Analyse biblique Marc 6, 1-6 Je vous propose une analyse biblique avec les étapes suivantes: une étude de chaque mot grec du passage évangélique, suivie d'une analyse de la structure du récit et de son contexte, à laquelle s'ajoute une comparaison des passages parallèles ou semblables. À la fin de cette analyse et en guise de conclusion, je propose de résumer ce que l'évangéliste a voulu dire, et je termine avec des pistes d'actualisation.
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Et il partît de là |
La scène précédente se passe à Capharnaüm où Jésus ramène à la vie la fille de Jaïre et guérit une femme qui avait des hémorragies.
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patrida (patrie) |
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mathētai (disciples) |
Dans lévangile de Marc, les disciples occupent une grande place. Aussitôt que Jésus commence son ministère, il commence par se choisir André, Pierre, Jacques et Jean (Marc 1, 16-20). Dès lors, ses disciples laccompagnent partout et ne le quittent plus. Ils seront témoins de toutes ses paroles et de ses actions, recevront un enseignement particulier pour éclairer le sens des paraboles et seront appelés à poser les mêmes gestes de guérison. On peut deviner lintention de lévangéliste : il veut que son auditoire, la communauté des chrétiens, sidentifie à ces disciples qui cheminent à la suite de Jésus.
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Textes sur nom mathētēs chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 2 Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. En lentendant, plusieurs étaient perplexes et se demandaient : doù cela lui vient-il, comment a-t-il pu acquérir cette sagesse, comment ses mains peuvent-ils opérer des actions si extraordinaires?
Littéralement : et étant arrivé sabbat (sabbatou), il commença à enseigner (didaskein) dans la synagogue (synagōgē), et plusieurs entendant étaient surpris (exeplēssonto) disant: doù (pothen) à lui ces choses, et quoi la sagesse (sophia) qui a été donnée (dotheisa) à lui, et les actes de puissance (dynameis) aussi grands par les mains (cheirōn) de lui sont arrivant? |
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sabbatou (sabbat) |
Comme nous le savons, le sabbat commençait le vendredi soir, au coucher du soleil, et se terminait le samedi soir, au coucher du soleil. Deux grandes activités avaient lieu ce jour-là, le repas familial, et le rassemblement à la synagogue. Parmi les évangélistes, Marc est celui qui fait le plus souvent référence au sabbat (Mt = 6; Mc = 8; Lc = 5; Jn = 5). Si on examine ces références au sabbat en lien avec le ministère de Jésus, on constate chez Marc quelles gravitent autour de deux thèmes : un temps de rassemblement pour les Juifs à la synagogue où Jésus se rend lui-aussi et qui lui offre une opportunité denseigner (1, 21; 6, 1), et un temps de controverses avec les Pharisiens en raison des règles restrictives que Jésus ou ses disciples semblent enfreindre (2, 23; 3, 2). En nous basant sur 1, 21 qui sinsère dans une journée typique de Jésus, on peut affirmer que la présence de Jésus à la synagogue le jour du sabbat était tout à fait typique de son ministère.
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didaskein (enseigner) |
On pourra être surpris dapprendre que Marc est lévangéliste qui utilise le plus le terme : enseigner (didaskō : Mt = 13; Mc = 18; Lc = 17; Jn = 10). Car Marc nous présente avant tout en Jésus un homme daction, en lutte constante contre les forces du mal. Pourtant, il insiste pour dire que Jésus enseignait, dabord à la synagogue (1, 21; 6, 2), puis sur le bord de la mer (2, 13; 4, 1-2; 6, 34). Quand il sera à Jérusalem, cest au temple quail enseignera (11, 17; 12, 35). Quand il envoie ses disciples en mission, il leur demande denseigner (6, 30). Pour Marc, laction catéchétique est au coeur de la vie chrétienne.
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synagōgē (synagogue) |
Synagōgē : Mt = 9; Mc = 8; Lc = 15; Jn = 2. La synagogue est le lieu principal de lactivité religieuse dans le Judaïsme, alors que le temple unique se trouvait à Jérusalem et nétait fréquenté quà loccasion de fêtes annuelles. Le jour du sabbat, on y faisait la lecture des Écritures, on les commentait, on priait (voir le Glossaire sur la synagogue). En semaine, des scribes y enseignaient aux jeunes gens le sens des Écritures. Cest à partir de la synagogue que la jeune communauté chrétienne proclamera sa foi. Selon Marc, la synagogue est un lieu important de laction de Jésus : elle apparaît au tout début de son ministère (1, 21-38), puis dans un sommaire de son action en Galilée, dans le récit de miracle de lhomme à la main paralysée (3,1), et enfin dans notre section qui semble résumer son activité auprès des siens (6,2).
