans lexpression : Fils de lhomme, et qui ne sadresse quà Jésus et fait référence à cette figure mystérieuse dont parle le prophète Daniel
- (13 fois) Homme qui désigne lhumanité en général, le monde, qui est différent de Dieu et parfois sy oppose.
Au v. 10, « tout homme » ne fait référence à aucun être en particulier, mais à lêtre humain en général et sa manière habituelle dagir.
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prōton (premier) |
Prōton (premier, qui est avant, dabord, tout dabord : Mt = 9; Mc = 7; Lc = 10; Jn = 8) a chez Jean le sens assez général de « dabord ». Il permet de décrire ce qui est préalable dans une séquence dévénements ou détapes, ou ce qui a été premier dans une série dévénements : après sa rencontre avec Jésus, André va dabord voir son frère Pierre (1, 41); avant de condamner quelquun, il faut dabord lentendre (7, 51); Jean a dabord baptisé sur la rive gauche du Jourdain (10, 40); les disciples nont pas dabord compris les paroles de Jésus, mais lont compris après sa résurrection (12, 16); le monde a dabord haï Jésus avant dhaïr les disciples (15, 18); Jésus a dabord comparu devant Anne, avant de comparaître devant Pilate (18, 13); Nicodème avait auparavant rencontré Jésus avant dêtre présent lors de son embaumement (19, 29). Ainsi, comprend-on quen général on sert dabord le meilleur vin lors dun repas.
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kalon (bon) |
Kalos (beau, bon : Mt = 25; Mc = 17; Lc = 13; Jn = 11) apparaît chez Jean dans deux contextes différents : soit pour désigner une chose ou une personne qui est bonne (2, 10 : vin; 10, 11.14 : berger; 10, 32-33 : oeuvres), soit dans lexpression « bien parler » (4, 17; 8, 48; 13, 13; 18, 23). Ainsi, dans le récit des noces de Cana le vin entre dans la même catégorie que le bon pasteur qui décrit Jésus et que les bonnes oeuvres quil fait. Notons en passant que lexpression « bien parler » (kalos legō) est une expression unique que Jean partage avec Luc (voir Lc 6, 26; Lc 20, 39), un autre indice que les deux évangélistes appartiennent à un univers culturel semblable.
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tithēsin (il propose) |
Tithēmi (mettre, placer, poser, déposer, présenter, proposer : Mt = 5; Mc = 11; Lc = 15; Jn = 18) est un mot quutilise assez fréquemment le 4e évangile. On peut regrouper les différents sens quil revêt en quatre catégories :
- Donner / remettre sa vie (8 fois) : par exemple, je donne (tithēmi) ma vie pour mes brebis (voir 10, 11.15, 17-18; 13, 37-38; 15, 13)
- Déposer / mettre un corps dans un endroit (6 fois) : par exemple, un tombeau neuf, dans lequel personne navait encore été mis (tithēmi) (voir 11, 34; 19, 41-42; 20, 2.13.15)
- Poser / placer quelque chose ou une personne quelque part (2 fois) : par exemple, Pilate rédigea aussi un écriteau et le fit placer (tithēmi) sur la croix (voir 15, 16; 19, 19)
- Offrir / laisser aller quelque chose (2 fois) : par exemple, Jésus se lève de table, se débarasse de (tithēmi) ses vêtements, et prenant un linge, il sen ceignit (2, 10; 13, 4)
Dans notre scène à Cana, tithēmi entre dans cette quatrième catégorie : offrir, laisser aller son meilleur vin. Cest lidée quon possède quelque chose, et quensuite on loffre ou on le laisser aller. Lors de son dernier repas, pour laver les pieds de ses disciples, Jésus doit se départir de quelque chose, ses vêtements (13, 4).
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Textes avec le verbe tithēmi dans les évangiles-Actes |
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methysthōsin (ils se sont enivrés) |
Methyskō (sennivrer, être ivre : Mt = 0; Mc = 0; Lc = 1; Jn = 1) est un mot très rare non seulement dans les évangiles (ici et en Lc 12, 45), mais également dans le Nouveau Testament (1 Thess 5, 7; Eph 5, 18; Ap 17, 2). Dans le Nouveau Testament, le fait de senivrer a une connotation morale négative : dans la parabole de Luc (12, 45), le fait de senivrer est lattitude du serviteur infidèle; Paul invite les chrétiens à ne pas senivrer (Éphésiens 5, 18), car les ivrognes nhériteront pas du royaume de Dieu (1 Corinthiens 6, 10). Par contre, le portrait qui nous vient de lAncien Testament est beaucoup plus nuancé. En fait, on peut regrouper les passages de la Septante avec methyskō dans trois catégories.
- Une vision négative de livresse : senivrer conduite à des attitudes dégradantes, comme Noé qui se dénude à lintérieur de sa tente (Gn 9, 21; voir aussi 1 Samuel 1, 14; Habaquq 2, 15)
- On trouve par contre des passages où senivrer semble normal et bien vu, par exemple dans cette scène où Joseph reçoit sa famille en Égypte, les comble de nourriture et de vin, si bien que celle-ci senivre (Gn 43, 34; voir aussi Cantique 5, 1 qui invite les amis à boire et à senivrer)
- Enfin, et cest la majorité des cas, on utilise le mot au sens symbolique pour dire : abreuver, combler, rassasier, être endormi ou subjugué, par exemple la pluie et la neige viennent abreuver (methyskō) la terre (Isaïe 55, 10), ou encore le glaive du Seigneur senivre (methyskō) du sang de ses ennemis (Jérémie 26, 10), ou encore Babylone dans la main du Seigneur était une coupe dor qui enivrait (methyskō) toute la terre ; les nations ont bu de son vin, cest pourquoi elles ont été ébranlées (Jérémie 28, 7)
Aux noces de Cana, on ne porte pas de jugement moral sur le fait que les invités sont ivres, mais on reconnaît simplement le fait que cest un phénomène habituel dont il faut tenir compte dans le choix du vin offert.
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elassō (le moindre) |
Elassōn (plus petit, moindre : Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 1), le comparatif de « petit » est unique dans les évangiles et exceptionnel dans tout le Nouveau Testament. Le sens de petit varie selon lobjet de comparaison. Par exemple, pour parler de Jacob, le cadet, qui a eu préséance sur laîné Ésaü, Paul écrit : le plus grand servira le plus petit (elassōn : Romains 9, 12), ce que les bibles traduisent par « Laîné servira le cadet ». Dans notre scène à Cana, le mot désigne un vin de moindre qualité.
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tetērēkas (tu as gardé) |
Tēreō (veiller sur qqn, garder, conserver, observer, accomplir : Mt = 5; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 17) est un mot qui appartient dune manière particulière à Jean. Sur les 17 utilisations chez lui, 14 fois le mot signifie garder la parole ou les commandements de Jésus, par exemple : « Si quelquun maime, il gardera (tēreō) ma parole, et mon Père laimera » (14, 23), une fois il signifie garder les lois juives (i.e. garder le sabbat, 9, 16), et une fois il signifie conserver un objet (quand Jésus dit que Marie a gardé ce parfum pour sa sépulture, 12, 7). Posons la question : quelle est la signification de « garder » dans notre récit? Bien sûr, la première réaction est de ranger ce mot avec le parfum de Marie qui la gardé pour la sépulture de Jésus. Mais sachant que le style de Jean est dutiliser des mots ordinaires pour désigner des choses à un deuxième niveau, il ny a pas de doute que le mot « garder » est à ranger avec la majorité des ses affirmations sur limportance de garder la parole de Jésus. En ce sens, le vin désigne la parole même de Jésus quon a attendu jusquà ce jour pour lentendre.
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arti (cette heure) |
Arti (justement, précisément, à linstant, maintenant, à cette heure, aujourdhui : Mt = 7; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 12) présentent le même pattern que tēreō, alors quil appartient dune manière particulière à Jean, et utilisé par ailleurs seulement par Matthieu dans les évangiles. Pour mieux saisir sa signification, on peut regrouper sa présence dans le 4e évangile en trois catégories.
- Il sagit du présent de laction de Jésus, par exemple quand il dit : « Mon Père est à loeuvre jusquà présent (arti) et joeuvre moi aussi » (5, 17; voir aussi 14, 7)
- Il sagit du présent du disciple avant la résurrection de Jésus, par exemple quand ce dernier dit : « Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent (arti); par la suite tu comprendras » (13, 7; voir aussi 13, 19.33.37; 16, 12.24.31)
- Et il y a quelques cas rares où il ne sert quà marquer la séquences des événements, par exemple quand laveugle-né dit : « Je ne sais quune chose: jétais aveugle et à présent (arti) jy vois » (9, 25; voir aussi 9, 18)
Comme pour tēreō, on pourrait voir simplement une affirmation de premier niveau, i.e. une référence au temps où on a attendu jusquà maintenant pour offrir le meilleur vin. Mais, sachant que Jean écrit pour être compris à un deuxième niveau, il faut comprendre arti tout comme tēreō comme faisant référence au ministère de la parole de Jésus qui est maintenant à loeuvre.
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v. 11 Tel fut le début des signes quaccomplit Jésus à Cana en Galilée, il rendit ainsi visible la qualité extraordinaire de son être, alors ses disciples crurent en lui.
Littéralement : Tel il fit (epoiēsen) commencement (archēn) des signes (sēmeiōn) le Jésus en Cana de Galilée et il manifesta (ephanerōsen) la gloire (doxan) de lui, et ils crurent (episteusan) en lui les disciples (mathētai) de lui.
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epoiēsen (il fit) |
Poieō (faire, achever, réaliser, exécuter, créer, rendre, accomplir : Mt = 87; Mc = 45; Lc = 88; Jn = 108) est sans doute un verbe très fréquent dans lensemble des évangiles, mais le 4e évangile se détache néanmoins par lampleur de son utilisation, i.e. apparaissant dans plus dun verset à chaque dix versets; il est un verbe tout-usage. Sur le plan statistique, disons quil y a trois sujets du verbe « faire » : Jésus (66 fois), Dieu (4 fois), et différents êtres humains (38 fois). Quand Jésus est le sujet du verbe, on peut grouper ces versets en sept catégories.
