Analyse biblique de Matthieu 26, 14 - 27, 66 Je vous propose une analyse biblique avec les étapes suivantes: une étude de chaque mot grec du passage évangélique, suivie d'une analyse de la structure du récit et de son contexte, à laquelle s'ajoute une comparaison des passages parallèles ou semblables. À la fin de cette analyse et en guise de conclusion, je propose de résumer ce que l'évangéliste a voulu dire, et je termine avec des pistes d'actualisation.
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lun des douze, celui appelé Judas Iscariote |
Ce qui étonne ici, cest que le rédacteur assume que son lecteur ne connaît pas Judas Iscariote, et doit donc lintroduire : il est lun des Douze. Matthieu lavait déjà brièvement mentionné en 10, 4 (Simon le Zélé et Judas lIscariote, celui-là même qui la livré ) quand il a donné la liste des douze Apôtres. Mais cest ici quil lintroduit formellement à un auditoire qui ne semble pas si familier avec ce personnage. Sa façon de lintroduire accentue le côté tragique de la situation : il est lun des Douze, un des intimes que Jésus a spécialement choisi; cela révèle lhorreur de son geste.
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v. 15 pour leur dire : « Combien voulez-vous me donner, si je vous le remets? » Ceux-ci rassemblèrent léquivalent de cinq cent dollars.
Littéralement : il dit : « quest-ce vous voulez me donner, et moi je vous le livrerai? » Eux mirent debout à lui trente pièces dargent. |
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quest-ce vous voulez me donner |
Le côté vil du geste de Judas est encore accentué en nous parlant du motif de son geste : largent. On peut facilement penser que, historiquement, les raisons qui ont amené Judas à poser son geste sont multiples, incluant la perte de confiance dans la valeur du projet de son maître, et donc laissant place à la poussée de certains travers chez lui. Mais ce que Matthieu veut que nous retenions : Judas a vendu son maître par appât du gain. Il modifie le texte de Marc (qui dit simplement en 14, 10-11: Judas Iscarioth, lun des Douze, sen alla auprès des grands prêtres pour le leur livrer. A cette nouvelle ils se réjouirent et ils promirent de lui donner de largent.) pour affirmer explicitement que cest Judas qui a réclamé de largent. Cette position nest pas sans valeur, car on la retrouve ailleurs dans le Nouveau Testament dans le jugement dur de Jean dans la scène de Marie oignant les pieds de Jésus avec un parfum cher : Mais Judas lIscariote, lun de ses disciples, celui qui allait le livrer, dit: "Pourquoi ce parfum na-t-il pas été vendu 300 deniers quon aurait donnés à des pauvres?" Mais il dit cela non par souci des pauvres, mais parce quil était voleur et que, tenant la bourse, il dérobait ce quon y mettait (Jean 12, 4-6).
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Eux mirent debout à lui trente pièces dargent |
Le texte grec parle trente pièces d'argent. Nous avons estimé ce montant à environ 500 dollars. Il est difficile de savoir à quoi équivalent aujourd'hui ces trente pièces d'argent. Nous avons deux références dans l'Ancien Testament.
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v. 16 Dès lors, il cherchait le bon moment pour leur remettre.
Littéralement : et à partir dalors il cherchait le bon moment afin quil le livre. |
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il cherchait le bon moment afin quil le livre. |
On peut se poser la question : pourquoi est-ce si difficle de larrêter, puisque Jésus prêchait dans lenceinte du temple, que des gens allaient lentendre, si lon se fie aux textes du Nouveau Testament. Deux indices peuvent aider notre compréhension. Dune part, nous avons un certain nombre de textes montrant que Jésus, se sachant coincé, évitait les lieux publics; dans le Nouveau Testament on utilise alors le terme « se retirer » : Étant sortis, les Pharisiens tinrent conseil contre lui, en vue de le perdre. Layant su, Jésus se retira de là (Mt 12, 14-15); Les disciples de Jean vinrent prendre le cadavre (Jean vient dêtre tué par Hérode) et lenterrèrent; puis ils allèrent informer Jésus. Layant appris, Jésus se retira en barque dans un lieu désert (14, 12-13); Dès ce jour-là donc, ils résolurent de le tuer. Aussi Jésus cessa de circuler en public parmi les Juifs; il se retira dans la région voisine du désert, dans une ville appelée Ephraïm, et il y séjournait avec ses disciples (Jn 11, 53-54). Enfin, en 18, 2 le même Jean écrit : « Or Judas, qui le livrait, connaissait aussi ce lieu, parce que bien des fois Jésus et ses disciples sy étaient réunis. » Dautre part, il semble que les autorités religieuses craignaient la réaction de la foule et donc ne voulait procéder à larrestation de Jésus au grand jour : Mais, tout en cherchant à larrêter, ils (grands prêtres et les Pharisiens) eurent peur des foules, car elles le tenaient pour un prophète (Mt 21, 46); ils (les grands prêtres et les anciens) se concertèrent en vue darrêter Jésus par ruse et de le tuer (Mt 26, 4).
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v. 17 Le premier jour des pains sans levain, les disciples allèrent trouver Jésus pour lui demander : « Où veux-tu que nous te préparions à manger pour la Pâque? »
Littéralement : Au premier des Azymes les disciples allèrent vers Jésus disant : « Où veux-tu que nous te préparions à manger la pâque? » |
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Au premier des Azymes |
À lorigine, la fête des Azymes ou « pains sans levain » est différente de celle de la pâque. Il sagit dune fête agricole où, au printemps, on faisait offrande des premières gerbes. De même, la fête de pâque était à lorigine une fête nomade où on offrait à la divinité un agneau au début de la transhumance du printemps. Comme les deux fêtes avaient lieu en même temps, elles ont fini pas être fusionnées et, par la suite, recevoir un sens religieux, relié à la libération dÉgypte. Cest ainsi que labsence de levain fut expliquée par la hâte de quitter lÉgypte. La fête des pains sans levain durait une semaine.
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nous te préparions à manger pour la Pâque |
Marc, Luc et Matthieu, bref les synoptiques, nous présentent ce dernier repas de Jésus avec ses disciples comme un repas pascal. Jean, par contre, présente ce dernier repas, non pas comme un repas pascal, mais comme un repas dadieu; pour lui, la pâque avait lieu vingt-quatre heures plus tard, et exceptionnellement la pâque et le sabbat tombait le même jour cette année-là (Jn 18, 28). Il semblerait que cest Jean qui a raison, et ce sont les premiers chrétiens qui ont voulu associer le repas de Jésus avec le repas pascal : nétait-il pas notre nouvelle pâque, lagneau immolée pour nos péchés? (1 Corinthiens 5, 7). Les synoptiques refléteront cette catéchèse. Voir sur le sujet Meier.
Admettons la probabilité quil sagisse simplement dun repas dadieu. La question demeure : pourquoi Jésus tenait-il à un tel repas? Sans doute ce repas revêtait pour lui la plus haute signification. Partager un repas est un geste de grande intimité, surtout quand on plongeait la main dans les mêmes plats. Jésus désirait probablement ce moment dinitimité avant de vivre ces heures difficiles quil pouvait deviner, comme tout être humain intelligent; bref, cétait un moment de réconfort. Le repas est un lieu déchange, et pour Jésus cétait sans doute loccasion de faire ses adieux avec un message que ses disciples retiendraient pour toujours. |
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v. 18 Ce dernier répondit : « Allez en ville chez un tel, et dites-lui : "Le maître te fait dire : mon temps est proche, cest chez toi que veux célébrer la Pâque avec mes disciples." »
Littéralement : Lui, répondit : « allez dans la ville chez quelquun et dites-lui : "Lenseignant dit : mon temps (ho kairos mou) est proche, chez toi je fais la pâque avec mes disciples". » |
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allez dans la ville chez quelquun et dites-lui (alors) |
Daprès les synoptiques, Jésus aurait restreint son ministère en Galilée, et ce nest quau terme de sa mission quil se serait rendu à Jérusalem pour y mourir. Selon le récit de Marc, que reprennent Luc et Matthieu, le séjour à Jérusalem a duré à peine une semaine. Sil fallait accepter telle quelle cette affirmation, nous aurions ici un problème : comment Jésus peut-il envoyer ses disciple demander à quelquun un service qui suppose une longue familiarité, utiliser sa maison pour un groupe de treize personnes? De plus, cet homme semble être un disciple, puisque Jésus lui demande ce service en tant que maître; comment a-t-il pu devenir disciple en une semaine? Il est donc probable que Jésus a fait plusieurs séjours à Jérusalem, comme nous le confirme Jean, et donc quil a eu le temps détablir cette relation que présuppose aujourdhui cette demande de service.
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ho kairos mou (mon temps) |
Ce passage comporte un certain nombre de caractéristiques matthéennes. Dabord, le récit est beaucoup plus concis que celui offert Marc, ce qui est très fréquent : Matthieu aime les récits bien ficellés, sans anecdotes inutiles. Ensuite, on note lexpression: « mon temps (ho kairos mou) est proche » que Matthieu a ajouté à sa source tout comme il la fait plus tôt en 8, 29 : « Es-tu venu ici pour nous tourmenter avant le temps (pro kairou)? » Ce temps, cest son passage de la mort à la vie.
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v. 19 Les disciples firent comme Jésus leur avait commandé et préparèrent la Pâque.
Littéralement : Et firent les disciples comme leur avait commandé (synetaxen) Jésus et préparèrent la pâque. |
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synetaxen (il avait commandé) |
Voici une autre caractéristique de Matthieu: il aime souligner la dignité et la transcendance de Jésus. Ce passage ne fait pas exception, car les disciples font ce que Jésus leur avait commandé (synetaxen) : Jésus est celui qui a autorité, qui commande ou ordonne; il est le seul à utiliser ainsi trois fois synetaxen (ordonner, prescrire, commander) en référence à ce que Jésus demande.
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v. 20 Le soir venu, alors quil était allongé avec les Douze
Littéralement : Le soir venu il était allongé avec les douze. |
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il était allongé avec les douze |
Nous avons un écho de la façon dont on mangeait à lépoque, cest-à-dire couché ou allongé sur des tapis. De plus, on fait ici allusion à un plat commun au centre dans lequel tous plongeaient la main. Il y a quelque chose danachronique de représenter les disciples assis sur des chaises, comme dans certaines peintures. Mais lart ne vise pas à représenter littéralement la réalité, mais à nous faire entrer par la symbolique dans le monde psychique et celui de lintériorité.
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v. 21 et mangeait, il dit : « Vraiment, je vous lassure, lun de vous me trahira. »
Littéralement : Et étant mangeant il dit : « Amen je vous dis que lun de vous me livrera. » |
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v. 22 Fortement peinés, les disciples commencèrent chacun à lui demander : « Serait-ce moi, maître? »
Littéralement : Et chagrinés fortement ils commencèrent à lui dire chacun : « Est-ce moi je suis, Seigneur? » |
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v. 23 En réponse, Jésus dit : « Celui qui me trahira, cest celui qui aura plongé la main avec moi dans le plat.
Littéralement : Lui, répondant, dit : « Layant plongé avec moi la main dans le plat, celui-là me livrera. |
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Amen je vous dis que lun de vous me livrera |
À travers cette scène où Jésus annonce la trahison de Judas, il est clair que que les évangiles veulent transmettre le message que Jésus na pas été dépassé par les événements, y compris celui de la trahison de lun du cercle des intimes. Selon son habitude, Matthieu évite toute ambiguïté et veut être très clair; il ajoute « Tu las dit », pour bien identifier le coupable. Mais je trouve important de faire une mise au point. Pour certains croyants, Jésus a pu annoncer la trahison de Judas parce que, comme fils de Dieu, il savait tout, y compris les événements qui allaient survenir et ce que chacun allait faire. Une telle perception est non seulement fausse, mais elle est dangereuse. Elle est fausse, car elle ne sappuie pas sur les indices historiques que nous pouvons recueillir; noublions que les récits évangéliques ont été écrits 40 à 50 ans après les faits, alors quon savait tout ce qui sétait passé et quon cherchait à faire une catéchèse pour les nouveaux baptisés. Elle est dangereuse, car elle se trouve à nier la foi même en lIncarnation où on affirme que Jésus a pris la condition humaine en tous points, à lexception du péché (voir le bel hymne de lépître aux Philippiens (2, 6-11). Si Jésus a vraiment pris la condition humaine avec toutes ses contraintes, il ne pouvait connaître lavenir comme tout être humain ne sait pas lavenir. Mais il était intelligent comme nous pouvons être intelligents, et il a certainement perçu lévolution de ce disciple quil a choisi à lorigine, alors quil rencontrait ses critères, mais qui semblait maintenant prendre ses distances face à ce maître bizarre. Dans ce contexte, on peut accepter le message des évangélistes que Jésus na pas été surpris de la trahison de Judas. Mais ce détail où Judas demande « est-ce moi, rabbi? » et où Jésus répond « tu las dit » est fort probablement une création de Matthieu; dailleurs il est le seul évangéliste à mentionner « tu las dit ».
On peut se poser la question si, sur le plan historique, Jésus a pu pressentir quon le trahirait et y faire allusion aux disciples. La réponse est probablement : oui, car Marc et Jean, deux sources indépendantes en parlent. Mais cela a pu se passer non pas veille de la trahison, ce qui laissait peu de temps pour organiser son arrestation, mais plus tôt, peut-être au repas de Béthanie que Marc place deux jours avant la Pâques (Mc 14, 1), et Jean six jours avant (Jn 12, 1). Cf. P. Benoit et M.-E. Boismard, Synopse des quatre évangiles II, Paris : Cerf, 1972, p. 380. |
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v. 24 Certes, selon les Écritures, le nouvel Adam est appelé à mourir, mais je plains cet homme qui a trahi ce nouvel Adam : il aurait mieux valu pour cet homme de ne pas naître. »
Littéralement : Vraiment, le fils de lhomme sen va comme il a été écrit à son sujet, mais malheur à cet homme là par qui le fils de lhomme a été livré: bon est à lui sil ne fut pas enfanté cet homme là » |
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v. 25 À son tour, Judas demanda : « Est-ce moi, rabbi? » Jésus lui répondit : « Tu las dit. »
Littéralement : Répondant Judas le livrant, il dit: « Est-ce moi je suis, maître? » Il lui dit : « Tu las dit. » |
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comme il a été écrit à son sujet |
Lévangile semble faire une affirmation surprenante : la mort de Jésus aurait été non seulement prévue, mais correspondrait à un scénario déjà établi. Ici, il faut faire attention aux formules utilisées par lévangéliste qui, au premier abord, son déroutante. Encore une fois, rappelons-nous que les récits évangéliques ont été écrits 40 à 50 ans après les faits. Après la mort de Jésus et lors de la foi naissance en sa résurrection des morts, les premiers chrétiens se sont mis à parcourir les Écritures juives pour trouver un sens à tout cela. Cest ainsi quils ont trouvé des passages des prophètes ou des psaumes qui les aidaient à comprendre tous ces événements. Les auteurs des Écritures auraient été surpris de voir lutilisation quon faisait de leur texte, mais pour les premiers chrétiens, ils apportaient la lumière quils cherchaient.