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Textes de Marc avec le nom synagōgē | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
exeplēssonto (ils étaient surpris) |
Marc est celui qui utilise le plus le terme ekplēssō, qui signifie : être frappé, être étonné (Mt = 4; Mc = 5; Lc = 3; Jn = 0). Ce terme lui sert à accentuer le fait que Jésus se démarque des autres de différentes manières. Considérons les cinq cas :
Rappelons que cet étonnement vient du fait quon ne sattendait pas à ça dun simple citoyen qui ne sétait jamais signalé auparavant. Ce point est important pour Marc lorsquil sadresse à sa communauté : cela leur permet de saisir que lextraordinaire se passe dans la vie ordinaire. Notons lutilisation de limparfait « étaient perplexes », un temps qui signifie une action qui se poursuit dans le temps. |
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pothen (doù) |
La question de la source des capacités de Jésus est importante. Comme on le voit par la suite, cette capacité concerne deux choses, son enseignement et ses guérisons. Comme il na fréquenté aucun grand Pharisien, comme un saint Paul par exemple, et nest identifié à aucune école de scribes, on comprend mal sa sagesse pratique. Sa capacité de guérison pose problème, car une telle capacité comporte quelque chose de surnaturel, doù laccusation plutôt dêtre associé à Béelzéboul, le chef des démons. La question de lorigine aide à résoudre la question de la signification de lintervention de Jésus et de situer cette signification par rapport à Dieu.
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sophia hē dotheisa (sagesse qui a été donnée) |
Jai traduit par « par acquérir la sagesse » pour rendre la question de la source de cette sagesse chez Jésus, mais le texte grec dit littéralement : quelle est cette sagesse qui lui a été donnée. Dans le judaïsme, un verbe au passif est une façon de parler implicitement de Dieu, et donc on ferait référence à laction de Dieu qui a donné cette sagesse à Jésus. Au sujet de mot « sagesse », cest la seule mention par Marc dans tout son évangile, ce qui dénote le peu de place quoccupe cette réalité. Contentons-nous de dire que la sagesse, dans le Judaïsme, désigne avant tout les actions ajustées au vouloir divin.
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dynameis (actes de puissance) |
Le mot dynamis (Mt = 15; Mc = 10; Lc = 17; Jn = 0) qui a donné notre mot français : dynamisme, est souvent traduit par miracle. Mais il faut comprendre que le monde juif, et le Nouveau Testament en particulier, na pas de terme spécialisé comme miracle qui, pour le monde contemporain, désigne soit événement inexplicable par les lois de la nature et attribué à Dieu, dans un contexte de foi religieuse, soit un événement surprenant, inattendu, inespéré, merveilleux, dans un contexte profane. Dunamis, qui se traduit par puissance ou force ou capacité, est un terme grec générique qui couvre un large éventail de significations (voir Glossaire pour parcourir ces diverses significations). Pour lauditoire de Jésus, ces actions exceptionnelles le mettent à part, et cest cela quelle essaie de comprendre.
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cheirōn (mains) |
Marc utilise fréquemment le mot main (Mt = 24; Mc = 26; Lc = 26; Jn = 15). On pourrait regrouper dans quatre catégories la récurrence de ce mot chez Marc :
Le dernier groupe contient le plus grand nombre de références et cest à ce groupe que renvoie notre verset : par ses mains, Jésus opère des guérisons. |
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v. 3 Nest-il pas le menuisier, le fils de Marie, le frère de Jacques, Joset, Jude et Simon? Et ses soeurs nhabitent-ils pas au milieu nous? Ils étaient donc choqués par lui.
Littéralement : Ne pas celui-là est le menuisier (tektōn), le fils de Marie (Marias) et le frère (adelphos) de Jacques (Iakōbou) et de Joset (Iōsētos) et Jude (Iouda) et de Simon (Simōnos)? Et ne pas sont les soeurs (adelphai) de lui ici chez nous? Et ils étaient scandalisés (eskandalizonto) sur lui. |
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tektōn (menuisier) |
Tektōn (littéralement : artisan) est la traduction grecque de lhébreu : ḥārāš. Dans lAncien Testament, il désigne un travailleur manuel qui touche à peu prêt à tout : le bois de charpente sil est impliqué dans la construction de bâtiment, mais plus souvent dans la sculpture du bois pour des objets de la vie courante ou leur réparation; le métal pour fabriquer des outils ou des objets liés au bâtiment, comme les serrures, ou encore des pièces dorfèvrerie; la pierre pour certains travaux de maçonnerie ou de gravure sur des stèles ou des sceaux. Cest donc un homme à tout faire.