- Jean entend très souvent (38 fois) faire référence aux actions extraordinaires de Jésus, appelées signes ou oeuvres ou guérisons (2, 23; 3, 2; 4, 45-46.54; 5, 11.15-16.36, etc.). Par exemple, si je ne fais (poieō) pas les oeuvres de mon Père, ne me croyez pas (10, 37)
- Le mot désigne des actions multiples et variées de Jésus (10 fois), comme se faire un fouet de corde, ou faire de la boue avec de la salive, ou laver les pieds de ses disciples, ou faire des disciples (2, 15.18; 4, 1; 9, 6.11.14.26; 13, 7.15; 18, 35). Par exemple, ayant dit cela, il cracha à terre, fit (poieō) de la boue avec sa salive, enduisit avec cette boue les yeux de laveugle (9, 6).
- Lévangéliste entend parfois exprimer une action générale de Jésus qui est copiée sur celle de Dieu (6 fois). Par exemple, mais il faut que le monde reconnaisse que jaime le Père et que je fais (poieō) comme le Père ma commandé (14, 31; voir aussi 5, 19.30; 8, 28-29).
- Parfois, sous forme daccusation de ses adversaires, Jésus se serait fait autre que ce quil est (5 fois), soit Dieu, soit roi. Par exemple, aussi les Juifs nen cherchaient que davantage à le tuer, puisque, non content de violer le sabbat, il appelait encore Dieu son propre Père, se faisant (poieō) égal à Dieu (5, 18; voir aussi : 8, 53; 10, 33; 19, 7.12).
- Chez Jean, Jésus parle de faire la vérité ou faire le jugement ou faire la volonté de Dieu (4 fois), par exemple : mais celui qui fait (poieō) la vérité vient à la lumière, afin que soit manifesté que ses oeuvres sont faites en Dieu (3, 21; voir 4, 34; 5, 27; 6, 38).
- Jésus parle aussi de faire ce quon lui demandera dans la prière (2 fois), par exemple : Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai (poieō), afin que le Père soit glorifié dans le Fils (14, 13; voir aussi 14, 14).
- Enfin, mentionnons une action que Jésus fera avec son Père : Si quelquun maime, il gardera ma parole, et mon Père laimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons (poieō) une demeure chez lui (14, 23).
Lemploie fréquent de poieō par Jean reflète son style un peu dépouillé, simple, où des mots ordinaires sont utilisés pour décrire des réalités spirituelles profondes. Aux noces de Cana, poieō se trouve dabord dans la bouche de la mère de Jésus (v. 5) pour exprimer sa foi (Quoi quil vous dise, faites-le), et sous la plume de lévangéliste (Tel il fit, v. 11) pour désigner lune des actions extraordinaire de Jésus, appelées signes, ou oeuvres, reflet de laction même de Dieu.
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archēn (commencement) |
Archē (commencement, principe, cause, commandement, autorité : Mt = 4; Mc = 4; Lc = 3; Jn = 8) appartient bien au vocabulaire de Jean. Et il se détache des autres évangélistes non seulement par la fréquence du mot, mais aussi par la signification unique quil lui donne.
- En effet, comme Marc (1, 1) et Luc (1, 2), le commencement désigne le début du ministère de Jésus, par exemple : Jésus savait en effet dès le commencement (archē) qui étaient ceux qui ne croyaient pas et qui était celui qui le livrerait (6, 24; voir aussi 8, 25; 15, 27; 16, 4).
- Comme Marc (10, 6; 13, 19), que reprend Matthieu (19, 4.8; 24, 21), le commencement désigne le début de la création tel que reflété par la Genèse, par exemple : Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. Il était homicide dès le commencement (archē) (8, 44)
- Mais ce quil y a dunique dans le 4e évangile, cest la référence au commencement absolu, à lêtre même de Dieu, fondement de lexistence, avant même la création : Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu (1, 1; voir aussi 1, 2).
Dans la scène de Cana, archē est rattaché à sēmeion (signe), ce qui nous place au début du ministère de Jésus.
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sēmeiōn (signes) |
Sēmeion (signe, indice, marque : Mt = 13; Mc = 7; Lc =11; Jn = 17) est un mot courant dans les évangiles, ainsi que dans lAncien Testament sous le vocable hébreu ʾōt. Commençons par examiner sa présence dans les évangiles synoptiques, avant de mettre en relief sa particularité chez Jean. Il apparaît dans quatre contextes différents qui colorent sa signification.
- En son sens le plus banal, signe renvoie à un geste convenu pour déclencher une action ou à un phénomène qui annonce un événement, un peu léquivalent de signal : Or le traître leur avait donné ce signe (sēmeion) : "Celui à qui je donnerai un baiser, cest lui; arrêtez-le." (Mt 26, 48); cest dans ce sens quil faut interpréter également la demande des disciples dun signe sur le moment où le temple sera détruit (Mc 13, 4; Mt 24, 3; 21, 7)
- Mais de manière la plus fréquente, le mot fait référence à ʾōt de lAncien Testament (voir par exemple Exode 7, 3 : Pour moi, jendurcirai le coeur de Pharaon et je multiplierai mes signes (ʾōt) et mes prodiges dans le pays dÉgypte) et se trouve sur les lèvres des opposants à Jésus qui exigent un signe qui laccréditerai comme envoyé de Dieu; le mot a alors une connotation très négative, car elle dénote le manque de foi de son auditoire, le rejet de son message, et Jésus refuse de sy plier : Gémissant en son esprit, Jésus dit: "Qua cette génération à demander un signe (sēmeion)? En vérité, je vous le dis, il ne sera pas donné de signe à cette génération." (Mc 8, 11-12; voir aussi : Mt 12, 38-29; 16, 1.3-4; Lc 11, 16.29-30; 23, 8). Notons quon trouve également à quelques rares occasions chez Jean cette signification : Jésus lui dit: "Si vous ne voyez des signes et des prodiges, vous ne croirez pas!" (Jn 4, 48; voir aussi 2, 18; 6, 30). Sur le plan statistique, on obtient ceci : Mt = 10; Mc = 4; Lc = 6; Jn = 3.
- Par contre, le mot décrit parfois un phénomène céleste ou une situation ou même la personne même de Jésus qui revêtent une valeur symbolique, exprimant un message adressé aux croyants : alors apparaîtra dans le ciel le signe (sēmeion) du Fils de lhomme (Mt 24, 30); notons que cest surtout chez Luc quon voit cet usage, dabord dans les récits de lenfance (Lc 2, 12 sur le signe dun enfant dans une crèche et Lc 2, 34 sur le signe de contradiction que sera Jésus) et dans scènes apocalyptiques avec de grands signes dans le ciel (Lc 21, 11.25).
- Enfin, il y a cette finale de Marc, ajoutée après coup et qui nest probablement pas de la même main, où signe renvoie aux capacités extraordinaires des chrétiens en mission et révélant à travers leur action loeuvre même de Dieu : Et voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru: en mon nom ils chasseront les démons, ils parleront en langues nouvelles (Mc 16, 17; voir aussi 16, 20).
Avec cet arrière-plan, on comprend loriginalité de Jean lorsquil parle de signe. Tout dabord, les signes désignent les gestes déclat de Jésus, ce que nous appelons : miracles. Mais ce quil y a encore de plus important, cest que, contrairement à la majorité des références dans les récits synoptiques où le mot a une connotation négative, le mot joue ici un rôle positif et que Jean résume ainsi : Jésus a fait sous les yeux de ses disciples encore beaucoup dautres signes (sēmeion), qui ne sont pas écrits dans ce livre. Ceux-là ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour quen croyant vous ayez la vie en son nom (Jn 20, 30-31). Ainsi, le geste de Jésus à Cana (2, 1-11), la guérison du fils de lofficier royal de Capharnaüm (4, 23-54), la guérison du paralytique à la piscine de Bethzatha (5, 1-18), la multiplication des pains (6, 1-15), (même si on peut la ranger dans le groupe des miracles de Jésus, il nest pas clair que la marche sur la mer (6, 16-21) appartienne au groupe des signes), la guérison dun aveugle de naissance (9, 1-41) et la ressuscitation de Lazare (11, 1-44) constituent six signes (le 7e étant sa résurrection) qui appellent à la foi que Jésus est lenvoyé de Dieu, son Fils, le Christ. Parfois, lévangéliste le mentionne explicitement, comme à Cana (ses disciples crurent en lui, 2, 11), comme à Capharnaüm (lofficier royal crut, ainsi que toute sa maisonnée, 4, 53), sur le bord du lac Tibériade où il nourrit une grande foule, même si la foi est imparfaite (celui-ci est vraiment le prophète, 6, 14), à Jérusalem avec laveugle-né (Je crois, Seigneur, 9, 38), à Béthanie avec la ressuscitation de Lazare (Beaucoup dentre les Juifs qui étaient venus auprès de Marie et avaient vu ce quil avait fait, crurent en lui, 11, 45). Mais ultimement, cest la foi du lecteur de son évangile que recherche Jean (Pour une liste de ce mot en Jean avec la signification explicitée ici : 2, 11.23; 3, 2; 4, 54; 6, 2.14.26; 7, 31; 9, 16; 10, 41; 11, 47; 12, 18.37; 20, 30).
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ephanerōsen (il manifesta) |
Phaneroō (rendre visible, manifester, montrer avec évidence, faire connaître : Mt = 0; Mc = 3; Lc = 0; Jn = 9) est un mot clairement johannique. Le fait quil apparaisse trois fois chez Marc est trompeur, car il ny a quun seul cas qui nous vienne du 2e évangile ( Car il ny a rien de caché qui ne doive être manifesté (phaneroō) et rien nest demeuré secret que pour venir au grand jour, Mc 4, 22), car les deux autres cas appartiennent à lappendice de lévangile qui provient dune source du même milieu que lappendice au 4e évangile :
- Marc 16, 12 : Après cela, il se manifesta sous dautres traits à deux dentre eux qui étaient en chemin et sen allaient à la campagne
- Marc 16, 14 : Enfin il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant quils étaient à table, et il leur reprocha leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui lavaient vu ressuscité.