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le fils de lhomme |
Je traduis lexpression « fils de lhomme » par « nouvel Adam ». Voir lexplication que jen donne sur ma page des choix de traduction.
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malheur à cet homme... bon est à lui sil ne fut pas enfanté |
Ce verset pourrait soulever la question de la prédestination qui a tourmenté des gens comme Jean Calvin qui affirmait que Dieu veut de toute éternité la damnation des certains, et le salut dautres. Tout dabord, ce verset affirme seulement ceci : pauvre Judas, comme il va souffrir à cause de son geste! Cette affirmation est du même niveau que nos réactions quotidiennes devant un enfant qui fait un mauvais choix et doit en subir les conséquences. Lévangéliste ne parle pas du tout de prédestination. Mais si nous voulons néanmoins aborder la question de la prédestination en lisant lépisode de Judas, il faut savoir que tout tient à notre vision de Dieu, en particulier sa toute-puissance en regard de la liberté humaine. Pour qui rien néchappe au contrôle de Dieu, alors tout devient prédéterminé, incluant les choix humains. Personnellement, je crois à la liberté humaine, je crois quelle est voulue et respectée par Dieu, je crois à son amour infini et sans restriction pour tous les êtres humains sans exception, et dire que Dieu puisse vouloir que des êtres soient malheureux est une aberration totale. Si Jésus est le reflet le plus fidèle de Dieu, lui qui a accepté de se faire bafouer, attacher et de mourir, alors il faut croire que Dieu accepte de shumilier pour donner toute la place à la liberté humaine. Si la mort de Jésus sest transformée en force de résurrection, alors il faut croire que la force de Dieu nest pas celle de tout contrôler, mais de savoir transformer la mort et le péché en source de vie.
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v. 26 Alors quils mangeaient, après avoir pris du pain et avoir prononcé la bénédiction, Jésus le rompit et le partagea avec les disciples avec ces mots : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. »
Littéralement : Et eux mangeant, Jésus prenant du pain et bénissant, il rompit et donnant aux disciples, il dit: « prenez, mangez, ceci est mon corps; » 27 et prenant un vase et ayant rendu grâce, il leur donna disant : « buvez de lui tous, |
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v. 27 Après avoir pris la coupe et avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : « Buvez en tous,
Littéralement : et prenant un vase et ayant rendu grâce, il leur donna disant : « buvez de lui tous, |
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v. 28 ceci est mon sang dalliance, versé afin quune grande partie de lhumanité revienne de ses égarements. »
Littéralement : car cela est mon sang de lalliance au sujet dun grand nombre versé pour le pardon des péchés; » |
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v. 29 Il ajouta : « Dorénavant, je ne boirai plus avec vous le produit de la vigne, jusquau jour où jen boirai du nouveau dans le monde de mon père. »
Littéralement : il leur dit : « je ne boirai plus dès maintenant de ce fruit de la vigne jusquà ce jour, quand je le boirai avec vous nouveau dans le royaume de mon père. » |
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v. 30 Après avoir chanté des hymnes, ils partirent pour le Jardin des oliviers.
Littéralement : Et ayant chanté des hymnes, ils sortirent vers le jardin des oliviers. |
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prenant du pain et bénissant, il rompit... prenant un vase et ayant rendu grâce |
Sur le plan historique, il est probable que Jésus a pris un pris un repas dadieu avec ses disciples. Il est possible que nous soyons le jeudi soir, 6 avril de lan 30 (voir Meier). Mais la façon dont les synoptiques racontent cette scène cherche moins à raconter ce qui sest passé quà en faire un repas pascal qui devait avoir lieu le jour suivant, le vendredi soir, 7 avril. Et le rituel de la pâque juive comprenait les étapes suivantes (voir Glossaire):
Que conclure de tout cela? Sur le plan historique, il semble indéniable que Jésus ait voulu prendre un dernier repas avec ses disciples alors que létau se resserrait sur lui. Ce repas avait un caractère spécial, car on y trouve du pain et du vin. Ce fut pour Jésus loccasion de dire adieu à ses disciples, de leur laisser ses dernières paroles. Cest ainsi quaprès avoir prononcé la bénédiction sur le pain selon la tradition juive et lavoir partagé, il a associé ce pain à son propre corps, donné pour nourrir les autres jusquà dans la mort; à travers son corps, cest lensemble de sa vie qui était donnée. Il a partagé la coupe de vin de la même façon, lassociant à son sang sur le point dêtre versé, signe non seulement du don de sa vie, mais également dune nouvelle union par delà la mort. Après ces mots, il a ajouté que cétait son dernier repas avec eux, mais terminait sur une note despérance en proclamant sa foi à la venue du Règne de Dieu où ils se retrouveraient tous ensemble. Par la suite, les chrétiens se remémoreront ce repas dadieu pour non seulement garder vive la mémoire de leur maître, mais également pour en approfondir le sens. Cest ainsi quon le réinterprétera à la lumière de la pâque juive, comme on le voit chez Luc et la tradition grecque, car tout comme la sortie dÉgypte a été un moment libérateur, ainsi la mort-résurrection de Jésus a ouvert une source libératrice. Cest ainsi aussi, comme on le voit chez Matthieu, on le réinterprétera à la lumière des sacrifices pour les péchés du temple en parlant sur sang de Jésus répandu pour une multitude en rémission des péchés; comme les Juifs chrétiens auquel sadressait Matthieu connaissaient ces sacrifices offerts pour le pardon des péchés, ils pouvaient alors par cette analogie comprendre le sens de cette mort tragique de Jésus. |
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v. 31 À ce moment, Jésus leur dit : « Tous, vous allez trébucher cette nuit à cause de moi, car il est écrit : je frapperai le berger et les brebis du troupeau se disperseront.
Littéralement : À ce moment-là leur dit Jésus: « Vous tous, vous serez scandalisés (skandalisthēsesthe) par moi en cette nuit, car il été écrit : je frapperai le berger et seront dispersées les brebis du troupeau. |
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skandalisthēsesthe (vous serez scandalisés) |
Il est important de bien comprendre le sens du mot grec skandalisthēsesthe, qui a donné notre mot : scandaliser, et que nous avons traduit par: trébucher. Il ne sagit pas dun mauvais exemple qui choque ou dun événement révoltant, mais dune pierre dachoppement qui fait trébucher comme le montre lAncien Testament :
Trébucher signifie perdre ses convictions, perdre la foi, errer loin de ses choix originaux et fondamentaux, devenir étranger à soi-même. Dans le cas de Pierre, il reniera sa condition de disciple, alors quil sétait attaché à Jésus depuis plus de deux ans. Pour comprendre cette utilisation, on on se réfère à ce passage du prophète Zacharie où Dieu soumet son peuple à lépreuve : Épée, éveille-toi contre mon pasteur et contre lhomme qui mest proche, oracle de Yahvé Sabaot. Frappe le pasteur, que soient dispersées les brebis, et je tournerai la main contre les petits (13, 7). Cen était donc fini du groupe des Douze; après la trahison de Judas, cétait maintenant la désertion de lensemble des disciples. |
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je frapperai le berger et les brebis du troupeau se disperseront |
Pour comprendre le fait que les disciples abandonneront leur maître, la source marcienne de Matthieu fait une référence explicite à Zacharie 13, 7, un passage où Yahvé annonce le jugement pour son peuple et son désir de le nettoyer de son impureté, en particulier face aux idoles :
(Version hébraïque) Epée, éveille-toi contre mon pasteur et contre lhomme qui mest proche, oracle de Yahvé Sabaot. Frappe le pasteur, que soient dispersées les brebis, et je tournerai la main contre les petits.
On peut noter que pour éclairer leur situation, les premiers chrétiens modifient un peu lÉcriture : tout dabord le pasteur du texte de Zacharie est un mauvais pasteur qui subit le jugement de Dieu, ce qui rend étrange une comparaison avec Jésus. Ensuite, le temps du verbe est modifié de limpératif au futur, afin den faire une prophétie pour lavenir. Peu importe, ce texte les aidait à expliquer lévénement très triste dun Jésus condamné à mort et de la communauté des disciples qui sécroule. |
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v. 32 Et après être revenu des morts, je vous précéderai en Galilée. »
Littéralement : Et après avoir été réveillé moi, je vous précéderai en Galilée. » |
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Matthieu se contente ici de reprendre textuellement Marc. Il y a peu de choses à dire sinon que ce passage de Marc est certainement rédactionnel, car il cadre avec sa théologie dune rencontre de Jésus ressuscité en Galilée (Marc 16, 7).
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v. 33 Mais Pierre rétorqua : « Même si tous trébuchent à cause de toi, moi, jamais je ne trébucherai. »
Littéralement : Mais répondant Pierre, il dit : « Si tous seront scandalisés par toi, moi jamais je ne serai scandalisé ». |
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v. 34 Jésus reprend : « Vraiment, je te lassure, cette nuit même, avant que le coq ne chante, tu auras nié me connaître par trois fois. »
Littéralement : Lui déclare Jésus: « Amen, je te le dis quen cette nuit avant que le coq naille fait entendre sa voix, trois fois tu mauras renié. » |
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v. 35 Pierre objecta : « Même si je dois mourir avec toi, jamais je nierai te connaître. » Tous en choeur, les disciples dirent la même chose.
Littéralement : Lui dit Pierre : « Et sil est nécessaire quavec toi je meure, je ne te renierai pas. » Et pareillement tous les disciples dirent. |
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Avant daborder la question du reniement de Pierre, faisons remarquer que le récit de lannonce de labandon des disciples et celui du reniement de Pierre constituaient sans doute deux récits indépendants qui ont été réunis ensemble, car ils abordaient un thème commun, celui de lattitude des disciples lors de larrestation de Jésus. Le pont entre les deux récits aurait été fait avec la protestation de Pierre qui se disait différent des autres. Cf. P. Benoit et M.-E. Boismard, Synopse des quatre évangiles II, Paris : Cerf, 1972, p. 390.
Sur le plan historique, il est probable que Jésus ait anticipé la défection de Pierre. À la fois Marc et Jean, deux auteurs indépendants, nous transmettent une tradition ancienne. Voici en parallèle les quatre évangiles sur le sujet. Nous avons souligné, non pas les mots exacts, mais les idées communes.
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v. 36 Puis, Jésus parvient avec eux dans un lieu, appelé Gethsémani, et dit aux disciples : « Asseyez-vous, pendant que je méloignerai là-bas pour aller prier. »
Littéralement : À ce moment-là vient avec eux Jésus vers un lieu appelé Gethsémani et il dit aux disciples: « Asseyez-vous jusquà ce que, étant éloigné là pour que jaille prier. » |
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Gethsémani |
Le nom Gethsémani est composé de deux racines hébraïques : gat (pressoir) et ch‛mani (olive), et donc signifie : pressoir dhuile. Ce lieu était situé au pied du mont des Oliviers, à lest du Kédron, ce ruisseau desséché.
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étant éloigné là pour que jaille prier |
Limage que nous laisse Matthieu dun Jésus face à lépreuve est celui de quelquun qui sent le besoin de prier. Et pour prier, il sisole quelque peu de ses disciples. La prière apparaît comme une façon unique de sabstraire de limmédiat pour souvrir à une autre perspective.
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v. 37 Ayant emmené avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, Jésus se mit à devenir triste et à être tourmenté.
Littéralement : Et ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée il commença à être attristé (lypeisthai) et tourmenté (adēmonein). |
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v. 38 Alors il leur dit : « Mon être est triste à mourir. Restez ici et demeurez éveillés avec moi. »
Littéralement : À ce moment-là il leur dit : « Très triste (perilypos) est mon psychique jusquà la mort. Restez ici et veillez avec moi. » |
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lypeisthai (triste), adēmonein (tourmenté), perilypos (très triste) |
Lévangile utilise différents mots pour décrire létat dâme de Jésus : il est triste (lypeisthai), il est tourmenté / perturbé / angoissé / troublé / inquiet / anxieux selon la façon de traduire adēmonein. Et il met dans la bouche de Jésus des paroles qui font référence au psaume 42, 6 : Quas-tu, mon être, à défaillir et à gémir sur moi? (Cest la version hébraïque. La version grecque de la Septante dit : Pourquoi es-tu triste (perilypos), mon être, pourquoi me perturbes-tu? Ce quil faut retenir, cest quon présente Jésus comme quelquun qui se comporte comme tout être humain devant la perspective de souffrir et de mourir : il est triste, il est perturbé, il est angoissé. Nous sommes loin de la paix intérieure. Matthieu essaie un peu datténuer les sentiments quil trouve chez Marc qui parle de frayeur ou deffroi (ekthambeisthai), et préfère donc utiliser le mot tristesse (lypeisthai); cest son habitude de vouloir conserver le visage digne et transcendant de Jésus, car il le regarde avec les yeux de la foi.
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veillez avec moi |
Jésus a besoin du soutien de ses disciples les plus proches, il veut leur présence. Cest Pierre et Jacques et Jean, les deux fils de Zébédée. Il leur demande de veiller avec lui. Navons-nous pas un comportement parfaitement humain? Laspect est accentué chez Matthieu. Alors que Marc parle de rester éveillés, le Jésus de Matthieu demande de demeurez éveillés « avec moi ».
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v. 39 Il savança et tomba la face contre terre, priant : « Mon père, si cest possible, évite-moi cette coupe. Toutefois, que vienne non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »
Littéralement : Étant avancé un peu, il tomba sur sa face (epi prosōpon autou proseuchomenos) priant et disant: « Mon père, si cest possible, que passe à côté de moi ce vase. Toutefois, non pas comme je veux, mais comme toi. » |
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epi prosōpon autou proseuchomenos (il tomba sur sa face) |
Dans cette scène où Jésus prie son Père, Matthieu atténue un peu le caractère dramatique quon trouve chez Marc. Jésus ne tombe plus à terre comme écrasé par leffroi, mais il « tombe la face contre terre » dans un geste de soumission. Cest le même geste typique quon trouve chez Abraham lorsque Dieu lui parle dinstituer une alliance : Et Abram tomba la face contre terre (LXX : epesen Abram epi prosōpon autou). Dieu lui parla ainsi (Genèse 17, 3). De plus, Matthieu élimine lexpression « Abba » (papa) utilisée par Marc pour ne garder que « Mon père », expression plus formelle et moins chargée émotivement.