Voilà pourquoi les Bibles modernes utilisent différents mots pour traduire ḥārāš: charpentier, forgeron, artisan, artiste, sculpteur, tailleur, ciseleur, maçon, lapidaire, graveur, ouvrier, orfèvre, bûcheron. Dans son petit village de Nazareth, est-ce que Jésus était tout cela? De manière claire, il nétait pas impliqué dans la construction de grands bâtiments qui nexistaient pas dans cet humble hameau. On peut le décrire comme un menuisier, à condition de reconnaître que ce métier comportait un large éventail de tâches: la pose des poutres pour le toit des maisons en pierre, la fabrication des portes et des cadres de portes, ainsi que les croisillons des fenêtres, des meubles comme des lits, des tables, des tabourets ainsi que des placards, des coffres ou des boîtes. Justin le martyr affirme que Jésus fabriquait également des charrues et le joug pour lanimal. Lexercice de ce métier exigeait une certaine dextérité et force physique, ce qui nous éloigne de limage de linnocent gringalet que les images pieuses nous présentent de Jésus (pour une analyse de tektōn/ ḥārāš, voir le Glossaire). Notons que Matthieu (13, 55) reproduit ce verset, mais en faisant de Jésus le fils du menuisier, son père. Il ne faut pas sen surprendre puisquun métier était exercé de père en fils. |
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Marias (Marie) |
Tous les évangélistes, à lexception de Jean, sentendent pour donner le nom de Marie à la mère de Jésus (Mt = 5; Mc = 1; Lc = 12; Jn = 0). Luc et Matthieu le font dans leur récit de lenfance. Marc est le seul à la nommer au cours du ministère de Jésus, repris par Matthieu dans un passage parallèle. On peut sétonner que Jean se contente de dire « mère de Jésus » (Jn 2, 1.3.5.12; 6, 42; 19, 25-27) sans jamais la nommer, par exemple à Cana, et surtout dans cette scène où il la confie au disciple bien-aimé. Son nom est également mentionné dans les Actes des Apôtres (1, 14) où Luc nous informe quelle était assidue à la prière avec les Onze. On pourra noter que la graphie de Marie en grec varie entre Maria (Mt 1, 16.18.20; 2, 11; Mc 6, 3; Lc 1, 41), typique dans le monde grec, et Mariam (Mt 3, 55; Lc 1, 27.30.34.38-39.46.56; 2, 5.16.19.34), un écho du nom hébreu Miryām. Pourquoi ces variations? Difficile de répondre à cette question, car il ne semble pas y avoir de logique : par exemple, Matthieu utilise Maria pour désigner Marie de Magdala en 27, 56, mais a recours à Mariam quatre versets plus loin (27, 61) pour désigner la même personne. Marc nutilise que Maria pour parler soit de la mère de Jésus, soit de Marie de Magdala, soit de lautre Marie. Luc, dans son récit de lenfance de Jésus, nemploie que Mariam pour parler de la mère de Jésus, mais nemploie que Maria au cours du ministère de Jésus pour désigner soit sa mère, soit Marie de Madgala, soit lautre Marie, ne réservant Mariam quà la soeur de Marthe. Dans les Actes des Apôtres, le mot apparaît deux fois, dabord sous Mariam pour désigner la mère de Jésus (1, 14), ensuite sous Maria pour désigner la mère de Marc (12, 12).
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Le nom Maria ou Mariam dans la Bible | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
adelphos (frère) |
La question se pose : quel sens donné à frère (adelphos)? Techniquement, le mot grec adelphos désigne un frère biologique. Mais la question des frères et soeurs biologiques de Jésus est devenue une question disputée entre Catholiques et Protestants, les premiers lui donnant le sens de demi-frères ou cousins, et les derniers le sens de véritables frères et soeurs. Cette question est reliée à une autre question, celle de la virginité perpétuelle de Marie, i.e. celle de navoir jamais eu de relations sexuelles. Que révèle lanalyse des meilleurs biblistes daujourdhui?
Prenons le texte de Matthieu. Cest Joseph qui donne à Jésus son nom, et par le fait même, accepte la paternité et lui donne la descendance davidique (« et il ne la connut pas jusquau jour où elle enfanta un fils, et il lappela du nom de Jésus », 1, 25). Bien sûr, la phrase : « il ne la connut pas (il neut pas de relation sexuelle) jusquau jour » est ambigüe, car que signifie : jusquau jour? Clairement, Joseph na pas eu de relation sexuelle avec Marie du moment où il se rendit compte quelle était enceinte jusquau jour de laccouchement. Mais quen est-il par la suite? Or, examinons sa version du passage que nous analysons : « Celui-là nest-il pas le fils du menuisier? Na-t-il pas pour mère la nommée Marie, et pour frères Jacques, Joseph, Simon et Jude? » (13, 55). Le fait de nommer les frères et les soeurs avec la mère biologique donne limpression quil se situe vraiment au niveau biologique, dautant plus quil ne nomme pas Joseph, qui ne serait pas le père biologique. Enfin, en 12, 46-50, des gens mentionnent que sa mère et ses frères veulent lui parler, mais Jésus réplique se que sa vraie mère et ses vrais frères sont ceux qui font la volonté de Dieu; cet aphorisme perdrait toute sa force si la première partie ne désignait pas des frères de sang. Il est donc hautement probable que Marie, après Jésus, a eu dautres enfants. Saint Paul nous aide à raffermir notre conclusion, car il utilise lexpression « Jacques, le frère (adelphos) du Seigneur » (Ga 1, 19). Or, Paul distingue bien les deux mots grecs adelphos (frère) et anepsios (cousin) : « Aristarque, mon compagnon de captivité, vous salue, ainsi que Marc, le cousin (anepsios) de Barnabé » (Col 4, 10). Dans une autre lettre, il fait encore référence aux frères de Jésus : «Naurions-nous pas le droit demmener avec nous une femme chrétienne comme les autres apôtres, les frères (adelphoi) du Seigneur et Céphas? » (1 Co 9, 5). Ainsi, Jacques était si bien connu comme frère de Jésus que même lhistorien juif, Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, 20, 197-203), qui ne connaît pourtant pas le Nouveau Testament, fait référence à « Jacques, le frère de Jésus ». Sur le sujet, voir le Jésuite Joseph Meier qui considère que Marie a eu au moins 6 enfants (les quatre fils nommés par Marc et Matthieu, et le fait que le mot soeur était au pluriel) et attribue à saint Jérôme à la fin du 4e siècle lintroduction de lidée de la virginité perpétuelle de Marie et, par là, linterprétation de frère par cousin. |
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Iakōbou (de Jacques) |
Tout comme Marie, Jacques est un nom commun. Il provient de lhébreu yaʿăqōb qui est devenu soit Jacob, soit Jacques. Dans les Synoptiques (le nom de Jacques napparaît jamais chez Jean, on trouve seulement la mention « fils de Zébédée » en Jn 21, 2), cinq Jacques sont mentionnés.