- Jean 21, 1 : Après cela, Jésus se manifesta de nouveau aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Il se manifesta ainsi
- Jean 21, 14 : Ce fut là la troisième fois que Jésus se manifesta aux disciples, une fois ressuscité dentre les morts
Ces cinq occurrences décrivent lexpérience de sentir la présence de Jésus ressuscité. Maintenant, quand on se tourne vers ce qui est propre au 4e évangile, on peut regrouper les versets qui se réfèrent à phaneroō en trois groupes :
- Quand le mot est dans la bouche de Jésus, il désigne toujours Dieu soit sous la forme de ses oeuvres (Ni lui ni ses parents nont péché, mais cest afin que soient manifestées en lui les oeuvres de Dieu, 9, 3; voir aussi 3, 21), soit sous la forme de sa personne elle-même (Jai manifesté ton nom aux hommes, que tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à toi et tu me les as donnés et ils ont gardé ta parole, 17, 6); en dautres mots, Jésus a essayé de faire connaître Dieu à lhumanité.
- Quand le mot est dans la bouche des autres, il exprime la volonté de faire connaître Jésus soit à Israël, soit au monde (mais cest pour quil fût manifesté à Israël que je suis venu baptisant dans leau, 2, 11; voir aussi 7, 4)
- Enfin, le mot sous la plume de lévangéliste aux noces de Cana est unique, car elle parle de manifester la gloire de Jésus, ce qui signifie la qualité de son être. Bien sûr, le sens est fondamentalement le même que ce qui précède, i.e. faire connaître Jésus à Israël et au monde, mais le vocabulaire est particulier : implicitement, cette gloire renvoie à une qualité dêtre quil partage avec son Père du ciel.
Ainsi, à Cana, en faisant du vin avec de leau, Jésus révèle quelque chose de Dieu : cette capacité de transformer nos vies enrégimentées par des règles en une grande fête pleine de sens, de vie et de joie.
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doxan (gloire) |
Doxa (bonne opinion, honneur, estime, gloire, éclat, splendeur : Mt = 7; Mc = 3; Lc = 13; Jn = 19) appartient vraiment au vocabulaire de Jean. Et si on ajoute le verbe doxazō (glorifier, rendre gloire, transfigurer, honorer, vanter, louer, célébrer : Mt = 4; Mc = 1; Lc = 9; Jn = 14), on se retrouve avec quelque chose de massivement johannique. Sur le plan étymologique, doxa est dérivé du verbe dokeō (paraître, sembler, penser, être davis), et donc qui renvoie à la réputation dune personne, à sa renommée. Dailleurs, la Septante sest servie de doxa pour traduire lhébreu kěbôd, dont la racine signifie avoir du poids : en effet, quelquun qui a du poids renvoie à quelquun qui a de linfluence, qui est « pesant », qui est connu et a une grande réputation.
Commençons avec le mot doxa. Dans lensemble des évangiles, le mot « gloire » reçoit diverses significations quon peut regrouper en cinq catégories.
- La première catégorie se situe sur le plan purement humain. La gloire désigne létat de richesses et de puissance de certains humains. Par exemple, cest lune des tentations que doit subir Jésus : « De nouveau le diable le prend avec lui sur une très haute montagne, lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire (doxa) » (Mt 4, 8; voir aussi Mt 6, 29; Lc 4, 6; 12, 27). Autour du même thème, la gloire désigne une grande réputation ou importance, ou encore les grands honneurs ou une valeur unique que reçoivent certains individus de la part des autres : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez votre gloire (doxa) les uns des autres » (Jn 5, 44; voir aussi Lc 2, 32; 14, 10; Jn 5, 41; 7, 18; 8, 50; 8, 54; 12, 43). Surtout Jean et Luc proposent des scènes autour de cette signification: Mt = 2; Mc = 0; Lc = 4; Jn = 9; Ac = 0
- La gloire reflète le milieu divin, en particulier son autorité et sa puissance qui lui permet de jouer le rôle de juge. Cest dans ce monde quentre Jésus ressuscité, par exemple : « Et alors on verra le Fils de lhomme venant dans des nuées avec grande puissance et gloire (doxa) » (Mc 13, 26; voir aussi Mt 16, 27; 19, 28; 24, 30; 25, 31; Mc 8, 38; 10, 37; Lc 9, 26; 21, 27; 24, 26). Cette signification napparaît que dans les évangiles synoptiques dans leur évocation de la fin des temps : Mt = 5; Mc = 3; Lc = 3; Jn = 0; Ac = 0
- En quelques rares cas, et seulement chez Luc, la gloire reflète le milieu divin, mais sans aucune connotation dautorité ou de puissance, mais sous la symbolique de la lumière, comme léclat dune pierre précieuse et mystérieuse à travers laquelle un message se fait entendre : « LAnge du Seigneur se tint près deux et la gloire (doxa) du Seigneur les enveloppa de sa clarté; et ils furent saisis dune grande crainte » (Lc 2, 9; voir aussi 9, 31). Tout cela se voit surtout chez Luc : Mt = 0; Mc = 0; Lc = 3; Jn = 1; Ac = 3
- Il y a également lexpression « rendre gloire à Dieu » qui signifie reconnaître laction de Dieu et sa puissance, et accepter de se mettre sous son autorité. Par exemple : « Gloire (doxa) à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix aux hommes objets de sa complaisance! » (Lc 2, 14); ou encore : « Les Juifs appelèrent donc une seconde fois lhomme qui avait été aveugle et lui dirent: "Rends gloire (doxa) à Dieu! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur." » (Jn 9, 24; voir aussi Lc 17, 18; 19, 38). Cest signification est surtout présente chez Luc : Mt = 0; Mc = 0; Lc = 3; Jn = 1; Ac = 1
- Enfin, il y a cette signification quon ne trouve que chez Jean et qui est introduite dès le prologue : « Et le Verbe sest fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire (doxa), gloire (doxa) quil tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14). On aura remarqué que cette gloire est quelque chose qui se voit et se contemple, comme le visage ou la personnalité de quelquun (voir aussi 17, 24). Cette gloire se manifeste particulièrement à certains moments, comme lors de gestes extraordinaires de Jésus quon appelle traditionnellement miracles, ainsi à Cana lorsque de leau devient du vin (2, 11) ou à Béthanie pour la ressuscitation de Lazare (11, 4.40). Cette gloire Jésus la reçu de son Père dès avant la création du monde (17, 5) et, à son tour, il la donne à ses disciples (17, 22) afin quils vivent lunion avec lui et son Père. Cette gloire ne sera pleinement manifeste que lorsque Jésus sera de retour auprès de son Père (17, 24). Fondamentalement, cette gloire renvoie à la qualité dêtre de Jésus, qui est avant tout la qualité même de lêtre Dieu en raison de sa communion avec Lui. Aussi, jaime traduire gloire par « la qualité dêtre », une réalité quon peut contempler, une réalité quon peut associer à lamour. Voici les statistiques: Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 8; Ac = 0
Tournons-nous maintenant vers doxazō (glorifier). Sans surprise, lemploie du verbe suit la même logique que celle du mot.
- Les évangiles synoptiques se servent premièrement du verbe « glorifier » dans le même sens que « rendre gloire », i.e. reconnaître laction de Dieu et sa puissance, et accepter de se mettre sous son autorité : « Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin quils voient vos bonnes oeuvres et glorifient (doxazō) votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 16; voir aussi 9, 8; 15, 31; Mc 2, 12; Lc 2, 20; 5, 25-26; 7, 16; 13, 13; 17, 15; 18, 43; 23, 47). Cest surtout Luc qui met en valeur cette signification : Mt = 3; Mc = 1; Lc = 8; Jn = 0; Ac = 4
- Deuxièmement, le verbe est surtout utilisé au passif pour exprimer laction humaine daccorder une grande réputation ou les grands honneurs à quelquun : « Quand donc tu fais laumône, ne va pas le claironner devant toi; ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et les rues, afin dêtre glorifiés (doxazō) par les hommes; en vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense » (Mt 6, 2; voir aussi Lc 4, 15; Jn 8, 54a). Cette signification est peu présente : Mt = 1; Mc = 0; Lc = 1; Jn = 1; Ac = 0
- Il y a le cas de « glorifier » unique chez Jean (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 15; Ac = 0) qui prolonge la signification de gloire comme expression de la qualité dêtre unique de Dieu.
- Lobjet de cette glorification est tantôt Dieu Père (11, 4; 12, 28; 13, 32; 17, 1.4; 21, 19), tantôt Jésus (8, 54; 11, 4; 12, 3; 13, 32; 16, 14; 17, 1.10).
- De même, la source de cette glorification est parfois Dieu (8, 54; 12, 28; 13, 32; 17, 1), parfois lEsprit (16, 14), parfois Jésus (17, 4), parfois un événement comme la maladie de Lazare (11, 4) ou, implicitement, la mort en croix (12, 23), parfois une personne comme Pierre (21, 19).
Seuls quelques détails percent quand on cherche à savoir comment sopère la glorification :
- la ressuscitation de Lazare dévoilera la qualité dêtre de Jésus qui rejaillira sur la qualité dêtre de Dieu (11, 4a);
- la mort librement accepté dans lamour est la façon et pour Jésus et pour Dieu dexprimer leur qualité dêtre (13, 32), comme elle lest pour Pierre de révéler qui est Dieu (21, 19);
- en répondant à la prière des chrétiens, Jésus révèle qui il est, et à travers lui, révèle qui est Dieu (14, 13), tout comme le rôle de lEsprit est de continuer à révéler qui est Jésus (16, 14);
- Jésus a révélé Dieu à travers ses oeuvres, comme tous ses gestes de guérison (17, 4);
- enfin, la communion des disciples qui ont accueilli la parole de Jésus révèle la communion même entre Jésus et son Père (17, 10).
Glorifier devient en quelque sorte synonyme de « révéler » et rejoint ce que nous avons dit sur la gloire chez Jean qui est une réalité qui se manifeste et quon contemple.
- Enfin, il y a le cas unique rencontré seulement dans les Actes (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 0; Jn = 0; Ac = 1) où “glorifier” signifie: être ressuscité, être exalté, entrer dans le monde divin : « Le Dieu dAbraham, dIsaac et de Jacob, le Dieu de nos pères a glorifié son serviteur Jésus que vous, vous avez livré et que vous avez renié devant Pilate, alors quil était décidé à le relâcher » (3, 13).