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que passe à côté de moi ce vase. Toutefois, non pas comme je veux, mais comme toi |
Lattitude de Jésus reflète deux composantes essentielles sur la façon de bien vivre lépreuve. Tout dabord, il est normal de vouloir léviter et il est sain de souhaiter quelle narrive pas : si cest possible, évite-moi cette coupe. Courir après lépreuve releverait dune maladie mentale. Mais par contre, si elle survient et quon ne peut léviter, il est vital de laccepter, de lassumer et de la vivre pleinement. Que serait-il arrivé si Jésus avait continué de la refuser jusquà son dernier souffle? Lépreuve laurait aigri, aurait engendré chez lui un sentiment dinjustice, bref laurait tué moralement avant de le tuer physiquement. Au contraire, lépreuve la fait grandir au point de devenir pour nous tous une source de vie. Notons que la partie la plus difficile de lépreuve est de ne pas comprendre. Lexpression « non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » est la reconnaissance dun mystère qui nous dépasse, et un geste de foi qui proclame que la source de ce mystère est malgré tout un être damour, et qui réalise, à travers mon ouverture, un monde à son image.
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v. 40 Jésus retourna vers ses disciples et les trouva endormis. Il dit : « Ainsi, vous navez pas été capables de demeurer éveillés une seule heure avec moi?
Littéralement : Et il va vers les disciples et les trouve dormant, et il dit à Pierre: « Ainsi vous navez pas été capables une seule heure à veiller avec moi? |
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v. 41 Restez éveillés et priez, afin que vous nentriez pas dans lépreuve. Car bien que lesprit soit bien disposé, la chair est par contre faible. »
Littéralement : Restez éveillés et priez, afin que vous nentriez pas dans lépreuve. Car bien que lesprit (pneuma) soit bien disposé, la chair (sarx) est par contre faible. » |
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pneuma (esprit), sarx (chair) |
Dans les évangiles, les deux mots revêtent plusieurs sens. Lesprit ici désigne lêtre humain dans sa capacité de comprendre, dentrer en relation et de choisir le bien. La chair désigne lêtre humain dans sa fragilité et dans ses tensions avec des forces contraires. La phrase souligne donc la dichotomie humaine avec les mots esprit et chair, et résume ainsi le grand défi de la vie humaine. Pour relever ce défi, il y a dabord la nécessité de la prière que Matthieu reprend au récit de Marc. Cest ce que fait Jésus. Cest ce que ne font pas les disciples. On voit la différence. Mais chez Matthieu, il y a encore plus : il y a la communauté. Car lorsquon veille et prie dans lépreuve, cest avec dautres. Au récit de Marc, il ajoute encore une fois « avec moi » : Ainsi, vous navez pas été capables de demeurer éveillés une seule heure avec moi? (v. 40)
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v. 42 Pour une deuxième fois, Jésus séloigna de nouveau pour prier et demander : « Mon père, sil nest pas possible déviter de boire tout cela, alors que ce réalise ce que tu veux. »
Littéralement : De nouveau, pour une deuxième fois, étant éloigné, il demanda en priant, disant: « Mon père, sil nest pas possible cela de passer à côté afin que je ne boive pas cela, que survienne ta volonté. » |
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v. 43 En revenant, il les trouve de nouveau endormis, les yeux lourds.
Littéralement : Et venant de nouveau il les trouva dormant, car ils étaient eux les yeux ayant été chargés dun fardeau. |
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v. 44 Encore une fois, Jésus les quitta et séloigna pour prier et demander pour la troisième fois la même chose.
Littéralement : Et les ayant quittés de nouveau sétant éloigné, il demanda en priant pour la troisième fois cette parole disant de nouveau. |
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v. 45 Enfin, il revient vers les disciples pour leur dire : « Vous pouvez maintenant dormir et vous reposer. Lheure est tout proche où le nouvel Adam est remis aux mains des gens méchants.
Littéralement : À ce moment-là il vient vers les disciples et leur dit : « Dormez désormais et reposez-vous. Voici que sest approché lheure et le fils de lhomme est livré aux mains des pécheurs. |
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v. 46 Allez, réveillez-vous. Voici quarrive celui qui me remet aux autorités. »
Littéralement : Réveillez-vous, allons. Voici que sest approché celui est me livrant. » |
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Comme on le note dans beaucoup de récits, des gestes ou des paroles sont répétés trois fois, afin de créer une intensité dramatique et insister sur un certain nombre de points. Dans notre cas, on insiste dune part sur la décision de Jésus dassumer le sort qui lattend malgré son extrême difficulté afin de sabandonner totalement à ce quil croit être la volonté de Dieu, et dautre part sur lincapacité des disciples à affronter la même situation. Matthieu se contente de reprendre le récit de Marc, mais le structure mieux : les trois allers-retours sont bien identifiés. Il répète la prière de Jésus pour en souligner lintensité et la ferme décision de faire la volonté de son Père. Il élimine les détails inutiles, comme cette mention de Marc que les disciples ne savent que dire quand Jésus leur reproche de ne pas veiller. Enfin, il modifie certains mots (leurs yeux étaient alourdis : katabarynō) pour les remplacer par ses mots préférés (leur yeux étaient apesentis: bareomai, voir également Mt 13, 15; 20, 12; 23, 4.23).
Il y a quelque chose dironique entre la parole de Jésus qui dit à ses disciples quils peuvent maintenant dormir et se reposer (v. 45), et celle quil dit immédiatement après où il leur demande de se réveiller (v. 46). En fait, dans le premier cas, cest la reconnaissance que le temps de la préparation au combat est terminé, et donc que les disciples ne livreront pas de combat et peuvent donc se reposer; ils dorment moralement parlant. Dans le deuxième cas, il sagit du réveil physique alors que les assaillants approchent. |
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v. 47 Il parlait encore quand Judas, un des Douze, arriva de chez les grands prêtres et les anciens du peuple avec une foule nombreuse portant épées et bâtons.
Littéralement : Et encore lui parlant, voici que Judas, un des douze, vint et avec lui une foule nombreuse avec des épées et des bâtons de chez les grands prêtres et les anciens du peuple. |
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v. 48 Celui qui allait leur remettre avait convenu dun signe : « Celui que jembrasserai, cest lui, saisissez-le. »
Littéralement : Et celui qui est le livrant leur donna un signe disant: « Celui que jembrasserai, cest lui, saisissez-le. » |
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v. 49 Il sapprocha aussitôt de Jésus pour lui dire : « Salut, rabbi! » Puis, il lembrassa.
Littéralement : Et aussitôt sapprochant de Jésus, il dit: « Réjouis-toi (chaire), maître! », et il lembrassa. |
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v. 50 Jésus lui répond : « Mon ami, passe à ce que tu as à faire. » Alors, ils sapprochèrent pour semparer de Jésus.
Littéralement : Et Jésus lui dit : « Ami! Passe à tout cela! » À ce moment-là, sapprochant, ils mirent les mains sur Jésus et le saisirent. |
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v. 51 À ce moment, dégainant alors son épée, un des compagnons de Jésus frappa le serviteur du grand prêtre et lui enleva loreille.
Littéralement : Et voici quun de ceux avec Jésus, ayant étendu la main tira dehors son épée et, ayant frappé le serviteur du grand prêtre, lui enleva loreille. |
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v. 52 Mais Jésus lui dit : « Remets lépée dans son fourreau. Car tous ceux qui prennent lépée périront par lépée.
Littéralement : À ce moment-là lui dit Jésus : « Remets ton épée à sa place. Car tous ceux prenant une épée par lépée périront. |
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v. 53 Ne sais-tu pas que je pourrais faire appel à mon père afin quil menvoie à linstant même plus de douze légions danges?
Littéralement : Ou bien penses-tu que je ne suis pas capable dappeler mon père, et il mentourerait à linstant de plus de douze légions danges? |
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v. 54 Mais alors comment les Écritures, qui expliquent la nécessité des choses, deviendront-elles pleinement intelligibles? »
Littéralement : Comment donc puissent saccomplir les Écritures que de cette façon il est nécessaire quil arrive à lexistence. » |
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La scène décrit larrestation de Jésus au milieu de la nuit par les autorités religieuses à laide dun collaborateur, Judas, un du groupe des intimes. Larrestation ne se fait pas sans violence puisque lun des disciples dégaine son épée et blesse un des assaillants. Cest la structure de base que nous livre la tradition. Et cette tradition a toutes les chances de remonter au Jésus historique, car on la retrouve à la fois chez Marc et chez Jean, deux traditions indépendantes. Dans les deux traditions, il faut un plan pour prendre Jésus par surprise de nuit pour larrêter, et cette arrestation est menée par les grands prêtres, lautorité religieuse de lépoque, à laide de lun des intimes de Jésus qui le trahi. Dans les deux traditions, quelqu'un réagira en frappant avec son glaive un serviteur du grand prêtre pour lui couper loreille. Ces quelques indices historiques nous permettent de déduire certaines choses que confirment dautres sources historiques de lépoque :
Matthieu apporte des modifications à la tradition quil reçoit de Marc. La plus importante concerne le geste violent de lun des disciples qui frappe un serviteur du grand prêtre avec son glaive. Alors que Marc se contente de raconter le geste, Matthieu fait intervenir Jésus pour reprocher ce geste. Tout ce qui suit est sa création : 52 Mais Jésus lui dit : « Remets lépée dans son fourreau. Car tous ceux qui prennent lépée périront par lépée. 53 Ne sais-tu pas que je pourrais faire appel à mon père afin quil menvoie à linstant même plus de douze légions danges? 54 Mais alors comment les Écritures, qui expliquent la nécessité des choses, deviendront-elles pleinement intelligibles? » Encore ici, on note la tendance de Matthieu à atténuer le côté cru du récit de Marc. Le geste violent de lun des disciples a sans doute paru choquant aux yeux des premiers chrétiens. Cest ainsi que le Jésus de Matthieu, non seulement reproche au disciple davoir agi ainsi, mais également affirme que sa non résistance à son arrestation est un geste totalement volontaire, avec la conscience que cest là la volonté de Dieu. Matthieu accentue encore une fois ce qui a été le centre de la prière de Jésus à Gethsémani. Mais lattitude de Jésus face au geste violent dun de ses disciples a peut-être un fondement historique, puisquon la retrouve également chez Jean, une tradition indépendante (Jésus dit à Pierre : « Jette le glaive au fourreau. »), et chez Luc (Jésus dit : « Laissez; cela suffit. ») Et comme Matthieu le fait si souvent, il se tourne vers les Écritures pour y trouver la lumière pour comprendre les événements. Encore une fois, rappelons que lexpression « tout cela arriva pour que saccomplissent les Écritures », ne signifient pas que les événements suivent le scénario établi davance par Dieu et les Écritures, mais que les premiers chrétiens ont fini par trouver un sens aux événements entourant Jésus en relisant les Écritures. Voilà pourquoi je préfère traduire « pour que les Écritures deviennent pleinement intelligibles » plutôt que « pour que saccomplissent les Écritures ». Dautres modifications apportées par Matthieu au récit de Marc sont moins importantes. La foule qui vient larrêter est « nombreuse », reflet de la tendance de Matthieu à accentuer lopposition des Juifs à Jésus, un écho de la situation de sa communauté. La rencontre de Judas et de Jésus est plus fignolée, reflet de sa tendance à améliorer le style un peu rude de Marc : il ajoute une salutation habituelle «Salut (chaire), rabbi! ». Enfin, sa vision christologique dun Jésus qui domine la situation, et accomplit sans broncher la volonté de son Père, paraît lorsquil ajoute au récit de Marc après le baiser de Judas : Jésus lui répond : « Mon ami, passe à ce que tu as à faire. » |
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v. 55 À ce moment, Jésus sadressa à la foule : « Pourquoi êtes-vous sortis avec des épées et des bâtons pour mattraper, comme si jétait un voleur? Pourtant jétais assis chaque jour au temple à enseigner, et vous ne vous êtes pas saisi de moi.
Littéralement : À cette heure-là dit Jésus à la foule : « Comme vers un voleur vous êtes sortis avec des épées et des bâtons pour mattraper? Chaque jour dans le temple jétais assis enseignant et vous ne vous êtes pas saisi de moi. |
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v. 56 Tous ces événements permettent de comprendre pleinement les Écritures des prophètes. » À ce moment-là, tous les disciples le laissèrent et senfuirent.
Littéralement : Tout cela était arrivé afin que saccomplissent les Écritures des prophètes. » À ce moment-là tous les disciples, layant laissé, senfuirent. |
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Matthieu se contente de reprendre presque textuellement Marc, avec des modifications stylistiques mineures. Ce passage semble faire lécho du malaise et des questions posées par les premiers chrétiens. Jésus, leur maître, image de Dieu, a été traité comme un voleur, comme un brigand par les autorités religieuses. Ce nétait pas facile à accepter. Comme pour nous, larrestation de Jésus au milieu de la nuit, alors quil a tant enseigné en public, posait question. Nous sommes loin dune histoire édifiante, à leau de rose. Cela peut nous réconcilier avec lambigüité des situations daujourdhui. La scène se termine avec labandon et la fuite des disciples. Ce fait devait également paraître choquant chez les premiers chrétiens alors que des disciples comme Pierre ou Jean étaient alors des figures importantes. Dailleurs, lévangile de Jean nous présente une scène un peu différente : les disciples ne senfuie pas, car cest Jésus qui demande explicitement de les laisser partir: Jésus répondit: "Je vous ai dit que cest moi. Si donc cest moi que vous cherchez, laissez ceux-là sen aller" (Jean 18, 8).
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v. 57 Après sen être emparé, ils lemmenèrent chez le grand prêtre Caïphe où se trouvaient réunis scribes et anciens.
Littéralement : Eux, sétant emparé de Jésus, lamenèrent chez Caïphe le grand prêtre, là où les scribes et les anciens étaient réunis. |
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v. 58 Pierre le suivait à distance jusquà la cour intérieure du grand prêtre. Une fois à lintérieur, il était assis avec les serviteurs afin de voir le dénouement.