Que sait-on sur ce Jacques? Il était considéré comme un pilier et un leader de la communauté de Jérusalem, puisque, selon les Actes des Apôtres, Pierre, libéré de prison, demande de len informer (Actes 12, 7), et Paul, après sa conversion, se rend à Jérusalem pour le rencontrer après Pierre (Ga 1, 19). Lui aussi a fait lexpérience de Jésus ressuscité, mais après Pierre et les Douze, et après les 500 frères (1 Co 15, 7). Comme leader de la communauté mère de Jérusalem, il joue un rôle décisif lors de ce qui est convenu dappeler le concile de Jérusalem où il fallait décider sur les exigences minimales imposées aux non juifs convertis à la foi chrétienne. Luc met dans sa bouche la décision finale (Actes 15, 13-21) de la communauté de Jérusalem, et cest à lui que Paul fait son rapport lors de son retour de mission (Actes 21, 18). Mais il représente le côté conservateur et traditionnaliste de la communauté chrétienne, si bien que Paul doit dénoncer les pressions des gens de son entourage qui veulent conserver la ségrégation entre gens dorigine juive et ceux dorigine païenne lors des célébrations eucharistiques (Ga 2, 12). La tradition lui attribue la rédaction de lépître de Jacques. La qualité du grec de cette épitre permet den douter, mais les idées très juives qui y sont développées ainsi quune mise en garde contre certaines idées de Paul rend vraisemblable laffirmation quun scribe éduqué de son entourage y a mis en forme sa pensée. Si on en croit Flavius Josèphe (Antiquités judaïques 20, 197-203), il meurt tragiquement par lapidation vers lan 61 ou 62, sur ordre du grand prêtre Ananius ben Anân (le beau-frère de Joseph Caïphe), pendant cette période dagitation qui précède lintervention romaine et conduira à la chute de Jérusalem en 70. |
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Iōsētos (Joset) |
Ce nom provient de lhébreu yôsēp, quon traduit habituellement par Joseph. Il y a peu à dire sur ce nom sinon quil revient chez Marc à la fin du récit de la passion comme fils dune nommée Marie et frère de Jacques le petit (15, 40; voir aussi 15, 47). Il sagit sans doute dun autre Joset, un nom assez commun qui semble une variante de Joseph (Iōsēph), puisque dans ses passages parallèles, Matthieu parle de Joseph plutôt que de Joset (Mt 13, 55; 27, 56). On ne sait rien dautre sur ce frère de Jésus.
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Iouda (Jude) |
Le même nom grec Ioudas, qui traduit lhébreu yěhûdâ, est traduit en français de multiples façons : Judas, Juda et Jude. Ce nom apparaît dans onze occasions différentes :
On ne connaît rien de ce Jude ou Judas, frère de Jésus, sinon que la tradition lui attribue cette épitre, appelée lépitre de saint Jude. Cette courte lettre dun seul chapitre est marquée par une atmosphère apocalyptique et des traits très Juifs. Comme la lettre attribuée à Jacques, lautre frère de Jésus, elle na peut-être pas été rédigée par Jude lui-même, mais par un scribe de son entourage, il reste quelle devait jouir dune certaine notoriété dans les courants conservateurs et judéo-chrétiens. |
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Simōnos (Simon) |
Simon ou Siméon sont la traduction de lhébreu : šimʿôn. Voilà un autre nom très fréquent dans le monde juif.
Ce Simon, frère de Jésus, malgré le fait quil soit mentionné chez Marc et Matthieu, na pas laissé de trace dans lhistoire. |
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adelphai (soeurs) |
Il faut interpréter le mot « soeur » au sens biologique (voir lanalyse plus haut sur le mot « frère »). Et comme le mot est au pluriel, il faut admettre quil y a en avait au moins deux. Il ne faut pas se surprendre quon ne mentionne pas leur nom, car les femmes navaient pas de véritable statut social. Les soeurs de Jésus nont laissé aucune trace dans lhistoire. Mais tout cela nous aide à comprendre que Jésus est né dune famille normale.