Revenons maintenant à notre v. 11 : il manifesta sa gloire. Laction que de leau devienne du vin, symbole de la fête et des noces, révèle quelque chose de la qualité dêtre de Jésus, celui dêtre capable de transformer une vie marquée par le rituel des lois religieuses en une vie de communion avec lui, considéré comme lépoux, une vie marquée par la joie, la fête et la surabondance de vie. Et comme on lapprendra plus tard, cette communion rend possible la communion avec Dieu et avec lhumanité entière.
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episteusan (ils crurent) |
Pisteuō (croire : Mt = 11; Mc = 14; Lc = 9; Jn = 98; Ac = 37; 1Jn = 9; 2Jn = 0; 3Jn = 0) est un verbe qui nous fait entrer de plein pied dans le monde de Jean. Mais commençons par une brève analyse sur la façon dont il apparaît dans les récits synoptiques, car on semble lutiliser à toutes les sauces.
- Il y a dabord la confiance en la capacité de Jésus de guérir, et cette foi est essentielle pour que Jésus puisse accomplir quelque chose; elle est un préalable avant tout miracle de Jésus : Mais Jésus, qui avait surpris la parole quon venait de prononcer, dit au chef de synagogue: "Sois sans crainte; aie seulement la foi (Mc 5, 36; voir aussi Mc 9, 23-24; Mt 8, 13; 9, 28; Lc 8, 50)
- La même foi essentielle en la capacité de Jésus de guérir est appliquée également à la prière : Cest pourquoi je vous dis: tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous lavez déjà reçu, et cela vous sera accordé (11, 24 || Mt 21, 22; voir aussi Mc 11, 23)
- Parfois, on parle de foi générale en Jésus, sans préciser son contenu : Mais si quelquun doit scandaliser lun de ces petits qui croient, il serait mieux pour lui de se voir passer autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et dêtre jeté à la mer (Mc 9, 42, repris par Mt 18, 6). Mais parfois on parle de foi générale en Jésus mais en précisant son contenu, i.e. roi dIsraël, on est dans un contexte négatif de non foi : Il en a sauvé dautres et il ne peut se sauver lui-même! Il est roi dIsraël: quil descende maintenant de la croix et nous croirons en lui (Mt 27, 42 || Lc 22, 67)
- Les synoptiques mettent en quelque sorte Jean Baptiste sur le même pied que Jésus dans lexigence de croire, comme le montre ce passage de Marc qui fait référence à lorigine du baptême du Baptiste : Or ils se faisaient par-devers eux ce raisonnement: "Si nous disons: Du Ciel, il dira: Pourquoi donc navez-vous pas cru en lui (Jean Baptiste)? (Mc 11, 31 || Mt 21, 25 || Lc 20, 5; voir aussi Mt 21, 32)
- À lopposé, il arrive que Jésus invite les gens à ne pas croire, i.e. les faux Christ : Alors si quelquun vous dit: Voici: le Christ est ici!, Voici: il est là!, nen croyez rien (Mc 13, 21 || Mt 24, 23; voir aussi Mt 24, 26)
- Marc présente un appel à la foi qui lui est tout à fait unique, celle de croire en lÉvangile (Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche: repentez-vous et croyez à lÉvangile, 1, 15)
- Luc nous introduit à une nouvelle dimension de la foi, celle de croire à la parole, soit celle de lÉcriture, soit celle de Jésus, soit celle dun messager de Dieu : Et voici que tu vas être réduit au silence et sans pouvoir parler jusquau jour où ces choses arriveront, parce que tu nas pas cru à mes paroles, lesquelles saccompliront en leur temps (1, 20; voir aussi 1, 45; 8, 12-13; 24, 25).
- Luc nous présente un cas de foi appliquée à la vie profane, lorsquon fait confiance à quelquun quand on donne des responsabilités : Si donc vous ne vous êtes pas montrés fidèles pour le malhonnête Argent, qui vous confiera le vrai bien? (16, 11)
- Enfin, terminons avec cet appendice à lévangile de Marc, qui nest pas du même auteur, où apparait la notion de foi qui se développera dans la vie de lÉglise, i.e. celle de croire en Jésus ressuscité (Celui qui croira et sera baptisé..., voir Mc 16, 14-17) et celle de croire aux témoins de la résurrection (Et ceux-là revinrent lannoncer aux autres, mais on ne les crut pas non plus, Mc 16, 13)
Ce qui se dégage de cette étude est que le verbe pisteuō dans les récits synoptiques na rien de technique, quil reçoit de multiples sens selon les différents contextes où il apparaît. Au sens général, il signifie : faire confiance en quelquun. Ce quelquun peut être Jésus (sa personne, sa parole, son évangile), Jean Baptiste, Dieu (dans la prière ou dans lÉcriture). Seul lappendice de Marc laisse apercevoir un début de sens technique où la foi devient foi au Christ ressuscité.
Tournons-nous maintenant vers le quatrième évangile. Notons tout de suite des aspects de la foi chez les Synoptiques qui disparaissent de lévangile de Jean :
- Il ny a plus dappel à croire que Jésus puisse faire un miracle; au contraire, la foi vient après le miracle : Jésus lui dit: "Va, ton fils vit." Lhomme crut à la parole que Jésus lui avait dite et il se mit en route (4, 50; voir aussi notre scène à Cana : Tel fut le début des signes quaccomplit Jésus à Cana en Galilée... ses disciples crurent en lui; voir aussi 2, 23; 4, 48; 6, 30; 7, 31; 11, 15.45; 12, 11; 14, 11)
- On ne parle plus de foi en Jean Baptiste; ce dernier nest que linstrument pour amener les gens à croire en Jésus
- Il nest plus question de mettre en garde contre la foi en un faux Christ
La foi se centre sur la personne même de Jésus, sur son identité. Pour être plus précis,
- Croire, cest croire :
- Que Dieu la envoyé (6, 29; 11, 42; 17, 8.21)
- Que Jésus est le Saint de Dieu (6, 69)
- Quil est Fils de lhomme (9, 35)
- Que le Père est en lui et quil est dans le Père (10, 38; 14, 10)
- Quil est le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde (11, 27)
- Quil est Celui qui Est (13, 19)
- Quil est sorti de Dieu (16, 27.30)
Il y a donc quelque chose de juste dans le reproche des Juifs qui accusent Jésus de se faire légal de Dieu (5, 8; 10, 33)
La foi en Jésus semble avoir différents niveaux de profondeur
- Il y a la foi en Jésus comme prophète : Un bon nombre de Samaritains de cette ville crurent en lui à cause de la parole de la femme, qui attestait: "Il ma dit tout ce que jai fait." , 4, 39; cest un bon début, mais il y a beaucoup plus, comme le dit Jésus à Nathanaël : Jésus lui répondit: "Parce que je tai dit: Je tai vu sous le figuier, tu crois! Tu verras mieux encore." (1, 50)
- Une foi plus profonde le considère comme le sauveur du monde : et ils (les Samaritains) disaient à la femme: "Ce nest plus sur tes dires que nous croyons; nous lavons nous-mêmes entendu et nous savons que cest vraiment lui le sauveur du monde. " (4, 42)
- Puis il y a enfin la reconnaissance de la seigneurie de Jésus : Alors il (laveugle-né après avoir été guéri) déclara: "Je crois, Seigneur", et il se prosterna devant lui (9, 38); et il y a surtout cette parole de Thomas : Mon Seigneur et mon Dieu (20, 28), à qui Jésus dit : Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui nont pas vu et qui ont cru (20, 29)
Lacte de croire ou ne pas croire nest pas neutre, il engendre des conséquences. Celui qui croit :
- Devient enfant de Dieu (1, 12)
- A la vie éternelle (3, 15-16.36; 5, 24; 6, 40.47; 20, 31)
- Nest pas jugé (3, 18; 5, 24)
- Naura jamais faim et naura jamais soif (6, 35)
- Ressuscitera au dernier jour (6, 40)
- Recevra lEsprit (7, 39)
- Sil meurt, il vivra; il est passé de la mort à la vie (11, 25; 5, 24)
- Ne mourra jamais (11, 26)
- Verra la gloire de Dieu (11, 40)
- Devient fils de lumière (12, 36)
- Croit aussi en Celui qui la envoyé (12, 44)
- Ne demeure pas dans les ténèbres (12, 46)
- Fera les mêmes oeuvres que Jésus, et même de plus grandes (14, 12)
Celui qui ne croit pas :
- Est déjà jugé (3, 18)
- Ne verra pas la vie et la colère de Dieu est sur lui (3, 36)
- Est coupable dun péché et mourra dans son péché (16, 8-9; 8, 24)
Le fait même que certains croient et que dautres ne croient pas engendre une division, une séparation, un schisme (Une scission se produisit donc dans la foule, à cause de lui, 7, 43; Et il y eut scission parmi eux, 9, 16; Il y eut de nouveau scission parmi les Juifs à cause de ces paroles, 10, 19).
Dune part, il y a ceux qui croient :
- Ses disciples croient en lui (2,11)
- À Jérusalem beaucoup croient en lui à la vue des signes quil faisait (2, 23)
- Un bon nombre de Samaritains croient en lui (4, 39)
- Dans la foule qui lécoute au temple lors de la fête des Tentes, beaucoup crurent en lui (7, 31; 8, 30)
- Laveugle guéri croit en lui (9, 38)
- Ceux qui ont connu Jean Baptiste et son baptême croient en lui (10, 40-42)
- Beaucoup de Juifs qui ont été témoins de la ressuscitation de Lazare croient en lui (11, 45)
- Certains notables croient en lui, mais à cause des Pharisiens ils ne se déclaraient pas, de peur dêtre exclus de la synagogue (12, 42)
Dautre part, il y a ceux qui ne croient pas :
- Les Juifs qui entendent le discours sur le pain de vie ne croient pas en lui (6, 36)
- Judas ne croit pas en lui (6, 64)
- Ses frères ne croient pas en lui (7, 5)
- Les notables et les Pharisiens ne croient pas en lui (7, 48)
- Les Juifs qui lentendent lors de la fête de la Dédicace ne croient pas en lui et veulent même le lapider (10, 25.31)
- Les grands prêtres et les Pharisiens sémeuvent de voir le nombre de ceux qui croient en lui et prennent la résolution en conseil de le tuer (11, 53)
- La foule qui la entendu parler de la mort du Fils de lhomme six jours avant la Pâque ne croit pas en lui (12, 37)
Pour que les gens croient, il faut certaines conditions
- Il ne faut pas chercher la gloire qui vient des hommes, mais celle qui vient de Dieu (5, 44)
- Il faut croire en lÉcriture et en Moïse (bien linterpréter), car cest de Jésus quils parlent (5, 45-47)
- Il faut être des chercheurs de vérité (8, 44-46)
- Il faut être de Dieu (8, 47)
- Il faut être de ses brebis qui écoutent sa voix, parce que Dieu les a donnés à Jésus (10, 26-29)
On comprend donc que chez Jean lacte de croire nest pas optionnel, mais vital, et il constitue la raison même pour laquelle il a écrit son évangile.