Littéralement : Pierre le suivait à distance jusquà la cour intérieure du grand prêtre, et étant entré à lintérieur il était assis avec les serviteurs pour voir la fin. |
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Le récit de Marc, que suit Matthieu, est schématique et avare de détail. Nous savons que Caïphe, prénommé Joseph, fut grand prêtre de lan 18 à 36 (le procès de Jésus a eu lieu vers lan 30). Il était probablement Sadducéen. Son beau-père, le Sadducéen Anne, aussi connu sous le nom dAnanus I, fut également grand prêtre de lan 6 jusquen lan 15, et cest lui le grand manipulateur politique qui place en poste dautorité ceux de son entourage. Il fait partie du sanhédrin. Jésus fut probablement emmené dabord chez Anne, pour son enquête préliminaire, comme le mentionne Jean (voir 18, 13), avant dêtre conduit devant Caïphe et le sanhédrin. Mais Marc semble sauter par-dessus tous ces détails. De même, Pierre, ce pêcheur de Galilée, se retrouve dans la cour intérieure du grand prêtre, sans quon sache comment il a pu réussir ce tour de passe-passe. À ce sujet, lévangile de Jean nous donne des détails beaucoup précis : cest lautre disciple, celui que Jésus aimait, et qui était connu du grand prêtre, qui a réussi à faire entrer Pierre dans la cour en parlant à la portière. Bref, Matthieu suit ce récit schématique, en apportant des précisions de détail, comme la raison pour laquelle Pierre est allé dans la cour du grand prêtre : voir le dénouement de larrestation de Jésus; il sest dégonflé comme tous les autres, mais le sort de Jésus lui tient à coeur.
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v. 59 Les grands prêtres et tout le sanhédrin cherchaient un faux témoin contre Jésus afin de pouvoir le mettre à mort,
Littéralement : Les grands prêtres et tout le sanhédrin cherchaient un faux témoin contre Jésus sur la façon quils puissent le mettre à mort, |
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v. 60 mais ils nen trouvèrent pas, même si plusieurs se présentèrent pour témoigner faussement contre lui. À la fin, il sen présenta deux
Littéralement : et ils ne trouvèrent pas, beaucoup sétant approché de faux témoins. Pour finir, sétant approchés deux, |
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v. 61 qui dirent : « Cette homme proclamait: je suis capable de détruire le temple, et en trois jours le reconstruire. »
Littéralement : ils dirent: « Celui-là déclarait : je suis capable de détruire le temple de Dieu et en trois jours construire. » |
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v. 62 Le grand prêtre se leva en disant : « Tu ne réponds rien à ceux qui témoignent contre toi? »
Littéralement : Sétant levé le grand prêtre lui dit : « Rien tu ne réponds à ceux qui témoignent contre toi? » |
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v. 63 Jésus gardait le silence. Alors le grand prêtre lui dit : « Je tadjure par le Dieu vivant, dis-nous si tu es le messie, le fils de Dieu. »
Littéralement : Jésus gardait silence. Et le grand prêtre lui dit : « Je tadjure par le Dieu le vivant afin que tu nous dises si tu es le messie le fils de Dieu. » |
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v. 64 Jésus lui répond : « Tu las dit. Toutefois, je le déclare : Désormais vous verrez le nouvel Adam, assis à la droite de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. »
Littéralement : Lui dit Jésus: « Tu as dit. Toutefois je vous dis: désormais vous verrez le fils de lhomme assis à droite de la puissance et venant sur les nuages du ciel. » |
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Au v. 59 commence le simulacre de procès. Car sa mort est déjà décidée, il sagit de trouver le bon témoignage incriminant. Encore une fois, Matthieu suit Marc avec son récit des témoins dont le témoignage de concordent pas, que Matthieu appelle faux témoignages. Le sommet de ces témoignages semble atteint lorsquon évoque une parole de Jésus sur la destruction du temple et sa reconstruction en trois jours. Parler de destruction du symbole de la présence de Dieu sur terre est une attaque directe de la religion, et donc un geste grave dans un monde religieux (On pourrait rappeler ce passage dEsdras 6, 12 où Cyrus, roi de Perse, qui a mis en marche la reconstruction du 2e temple, aurait dit : Que le Dieu qui fait résider là son Nom renverse tout roi ou peuple qui entreprendraient de passer outre en détruisant ce Temple de Dieu à Jérusalem! ). Il est intéressant de noter que Matthieu modifie le texte assez cru de Marc qui dit : « "Nous lavons entendu qui disait: Je détruirai ce Sanctuaire fait de main dhomme et en trois jours jen rebâtirai un autre qui ne sera pas fait de main dhomme." » (Marc 14, 58) Tout dabord, sous la plume de Matthieu, le « je détruirai » devient « je suis capable de détruire ». Noublions pas que Matthieu appartient au monde juif, écrit probablement pour une communauté judéo-chrétienne, et il est alors impensable que Jésus ait eu lintention de détruire ce grand symbole juif. Et en utilisant lexpression « être capable », il souligne la qualité de Jésus, conforme à sa christologie. Ensuite, comme Juif, il est incapable daccepter la dichotomie de Marc entre le temple « fait de main dhomme » et cet autre « non fait de main dhomme », ce qui détruirait toute la valeur du temple de Jérusalem, quelque peu insultant pour un Juif. Alors, Matthieu ne recopie pas cette partie du texte de Marc. Notons que pour respecter la règle juive du témoignage en un procès, Matthieu mentionne que ce témoignage incriminant provient de deux témoins (voir Deutéronome 19, 15).
Sachant la gravité de laccusation contre le temple, on peut comprendre le geste du grand prêtre qui se lève en disant : « Tu ne réponds rien à ceux qui témoignent contre toi? » Il est probable que dans lécriture du récit de la passion, on ait eu en tête cette figure mystérieuse dIsaïe qui apparaît dans les quatre poèmes du serviteur souffrant, dont ce passage où lêtre souffrant nouvre pas la bouche : Maltraité, il shumiliait, il nouvrait pas la bouche, comme lagneau qui se laisse mener à labattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il nouvrait pas la bouche. (Isaïe 53, 7). Cest ainsi que Jésus garde silence. Et ce qui suit semble viser à amener le procès juif à un sommet. Alors que chez Marc, on assiste à la simple énonciation dune question sur lidentité de Jésus, chez Matthieu la question revêt un caractère solennelle en prenant Dieu à témoin de manière typiquement juive (voir Job 27, 2 : « Par le Dieu vivant... ») : «Je tadjure par le Dieu vivant, dis-nous si tu es le messie, le fils de Dieu. » Rappelons tout de suite que lexpression « fils de Dieu » nest pas à comprendre au sens absolu comme dans la théologie actuelle. Par définition, le messie était envoyé par Dieu, et par le fait même fils de Dieu, au sens où il représentait Dieu et proclamait la parole de Dieu. On peut se poser ici la question : pourquoi le grand prêtre pose-t-il une telle question après le témoignage concernant la destruction et la construction du temple? Quel est le lien entre la question du temple et la question du messie? La réponse nest pas très claire. Il faut savoir que le titre de messie, i.e. oint, a dabord été associé au roi qui recevait lonction pour assumer des tâches comme délégué de Dieu, et devenait par le fait même son fils adoptif. Ainsi, Saül, David et Salomon, celui-là même qui construira le premier temple de Jérusalem, ont été des messies de Dieu. Par la suite, le titre a été attribué de manière plus large à des gens que Dieu envoyait pour accomplir une mission. Cest le cas du roi perse Cyrus qui fera reconstruire le temple de Jérusalem (voir Isaïe 45, 1). Il est donc possible quil y ait association entre autorité sur le temple, sur sa reconstruction, et le messie. Mais il encore plus probable que Marc ait construit cette scène pour faire de la question de la messianité de Jésus le sommet de ce procès. Matthieu accentue ce point en reformulant la question du grand prêtre selon modèle de la confession de Pierre plus tôt : « Simon-Pierre répondit: "Tu es le messie, le Fils du Dieu vivant." » (Matthieu 16, 16). Et sa réponse est un peu plus subtile que celle de Marc qui dit simplement : « Je (le) suis. », car son Jésus dit plutôt : «Tu las dit. », une réponse un peu plus vague. Ce qui suit (Désormais vous verrez le nouvel Adam, assis à la droite de Dieu, et venant sur les nuées du ciel) fait référence à deux passages de lAncien Testament qui ont été combinés :
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v. 65 À ce moment, le grand prêtre déchira ses vêtements en disant : « Il a injurié Dieu. Pourquoi chercher encore des témoins? Vous voyez! Maintenant vous avez entendu linjure. 66 Quest-ce que vous en pensez? Alors ils répondirent : « Il est passible de mort. »
Littéralement : À ce moment-là le grand prêtre déchira ses vêtements disant : « Il a blasphémé (eblasphēmēsen). Quoi encore avons-nous besoin de témoins? Eh bien! Maintenant vous avez entendu le blasphème (blasphēmian). |
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v. 66 Quest-ce que vous en pensez? Alors ils répondirent : « Il est passible de mort. »
Littéralement : Quoi à vous il semble? » Eux ayant répondu dirent: il est passible de mort. » |
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La réplique de Jésus est considérée comme une injure ou un blasphème (blasphēmia). Cela peut surprendre. Mais le fait de venir sur les nuées, donc du monde de Dieu, et surtout de siéger à sa droite, et donc de partager sa puissance, est considéré comme la revendication dun rang divin, doù linjure flagrante à Dieu. Nous avons des parallèles dans lAncien Testament, en particulier lhistoire de Jérémie. Car le prophète annonce la destruction du temple de Jérusalem à limage de la destruction du sanctuaire de Silo : « Je vais traiter ce Temple qui porte mon nom, et dans lequel vous placez votre confiance, ce lieu que jai donné à vous et à vos pères, comme jai traité Silo » (Jérémie 7, 14). Un peu plus loin dans le livre de Jérémie, un disciple rappelle cette parole et la suite : « Cette parole fut adressée à Jérémie de la part de Yahvé: ..."Je traiterai ce Temple comme Silo et je ferai de cette ville une malédiction pour toutes les nations de la terre. " Prêtres, prophètes et peuple entier entendirent Jérémie prononcer ces paroles dans le Temple de Yahvé. Et quand Jérémie eut fini de prononcer tout ce que Yahvé lui avait ordonné de dire à tout le peuple, prêtres, prophètes et peuple entier se saisirent de lui en disant: "Tu vas mourir! » (Jérémie 26, 1-8)
Matthieu va modifier légèrement le récit quil reçoit de Marc. Avant tout, il enlève toute valeur juridique à ce procès au sanhédrin : il remplace « ils le condamnèrent (katakrinō) » par « ils répondirent », si bien que le «Il est passible de mort. » ne devient quune opinion. Il a sans doute raison, car lautorité religieuse navait pas le pouvoir de condamner à mort, et donc ne pouvait tenir de véritable procès. Matthieu met laccent sur laspect religieux du jugement en répétant deux fois le mot blasphème. Enfin, il corrige Marc sur le vêtement du prêtre, la tunique ou chemise (chitōn : vêtement simple sans manche), en le remplaçant par imation (manteau) qui se portait sur la tunique. En utilisant le pluriel (quon a traduit par vêtements), Matthieu nous donne limpression que le grand prêtre a déchiré tout ce quil portait, ce qui donne un caractère très dramatique au geste. |
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v. 67 Alors ils lui crachèrent au visage et lui assénèrent des coups de poing, et dautres le giflèrent
Littéralement : À ce moment-là ils crachèrent à son visage et lui donnèrent des coups de poing, eux ils giflèrent |
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v. 68 en disant : « Fais le prophète pour nous, messie, qui est-ce qui ta frappé? »
Littéralement : disant : « Prophétise-nous, messie, qui est-ce qui est tayant frappe? » |
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ils crachèrent à son visage et lui donnèrent des coups de poing |
Ce récit a été composé avec la figure du serviteur souffrant en tête :
Cest ainsi que les premiers chrétiens ont pu se réconcilier avec le sort de Jésus. Même si la version de Marc et Matthieu semblent similaires, il y tout de même des différences quil vaut la peine de noter. Matthieu rend la scène plus odieuse, car elle nest loeuvre que du sanhédrin, cette institution religieuse, alors que Marc fera participer les gardes. Il continue surtout daccentuer son caractère religieux avec linterpellation de Jésus comme messie, ce que na pas Marc. Cest ce titre de messie quon ridiculise ici clairement. |
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v. 69 Pierre était assis dehors dans la cour du palais. Une servante sapprocha de lui pour lui dire : « Toi, tu étais avec Jésus le Galiléen. »
Littéralement : Pierre était assis dehors dans la cour du palais. Et sapprocha de lui une servante disant : « Et toi, tu étais avec Jésus le Galiléen. » |
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v. 70 Devant tous Pierre nia : « Je ne sais pas ce que tu veux dire. »
Littéralement : Lui, il nia devant tous disant: « Je ne sais pas ce que tu dis. » |
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v. 71 Comme il sortait par la grande porte, une autre servante le vit et sadressa à ceux qui étaient là : « Celui-là était avec Jésus le Nazôréen. »
Littéralement : Étant sorti vers la grande porte, le vit une autre, et dit à ceux qui étaient là : « Celui-là était avec Jésus le Nazôréen. » |
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v. 72 De nouveau, Pierre nia avec serment : « Je ne connais pas cet homme. »
Littéralement : Et de nouveau il nia avec serment : « Je ne connais pas lhomme. » |
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v. 73 Après un peu de temps, les gens qui se tenaient là dirent à Pierre : « Oui, toi aussi, tu es lun deux. Dailleurs, ton accent te trahit. »
Littéralement : Après un peu de temps sétant approchés ceux qui se tenaient debout dirent à Pierre : « Vraiment toi aussi lun deux tu es, et car ton accent visible te fait. » |
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v. 74 À ce moment, Pierre commença à fulminer et à jurer quil ne connaissait pas lhomme. Et aussitôt, le coq chanta.
Littéralement : À ce moment-là il commença à fulminer et à jurer quil ne connaissait pas lhomme. Et aussitôt un coq fit entendre sa voix. |
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v. 75 Cest alors que Pierre se rappela de la parole de Jésus : avant quun coq chante, trois fois tu auras nié me connaître. Après être sorti dehors, il pleura amèrement.
Littéralement : Et se rappela Pierre de la parole de Jésus qui lui avait été dite : avant quun coq fasse entendre sa voix trois fois tu mauras renié. Et étant sorti dehors il pleura amèrement. |
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Le récit du reniement de Pierre est très bien connu. Il fait fort probablement référence à un événement historique, car on le retrouve dans deux sources indépendantes, celle de Marc et celle de Jean. Dans ce qui suit, nous proposons une traduction la plus littérale possible du texte grec sur les traditions du reniement de Pierre. Nous avons souligné les mots de Marc qui se retrouvent également chez les autres évangélistes; quand un mot est partiellement souligné, cela signifie quil sagit du même mot, mais avec un temps ou forme différente. Nous avons mis en bleu les mots que partagent seulement Luc et Matthieu. Nous avons noté en rouge les mots de Jean qui se retrouvent également dans un évangile synoptique.