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eskandalizonto (ils étaient scandalisés) |
Le mot skandalizō (Mt = 10; Mc = 8; Lc = 2; Jn = 2) signifie littéralement : faire trébucher, être une occasion de chute, faire pécher. Dans le Nouveau Testament, il est toujours relié à la perte de la foi, comme on le voit chez Paul qui apostrophe les Corinthiens qui se permettent de manger de la viande sacrifiées aux idoles, au grand scandale des autres membres de la communauté chrétienne, et à qui il dit : « Cest pourquoi, si un aliment doit causer la chute ( skandalizō ) de mon frère, je me passerai de viande à tout jamais, afin de ne pas causer la chute ( skandalizō ) de mon frère » (1 Co 8, 13). Ainsi, quand Marc dit que les gens de Nazareth étaient « scandalisés » à son sujet, il entend affirmer que les gens de Nazareth étaient incapables de croire en Jésus, car il était un homme comme eux. Cela signifie que si Jésus avait été très différent, sil était venu de trè loin, les Nazaréniens auraient pu croire en lui.
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v. 4 Jésus disait à ses disciples quun prophète nest méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa famille.
Littéralement : Et disait à eux le Jésus que ne pas est prophète (prophētēs) méprisé (atimos) si ce nest en la patrie (patridi) de lui et aupès les parents (syngeneusin) de lui et en la maison (oikia) de lui. |
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prophētēs (prophète) |
Tout dabord, on a limpression que cette scène de Nazareth na pour but que doffrir un enseignement aux disciples. En introduction, Marc avait bien pris soin de dire que ses disciples laccompagnaient. Et aussitôt exprimée la réaction des Nazaréniens, cest vers ses disciples que Jésus se tourne pour tirer une leçon sur ce qui vient de se passer. Cette leçon concerne le sort du prophète.
La première question à se poser : quest-ce quun prophète? Le mot grec prophētēs est la contraction de deux mots : pro (en avant de, à la place de) et phēmi (déclarer, dire). Le prophète est celui qui est le porte-parole dun autre, qui proclame en son nom. Dans le monde juif, le prophète est avant tout le porte parole de Dieu : il transmet la pensée de Dieu, ses desseins, sa volonté. En Hébreu, on lappelle : nābîʾ. On aura remarqué que, très souvent dans lAncien Testament, leur parole est introduite par : « Oracle ou parole du Seigneur ». Les croyants les considéraient comme des hommes de Dieu, parlant en son nom, agissant en son nom. Mais les prophètes ne faisaient pas lunanimité, car ils confrontaient souvent la manière de penser et dagir des gens. On connaît les plus célèbres : Samuel, Élie, Élisée, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Amos, Osée, Michée, Sophonie, Habaquq, Nahum, Aggée, Abdia, Zacharie, Malachie, Daniel. Or, Marc met dans la bouche de Jésus cette parole : « Un prophète nest méprisé que dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa famille (littéralement : maison). » Cette phrase a quelque chose de remarquable : elle se retrouve sous une forme ou lautre chez les quatre évangélistes.
En acceptant la théorie largement acceptée de lindépendance des sources de Marc et Jean, on se retrouve avec deux sources indépendantes sur laffirmation quun prophète nest pas honoré dans sa patrie. Selon Marc, littéralement, un prophète nest pas sans (a-) honneur (timios), sinon dans sa patrie, dans sa parenté et dans sa maison. Matthieu, reprend la même phrase de Marc, mais en éliminant la mention de la parenté. Luc a repris lidée de Marc, mais a préféré la notion daccueil à celle dhonneur, et na gardé que la référence à la patrie. Jean puise à une autre source que celle de Marc, mais cette source a la même idée dhonneur et la même référence à la patrie. Quest-ce à dire? Nous avons ici un cas dattestation multiple et il est fort probable que nous sommes ici devant quelque chose qui remonte au Jésus historique où celui-ci aurait reconnu avoir du mal à faire reconnaître sa valeur dans cette Galilée où il est né et a grandi. De manière corollaire, on peut affirmer que Jésus a perçu son action dans la ligne prophétique. Tout cela est confirmé par dautres textes, dabord dans un passage propre à Luc (13, 33) : « Mais aujourdhui, demain et le jour suivant, je dois poursuivre ma route, car il ne convient pas quun prophète (prophētēs) périsse hors de Jérusalem ». Une telle affirmation indirecte se retrouve également dans la source Q : « "Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes (prophētēs) et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes... et vous navez pas voulu! » (Mt 23, 37 || Lc 13, 34). Il est donc très vraisemblable que Jésus ait utilisé le langage prophétique pour se décrire. Tout cela amène la question : comment Jésus était-il perçu par son auditoire? Si lon en croit Marc, les gens percevaient avant tout Jésus comme un prophète : « Jésus sen alla avec ses disciples vers les villages de Césarée de Philippe, et en chemin il posait à ses disciples cette question: "Qui suis-je, au dire des gens?" Ils lui dirent: "Jean le Baptiste; pour dautres, Elie; pour dautres, un des prophètes (prophētēs)" » (Mc 8, 27-28). Matthieu (16, 13-14) et Luc (9, 18-19) reprennent cette affirmation. Auparavant, Marc nous avait présenté une affirmation semblable à loccasion du questionnement dHérode sur Jésus : « Le roi Hérode entendit parler de lui, car son nom était devenu célèbre, et lon disait: "Jean le Baptiste est ressuscité dentre les morts; doù les pouvoirs miraculeux qui se déploient en sa personne." Dautres disaient: "Cest Elie." Et dautres disaient: "Cest un prophète (prophētēs) comme les autres prophètes" » (Mc 6, 14-15). Luc (9, 7) reproduit cette affirmation, mais pas Matthieu qui la considère comme un double de laffirmation précédente. Mais Marc serait-il le seul à nous donner cet écho de la perception de gens? Au contraire, Matthieu et Luc y vont de leurs affirmations indépendantes :