Pour terminer cette analyse, jetons un regard bref sur son parent, le nom « foi » (pistis : Mt = 8; Mc = 5; Lc = 11; Jn = 0). On sera surpris de constater que le mot « foi » lui-même est absent de Jean : ce qui lintéresse est laction ou la décision même de croire. Chez les synoptiques, la foi renvoie la plupart du temps à celle exigée pour accomplir des miracles (Mc 2, 5 || Mt 9, 2 || Lc 5, 20; Mc 4, 40 || Lc 8, 25; Mc 5, 34 || Mt 9, 22 || Lc 8, 48; Mc 10, 52 || Lc 18, 42; Mc 11, 22 || Mt 21, 21; Mt 8, 10 || Lc 7, 9; Mt 9, 29; Mt 15, 28; Mt 17, 20; Lc 7, 50; Lc 17, 5-6.19). Les seules exceptions sont du côté de Matthieu dans lappel lancé aux scribes et aux Pharisiens à pratiquer la justice, la miséricorde et la « bonne foi » (Mt 23, 23), et du côté de Luc dans la question lancée par Jésus sil trouvera encore la foi dans la prière lorsquil reviendra (Lc 18, 8), et la promesse de Jésus à Pierre que sa foi ne défaillira pas (Lc 22, 32).
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mathētai (disciples) |
Mathētēs (disciple : Mt = 72; Mc = 46; Lc = 37; Jn = 78) fait partie dun vocabulaire que Jean aime bien. Mais quand on situe sa notion de disciple sur larrière-plan des récits synoptiques, on note des différences importantes. En premier lieu, la liste de ceux qui constituent les disciples de Jésus est moins bien définie. On trouve bien sûr la mention des Douze dans le quatrième évangile, mais elle ne survient que lors du discours sur le pain de vie (6, 67.70-71) et lors de lapparition de Jésus ressuscité (20, 24), et surtout elle ne nous donne rien de précis sur ceux qui en font partie. Il vaut la peine de comparer la liste des Synoptiques avec les noms quon trouve en Jean.
Marc | Matthieu | Luc | Jean |
Simon | Simon | Simon | Simon |
André | André | André | André |
Jean | Jean | Jacques | (fils de Zébédée) |
Jacques | Jacques | Jean | (fils de Zébédée) |
Philippe | Philippe | Philippe | Philippe |
Barthélemy | Barthélemy | Barthélemy | Nathanaël |
Matthieu | Matthieu | Matthieu | |
Thomas | Thomas | Thomas | Thomas |
Jacques dAlphée | Jacques dAlphée | Jacques dAlphée | |
Simon le Zélé | Simon le Zélé | Simon le Zélote | |
Thaddée | Thaddée | Judas de Jacques | Judas - pas lIscariote |
Judas Iscarioth | Judas Iscarioth | Judas Iscarioth | Judas Iscarioth |
Ainsi, le 4e évangile connaît Simon, André, Philippe, Thomas et Judas Iscarioth. Mais Jacques et Jean ne sont jamais nommés, sinon sous le vocable de fils de Zébédée dans ce qui constitue lappendice à lévangile (21, 2). Judas de Jacques, mentionné par Luc, est probablement le même que ce Judas, pas lIscariote (14, 22); et il est possible que ce Judas sest joint au groupe des Douze après le départ ou décès de Thaddée. Mais Barthélemy, Matthieu, Jacques dAlphée, Simon le Zélote ne sont jamais nommés par le 4e évangile. Par contre, il présente Nathanaël comme lun de ses disciples (1, 45-49; 21, 2), ce quignore totalement les Synoptiques (pour le détail sur chacun des Douze, voir Meier). Enfin, cet étrange disciple, qui nest jamais nommé sinon sous lattribut « celui que Jésus aimait » ou « lautre disciple », qui joue un rôle important à la fin de la vie de Jésus et qui est nommé pour la première fois lors de son dernier repas (13, 23) est également totalement ignoré par les Synoptiques (rien ne permet de lidentifier à Jean, lun des fils de Zébédée, dautant plus quil semble originaire de Jérusalem où il a ses entrées chez le grand prêtre).
En deuxième lieu, qui dit disciple, dit également maître. Or, il y a quelques maîtres dans le 4e évangile. Nommons-les :
- Jean Baptiste : André est dabord son disciple avant dêtre disciple de Jésus (1, 35 : et Philippe est probablement le deuxième disciple); les disciples du Baptiste demeurent actifs au cours du ministère de Jésus (3, 25)
- Moïse : cest ce quaffirment les Juifs (mais nous, cest de Moïse que nous sommes disciples, 9, 28)
- Jésus : ce dernier semble dabord avoir été disciple de Jean Baptiste avant détablir son propre groupe, perçu un peu en compétition avec le Baptiste, tout en prolongeant son action baptismale (4, 1-2)
En troisième lieu, une analyse sommaire de la notion de disciple chez Jean montre un groupe un peu nébuleux qui évolue au fil du temps. Qui sont les disciples?
- Seuls André, Philippe, Simon et Nathanaël sont nommés parmi ceux qui sont explicitement appelés à le suivre (1, 37-51)
- Quand lévangéliste parle des disciples aux noces de Cana, aucun nest nommé (2, 1-11)
- On les retrouve à Jérusalem, témoins du geste prophétique de Jésus qui chasse les vendeurs du temple (2, 17)
- Avec Jésus, ils baptisent dans la région qui semble près du Jourdain, en Judée (4, 1-2)
- Ils soccupent daller acheter en ville de quoi manger quand Jésus rencontre la Samaritaine et seront surpris de le voir seul avec une femme (4, 8)
- Ils semblent absents lorsque Jésus guérit le fils du fonctionnaire royal à Cana et lorsquil guérit linfirme à la piscine de Bethesda à Jérusalem (4, 43 5, 47)
- Quand Jésus gravit une montagne sur le bord de la mer de Galilée, près de Bethsaïde, au moment de la fête de la Pâque, et nourrit une grande foule, lévangéliste nomme explicitement Philippe et André (6, 5-8)
- Par la suite, le groupe des disciples vit la peur en voyant Jésus marcher sur la mer (6, 19)
- Lors du discours sur le pain de vie près de Capharnaüm, plusieurs disciples sont scandalisés par les propos de Jésus et le quittent (6, 60-66)
- Puis, les frères de Jésus ont cette phrase étonnante : Passe dici en Judée, que tes disciples aussi voient les oeuvres que tu fais (7, 3). Cette phrase laisse entendre que Jésus a des disciples en Judée, sans doute Jérusalem, qui nont pas encore vu les signes ou miracles quil a fait. Ce qui est clair, cest que pour cette fête des Tentes Jésus se rendra seul à Jérusalem.
- Dans une scène qui semble se passer au temple où Jésus enseignait, lévangéliste mentionne que des Juifs crurent en lui et Jésus leur dit : Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples (8, 31)
- Dans une autre scène qui semble toujours se passer à Jérusalem, ses disciples linterrogent sur les raisons pour lesquelles lhomme quils voient est aveugle (9, 2)
- Lévangéliste nous transporte ensuite dans le temps à la fête de la Dédicace, en hiver, à Jérusalem, où les disciples sont totalement absents (10, 22)
- Les disciples réapparaissent ensuite dans un lieu quon ignore, au moment où Jésus apprend la maladie de son amie Lazare, qui habite Béthanie, près de Jérusalem; quand Jésus décide de sy rendre, ils lui disent : Rabbi, tout récemment les Juifs cherchaient à te lapider, et tu retournes là-bas! (11, 8), quand Thomas, appelé Didyme, le seul qui est nommé, dit aux autres disciples : Allons, nous aussi, pour mourir avec lui! (11, 16)
- La ressuscitation de Lazare, et la foi en Jésus quelle suscite chez plusieurs, entraîne la décision des autorités juives de le tuer, si bien que Jésus doit se cacher avec ses disciples dans la ville dÉphraïm (11, 54)
- Pourtant, Jésus se rend à Béthanie six jours avant la Pâque, et cest à ce moment quentre en scène Judas Iscarioth qui se scandalise du geste de Marie de répandre sur Jésus un parfum très cher; lévangéliste nous apprend que Judas est le trésorier du groupe des disciples et quil ne se gênait pas pour voler (12, 4)
- Le lendemain, les disciples sont là lors de lentrée triomphale à Jérusalem (12, 16) et lévangéliste nomme explicitement André et Philippe quand des Grecs veulent voir Jésus (12, 22)
- Juste avant la fête de la Pâque, Jésus prend un dernier repas avec ses disciples au cours duquel il lave les pieds de ses disciples. Au cours de ce repas, personne nest nommé, sinon Simon-Pierre qui ne veut pas quon lui lave les pieds (13, 6), le disciple que Jésus aimait qui fait la première fois son apparition (13, 23), Judas Iscarioth dont Jésus annonce la trahison (13, 26), Thomas qui interroge Jésus sur le chemin quil entend emprunter (14, 5), Philippe qui demande de se faire montrer le Père (14, 8) et Judas, pas lIscariote, qui se demande pourquoi Jésus se manifeste à eux et pas au monde (14, 22).
- Après ce repas, Jésus se rend avec ses disciples de lautre côté du Cédron (18, 1) où Judas, qui avait qui quitté les autres au milieu du repas, se rendra avec une cohorte et des gardes détachés par les grands prêtres et les Pharisiens (18, 3).