Comme il en a lhabitude, Matthieu améliore le récit de Marc. Tout dabord, ce sont trois interlocuteurs différents qui linterpellent, plutôt que deux, ce qui correspond mieux à la logique dun récit en trois temps. De plus, linterpellation prend trois formes différentes : dabord on fait référence à Jésus le Galilée, puis à Jésus le Nazoréen, puis à laccent particulier des gens de Galilée. Enfin, il schématise le récit de Marc en éliminant les détails quil juge inutiles, comme le fait que Pierre se chauffe, et surtout le fait que le coq chante deux fois. On pourrait ajouter quil sassure que son récit nait pas dambiguïté, et donc reprend la phrase de Marc qui disait : « dailleurs tu es Galiléen » en écrivant plutôt : « dailleurs ton langage te trahit » pour que le lecteur sache bien quil sagit de son accent. Par contre, il met laccent sur la gravité et lintensité du reniement de Pierre. Lors du premier reniement, cest « devant tout le monde » quil nie connaître Jésus. Dans le deuxième reniement, cest « avec serment » quil nie connaître Jésus. Pourquoi? Matthieu semble aimer dramatiser les choses, et donc veut clairement faire sentir le sérieux du geste de Pierre. |
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Chapitre 27
Littéralement : Laube étant arrivé, tinrent conseil tous les grands prêtres et les anciens du peuple contre Jésus de la façon le faire mourir. |
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v. 2 Après lavoir attaché, ils lemmenèrent et le livrèrent au gouverneur Pilate.
Littéralement : Et layant attaché, ils emmenèrent et livrèrent à Pilate le gouverneur |
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Le simulacre de procès qui a eu lieu auprès dAnne na aucune valeur juridique, puisquil ne sagissait pas dune rencontre officielle du Sanhédrin. Et si on se fie à Jean, la procédure normale était que le grand prêtre en fonction, ici Caïphe, référait la personne accusée au gouverneur romain qui seul pouvait autoriser lutilisation de la peine capitale. Matthieu en est conscient, voilà pourquoi il ajoute quau petit matin une nouvelle décision est prise, celle sur la façon de faire mourir Jésus, ce qui sest passé la nuit nayant aucune valeur. Cela devait avoir lieu dans le palais de Caïphe. Et Matthieu insiste pour dire que cette décision est prise par « tous » les grands prêtres, une façon daccentuer la responsabilité du peuple juif.
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v. 3 Pendant ce temps, Judas, après avoir vu, que celui quil avait remis aux autorités, avait été condamné, se repentit et alla retourner les cinq cent dollars aux grands prêtres et aux anciens
Littéralement : À ce moment-là Judas, ayant vu que celui quil avait livré avait été condamné, sétant repenti (metamelētheis), retourna les trente pièces dargent (ta triakonta argyria) aux grands prêtres et aux anciens |
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v. 4 avec ces mots : « Jai erré en remettant un être innocent. » On lui rétorqua : « Que veux-tu que ça nous fasse? Cest ton problème. »
Littéralement : disant : « jai péché livrant un sang (haima) innocent (athōon). » Eux dirent : « quoi pour nous? Toi tu verras. » |
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v. 5 Après avoir jeté largent dans le temple, il se retira et alla se pendre.
Littéralement : Et ayant rejeté les pièces dargent dans le temple se retira (anechōrēsen), et étant parti se pendit (apēnxato). |
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v. 6 Ramassant largent, les grands prêtres se dirent : « Il nest pas permis de déposer ça dans le trésor du temple, car cest le salaire du sang.
Littéralement : Les grands prêtres, ayant pris les pièces dargent, dirent : « il nest pas permis de déposer cela dans le trésor du temple (korbanan), puisque cest le salaire (timē) du sang (haimatos). » |
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v. 7 Après avoir tenu conseil, ils achetèrent avec largent le champ du potier pour la sépulture des étrangers.
Littéralement : Ayant tenu conseil (symboulion), ils achetèrent avec cela le champ du potier (kerameōs) pour sépulture des étrangers (xenois). |
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v. 8 Cest pourquoi ce champ a été appelé « champ du sang » jusquà ce jour.
Littéralement : Cest pourquoi ce champ a été appelé champ du sang jusquà ce jour. |
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v. 9 Alors on comprit la parole de Jérémie le prophète qui disait : Ils prirent les trente pièces dargent, le salaire estimé par les fils dIsraël.
Littéralement : À ce moment-là, saccomplit la parole (eplērōthē to rhēthen) de Jérémie (Ieremiou) le prophète disant : Ils prirent les trente pièces dargent (triakonta argyria), le salaire (timēn) de ce qui a été estimé quont estimé les fils dIsraël. |
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v. 10 Ils utilisèrent cela pour le champ du potier, comme lavait prescrit le Seigneur.
Littéralement : Et ils donnèrent (edōkan) cela pour le champ (agron) du potier (kerameōs), selon ce qua prescrit (synetaxen) le Seigneur. |
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Ce passage est unique à Matthieu. Alors on peut se poser la question : a-t-il créé cette scène de toute pièce ou a-t-il utilisé une source quil est seul à connaître? Nous ne pouvons émettre que des hypothèses, et la réponse est peut-être quune tradition ou légende orale existait quil a reprise et reformulée à sa façon. Sur quoi nous basons-nous pour faire une telle affirmation? Tout dabord, cette tradition ou légende reçoit également un écho dans les Actes des Apôtres 1, 16-19 :
16 "Frères, il fallait que saccomplît lÉcriture où, par la bouche de David, lEsprit Saint avait parlé davance de Judas, qui sest fait le guide de ceux qui ont arrêté Jésus. 17 Il avait rang parmi nous et sétait vu attribuer une part dans notre ministère. 18 Et voilà que, sétant acquis un domaine avec le salaire de son forfait, cet homme est tombé la tête la première et a éclaté par le milieu, et toutes ses entrailles se sont répandues. 19 La chose fut si connue de tous les habitants de Jérusalem que ce domaine fut appelé dans leur langue Hakeldama, cest-à-dire "Domaine du Sang."
Mais comme on le constate, les Actes des Apôtres présentent une légende un peu différente de ce quon trouve chez Matthieu. Tout dabord on ne parle pas de suicide, mais dun accident qui semble avoir lieu bien après les événements entourant la mort de Jésus. Ensuite, cest Judas qui semble avoir lui-même effectué la transaction sur lachat du domaine, et non les grands prêtres. Enfin, le nom Hakeldama, « champ » ou « domaine » du sang, proviendrait non pas du fait quil a été acquis au prix du sang de Jésus, mais du sang de ses entrailles qui se répandent. Les biblistes ont tenté sans résultat probant de réconcilier les deux récits. Les seuls points communs sont ceux-ci : 1) Judas a obtenu de largent pour sa trahison de Jésus; 2) cet argent a servi à lacquisition dun lopin de terre; 3) Judas est mort tragiquement; 4) le lopin de terre porte le nom dHakeldama. Quand on analyse le vocabulaire du récit de Matthieu, on trouve des expressions uniques qui napparaissent quici, et donc ne font pas partie de son vocabulaire habituel, comme « alla se pendre » (apēnxato), le trésor du temple (korbanan), potier (kerameōs), sépulture (taphēn). Ce sont là des indices dune source que Matthieu na pas inventée. Par contre, on repère beaucoup dexpressions qui sont soit typiques de Matthieu, ou quil utilise beaucoup plus que les autres évangélistes de manière significative, comme « se repentit » (metamelētheis), « un être innocent » (athōon), « il se retira » (anechōrēsen) « le salaire » (timē) « sang » (haimatos), « après avoir tenu conseil » (symboulion), « les étrangers » (xenois). Et il y cette expression qui lui est unique : « Alors on comprit la parole de Jérémie le prophète qui disait » (tote eplērōthē to rhēthen dia Ieremiou tou prophētou legontos), quon retrouve également telle quelle dans son récit de lenfance : « tote eplērōthē to rhēthen dia Ieremiou tou prophētou legontos » (Mt 2, 17). Tout cela montre le travail rédactionnel de Matthieu. Quest-ce que tout cela veut dire? Le récit, tel que nous le présente Matthieu, a peu de valeur historique. Il réutilise probablement une source racontant lachat dune terre avec largent de la trahison de Judas et la mort tragique de ce dernier. Mais le détail de son récit sert un propos théologique, celui de la responsabilité du peuple juif (Sur ce que nous savons de Judas sur le plan historique, voir Meier). La clé de ce propos théologique nous est fournie par cette citation de lÉcriture aux vv. 9-10 : Ils prirent (elabon) les trente pièces dargent (triakonta argyria), le salaire estimé par les fils dIsraël. 10 Ils utilisèrent (edōkan, litt : donnèrent) cela pour le champ (agron) du potier (kerameōs), comme lavait prescrit (synetaxen) le Seigneur (Kyrios). En fait, il sagit dun collage de différents passages (en souligné, les termes grecs identiques dans le récit de Matthieu).
Comme on a pu le constater, ces références à lAncien Testament sont réunies de manière assez lâche par les thèmes des trente pièces dargent, du potier et de lachat dun champ. Dans le texte de Zacharie, Dieu demande au prophète de paître des brebis qui iront par la suite à labattoir, et il sera payé trente pièces dargent pour son travail; on peut voir le lien avec Jésus, lagneau qui est mené à labattoir, et le salaire de trente pièces dargent pour ce travail. Dans le premier texte de Jérémie, loeuvre du potier qui se brise et qui doit être recommencée devient limage du peuple dIsraël qui est infidèle à son Dieu, et le prophète vient annoncer les malheurs qui lattendent. Dans le deuxième texte de Jérémie, le roi de Babylone est aux portes de Jérusalem pour exiler la population, mais Dieu demande néanmoins de faire une transaction en achetant un terrain à Anatot, tout près de Jérusalem; il y a quelque chose dincongru dans le contexte, mais cest ce que Dieu veut. Bref, Matthieu, avec les premières communautés chrétiennes, a cherché à comprendre les derniers moments de la vie de Jésus en relisant lAncien Testament, cette parole de Dieu. Au moment où son évangile est écrit, les Romains ont déjà détruit Jérusalem; les malheurs ce sont accumulés sur le peuple juif. Alors il relit plusieurs textes qui parlent des malheurs qui attendent le peuple juif, il trouve ce passage de Zacharie qui parle des brebis quon mène à labattoir et pour lequel on paie le berger trente pièces dargent; il trouve également ce passage de Jérémie qui annonce lexil du peuple et où le prophète fait lacquisition dun champ alors que la vie devrait plutôt sarrêter; il trouve enfin ce passage où un potier doit jeter un vase sorti de son tour, car il est brisé, image du peuple, pour le recommencer, image de ce que Dieu veut faire. Tous ces passages léclairent sur les événements entourant Judas et laide à lui donner un sens; ils sont dans la lignée de ce quont vécu les prophètes dautrefois, en particulier Jérémie. Plusieurs autres passages de Jérémie lont aidé à jeter une lumière sur ces événements tragiques, comme 26, 15 : « Mais sachez que si vous me faites périr, vous ferez retomber le sang innocent (haima athōon) sur vous, sur cette ville, et sur ceux qui lhabitent ». Cest à cette lumière quil a écrit cette scène de Judas retournant voir les grands prêtres : «Jai erré en remettant un être (haima, litt : sang) innocent (athōon). » On peut se demander également si 2 Samuel 17, 23 (LXX : Quand Achitophel vit que son conseil nétait pas suivi, il bâta son ânesse, retourna en sa demeure dans la ville, donna, des instructions a sa famille, se pendit (apēnxato), et mourut; on lensevelit dans le sépulcre de son père) na pas inspiré Matthieu dans le suicide de Judas, puisquon y retrouve le même mot rare « se pendre » (apēnxato) : dans le deux cas, il sagit de deux traîtres, lun à légard de Jésus, lautre à légard du roi David. Cest un peu lhistoire qui se répète. |
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v. 11 Jésus se tint devant le gouverneur. Ce dernier linterrogea : « Es-tu le roi des Juifs? » Jésus répondit : « Cest toi qui le dit. »
Littéralement : Jésus se tint devant le gouverneur. Et linterrogea le gouverneur disant : « Tu es le roi des Juifs? » Jésus déclarait: « Tu le dis. » |
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Jésus se tint devant le gouverneur |
Après linterruption du procès de Jésus pour insérer lhistoire de la fin tragique de Judas, Matthieu retourne au récit de Marc. Il doit donc ajouter la phrase « Jésus se tint devant le gouverneur » à sa source pour nous rappeler où nous en étions.
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Tu es le roi des Juifs? |
Laccusation dêtre le roi des Juifs semble être le motif historique de la mort de Jésus. On la retrouve dans les deux sources indépendantes que sont Marc et Jean. Cest le motif qui se retrouvera dans la bouche de Pilate et sur lécriteau de la croix. Matthieu reprend donc le texte de Marc où Pilate pose à Jésus la question de sa royauté et Jésus répond de manière énigmatique : « Tu le dis (sy legeis). » Comment faut-il interpréter cette réponse? Tout dabord, il est inutile dessayer de se mettre dans la peau de Jésus. Il sagit dun récit, donc dune oeuvre littéraire. Matthieu reprend loeuvre littéraire de Marc. Pourquoi Marc na-t-il pas mis dans la bouche de Jésus une réponse simple : oui (nai), ou encore, non (ou)? De manière surprenante, Marc est le seul évangéliste qui ne connait pas les expressions « oui » ou « non », alors que quelquun comme Matthieu utilise 7 fois « oui » et 2 fois « non ». Et lexpression « Tu le dis » provient de Marc que reprennent Matthieu et Luc, et ne se retrouve nulle part ailleurs dans un sens affirmatif, sauf chez Jean (18, 37) qui doit ajouter : « Je suis roi » » Donc, comme il ne semble pas connaître le mot « oui », il est donc possible que lintention de Marc était de mettre dans la bouche de Jésus léquivalent de « oui » avec son expression : « Tu le dis », non pas que sur le plan historique les choses se soient passées comme ça, mais pour Marc, dans sa foi, il lest vraiment.
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v. 12 Face aux accusations des grands prêtres et des anciens, il ne répondit rien.
Littéralement : Et dans le fait dêtre accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondit rien. |
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v. 13 Alors Pilate lui dit : « Tu nentends pas tous ceux qui témoignent contre toi? »
Littéralement : À ce moment-là Pilate lui dit : « Tu nentends pas tous ceux qui témoignent contre toi? » |
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v. 14 Mais Jésus ne répondit sur rien, si bien que le gouverneur en était grandement étonné.