Mais il ny a pas seulement Marc, Matthieu ou Luc qui rapportent cette perception des gens sur Jésus, il y a aussi Jean :
La présence de toutes ces sources différentes et indépendantes soutient avec un haut niveau de probabilité que, sur le plan historique, Jésus sest présenté comme un prophète et a été perçu comme un prophète. Et le fait même davoir opéré des guérisons pouvait lassocier à des prophètes comme Élie qui, lui aussi, a opéré des guérisons. Cependant, on note quavec le temps, probablement au sein des communautés croyantes, cette perception de Jésus comme prophète a pris une couleur particulière, celle de lassocier à Moïse, ou plutôt à la promesse de Dieu dans le Deutéronome (18, 18) denvoyer un prophète comme Moïse. Cest ce dont témoigne le plus tardif des évangiles, celui de Jean, et les Actes des Apôtres :
Dans le monde juif, le langage prophétique était celui qui était le plus accessible pour sapproprier la personnalité et laction de Jésus. Cette figure pouvait facilement sassocier à celle du messie promis, soit en la personne du successeur de Moïse comme nous venons de le voir, soit en la personne du successeur de David (voir Actes 2, 30 où David est présenté comme un prophète). |
Le nom prophētēs dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
atimos (méprisé) |
Le mot grec signifie : sans honneur, méprisé. Dans les évangiles, Marc est le seul à introduire ce mot, et il le fait seulement ici, copié par Matthieu. Le seul autre cas est celui de Paul en 1 Corinthiens 4, 10 où il tente de dégonfler le ballon plein dorgueil de certains Corinthiens en insistant sur le sort des apôtres, et surtout du sien, où ils sont exhibés au dernier rang, apparaissent comme des fous, des faibles et des gens méprisés (atimos). Notons que, littéralement, ce mot est formé du a privatif et de ladjectif timios (de grande valeur, cher, précieux, honoré). Il ne décrit donc pas une action, mais une absence daction : celui de ne pas honorer quelquun ou de ne pas lui trouver de la valeur. Ainsi, Jésus ne dit pas quon insulte le prophète ou crache sur lui, mais plus simplement quon trouve aucune valeur en lui, quil est sans importance, un être totalement banal.
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patridi (patrie) |
On perçoit bien la séquence de Marc : du cercle plus grand au cercle plus petit. Mais que contient chacun des cercles? Nous avons déjà analysé la signification de patris qui renvoie à sa ville dorigine, i.e. Nazareth.
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syngeneusin (parents) |
Syngenēs signifie : parenté. Cest ici le seul emploie de Marc et il est peu fréquent dans les évangiles (Mt = 0; Mc = 1; Lc = 6; Jn = 1). Ce mot désigne ceux avec qui on a des liens de sang, i.e. les oncles, tantes, neveux, nièces. Par exemple, Élizabeth est la cousine de Marie et est appelée « ta parente » (syngenēs) par lange Gabriel alors quil sadresse à Marie (Lc 1, 36). Ces liens de sang se différencient des liens de sang immédiats, comme ceux du père, de la mère, des frères et des soeurs : « Vous serez livrés même par vos père et mère, vos frères, vos parents (syngenēs) et vos amis; on fera mourir plusieurs dentre vous » (21, 16). On le voit dans les salutations de Paul dans son épitre aux Romains, alors quil désigne tour à tour Andronicus, Junias (16, 7), Hérodion (16, 11), Lucius, Jason et Sosipatros (16, 21) comme ses parents (syngenēs).
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Le nom syngenēs dans la Bible | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
oikia (maison) |
Oikia signifie : maison, bâtiment, maisonnée. Voici un mot très fréquent dans les évangiles (Mt = 25; Mc = 18; Lc = 24; Jn = 5). Mais il désigne avant tout la demeure physique, le bâtiment, le lieu où habitent des gens. Or, le mouvement de la pensée ici renvoie plutôt au sens symbolique de la maison, i.e. aux habitants de la maison. Dans les évangiles, cest peu fréquent, mais pas inédit. Ainsi, quand Jésus dit : « Et si une maison (oikia) est divisée contre elle-même, cette maison-là ne pourra se maintenir » (Marc 3, 25), il nentend pas parler du bâtiment, mais de la famille qui lhabite; dailleurs, il applique ensuite cette image à ceux qui appartiennent à Satan et à la possibilité quils soient divisés. En Luc 10, 5, quand Jésus dit : « Paix à cette maison! », il entend désigner bien sûr les habitants de la maison, et non la construction physique. Quand lévangéliste Jean écrit : « il crut, lui avec sa maison (oikia) tout entière », il ne sagit évidemment pas du bâtiment, mais de la famille qui y réside. Qui sont ces gens qui habitent une maison? On devine aisément les parents et leurs enfants. Mais on y trouve aussi la famille élargie, comme on le voit dans le fait que dans la maison de Simon et André vivait également la belle-mère de Simon (Marc 1, 29-30).