- Cest le disciple bien-aimé qui permet à Pierre dentrer dans la cour du grand prêtre, là où il niera connaître Jésus (18, 16)
- Quand le grand prêtre interrogera Jésus, il posera des questions sur ses disciples et sa doctrine (18, 19)
- À la croix, lévangéliste nous présente cette scène où le disciple bien aimé devient avec la mère de Jésus le fondement de l'Église (19, 27)
- Lors de la mise au tombeau, Joseph dArimathie est présenté comme un disciple de Jésus (19, 38)
- Au tombeau vide, le disciple, appelé « lautre disciple », voit et croit (20, 18)
- Enfin, le soir du premier jour de la semaine, les disciples sont réunis et font lexpérience de Jésus ressuscité (20, 19-20)
Ainsi, le mot « disciple » peut à la fois désigner un groupe restreint de disciples, dont certains noms ne sont mentionnés que sporadiquement, ou un groupe beaucoup plus large de ceux qui accueillent la parole (pour une présentation des différents cercles de disciples, voir Meier). Et ses disciples ne laccompagnent pas constamment.
Revenons à notre verset : « ses disciples crurent en lui ». On imagine que ces disciples faisaient partie du groupe restreint qui cheminera souvent avec lui. Ces disciples se sont ouverts à ce que révèlera cette transformation du rituel des ablutions en une communion à Dieu à travers lêtre de Jésus. Noublions pas : cest à découvrant la qualité de lêtre de Jésus, appelé gloire, quils ont cru.
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- Analyse de la structure du récit
- La source originelle
Comme tout récit évangélique, les noces de Cana ont probablement connu une évolution. Très souvent, un auteur a utilisé une source quil modifie en fonction de sa théologie et de son propos catéchétique. Voici ce que propose le bibliste M. E. Boismard (Synopse des quatre évangiles, T. III - Lévangile de Jean : Paris, Cerf, 1977, p. 101) pour ce récit des noces de Cana. La couche la plus ancienne, quil appelle le Document C et qui constituait un évangile assez complet, commençait avec lactivité de Jean Baptiste et son témoignage et se terminait avec la mort et lensevelissement de Jésus, ainsi que les récits dapparition. Ce document aurait été écrit en Palestine et fut fortement influencé par la pensée Samaritaine (dailleurs beaucoup de scènes se passent en Samarie : le baptême de Jean Baptiste, appel de Philippe et Nathanël ainsi que la rencontre avec la Samaritaine). Voici le récit des noces de Cana tel quil apparaissait dans ce document C selon lhypothèse de Boismard.
- Le récit
1 Et () il y eut des noces à Cana de Galilée
2 et, Jésus fut invité aux noces et sa mère était là et ses frères.
3a Et ils navaient plus de vin parce que le vin des noces était épuisé,
6 Or il y avait là () des jarres de pierre () contenant chacune deux ou trois mesures.
7 Jésus leur dit : « Emplissez deau les jarres. » Et ils les remplirent jusquen haut.
8 Et il leur dit : « Puisez maintenant. » (Ils puisèrent)
9 (et) leau (était) devenue du vin!
11 Ce premier signe fit Jésus à Cana de Galilée ().
- Sa structure
Introduction : mise en situation
- Situation : noces
- Lieu : Cana de Galilée
- Personnages : Jésus, sa mère et ses frères
Événement : un manque
- Il ny plus de vin, car le vin est épuisé
Intervention de Jésus
- Jésus demande de remplir deau les jarres de pierre qui se trouvent sur les lieux
- Puis il demande de puiser leau devenu de vin
Commentaire du narrateur : signification de laction de Jésus
- Sa signification
Un tel récit dépouillé met laccent sur le pouvoir thaumaturgique de Jésus. Dune part, il présente Jésus comme un compétiteur de Dionysios, dieu du vin dont la fête était célébrée le 6 janvier. En effet, lors de sa fête, les fontaines de son temple à Andros et à Théos avaient la réputation de laisser couler du vin au lieu de leau habituelle. À Elis, la veille de la fête, on plaçait dans le temple trois jarres vides, et le lendemain matin, on les retrouvait pleines de vin. Aussi, cest le 6 janvier que la liturgie chrétienne a voulu célébrer les noces de Cana.
Dautre part, ce récit dépouillé établi un parallèle entre Jésus et Moïse. Selon Exode 4, 1-9, Dieu demande à Moïse de faire trois signes pour prouver quil est Son envoyé, dont le troisième utilise une symbolique similaire à Cana : Moïse prendra leau du Fleuve et la répandra sur la terre, et alors cette eau deviendra du sang; rappelons que dans la tradition juive la symbolique du sang et du vin sont très liées (Genèse 49, 11). Ainsi, Jésus apparaît comme le nouveau Moïse, un thème récurrent du Document C.
- La version modifiée par lauteur principal de lévangile
Le document C a été modifié par un auteur que Boismard appelle Jean II. En fait, Jean II nous présente deux éditions de son évangile (A et B). Une première édition (A) est proposée alors quil demeure en Palestine. Puis, après avoir déménagé en Asie Mineure, probablement Éphèse, il propose une nouvelle édition de son évangile (B), introduisant entre autres le cadre des fêtes juives, et surtout lopposition juive, reflet sans doute de son nouveau milieu de vie.
- Le récit
Document C | |Jean II-A | |Jean II-B |
1 Et, |
| | Le troisième jour, |
il y eut des noces à Cana de Galilée, |
2 et Jésus fut invité aux noces et sa mère était là et ses frères. |
3a Et ils n'avaient plus de vin parce que le vin des noces était épuisé, |
3b | | Ensuite, la mère de Jésus lui dit : |
| | « Ils n'ont plus de vin. » |
| | Et Jésus lui dit : |
| | « Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore venue? » |
| | Sa mère dit aux serviteurs : |
| | « Tout ce qu'il vous dira, faites-le. » |
6 Or il y avait là |
| | six |
des jarres de pierre |
| | destinées à la purification des Juifs, |
contenant chacune deux ou trois mesures. |
7 Jésus leur dit : « Emplissez d'eau les jarres. » Et ils les remplirent jusqu'en haut. |
8 Et il leur dit : « Puisez maintenant. » |
| Et portez au maître du repas. » |
(Ils puisèrent) |
9 | Ils en portèrent, |
| Lorsque le maître du repas eut goûté |
(et) l'eau (était) devenue du vin! |
| | Et il ne savait pas d'où elle était, tandis que les serviteurs le savaient, qui avaient puisé l'eau, le maître du repas |
10 | (il) appelle le marié et lui dit : « Tout homme offre d'abord le bon fin et, lorsque l'on est ivre, le moins bon. |
| Toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant. » |
11 Ce premier signe fit Jésus à Cana de Galilée. |
| Et il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. |
- Sa structure
Introduction : mise en situation
- Situation : noces
- Lieu : Cana de Galilée
- Temps : 3e jour
- Personnages : Jésus, sa mère et ses frères
Événement : un manque
- Il n'y plus de vin, car le vin est épuisé
Intervention de la mère de Jésus
- Elle informe Jésus du manque
- Jésus rejette sa demande avec le motif que son heure n'est pas venue
- Marie exprime sa foi et demande d'écouter la parole de son fils
Intervention de Jésus
- Le cadre est celui de six jarres pour les ablutions rituelles juives
- Jésus demande de remplir d'eau les jarres de pierre qui se trouvent sur les lieux
- Puis il demande de puiser l'eau devenu de vin
- Il demande d'apporter le vin au maître du repas
- Exécution de ce que Jésus demande
- Commentaire du narrateur sur l'ignorance du maître du repas et connaissance des serviteurs
Commentaire de maître du repas au marié
- Le maître du repas rappelle la manière habituelle de faire les choses
- Lui dit qu'il a fait le contraire : c'est maintenant le meilleur vin
Commentaire du narrateur : signification de l'action de Jésus
- Ce fut son premier signe
- Jésus manifesta sa gloire à ses disciples
- Ceux-ci crurent en lui
- Sa signification
Jean II-A introduit trois nouveaux personnages au cours du récit : le maître du repas, le marié et les disciples, ainsi quun nouveau thème : celui du meilleur vin qui nest offert que maintenant. Ce faisant, il déplace laccent du Jésus le thaumaturge à Jésus la source de toute sagesse révélant enfin le Dieu véritable. En effet, le thème du vin comme symbole de sagesse est bien connu dans lAncien Testament : Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que jai préparé! Quittez la niaiserie et vous vivrez, marchez droit dans la voie de lintelligence (Proverbe 9, 5-6) (Voir Philon dAlexandrie qui parle qui symbolise lenseignement donné par a Parole de Dieu, Leg. Alleg. 3, 82). De même, le fait que le marié ait réservé le meilleur vin pour maintenant nous amène à associer Jésus à ce marié qui nous offre vraiment le meilleur vin. Ainsi, Jésus révèle sa qualité dêtre à Cana, et par là, révèle quelque chose de Dieu, et cela provoque ladhésion des disciples.
Jean II-B accentue dabord le contraste avec le Judaïsme en faisant des urnes linachèvement de la parole de Dieu à travers les six jarres qui servaient aux ablutions rituelles juives. Ce contraste sera accentué avec le fait que Jésus offre le meilleur vin, et que ce meilleur nest offert que maintenant. Ensuite, il donne une grande expansion à la dimension foi de la scène avec la figure de la mère de Jésus, celle quil présentera comme la mère des croyants lors de la crucifixion. Après un refus, elle demande aux serviteurs découter sa parole. Plus tard, en ajoutant le commentaire sur les serviteurs qui avaient tout vu, il introduit du témoignage qui vient soutenir la foi. Enfin, il fait un lien plus clair entre ce vin nouveau et sa mort en croix : la scène se produit le 3e jour et Jésus dit clairement que son intervention est liée à son heure.
- Analyse du contexte
- Contexte rapproché (1, 19 2, 11)
Comme nous lavons déjà fait remarquer, lévangéliste nous présente sur une période dune semaine les premiers événements du ministère de Jésus.