Littéralement : Et il ne lui répondit pour rien en parole, au point détonner grandement le gouverneur. |
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Pilate lu dit : Tu nentends pas |
Quand on compare la comparution devant Anne et celle devant Pilate, on est étonné de voir que les deux parutions suivent la même séquence. Regardons le texte de Marc quutilise Matthieu :
Matthieu reprend donc tel quel le texte de Marc, sauf quelques changements mineurs, dont deux quil vaut la peine de relever. Le premier est de répéter deux fois (v. 12 et 14) que Jésus « ne répond rien », plutôt quune seule fois; il veut probablement associer avec plus de force Jésus au serviteur souffrant dIsaïe (Maltraité, il shumiliait, il nouvrait pas la bouche, comme lagneau qui se laisse mener à labattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, il nouvrait pas la bouche, 53, 7). Le deuxième est dajouter les anciens aux grands prêtres dans la liste des accusateurs de Jésus; cest sa façon dinsister sur la culpabilité de tout le peuple juif dans la mort de Jésus. |
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v. 15 À la fête de la Pâque, le gouverneur avait lhabitude de libérer un prisonnier que la foule choisissait.
Littéralement : Au temps de la fête, le gouverneur avait lhabitude (eiōthei) de libérer un prisonnier que la foule voulait. |
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v. 16 Or, il y avait un prisonnier fameux, appelé [Jésus] Barabbas.
Littéralement : À ce moment-là ils avaient un prisonnier fameux appelé [Jésus] Barabbas. |
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v. 17 Alors que les gens était rassemblés, Pilate leur demanda : « Lequel voulez-vous que je vous libère, [Jésus] Barabbas ou Jésus appelé messie? »
Littéralement : Eux étant donc rassemblés, Pilate leur dit : « Lequel voulez-vous que je vous libère, [Jésus] Barabbas ou Jésus appelé messie? » |
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v. 18 Car il savait que cétait par jalousie quon lavait livré.
Littéralement : Car il savait que cétait par jalousie quils lavaient livré. |
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Matthieu opère des changements de deux ordres à sa source marcienne. Il y a dabord des changements dordre littéraire. Il atténue le côté rude du style de Marc, par exemple, en précisant que le gouverneur « avait lhabitude » (eiōthei) de relâcher un prisonnier; car le lecteur aurait pu se poser certaines questions, comme : est-ce que cela faisait partie de la loi? Le lecteur saura donc quil sagit dune coutume qui na pas de valeur juridique. Il y a aussi sa tendance à schématiser les détails de Marc qui ne contribuent en rien au propos catéchétique. Cest ainsi que les détails concernant Barabbas (arrêté avec les émeutiers qui avaient commis un meurtre dans la sédition, Marc 15, 7) sont remplacés par : prisonnier fameux.
Matthieu opère également des changements théologiques. Il transforme cette scène pour quelle devienne le moment dun choix fondamental du peuple juif, pour ou contre Jésus. Pour y arriver, il modifie la logique de Marc qui présente Pilate proposant simplement de relâcher Jésus. Sous sa plume, Pilate propose à la foule de choisir entre Jésus Barabbas et Jésus messie. Matthieu est le seul à donner ce prénom de Jésus à Barabbas, mais ce détail a peut-être une valeur historique, car beaucoup de Juifs avaient Jésus comme prénom (certains manuscrits omettent « Jésus » dans le nom de Barabbas, mais cest dû probablement à la pression dOrigène, 3e siècle, qui refusait quun bandit porte le nom de Jésus). La foule doit donc choisir entre deux Jésus. Et pour bien montrer la signification de ce choix, le titre de « Roi des Juifs » chez Marc devient « messie (christon) sous sa plume : si on rejette ce Jésus, cest le messie quon rejette. Pour accentuer encore ce choix, la montée de la foule chez Marc devient chez Matthieu « Alors que les gens était rassemblés », à limage dune assemblée délibérante, composée en fait de tout le monde (les gens). Cest un terrible procès que Matthieu fait à son peuple. Mais cest à limage du Deutéronome où Dieu demande de choisir entre la vie et la mort. Pour Matthieu, son peuple a choisi la mort. (Notons quau moyen âge lévangile de Matthieu semble le plus connu, puisque Domingo de Guzman, fondateur des dominicains, ne se promenait quavec lévangile de Matthieu sous le bras. Cela a peut-être contribué à certaines poussées anti-juives.) |
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v. 19 Alors quil siégeait au tribunal, sa femme lui envoya un message qui disait : « Naie rien à voir avec ce juste. Car jai été aujourdhui très bouleversé par un rêve à son sujet. »
Littéralement : Lui, étant assis au tribunal, sa femme envoya vers lui disant: « Rien à toi et ce juste-là. Car beaucoup jai souffert aujourdhui selon un rêve (onar) à son sujet. » |
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sa femme... selon un rêve (onar) à son sujet |
Notre péricope commence avec une scène étrange que Matthieu a insérée à sa source : le récit de la femme de Pilate qui a eu un songe sur Jésus qui la bouleversé au point de recommander à son mari de ne pas le condamner. P. Benoit et M.-E. Boismard (Synopse des quatre évangiles II, Paris : Cerf, 1972, p. 416) écrivent :
Il sagit ici probablement dune tradition tardive, comme cest souvent le cas dans les détails que Mt est le seul à rapporter. Ce trait de la femme dun juge qui demande à son mari dépargner un prisonnier appartient au folklore, car on le retrouve ailleurs, ainsi chez les rabbins de Babylonie. Cette anecdote a pu sintroduire dans le récit de Mt par quelque influence étrangère. Mais il faut reconnaître que nous retrouvons ici un geste typique de lévangile de Matthieu : donner un rôle aux songes (grec : onar) dans la façon dont Dieu communique avec le monde. Il en est dailleurs le seul dans tout le Nouveau Testament. Rappelons-nous de son récit de lenfance : lange du Seigneur apparaît à Joseph dans un songe pour lui dire de ne pas crainte de prendre chez lui malgré le fait quelle soit déjà enceinte (1, 20); les mages sont avertis en songe de ne pas retourner voir Hérode (2, 12); lange du Seigneur apparaît à Joseph en songe pour linviter à fuir en Égypte (2, 13); lange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte pour lui dire quil peut revenir au pays (2, 19); mais comme il craint Archélaüs, fils dHérode, lange du Seigneur linvite en songe de se rendre en Galilée (2, 22). Ainsi, pour Matthieu, nos rêves peuvent avoir une valeur devant Dieu dans notre recherche du sens des choses et dans les décisions que nous avons à prendre. Dans le contexte du procès de Jésus, cest une façon de mettre en contraste des païens, en loccurrence des Romains, avec le peuple juif : les Romains savent quil ne faut pas condamner Jésus, ce qui accentue la culpabilité du peuple juif. |
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v. 20 Mais les grands prêtres et les anciens persuadèrent les foules de réclamer Barabbas et faire périr Jésus.
Littéralement : Les grands prêtres et les anciens persuadèrent les foules afin quils réclament Barabbas, et quils fassent périr Jésus. |
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v. 21 Le gouverneur leur demanda : « Lequel des deux voulez-vous que je vous libère? » Les gens dirent : « Barabbas ».
Littéralement : Le gouverneur ayant répondu, il leur dit : « Lequel voulez-vous des deux que je vous libère? » Eux dirent : « Barabbas ». |
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v. 22 Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Jésus, appelé messie? » Tous répondirent : « Quil soit crucifié. »
Littéralement : Pilate leur dit : « Quoi donc je ferai Jésus appelé messie? » Tous dirent : « Quil soit crucifié. » |
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v. 23 Pilate reprit : « Mais qua-t-il fait de mal? » Ils criaient plus violemment : « Quil soit crucifié. »
Littéralement : Lui, il déclarait: « Car quoi mauvais il a fait? » Eux plus violemment criaient disant : « Quil soit crucifié. » |
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Tous répondirent : « Quil soit crucifié |
Quand Matthieu reprend sa source, il continue à la modifier pour servir son propos théologique, celui de montrer la responsabilité du peuple juif dans la mort de Jésus. Tout dabord, il tient encore à ajouter les anciens aux grands prêtres à la liste des accusateurs. Ensuite, comme il fait de cette comparution devant Pilate une prise de décision sur le rejet de Jésus messie, alors il opère un certain nombre de changements :
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v. 24 Sapercevant quil ne servait à rien de continuer, mais que les choses senvenimaient davantage, Pilate prît de leau et se lava les mains devant la foule avec ces mots : « Je suis innocent de ce sang. À vous dy voir. »
Littéralement : Pilate, ayant vu quil ne servait à rien mais que le tumulte est plus grand, ayant pris de leau se lava les mains devant la foule disant: « Innocent (thōos) je suis de ce sang (haimatos). Vous-mêmes voyez. » |
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v. 25 Tout le peuple répondit : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. »
Littéralement : Et ayant répondu, tout le peuple dit : « Que son sang sur nous et nos enfants. » |
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ayant pris de leau se lava les mains |
À la fin de cette séquence, Matthieu ajoute un récit quil est seul à rapporter, un récit qui montre un Pilate qui voudrait libérer Jésus, mais doit céder à la pression de la foule, et pour montrer son désaccord, pose ce geste symbolique du lavement des mains. Ce geste est connu dans lAncien Testament, car Dieu en fait une prescription pour les anciens du village dans le cas de découverte inopinée dun homme assassiné à la campagne, afin dattester quils nont pas versé de sang innocent et ainsi recevoir le pardon de Dieu (voir Deutéronome 21, 1-9). Pour Matthieu, le gouverneur romain, et à travers lui tout le monde païen, na aucune responsabilité dans la mort de Jésus. Toute la responsabilité en revient au peuple juif. Pour bien insister sur ce point, il met dans la bouche de la foule cette phrase inspirée du prophète Jérémie 26, 15 : « Mais sachez que si vous me faites périr, vous ferez retomber le sang innocent (haima athōon) sur vous, sur cette ville, et sur ceux qui lhabitent ».
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v. 26 Alors il leur libéra Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il leur livra pour quil soit crucifié.
Littéralement : À ce moment-là il leur libéra Barabbas, et ayant fait flageller Jésus il livra afin quil soit crucifié. |
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ayant fait flageller |
Un mot sur la flagellation. Le fouet romain était muni de morceaux dos et de plomb; on flagellait avant la crucifixion pour affaiblir le supplicié et abréger ses souffrances (voir la note de la Traduction OEcuménique de la Bible). Le mot utilisé par Matthieu est phragelloō (flageller, fouetter) quil reprend de Marc. Ce fouet ne semble pas seulement romain, mais connu dans le monde juif, peut-être emprunté au monde romain. Cest le même mot quutilise Jean dans la description de la scène où Jésus chasse les vendeurs du temple : Se faisant un fouet (phragellion) de cordes, il les chassa tous du Temple, et les brebis et les boeufs; il répandit la monnaie des changeurs et renversa leurs tables (Jn 2, 15). Il existe un mot synonyme matigoō utilisé par les évangélistes pour décrire le sort qui attend les judéo-chrétiens de part de leurs frères Juifs : « Ils vous flagelleront (matigoō) dans leurs synagogues » (Mt 10, 17; voir aussi Mt 20, 19; Mt 23, 34; Mc 10, 34; Lc 18, 33; Jn 19, 1).
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v. 27 Les soldats du gouverneur emmenèrent alors Jésus au prétoire et rassemblèrent toute la cohorte.
Littéralement : À ce moment-là les soldats du gouverneur ayant pris avec eux Jésus vers le prétoire assemblèrent sur lui toute la cohorte. |
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v. 28 Après lavoir dévêtu, ils lui mirent un manteau écarlate,
Littéralement : Et layant dévêtu, ils lui mirent tout autour une chlamyde écarlate, |
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v. 29 puis, après avoir tressé une couronne à partir de ronces, ils la lui mirent sur la tête ainsi quun roseau dans sa main droite. Sétant agenouillé devant lui, ils se moquèrent : « Salut, roi des Juifs. »
Littéralement : et ayant tressé une couronne à partir de ronces, ils mirent sur sa tête et un roseau dans sa droite, et sétant agenouillé devant lui, ils se moquèrent de lui en disant: « Réjouis-toi, roi des Juifs. » |
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v. 30 Ils crachèrent sur lui et le frappèrent à la tête avec le roseau.
Littéralement : Et ayant craché vers lui, ils prirent le roseau et frappèrent à sa tête. |
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v. 31 Quand ils se furent moqués de lui, ils lui enlevèrent le manteau pourpre et lui remirent son propre manteau, et lemmenèrent pour le crucifier.
Littéralement : Et quand ils se moquèrent de lui, ils le dévêtir de sa chlamyde et le vêtirent de sa tunique et lemmenèrent pour crucifier. |
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ils se moquèrent de lui |
Comme il a lhabitude de le faire, Matthieu essaie daméliorer le texte de Marc quil a sous les yeux, en particulier la séquence des gestes de moquerie concernant la prétention de Jésus à être roi des Juifs. Marc semble énumérer confusément la suite les actes des soldats : ils le vêtent dun vêtement pourpre, lui mettent une couronne dépine, le saluent comme roi, le frappent avec un roseau, crachent sur lui, se prosternent devant lui. Matthieu y met un ordre rigoureux et précis :
Des scènes de moqueries devant des prétendants royaux ou des condamnés à morts sont bien connues. Donnons deux exemples rapportées par P. Benoit et M.-E. Boismard (Synopse des quatre évangiles II, Paris : Cerf, 1972, p. 420) :
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v. 32 En sortant, ils trouvèrent un homme de Cyrène du nom de Simon. Ils le réquisitionnèrent pour porter sa croix.
Littéralement : Sortant, ils trouvèrent un homme de Cyrène du nom de Simon. Ils réquisitionnèrent celui-ci afin quil porte sa croix. |
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ils réquisitionnèrent celui-ci afin quil porte sa croix |
La scène où Jésus a besoin daide pour porter sa croix a une certaine vraisemblance. Tout dabord, il était normal que le condamné porte sa croix lui-même, plus exactement le bois transversal, puisque le bois vertical demeurait sur place. De plus, Jésus a été flagellé, une pratique qui avait pour but daffaiblir le supplicié. La personne quon réquisitionne se nomme Simon, originaire de Cyrène, une région où vivent beaucoup de Juifs à lépoque (Voir Actes 11, 20 où on mentionne des Juifs convertis au christianisme à Cyrène). Marc a plus de détail sur Simon (il connaît deux de ses fils, Alexandre et Rufus, dont le dernier est peut-être le même mentionné par Paul dans sa lettre aux Romains, 16, 13) que néglige Matthieu, selon son habitude. On devine que cette scène a frappé limagination, car ce détail a été conservé dans les mémoires. Jean nen fait aucune mention, mais cest compréhensible dans le contexte de sa théologie dun Jésus glorieux même dans sa passion : un Jésus affaibli navait pas sa place.