Ainsi, la cible des reproches de Jésus est représentée par trois cercles concentriques : dabord toute la ville, puis la suite les oncles, tantes, cousins, cousines, bref tous ceux qui ont un certain lien de sang, et enfin les gens qui habitent la même maison, i.e. le père, la mère, et un certain nombre de dépendants comme les enfants ou les beaux-parents. |
Textes sur les noms oikia et oikos chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 5 Cest ainsi quil était incapable de faire aucune action extraordinaire, si ce nest quelques guérisons par limposition des mains.
Littéralement : Et ne pas il était capable (ouk edynato) là de faire aucun acte de puissance, si ne pas peu nombreux malades (arrōstois) étendant les mains (epitheis tas cheiras) il guérit. |
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ouk edynato (ne pas il était capable) |
Le mot dynamai, un mot quaime bien Marc, est en quelque sorte banal, utilisé à toutes les sauces (Mt = 11; Mc = 22; Lc = 15; Jn = 15). Ce que notre phrase a de remarquable, cest quelle nous présente une limite de Jésus, une forme dincapacité. Alors que les évangélistes insistent sur les capacités hors de lordinaire de Jésus, voilà quon parle ici dune limite à ses capacités. Marc est le seul à le faire. Bien sûr, il y a ce cas spécial ici dune limite à sa capacité de guérir. Mais Marc nous présente deux autres situations où Jésus ne réussit pas à accomplir une action :
Les deux derniers exemples sont moins dramatiques, mais ils sont néanmoins significatifs, car les autres évangélistes nont pas cru bon de les reprendre, comme sils entachaient la figure de notre héro. Seul Jean parle dune incapacité de Jésus, mais dans un tout autre contexte et avec toute autre signification : « Je ne puis rien (dynamai) faire de moi-même » (Jean 5, 30); il sagit dexprimer la parfaite communion de Jésus avec son Père. Marc insiste donc sur limportance dune collaboration entre Jésus et son auditoire : son action est dépendante de leur foi. Nous sommes très loin dun monde magique. Car une part de la réussite de la guérison provient du requérant. |
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arrōstois (malades) |
Il y a peu de chose à dire sur le mot arrōstos (malade, faible), sinon quil très rare dans le Nouveau Testament. Il est présent deux autre fois chez Marc, une fois chez Matthieu, et une fois chez Paul.
Le mot arrōstos apparaît dans un contexte de sommaire, où on résume laction de Jésus. Car, habituellement, lévangéliste est plus spécifique à propos de la maladie : cest un paralytique, cest un épileptique, cest un aveugle, cest un lépreux, etc. |
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epitheis tas cheiras (étendant les mains) |
Le geste dimposer les mains remonte à la nuit des temps. La main est un symbole de puissance, et mettre la main sur quelquun semble être geste de transmission de puissance. Marc est celui qui présente le plus de scènes où Jésus impose les mains ou la main dans les évangiles (Mt = 3; Mc = 7; Lc = 1; Jn = 0). À chaque fois, cest une scène de guérison : la fille du centurion (5, 23); des malades (6, 5); un sourd quasiment muet (7, 32); un aveugle (8, 23.25). Cest toujours Jésus qui agit, à lexception de 16, 18 qui est une addition à lévangile et où on résume lactivité chrétienne. Il sagit toujours de limposition des deux mains, à lexception de 7, 32 où Marc écrit : « et on le prie de lui (sourd) imposer la main »; il est difficile de distinguer ce geste des autres gestes. On retrouve un cas semblable chez Matthieu : « Ma fille est morte à linstant; mais viens lui imposer ta main et elle vivra » (9, 18). On peut simplement dire que cette mention se trouve dans la bouche du requérant, et non dans la description des gestes de Jésus. Il vaut la peine de mentionner une scène unique à Matthieu, celle où Jésus impose les mains sur des enfants en priant (9, 15), sans doute pour appeler sur eux la bénédiction de Dieu.
Le geste dimposer les mains sera utilisé pour dautres activités avec la communauté chrétienne. Bien sûr, laction de guérir se poursuivra : Ananie imposera les mains sur Paul pour quil retrouve la vue (Actes 9, 12.17), et Paul lui-même guérira de cette façon le père de Publius (Actes 28, 8). Mais maintenant il fera partie du rite du don de lEsprit Saint à ceux qui ont reçu le baptême (Actes 8, 17; 19, 6). Et surtout, il sera utilisé pour envoyer en mission (Actes 13, 3) ou pour confirmer lattribution de fonctions communautaires (Actes 6, 6; 1 Timothée 5, 22). Sur le plan historique, il est difficile de nier que Jésus ait opéré des guérisons (voir Meier), et il est probable quil ait utilisé les méthodes des guérisseurs de lépoque, entre autres celle dimposer les mains. Marc en serait le meilleur témoin, et cest avec lévolution de la théologie, comme on le voit chez Matthieu et Luc, et surtout chez Jean, quon a eu tendance à éliminer cette ressemblance aux guérisseurs de lépoque et à présenter quelquun qui ne guéri que par sa seule parole. |
Le verbe tithēmi dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 6 Jésus sétonnait de leur manque de foi. Par la suite, il parcourait les villages des alentours pour enseigner.