- Jour 1 (1, 19-28) : Témoignage de Jean Baptiste
- Jour 2 (1, 29-34) « lendemain » : allusion de manière très implicite au baptême de Jésus
- Jour 3 (1, 35-39) « lendemain » : deux disciples du Baptiste suivent Jésus
- Jour 4 (1, 40-42) : même si le mot lendemain nest pas mentionné, il faut assumer une journée différente parce que le verset 39 se termine avec « et ils demeurèrent auprès de lui cette journée-là. Cétait environ la dixième heure (4 heures de laprès-midi). », alors que cest le début du soir. En ce jour quatre, le milieu ou centre de la semaine, on nous présente le récit de lappel de Simon.
- Journée 5 (1, 43-51) « lendemain » : cest le récit de la vocation de Nathanaël.
- Journée 7 (2, 1-11) « le troisième jour », i.e. deux jours après la journée cinq : ce sont les noces à Cana. La mention du 3e jour est certainement une allusion au 3e jour de la résurrection du Christ : car les noces de Cana se terminent avec la mention quil « manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui ». Voilà résumé en une semaine le ministère de Jésus qui se termine avec sa montée en gloire.
Puisque lévangéliste a commencé son évangile avec lexpression « Au commencement » (1, 1), et donc avec une allusion à la Genèse et à la création du monde en une semaine, en étalant également le ministère de Jésus sur une semaine il entend proclamer quen Jésus a lieu une création nouvelle, une création qui atteint son apogée avec sa résurrection.
- Contexte éloigné (ensemble de lévangile)
Ce contexte éloigné est lensemble de lévangile. Il nest pas facile dy trouver une structure. Quelquun comme R.E. Brown (The Gospel According to John. New York : Doubleday (Anchor Bible, 29), 1966-1970, 2 v.) divise lévangile ainsi : Prologue (1, 1-18), le livre des signes (1, 19 12, 50), le livre de la gloire (13, 1 20, 31) qui inclut le dernier repas, le récit de la passion, le Seigneur ressuscité qui se termine par une conclusion (20, 30-31), et un épilogue (21, 1-25 : la pêche miraculeuse). De son côté, Boismard (M. E. Boismard, A. Lamouille, Synopse des quatre évangiles, T. III - Lévangile de Jean : Paris, Cerf, 1977, p. 80) propose une division en huit unités (1, 19 20, 1-31), précédée du Prologue et se terminant avec une conclusion (21, 1-14). Nous proposons une intégration de ces deux structures.
Prologue : 1, 1-18
Livre des signes de Jésus (1, 19 12, 50)
Signe 1 (1, 19- 2, 12) : Cana
- Première semaine dans la vallée du Jourdain : Jean Baptiste identifie lagneau de Dieu et les premiers disciples se joignent à Jésus
- Le vin des noces de Cana signe des temps nouveaux
Signe 2 (2, 13 4, 54) : guérison dun enfant à Capharnaüm
- La Pâque des Juifs
- À Jérusalem : les vendeurs chassés du temple et entretien avec Nicodème
- En Samarie : entretien avec la Samaritaine
- En Galilée : guérison dun enfant
Signe 3 (5, 1-47) : guérison dun paralysé
- Pentecôte
- À Jérusalem : guérison dun paralysé à la piscine probatique
Signe 4 (6, 1-71) : multiplication des pains
- Deuxième Pâque des Juifs
- En Galilée : multiplication des pains
- Marche sur la mer
- Discours sur le pain de vie
Signe 5 (7, 1 10, 21) : guérison de laveugle-né
- Fête des tentes
- À Jérusalem, au temple pour enseigner
- Guérison de laveugle-né
- Jésus se proclame le bon pasteur capable de guider son troupeau
Signe 6 (10, 22 11, 57) : ressuscitation de Lazare
- Fête de la dédicace
- À Jérusalem, puis au Jourdain, et enfin à Béthanie
- Ressuscitation de Lazare
Transition vers le récit de la passion (12, 1-50)
- Six jours avant la Pâque des Juifs
- À Béthanie, onction des pieds de Jésus par Marie
- Le lendemain, entrée triomphale à Jérusalem
- Des Grecs veulent le voir, et discours sur le grain qui doit mourir
Livre de la glorification de Jésus
Dernier repas (13, 1 17, 26)
Le récit de la passion (18, 1 19, 42)
Le Seigneur ressuscité ou 7e signe (20, 1-31)
Épilogue (21, 1- 25)
Les noces de Cana sont le témoin du premier des signes de Jésus qui connaîtront leur sommet avec sa résurrection. Ce premier signe a lieu au terme de la première semaine de Jésus, et si on se réfère à la semaine de la création tel que racontée par la Genèse, il devient le signe dune création nouvelle, meilleur que la première. Mais le fait que cette création nouvelle soit liée à « son heure », et donc à son élévation en croix, montre le prix à payer pour quelle vienne.
- Analyse des parallèles
Il nexiste vraiment pas de parallèle avec les récits synoptiques. Bien sûr, il y a chez Luc des scènes où Jésus prend un repas chez gens (voir Lc 7, 36; 14, 1), mais il ny a rien de comparable aux noces de Cana. Et les allusions aux noces dans les Synoptiques appartiennent aux paraboles.
Néanmoins, on peut tracer un parallèle avec deux récits de lAncien Testament qui appartiennent au cycle dÉlie et dÉlisée en utilisant une structure commune.
Structure | Jean 2 | 1 Rois 17 | 2 Rois 4 |
Situation | 1 Et le troisième jour il y eut des noces à Cana de Galilée, et la mère de Jésus sy trouvait. 2 Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. 3 Alors quon manquait de vin, | 10 Élie se leva et alla à Sarepta. Comme il arrivait à lentrée de la ville, il y avait là une veuve qui ramassait du bois; | (38 Elisée revint à Gilgal...) 42 Un homme vint de Baal-Shalisha et apporta à lhomme de Dieu du pain de prémices, vingt pains dorge et du grain frais dans son épi. |
Demande | la mère sadresse à Jésus pour lui dire : « Ils nont plus de vin ». | il linterpella et lui dit: "Apporte-moi donc un peu deau dans la cruche, que je boive!" 11 Comme elle allait la chercher, il lui cria: "Apporte-moi donc un morceau de pain dans ta main!" | Celui-ci (Élisée) ordonna: "Offre aux gens et quils mangent", |
Objection | 4 Mais Jésus lui répondit : « Madame, pourquoi me dites-vous cela? Mon heure nest pas encore venue ». | 12 Elle répondit: "Par Yahvé vivant, ton Dieu! je nai pas de pain cuit; je nai quune poignée de farine dans une jarre et un peu dhuile dans une cruche, je suis à ramasser deux bouts de bois, je vais préparer cela pour moi et mon fils, nous mangerons et nous mourrons." 13 Mais Elie lui dit: "Ne crains rien, va faire comme tu dis; seulement, prépare-men dabord une petite galette, que tu mapporteras: tu en feras ensuite pour toi et ton fils. 14 Car ainsi parle Yahvé, Dieu dIsraël: Jarre de farine ne sépuisera, cruche dhuile ne se videra, jusquau jour où Yahvé enverra la pluie sur la face de la terre." | 43 mais son serviteur répondit: "Comment servirai-je cela à cent personnes?" Il reprit: "Offre aux gens et quils mangent, car ainsi a parlé Yahvé: On mangera et on en aura de reste." |
Geste de foi | Sa mère dit aux garçons de table : « Quoi quil vous dise, faites-le ». | 15 Elle alla et fit comme avait dit Elie, et ils mangèrent, elle, lui et son fils. | Il leur servit, |
Résultat | 6 Il y avait là six jarres en pierre qui avaient été placées pour la purification des Juifs et qui contenaient chacune deux ou trois mesures de quarante litres. 7 Jésus leur dit : « Remplissez les jarres deau ». Et ils les remplirent jusquau bord. 8 Puis il leur dit : « Puisez maintenant et apportez au chef du service ». Et ils lui apportèrent. 9 Lorsque le chef du service goûta leau devenue du vin, - il nen savait pas la provenance, les garçons de table, eux qui avaient puisé leau, savaient il appelle le jeune marié 10 et lui dit : « Tout homme sert dabord le meilleur vin et, quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as attendu jusquà maintenant pour servir le meilleur ». 11 Tel fut le début des signes quaccomplit Jésus à Cana en Galilée, il rendit ainsi visible la qualité extraordinaire de son être, alors ses disciples crurent en lui. | 16 La jarre de farine ne sépuisa pas et la cruche dhuile ne se vida pas, selon la parole que Yahvé avait dite par le ministère dElie. | 44 ils mangèrent et en eurent de reste, selon la parole de Yahvé. |
- La situation présentée met en scène un prophète et un autre personnage principal. À Cana cest Jésus et sa mère. À Sarepta, cest Élie et une veuve. À Gilgal, cest Élisée et son serviteur.
- La demande est reliée à la boisson ou à la nourriture. À Cana, cest la mère de Jésus qui annonce quil ny a plus de vin. À Sarepta, cest Élie qui demande à la veuve de lui apporter du pain. À Gilgal, cest Élisée qui demande doffrir aux gens vingt pains dorge et du grain frais dans son épi qua apporté un homme de Baal-Shalisha.
- Lobjection apportée varie. À Cana, cest Jésus lui-même qui objecte que son heure nest pas venue. À Sarepta, cest la veuve qui objecte quelle na pas de pain, et que la farine et lhuile quelle possède ne suffira même pas à la nourrir avec son fils. À Gilgal, cest le serviteur du prophète qui objecte que la nourriture en main est insuffisante pour nourrir cent personnes.
- Il y a aussi des différences dans le geste de foi. La mère de Jésus na pas besoin dêtre interpellée dans sa foi, et cest elle qui prépare le terrain à ce que fera son fils. À Sarepta, la veuve doit dabord recevoir le soutien du prophète qui proclame que Dieu veillera à ce quelle ne manque de rien. La même chose se passe à Gilgal avec le serviteur.
- Enfin, le résultat diverge selon les trois récits. À Cana, laccent est sur la qualité du liquide qui est meilleur que tout. À Sarepta, cest labondance sous la forme de la farine et de lhuile qui ne sépuisent pas. À Gilgal, cest également labondance sous la forme de la quantité de nourriture qui va au-delà des besoins.