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v. 33 Parvenu à un lieu, appelé Golgotha, cest-à-dire lieu du crâne,
Littéralement : Et étant allé en un lieu appelé Golgotha, celui qui est appelé lieu du crâne, |
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lieu du crâne |
Le Golgotha, lieu du crâne, est probablement un élément historique, puisquon le retrouve dans les deux sources indépendantes que sont Marc et Jean. Il est possible quil renvoie à une configuration physique du roc de cette carrière où avait lieu lexécution de criminels juste en dehors des murs de la ville de Jérusalem à cette époque, mais près dune porte, car Jean 19, 20 affirme que cétait près de la ville et la circulation semble intense. Encore aujourdhui, si on se rend sous léglise du Saint-Sépulcre, on peut voir cette configuration qui ressemble à un crâne.
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v. 34 ils lui donnèrent à boire du vin mélangé avec du fiel. Après avoir goûté, il nen voulu pas.
Littéralement : ils lui donnèrent à boire du vin mélangé avec du fiel (cholēs). Et ayant goûté, il ne voulut pas boire. |
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à boire du vin mélangé avec du fiel (cholēs) |
Dans le Talmud de Babylone, traité Sanhédrin 43a, on peut lire :
Ce que Rabbi Hiyya ben Ashni déclare au nom de Rabbi Hisda : Quand on conduit quelquun à son exécution, on lui donne une coupe de vin contenant un grain dencens pour engourdir ses sens, car il est écrit : donnez une boisson forte à quelquun sur le point de mourir, et du vin à celui qui a le coeur amer. On enseigne également : les dames nobles de Jérusalem ont lhabitude de lapporter et de le donner. Si elles ne le donnaient pas, qui se chargerait de le leur fournir? Aussi, dans ces circonstances, il est logique que cela soit fourni à même les fonds publics. Même si le Talmud date du 5e siècle de lère moderne, il reflète probablement une coutume très ancienne et qui apparaît dans notre récit. Cétait une mesure de compassion. Un peu divresse aidait à passer à travers ses souffrances. Matthieu modifie sa source marcienne qui parlait de myrrhe ajouté au vin : il parle plutôt de fiel (cholēs). Il entend faire ici allusion au psaume 69, 22 : (LXX) Et ils mont donné du fiel (cholēn) pour nourriture, et dans ma soif ils mont abreuvé de vinaigre. Ce psaume est la prière dun homme persécuté à cause de son amour pour Dieu et du zèle pour sa maison, qui se plaint dêtre devenu un étranger pour sa famille et la risée de tous, mais à la fin exprime sa foi en la capacité libératrice de Dieu. Pour Matthieu, ce persécuté est actuellement incarné par Jésus. |
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v. 35 Après lavoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en les tirant au sort.
Littéralement : Layant crucifié ils se séparèrent ses vêtements, jetant un sort. |
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v. 36 Et assis, ils assuraient la garde.
Littéralement : Et assis, ils veillaient sur lui là. |
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v. 37 On posa au-dessus de la tête de Jésus son acte daccusation rédigé ainsi : Celui-ci est Jésus, le roi des Juifs.
Littéralement : Et ils posèrent au-dessus de sa tête son accusation qui avait été écrit : Celui-ci est Jésus le roi des Juifs. |
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ils se séparèrent ses vêtements |
Il était habituel que les exécuteurs se partagent les vêtements des condamnés, et donc les soldats se sont probablement partagés les vêtements des trois personnes en croix. Dans la scène de partage des vêtements de Jésus, Matthieu reprend tel quel Marc où il sagit dune citation du psaume 22, 16-18 (LXX: 21, 17-19) :
(LXX) 17 Une multitude de chiens mont entouré; la synagogue des pervers massiège; ils mont percé les pieds et les mains, 18 ils ont compté mes os; ils mont observé et surveillé. 19 Ils se sont partagé mes vêtements et ils ont tiré ma robe au sort (diemerisanto ta himatia mou heautois kai epi ton himatismon mou ebalon klēron). Le sort de Jésus prend son sens à la lumière du psalmiste, un juste persécuté en raison de sa foi en Dieu. Considérons les autres modifications que Matthieu apporte à sa source marcienne. Lorsquil reprend la mention de Marc que Jésus ne voulut pas de la boisson quon lui tendait, il prend la peine dajouter que Jésus y a dabord goûté, avant de la refuser. Pourquoi? Tout dabord, le refus de boire dans le récit originel de Marc entendait probablement signifier que Jésus est mort en pleine conscience, sans senivrer, donc en acceptant totalement sa situation. En modifiant cette source, Matthieu se trouve à en changer le sens : le refus de Jésus de boire semble plus lié au mauvais goût de la boisson. Voulait-il faire une association avec le psaume 69 (v. 22: "Et ils mont donné du fiel pour nourriture, et dans ma soif ils mont abreuvé de vinaigre")? Peut-être. Un autre ajout concerne le fait que des gardes sont postés, assis, devant la croix. Chez Matthieu les gardes jouent le rôle de témoin important : ils sont présent à la croix avant sa mort, ils seront présents lorsquil mourra et que la terre tremblera, ils seront présents au sépulcre quils auront mission de protéger, et enfin ils seront présents au moment où lAnge du Seigneur roulera la pierre du sépulcre. Ils deviennent comme des témoins neutres, assurant que les événements entourant Jésus ne sont pas une invention chrétienne. La dernière modification se rapporte au motif de la condamnation de Jésus qui sexplique par la tendance de Matthieu à être plus précis que Marc : il ajoute que le motif est mis « au-dessus de sa tête » et que le contenu est « Celui-ci est Jésus », et pas seulement « Le roi des Juifs »; Jean donne raison à Matthieu sur ce point et est même plus précis : « Jésus le Nazôréen ». |
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v. 38 On crucifie alors avec lui deux bandits, un à droite, lautre à gauche.
Littéralement : À ce moment-là sont crucifiés avec lui deux brigands, un à la droite et un à gauche. |
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v. 39 Les passants linjuriaient en agitant la tête
Littéralement : Eux, passant, linjuriaient agitant (kinountes) leur tête (kephalas) |
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v. 40 et disaient : « Toi qui détruis le temple et le reconstruis en trois jours, libère-toi toi-même, si tu es fils de Dieu, et descends de la croix. »
Littéralement : et disant: « Celui qui détruit le temple et en trois jours construisant, libère-toi (sōson) toi-même, si tu es fils de Dieu, [et] descends de la croix. » |
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v. 41 De la même façon, les grands prêtres avec les scribes et les anciens se moquaient avec ces mots :
Littéralement : Et pareillement les grands prêtres se moquant avec les scribes et les anciens disaient: |
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v. 42 « Il en a libéré dautres, il nest même pas capable de se libérer lui-même. Il est roi dIsraël, quil descende de la croix, et alors nous croirons en lui.
Littéralement : « Dautres il a sauvé (esōsen), il nest pas capable de se sauver (sōsai) lui-même. Il est roi dIsraël, descends maintenant de la croix et nous croirons en lui. |
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v. 43 Il sest fié à Dieu, quIl le libère maintenant sIl tient à lui. Car na-t-il pas dit : je suis fils de Dieu? »
Littéralement : Il a convaincu Dieu, quil le libère (rhysasthō) maintenant sil le désire (thelei auton). Car il a dit que je suis fils de Dieu. » |
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v. 44 Les bandits qui avaient été crucifiés avec lui linjuriaient tout autant.
Littéralement : Les brigands aussi avec lui, ceux qui avaient été crucifiés avec lui linjuriaient. |
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Deux bandits sont crucifiés avec Jésus. Comme Jean confirme également ce fait, on peut y voir un événement historique. Il est même permis de penser que ces bandits sont liés à la sédition à laquelle participait Barabbas; mais ils ont eu moins de chance que ce dernier.
Le coeur de cette péricope reprend des éléments du Psaume 22, 8-9 (LXX: 21, 7-8): (LXX) 7 Tous ceux qui mont vu se sont moqués de moi; ils ont murmuré entre leurs lèvres, ils ont secoué la tête (ekinēsan kephalēn). 8. Ils ont dit : Il a mis son espoir en Dieu, que le Seigneur le sauve (rhysasthō auton); quil le délivre (sōsatō auton), puisquil se complaît en lui (thelei auton). Jésus revit les moqueries du juste persécuté. Voilà comment les premiers chrétiens interprètent les événements terribles concernant Jésus et leur permettent dy trouver un sens. Les injures sont proférées par trois groupes : 1) les passants qui reprennent les accusations du sanhédrin; 2) les grands prêtres qui reprennent les accusations devant Pilate, et 3) enfin les bandits dont on ne précise pas le contenu. Cest une façon pour le récit originel de Marc de résumer une dernière fois toutes les accusations et den faire un sommet : tout le monde linjurie, tout le monde confirme le sort quil mérite, y compris ceux qui vivent le même sort que lui. Et le nombre trois est typique de tout bon récit (voir les trois reniements de Pierre, les trois allées-venues de Jésus auprès de ses disciples à Gethsémani). Encore une fois, Matthieu modifie la tradition quil reçoit de Marc. La plus importante modification est dajouter deux fois lexpression « Fils de Dieu » au contenu des injures, dabord dans la bouche des passants, ensuite dans la bouche des grands prêtres : « libère-toi toi-même, si tu es fils de Dieu » au v. 40 et « Car na-t-il pas dit : je suis fils de Dieu? ». Pourquoi apporte-t-il ces modifications? Cest sa façon, lui lévangéliste bien structuré, de préparer la scène de la mort de Jésus quand les gardes sécrieront quand Jésus aura expiré : « Vraiment celui-ci était fils de Dieu! » Lautre modification majeure de Matthieu est de citer explicitement le Psaume 22 qui était implicite dans le récit originel. Il ne laisse aucune place à lambiguïté. Il fait également référence à Sagesse 2, 27 qui nous décrit le Juste qui reçoit la moquerie des gens, comme celle-ci : LXX « Il assure quil a la science de Dieu, et il se nomme le Fils de Dieu. » Matthieu sassure ainsi que son auditoire sait exactement quelle passage de lÉcriture explique ce qui se passe et lui donne son sens. Enfin, un petit ajout majeur : tout comme il la fait tout au long de son récit de la passion, il insiste pour dire que les anciens ont été présents tout au long du récit de la passion, y compris dans cette scène des injures. Ces anciens, ce sont les représentants du peuple juif. |
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v. 45 À partir de midi, lobscurité sétendit sur toute la terre jusquà trois heures.
Littéralement : À partir de la sixième heure, lobscurité vint (skotos egeneto) sur toute la terre jusquà la neuvième heure. |
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lobscurité vint sur toute la terre |
Pendant trois heures (de midi à trois heures), il fait nuit. La source du récit fait référence à Exode 10, 22 (LXX):
Moise étendit donc la main vers le ciel, et il vint des ténèbres (egeneto skotos), un sombre tourbillon, qui enveloppa lÉgypte durant trois jours. Bien sûr, dans le cas de Jésus, il sagit ici de trois heures, et non de trois jours. Mais lallusion est assez claire aux trois jours de ténèbres que sapprête à vivre Jésus avant sa résurrection : ce sera son exode, son passage de la mort à la vie. |
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v. 46 Vers trois heures, Jésus sécria dune voix forte : « Eli, Eli, lema sabachthani? » cest-à-dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mas-tu abandonné? »
Littéralement : Vers la neuvième heure Jésus sécria dune voix forte, disant : « Eli, Eli, lema sabachthani? » cela est : « Mon Dieu (thee mou), mon Dieu (thee mou), pourquoi mas-tu abandonné (hinati me enkatelipes)? » |
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v. 47 Des gens qui sétaient tenus là lentendirent et dirent : « Il appelle Élie, celui-là. »
Littéralement : Certains de ceux qui sétaient tenus là, entendant, dirent : « Celui-là appelle Élie. » |
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v. 48 Lun deux accourut aussitôt et, après avoir mis une éponge remplie de vinaigre autour dun roseau, lui donnait à boire.
Littéralement : Et aussitôt, ayant couru un deux et ayant pris une éponge remplie de vinaigre (oxous) et entourant un roseau il lui donnait à boire (epotizen). |
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v. 49 Les autres dirent: « Laisse faire, voyons si Élie viendra le libérer. »
Littéralement : Les autres dirent : « Laisse, voyons si Élie vient le sauvant. » |
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v. 50 De nouveau, Jésus cria dune voix forte et rendit lesprit.
Littéralement : Jésus de nouveau, criant dune voix forte, rendit lesprit (aphēken to pneuma). |
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Le cri de Jésus en croix reprend celui le début du psaume 22, 2. La source de Marc a une version araméenne, la langue parlée par Jésus (Elôi, Elôi, lama sabachtani), tandis que Matthieu a une formule plus hébraïque.
Tout dabord, Matthieu est original en optant pour le vocatif pour décliner le mot Dieu (thee) : le vocatif en Grec est utilisé pour exprimer une interpellation, et donc se traduirait littéralement : toi, mon Dieu! Au contraire, Marc et le texte de la Septante utilisent le nominatif pour décliner le mot Dieu (ho theos), i.e. un simple sujet de phrase comme lorsquon dit : Dieu a agit. Ainsi, Matthieu traduit mieux le caractère et lintensité de cette prière, car il devient un véritable cri. Mais par la suite, sa traduction suit assez fidèlement le texte de la Septante. On aura remarqué au passage que la Septante, cette traduction grecque de lÉcriture hébraïque complétée au milieu du 2e siècle avant J.-C., est loin dêtre littérale : le traducteur sest permis dajouter « regardes-moi » au texte hébreu quil avait sous les yeux. Les moqueries devant le cri de Jésus semblent ajoutées à un récit originel, car on sattendrait après ce cri à ce que Jésus expire. La source de Matthieu reprend les moqueries devant le cri de Jésus, puisque « Elôi » pouvait aussi évoquer la forme abrégée du nom propre Eliyahou, Élie. Lauteur nous renvoie au prophète Malachie qui parle du retour dÉlie avant larrivée du jour du Seigneur : (LXX) Et voilà que je vous enverrai Élie le Thesbite, avant que vienne ce jour du Seigneur, jour grand et éclatant (3, 23)Dans lévangile de Matthieu, Élie est associé à Jean Baptiste par Jésus (Mt 11, 14; 17, 12), ou encore à Jésus par les gens (Mt 16, 14). Et il semblerait que les scribes attendaient le retour dÉlie avant le jour du Seigneur (Mt 17, 10). Lauteur tient donc à étendre la scène des moqueries jusquau dernier souffle de Jésus : pour les gens qui regardent la scène, associer Jésus à la venue finale du jour du Seigneur est totalement ridicule. La scène de léponge remplie de vinaigre est bizarre et mal ficelée. On voit mal comment elle peut suivre lappel à Dieu de Jésus. Notre connaissance historique nous permet daffirmer quil était habituel que les soldats se désaltèrent avec un mélange deau et de vinaigre. Il est possible quhistoriquement, par compassion, un soldat ait voulu partager sa boisson avec un Jésus déshydraté. Mais le récit chrétien prend une tout autre direction en faisant allusion au psaume 69, 22 pour éclairer cette scène : (LXX) Et ils mont donné du fiel pour nourriture, et dans ma soif ils mont abreuvé (epotisan) de vinaigre (oxos)Cest ainsi quun geste de compassion est devenu un geste sadique. Encore une fois, on accentue lhostilité des gens vis-à-vis de Jésus. Matthieu améliore un peu le récit, car sa source marcienne était à peu près incompréhensible : celui qui lavait abreuvé de vinaigre poursuivait en disant : « Laissez! Voyons si Élie vient le descendre. » Cette dernière phrase na pas de sens : le « laissez » sadresse à qui et vise quoi au juste? Et comment cette phrase sarticule-t-elle avec le geste de donner du vinaigre à Jésus? Matthieu retravaille cette phrase. Dabord, elle est prononcée par dautres que celui qui a offert du vinaigre à Jésus. Puis, elle sadresse à ce dernier pour lui dire en quelque sorte : arrête de réconforter ce condamné à mort, voyons plutôt si Élie soccupera vraiment de lui. Maintenant on comprend un peu mieux la scène. La scène se termine avec Jésus qui rend lesprit (aphēken to pneuma), i.e. remet le souffle de vie reçu, la façon typiquement hébraïque de dire que Jésus meurt. |
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v. 51 Et voici que le voile du temple se déchira en deux du haut en bas, la terre se mit à trembler et les pierres à se fendre,
Littéralement : Et voici que le voile du temple se déchira den haut jusquen bas en deux et la terre (hē gē) fut secoué et les pierres se fendirent, |
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le voile du temple se déchira |
Le voile du temple qui se déchire renvoie au rideau qui séparait le Saint des Saints du reste du temple de Jérusalem. Le sens théologique est clair : ce lieu qui symbolise la présence de Dieu nest plus réservé à une clique, mais est ouvert à lensemble des nations païennes, et donc à lhumanité entière. En Jésus, Dieu est maintenant accessible partout et par tous.