Littéralement : Et il sétonnait (ethaumazen) à cause de linfidélité (apistian) deux. Et il parcourait (periēgen) les villages (kōmas) tout autour (kyklō) enseignant (didaskōn). |
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ethaumazen (il sétonnait) |
Même si on rencontre thaumazō (sétonner, être admiré, flatter les personnes) un certain nombre de fois, le mot nest pas très répandu dans les évangiles (Mt = 7; Mc = 4; Lc = 13; Jn = 6) et dans lensemble du Nouveau Testament (Actes = 5; Paul = 2; épitres de Jean = 1; Jude = 1; Apocalypse = 4). Ce quil y a de remarquable dans les trente utilisations de ce verbe dans les évangiles, est quelle se situe toujours dans le cadre de lévénement Jésus, à deux exceptions près (Lc 1, 21 : la foule qui sétonne du retard de Zacharie; Lc 1, 63 : la foule qui sétonne du nom de Jean). Examinons deux ensembles, ceux où Jésus lui-même sétonne, et ceux où des gens sétonnent au sujet de Jésus.
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Textes avec le verbe thaumazō dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
apistian (infidélité) |
Le mot apistia (infidélité, incrédulité) est formé de la concaténation de deux mots, le a privatif, et pistis (fidélité, confiance), donc littéralement : sans confiance. Voilà un mot très rare. Dans les évangiles, on ne le retrouve pratiquement que chez Marc (Mt = 1; Mc = 3; Lc = 0; Jn = 0), puisque loccurrence chez Matthieu est une reprise de notre scène de Marc. En plus de notre passage, le mot apparaît dans la scène où le père dun enfant épileptique, après sêtre fait reprocher par Jésus lexpression « si tu peux », sécrie : « Je crois! Viens en aide à mon manque de foi (apistia)! » (9, 24). Enfin, il apparaît dans cette addition à lévangile de Marc : « il (Jésus ressuscité) leur reprocha leur incrédulité (apistia) et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui lavaient vu ressuscité » (16, 14). Son frère jumeau, ladjectif apistos (incrédule, infidèle), est également très rare (Mt = 1; Mc = 1; Lc = 2; Jn = 1). Disons tout de suite que le mot apparaît dans la scène de lenfant épileptique de Marc que nous venons de mentionner, alors que Jésus lance aux gens : « Engeance incrédule (apistos) » (9, 19), que reprennent Matthieu (17, 17) et Luc (9, 41). Il ny a donc que deux autres passages indépendants, Lc 12, 46 (la parabole de lintendant infidèle qui a perdu foi au retour du maître) et Jn 20, 27 (Jésus ressuscité invite Thomas à délaisser linfidélité pour embrasser la foi). Bref, on peut dire que Marc est unique à mettre sur la bouche du Jésus au cours de son ministère lattribut « manque de foi » et « incrédule » lors de linterpellation de son auditoire. On ne peut sempêcher dy voir une vive interpellation chez Marc de sa communauté chrétienne.
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periēgen (il parcourait) |
Le verbe periagō (parcourir, emmener avec soi ; littéralement : aller autour) nest utilisé quici chez Marc (Mt = 3; Mc = 1; Lc = 0; Jn = 0), et trois fois chez Matthieu, dont deux fois comme sommaire pour résumer laction de Jésus qui parcourait la Galilée pour enseigner et guérir. Cela semble donc un mot passe-partout pour résumer lactivité missionnaire de Jésus.
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kōmas kyklō (villages tout autour) |
Les mots kōmē (bourg, village, petite ville) (Mt = 4; Mc = 7; Lc = 12; Jn = 3) et kyklō (en cercle, tout autour) (Mt = 0; Mc = 3; Lc = 1; Jn = 0) donnent limpression dun rayon daction très limité. Contrairement à un Paul qui se rend dans les grands centres comme Éphèse, Antioche, Corinthe, Rome, le Jésus de Marc concentre son action dans les villages de Galilée. Et parmi ses premiers disciples, on compte Pierre et André qui sont de Bethsaïde, qui est considéré comme un village (Marc 8, 23). Quand on regarde les images de la prédication de Jésus, on note quelles sont beaucoup empruntées au monde de la terre (4, 3 : semeur sorti pour semer; 4, 26 : semence en terre qui lève tout seule; 4, 30 : graine de moutarde).
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Le nom kōmē dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
didaskōn (enseignant) |
Didaskō (enseigner, instruire) fait partie du sommaire de laction de Jésus : il guérit et il enseigne. Pour Marc, ces deux actions vont de pair : on ne peut parler du Règne de Dieu sans démontrer sa force transformatrice, et on ne peut exercer une action transformatrice sans exprimer sa signification profonde. Quand il envoie ses disciples, cest également pour guérir et enseigner (Marc 6, 30). Cest la mission chrétienne.
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-André Gilbert, Gatineau, juillet 2015 |