- Que conclure? Le parallèle nexiste quau niveau dune structure générale, et non pas dans le détail. Néanmoins, nous sommes devant un besoin humain que lhomme de Dieu vient combler au-delà de toute espérance. Sans ce besoin ressenti et vécu, il ny aurait eu aucune intervention de lhomme de Dieu. Et quand Dieu intervient, cest de manière différente que ce que nous attendions : il y a toujours de la part de Dieu une surabondance. Cependant, tout cela nécessite louverture à une foi totale en Dieu. On remarquera quaux noces de Cana, contrairement aux deux autres récits, il ny a aucun appel direct à croire : la mère de Jésus est déjà croyante, et sa demande aux serviteurs semble plus un geste dautorité quun appel à croire. Cest plutôt le résultat qui suscitera la foi des disciples.
- Intention de l'auteur en écrivant ce passage
Plaçons-nous du point de vue de lauteur principal du 4e évangile, celui que Boismard appelle Jean II-A et Jean II-B, qui aurait dabord vécu en Palestine (A), pour ensuite sétablir en Asie Mineure, probablement Éphèse (B).
Quand il commence à écrire son évangile, il dispose dun certain nombre de petits récits qui ont circulé dans les milieux missionnaires qui cherchaient à catéchiser les premiers chrétiens. Le récit des noces de Cana, en version abrégée, peut-être comme Boismard a essayé de le reconstituer et que nous avons présenté lors de lanalyse de sa structure, était sans doute lun deux. À lorigine, il y a peut-être le souvenir que Jésus a participé avec sa famille à des événements typiques de la vie de village en Galilée, comme des noces. Mais rappelons que les premiers chrétiens ont essayé de relire les événements entourant Jésus à travers le filtre de lAncien Testament : ce qui les intéressait, ce nétait pas la reconstitution de ce qui sétait passé, mais leur signification, et surtout répondre à la question : qui est vraiment Jésus? Or, certains passages de la Bible ont coloré cette scène de fête dans un village de Cana : la figure dÉlie qui comble la pénurie dune veuve à Sarepta avec labondance quoffre Dieu (1 Rois 17). Et il y a avait toutes ces images de fête et de vin, comme chez Isaïe, associées à la venue de Dieu venu apporter son salut (Isaïe 25), ou comme dans les Proverbes où le vin est associé à la sagesse de Dieu à laquelle on sabreuve (Proverbe 9). Jésus est ce nouvel Élie venu nous abreuver de la sagesse de Dieu et apporter le festin du salut qui dépasse toutes nos attentes.
Cest ce récit que Jean modifie en lui insufflant sa propre théologie. Dans un premier temps, il insiste pour en faire un récit qui doit conduire à la foi en Jésus. Aussi, il introduit la présence des disciples à qui ce récit est adressé. Puis, il ajoute cette scène autour du maître du repas qui doit goûter au liquide afin de sassurer que cest bien du vin, et non de leau. Pour aider le lecteur à comprendre le contenu de cette foi à laquelle il le convie, il évoque limage du marié qui, presque partout dans les évangiles, est associé à Jésus : en Jésus se réalise cette grande réconciliation avec Dieu, des épousailles en quelque sorte. Voilà une réalité totalement nouvelle, qui napparaît que maintenant avec Jésus. Et en cela, Jésus révèle la qualité extraordinaire de son être. Voilà ce que les disciples ont cru et que les chrétiens sont appelés à croire.
Dans un deuxième temps, beaucoup plus tard, Jean a produit une nouvelle mouture de son évangile alors que sa communauté doit affronter lhostilité grandissante des Juifs. Il met davantage laccent sur la croix et sur la figure qui est le modèle du croyant, sa mère que Jésus a confié au disciple bien-aimé. Ce vin nouveau est conditionnel à lheure de la croix, et nest accessible quà travers la foi. Et il vient remplacer le Judaïsme et toute son orthopraxie qui devient désuète, alors que la destruction du temple sera annoncée bientôt. Car fondamentalement, Jésus introduit une nouvelle création, au terme dune semaine qui est plus importante que la première semaine de la Genèse. Jean renforce également la valeur du témoignage de ce récit en ayant des serviteurs qui peuvent confirmer que, avant cétait de leau, maintenant cest du vin.
Ainsi, pour Jean, la mort et la résurrection de Jésus introduisent une réalité totalement nouvelle et révèlent au monde la qualité extraordinaire de celui auquel on identifie le visage même de Dieu. En lui le mariage entre lhumanité et son Dieu est devenu possible, et la vie, malgré toutes les souffrances et la mort, peut devenir une fête sans fin, une fête où on sabreuve à la sagesse de Dieu, une fête où le service mutuel se fait dans lamour. Comme nous le voyons, à partir dune scène banale de village, Jean nous introduit dans un monde théologique. Il ne nous parle plus du passé, mais du présent de sa communauté.
- Situations ou événements actuels dans lesquels on pourrait lire ce texte
- Suggestions provenant des différents symboles du récit
- Ce récit est si riche en symboles quon a lembarras du choix. Commençons avec celui des noces. Cest un moment de fête, la fête de lamour entre deux êtres, la célébration dun des moments clés de la vie. La famille et les amis se trouvent réunis, entraînant un temps déchange, de partage. Le temps est comme suspendu, alors que chacun a quitté ses activités habituelles. Cela ne dit-il pas quelque chose dessentiel sur le sens de vie et sur le visage de Dieu? Naspire-t-on pas à un monde où la fête et la joie est continuelle?
- Quelle différence y-a-t-il entre leau et le vin? Leau est essentielle à la vie, mais le vin apporte ce quelque chose de plus qui donne cette saveur à la vie. Il symbolise la célébration et la fête. Il apporte une qualité supplémentaire. Il est associé au plaisir. Or, le vin nest-il pas au coeur de la vie chrétienne alors quil est partie intégrante de la célébration eucharistique? Quest-ce que cela révèle de Dieu et du sens de la vie? Le fait que Jésus a pris du vin, et même quon a conservé un récit où il comble une pénurie de vin, ne dit-il pas quelque chose de la vie chrétienne?
- Le récit met en scène une femme, celle qui est la mère de Jésus. Cette femme joue un rôle clé, car sans elle il ny aura pas eu ce vin merveilleux. Aussi, peut-on dire que ce vin nouveau est loeuvre à la fois dun homme et dune femme. Tout cela ne met-elle pas en question notre approche réductrice du rôle non seulement des sexes dans la marche du monde et de lÉglise, mais aussi celui des âges, des cultures et des races? Le meilleur vin ne viendra pas sans la participation de tous.
- « Mon heure nest pas encore venue ». Cest bien sûr le rappel du prix de la fête, celui dun amour qui accepte de subir la haine et violence jusque dans la mort, dans la foi que lamour vaincra et vivra éternellement. Mais cest aussi le rappel quil y a un temps pour tout, et quil est impossible de précipiter les choses. Toute gestation prend du temps. On ne devient pas adulte en une nuit. Certains parlent de léchec du « printemps arabe ». Mais on oublie quil a fallu 22 ans avant de réaliser lunification de lAllemagne. Quand on dit que lheure nest pas venue, on proclame en même temps quil viendra, si tu moins on a la foi. Cela ne met-il pas en question nos impatiences?
- « il rendit ainsi visible la qualité extraordinaire de son être (sa gloire) ». Le mot gloire est trompeur, car on lassocie habituellement aux grandes vedettes du monde des arts et de la politique, ceux et celles qui jouissent dune grande réputation et sont très connus. Car ici on parle de rendre visible ce qui est invisible. Ne nous faisons pas dillusion : la réalité profonde de Jésus était invisible pour la plupart à son époque, un peu comme chez Don Bosco quon a logé dans le grenier dun presbytère lors dun séjour en France, car, comme le dira un prêtre plus tard, on ne savait pas quil était un saint. En effet, il est impossible de percevoir le mystère dune personne et de communier à ce quelle est, si on na pas dabord au fond de soi cette sensibilité au même mystère. Cette qualité extraordinaire de Jésus ne peut être perçue quand évoluant soi-même. Cela ne trace-t-il pas un plan de vie?
- Suggestions provenant de ce que nous vivons actuellement
- En ce moment, cest la question des réfugiés syriens qui retient lattention. Certaines frontières souvrent pour les accueillir, comme lAllemagne qui veut en accueillir 800 000 ou le Canada 25 000, dautres se ferment. Le récit des noces de Cana na-t-il pas une pertinence sur ce drame humain? Les Syriens ne sont-ils pas aussi invités à cette fête où nous célébrons les relations renouvelées de Dieu et de lhumanité? Ne peuvent-ils devenir ce vin qui donne saveur à notre vie?
- Lislamisme radical sévit encore et encore? Aux États-Unis, à Philadelphie, un homme tire sur un policier au nom dAllah, en Égypte des touristes européens sont poignardés dans une station balnéaire par des gens qui porte le drapeau de létat islamique. Quel contraste entre cet aveuglement sectaire et ce moment de fête et de célébration à Cana. Dans un tel contexte, le récit de Jean nest-il pas important pour nous garder ancré dans la vérité des choses révélées par Jésus?
- Une jeune maman se sent épuisé en veillant sur son enfant de cinq ans qui lui donne du fil à retordre, alors quelle-même connaît des problèmes de santé et vit le stress dun travail exigeant. Le message dun récit comme celui de Cana peut-il lui apporter quelque chose? Quoi exactement? À travers la peine des travaux et des jours, ne prépare-t-on pas cette fête qui vendra en son temps, si du moins nous y croyons?
- LÉglise catholique est déchirée entre ceux qui veulent plus dacceptation des réalités nouvelles et ceux qui défendent mordicus ce quils appellent la tradition. Témoin de cette tension, le récent synode sur la famille au Vatican. Quapporterait au débat une profonde compréhension du récit des noces de Cana? Ce qui est nouveau ne pourrait-il pas apparaître comme ce vin le meilleur qui nest présenté que maintenant?
- La population dans les milieux développés vieillit. La médecine est en mesure de prolonger la vie des gens de plusieurs années. En même temps, la qualité de vie de certains sappauvrit. La maladie dAlzheimer se répand. On trouve beaucoup dennui et de solitude. Comment peut-on mettre ensemble une telle situation et le récit des noces de Cana? Mais justement, le texte de lévangile ne nous ouvre-t-il pas à une autre manière de voir la vie?
-André Gilbert, Gatineau, janvier 2016
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