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v. 52 les tombeaux souvrirent et plusieurs corps des saints, qui sétaient endormis, se réveillèrent,
Littéralement : et les tombeaux (ta mnēmeia) souvrirent et plusieurs corps des saints qui sétaient endormis se réveillèrent (ēgerthēsan), |
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v. 53 sortirent des tombeaux après leur réveil et entrèrent dans la ville sainte pour se faire voir à beaucoup de gens.
Littéralement : et étant sortis des tombeaux (ek tōn mnēmeiōn) avec leur réveil, entrèrent dans la ville sainte et se firent voir à plusieurs. |
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v. 54 Le centurion ainsi que ceux qui gardaient Jésus avec lui furent fortement effrayés en voyant le tremblement de terre et tout ces événements, et se dirent : « En toute vérité, celui-là était fils de Dieu. »
Littéralement : Le centurion et ceux avec lui gardant Jésus, ayant vu le tremblement de terre et les événements, furent fortement effrayés, disant: « Vraiment fils de Dieu (theou huios) était celui-là. » |
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À sa source marcienne, Matthieu ajoute une scène surprenante, celle de la terre qui tremble, des pierres qui se fendent, des tombeaux qui souvrent, des morts qui ressuscitent et retournent à Jérusalem. Pour comprendre lintention de Matthieu, il faut relire lAncien Testament, en particulier ces passages reliés au Jour du Seigneur et à la fin des temps :
Amos 8, 8-9 (LXX): Et nest-ce pas à cause de ces choses que la terre (hē gē) sera troublée, que tous ceux qui lhabitent seront dans la douleur; et que la destruction montera comme le fleuve dÉgypte, et descendra comme lui? Et en ce jour-là ceci arrivera, dit le Seigneur Maître: Le soleil se couchera à midi, et sur la terre, la lumière fera place aux ténèbres. Ainsi, cette scène représente la destruction dun monde ancien avec la terre qui est ébranlée et les pierres, fondation de la terre, qui sont brisées. Ce monde est remplacé par un monde nouveau et la résurrection des morts, comme Dieu la promis pour la fin des temps. Ce que Dieu a promis se réalise en Jésus. À la croix, la scène se termine avec le témoignage du centurion. Elle renvoie implicitement à Sagesse 2, 18 (LXX) : Car si le Juste est Fils de Dieu (huios Theou), Dieu le protégera, et le tirera des mains de ses adversaires. Car le grand cri de Jésus en croix semble annoncer quelque chose de nouveau, et cette nouveauté est lextirpation de ladversaire quest la mort. Mais Matthieu va modifier ce quil reçoit de Marc. Tout dabord, il ne sagit plus seulement du centurion qui témoigne, mais aussi de tous les gardes postés devant la croix. Ensuite, tout ce monde réagit non seulement à la mort de Jésus, mais aux événements apocalyptiques qui se passent autour deux, si bien quils sont effrayés. Enfin, la phrase du centurion est modifiée pour enlever le mot « homme » et le remplacer par « celui-là ». On peut comprendre ici lintention de Matthieu : il veut effacer toute trace dune figure simplement humaine pour la remplacer par quelquun qui siège déjà auprès de Dieu. Et cest non seulement une seule personne, mais plusieurs qui peuvent en témoigner. |
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v. 55 Il y avait là plusieurs femmes qui observaient à distance, dont certaines avaient suivi Jésus depuis la Galilée pour le soutenir,
Littéralement : Étaient là plusieurs femmes à distance pour observer, certaines avaient suivi Jésus depuis la Galilée le servant, |
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v. 56 parmi lesquelles on trouvait Marie de Magdala et Marie, mère de Jacques et Joseph, ainsi que la mère des fils de Zébédée.
Littéralement : parmi lesquelles étaient Marie originaire de Magdala et Marie, mère de Jacques et Joseph, et la mère des fils de Zébédée. |
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La présence des femmes, dont certaines avaient suivi Jésus depuis la Galilée, se trouve à souligner labsence des hommes, en particulier ses disciples. Trois évangélistes rapportent cette scène, dont Marc et Jean, des sources indépendantes, ce qui soutient la thèse de sa valeur historique. Mais lidentification de ses femmes ne concorde pas totalement, à lexception de Marie de Magdala. Matthieu reprend la version de Marc dune autre Marie, mais quil modifie légèrement, puisquelle est mère de Jacques et Joseph (Joset), puis de Salomé qui semble correspondre à la mère des fils de Zébédée. Mais Jean introduit la soeur de Marie, inconnue par ailleurs, et dune Marie, femme de Clopas (variante de Cléophas, un des disciples dEmmaüs?). Cette dernière est-elle également cette Marie, mère de Jacques et Joseph? Impossible de le confirmer. Quoiquil en soit, la présence de femmes auprès de Jésus au moment de sa mort est difficilement contestable et ne fait quaccentuer le contraste avec labsence dhommes.
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v. 57 Le soir venu, un homme riche dArimathie, appelé Joseph, qui était aussi devenu disciple de Jésus, se présenta
Littéralement : Le soir étant arrivé, vint un homme riche dArimathie, du nom de Joseph, qui aussi était devenu disciple de Jésus. 58 Celui-là étant venu à Pilate, réclama le corps de Jésus. À ce moment là Pilate ordonna de rendre, |
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v. 58 à Pilate pour réclamer le corps de Jésus. Pilate ordonna alors de le lui rendre
Littéralement : Celui-là étant venu à Pilate, réclama le corps de Jésus. À ce moment là Pilate ordonna de rendre, |
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v. 59 et, après avoir pris le corps, Joseph lenroula dune fine étoffe sans tache
Littéralement : et ayant pris le corps Joseph lenroula dune fine étoffe pure |
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v. 60 et le déposa dans le tombeau neuf quil sétait fait tailler dans la pierre, puis après avoir roulé une grosse pierre à la porte du tombeau, il partit.
Littéralement : et le déposa dans son nouveau tombeau quil a fait tailler dans la pierre et ayant roulé une grande pierre à la porte du tombeau, il partit. |
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v. 61 Marie de Magdala et une autre Marie se trouvaient là, assises devant le sépulcre.
Littéralement : Était là Marie de Magdala et une autre Marie assises devant le sépulcre. |
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Sur le plan historique, il est difficile de reconstituer la suite des événements. Selon les Actes des Apôtres, ce sont les Juifs qui ont mis le corps de Jésus dans un tombeau (Sans trouver en lui aucun motif de mort, ils lont condamné et ont demandé à Pilate de le faire périr. Et lorsquils eurent accompli tout ce qui était écrit de lui, ils le descendirent du gibet et le mirent au tombeau, Actes 13, 28-29). Pour Marc, que reprend Matthieu, cest Joseph dArimathie qui réclame dabord le corps de Jésus et le fait mettre dans une tombe taillée dans le roc, sans embaumement. Pour Jean, cest également Joseph dArimathie qui réclame à Pilate le corps de Jésus, mais ajoute que Nicodème intervient pour soccuper de lembaumement. Il est possible quà lorigine, le récit ne contenait quun simple empressement à lui trouver une tombe de la part des Juifs, étant donné que le sabbat, qui correspondait aussi à la pâque juive, approchait. Mais par la suite, le récit sest amplifié avec des dignitaires qui étaient peut-être présents, comme Joseph dArimathie, et avec un embaumement digne de la qualité de Jésus.
Selon Matthieu, Joseph dArimathie était riche. Doù tient-il cette information? Selon son habitude, Matthieu relie tout à la lumière de lAncien Testament, et dans notre scène cest en relisant Isaïe 59, 9 que les choses prennent sens : On lui a donné un sépulcre avec les impies et sa tombe est avec le riche, bien quil nait pas commis de violence et quil ny ait pas eu de tromperie dans sa bouche. Pour Matthieu, cest donc ainsi dans sa propre tombe que Joseph dArimathie dépose Jésus, une autre raison pour considérer quil était riche. Limportant est de percevoir que tout cela correspond à un plan divin. De plus, le linceul ou pièce détoffe était sans tâche (kathara=pure), car Matthieu a tendance à accentuer la dignité de Jésus, et donc la pièce détoffe se devait dêtre sans tache. |
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v. 62 Le lendemain, le jour qui est après la Préparation, les grands prêtres et les Pharisiens se rassemblèrent chez Pilate
Littéralement : Le lendemain, celle qui est après la préparation, se rassemblèrent les grands prêtres et les Pharisiens chez Pilate, |
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v. 63 pour lui dire : « Seigneur, souvenons-nous de ce qua dit cet imposteur-là alors quil était encore vivant : "Je retournerai à la vie après trois jours".
Littéralement : disant : « Seigneur, souvenons-nous que cet imposteur-là a dit encore vivant : "Après trois jours je suis réveillé". |
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v. 64 Ordonne donc de faire surveiller le sépulcre pendant trois jours afin déviter que ses disciples viennent le dérober pour dire ensuite à la foule : "Il est ressuscité des morts", et cette dernière imposture serait pire que la première. »
Littéralement : Ordonne donc de surveiller le sépulcre jusquà trois jours, de peur que venant, ses disciples le volent et disent à la foule : "Il est ressuscité des morts", et sera le dernier égarement pire que le premier. » |
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v. 65 Pilate leur répondit : « Prenez un garde. Allez, surveillez le sépulcre comme vous lentendez. »
Littéralement : Leur déclara Pilate : « Ayez un garde. Allez, surveillez comme vous savez. » |
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v. 66 Après être retournés au sépulcre, ils firent sceller la pierre et y postèrent un garde.
Littéralement : Eux, ayant fait route, firent surveiller le sépulcre, ayant fait sceller la pierre avec un garde. |
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Ce récit est unique à Matthieu et ne se retrouve dans aucun autre évangile. Et de plus, il comporte de nombreux problèmes. Tout dabord, les Pharisiens avaient disparus de la scène avec le procès de Jésus et réapparaissent soudain. Cest surprenant. Mais la plus grande difficulté vient de la crédibilité accordée par eux et les grands prêtres à lannonce de Jésus de ressusciter après trois jours. Admettons un instant que Jésus ait été clair sur le sujet, ils semblent y prêter foi plus que les disciples eux-mêmes qui ont disparu de la scène. Enfin, lautre grande difficulté provient du moment : nous sommes en plein sabbat, avec interdiction de franchir certaines distances. Comment des êtres extrêmement religieux comme les grands prêtres et les pharisiens auraient-ils pu enfreindre la loi du sabbat et se rendre chez le gouverneur Pilate? Et nous navons même pas mentionné leur immense naïveté : si les disciples avaient voulu voler le corps de Jésus, nauraient-ils pas fait cela de nuit, immédiatement après son décès? Conclusion : nous sommes probablement devant une pure création de lévangéliste Matthieu. Pourquoi? Il semble quau moment où il écrit son évangile, il existe une légende dans les milieux juifs pour faire contrepoids à laffirmation chrétienne du tombeau vide, à savoir que ce sont les disciples qui sont venus de nuit pour dérober le corps de leur maître, comme lécrit lui-même Matthieu : « cette histoire sest colportée parmi les Juifs jusquà ce jour » (Mt 28, 15). Ce que Matthieu affirme est donc ceci : le vol du corps de Jésus est impossible, car on avait posté des gardes devant le tombeau.
Cette création de Matthieu est confirmée sur le plan littéraire. Tout dabord cette scène prépare deux autres scènes uniques à Matthieu, tout dabord Mt 28, 4 où les gardes voient lange du Seigneur rouler la pierre et sasseoir dessus, et Mt 28, 11-15 où les gardes sont soudoyés pour ne pas raconter ce quils ont vu au sépulcre et répandre plutôt lhistoire dun vol du corps. Ces trois passages uniques à Matthieu forment un bloc cohérent. Le langage comporte des particularités de Matthieu, comme la particule apo dans « ressuscité des (apo) morts » plutôt que ressuscité des (ek) morts » dans les textes parallèles. Enfin, cette scène fait écho à une autre qui a eu lieu plus tôt chez Matthieu 12, 38-42, à savoir la demande dun signe adressée à Jésus de la part des scribes et des Pharisiens. Matthieu se distingue des parallèles en citant explicitement Jonas et la mention des trois jours et des trois nuits, et en ajoutant que le Fils de lhomme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Être dans le sein de la terre trois jours est une allusion claire à sa mise au tombeau. De plus, il utilise lexpression trois jours alors que sa source marcienne parle toujours de « après trois jours » (Mc 8, 31; 9, 31; 10, 34). Il nest donc pas surprenant de retrouver ici la proposition de « surveiller le sépulcre pendant trois jours » et surtout ces Pharisiens qui ont été témoins de lannonce de Jésus. Noublions pas, Matthieu aime la clarté et les compositions bien serrées. |
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-André Gilbert, Gatineau, avril 2014 |