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Sommaire
Les Romains permettaient-il que des proches ensevelissent le corps des crucifiés? Dans le cas dune province romaine comme la Judée, lautorité locale avait une certaine marge de manoeuvre, mais dans les accusations de lèse-majesté, comme ce fut le cas pour Jésus, on ne le permettait habituellement pas de peur quil devienne un héro pour ses disciples. Chez les Juifs, la question ne se posait pas, car la loi exigeait quil soit enseveli avant le coucher du soleil. Mais pour quelquun coupable de blasphème comme Jésus, il ny avait pas de sépulture honorable, et on mettait le corps dans une fosse commune. Cest ce que semble confirmer le récit de Marc. Il met en vedette un homme décrit comme un membre respecté du Sanhédrin qui, voyant le soir arriver, en particulier une veille de sabbat, veut faire respecter la loi juive sur lensevelissement, et donc réclame le cadavre de Jésus et le met dans un tombeau tout près; il nest pas décrit comme un disciple de Jésus, mais simplement un juif pieux qui attend le royaume de Dieu. La cérémonie de lensevelissement est sommaire : une simple étoffe de lin dans lequel on lenveloppe, sans prendre la peine de le laver et de le parfumer. Le tombeau dans lequel on le dépose est anonyme, le plus près quon trouve.
Quand Matthieu reprend le récit de Marc, il modifie le portrait de Joseph pour en faire un disciple de Jésus. Pourquoi? Il est possible que Joseph, après la résurrection de Jésus, soit devenu un disciple de Jésus. Alors Matthieu projette à lépoque de lensevelissement ce quest devenu Joseph par la suite. Comme il semble partager un tombeau qui lui appartient, il devait être riche. Après avoir ennobli Joseph, Matthieu tient aussi à ennoblir lensevelissement en mentionnant que le linceul était propre. Enfin, il élimine de son récit la surprise de Pilate devant la mort rapide de Jésus, y voyant un effort inutile pour prouver que Jésus était bel et bien mort.
Pour Luc, Joseph fait partie de cette longue suite de gens pieux et religieux qui a commencé avec Zacharie, Élizabeth, Siméon et Anne. Il passe beaucoup de temps sur les traits moraux et religieux de Joseph, sans en faire pour autant un disciple de Jésus. Mais comme membre du Sanhédrin, il était en désaccord avec la décision et laction prise.
Chez Jean, on sent deux niveaux de la tradition, dabord une tradition ancienne où Joseph fait probablement partie de ces Juifs qui ont demandé que les jambes soient brisées et de descendre les corps pour respecter la loi. Puis, il y a une tradition plus récente où Joseph est devenu un disciple « caché » de Jésus, et cela crée une nouvelle scène de demande du corps de Jésus, en compétition avec la première.
Avec lévangile apocryphe de Pierre quon situe au 2e s., Joseph est devenu le modèle du disciple de Jésus, un ami du Seigneur avant même son procès, qui a probablement voyagé avec lui, puisquil a vu tout le bien quil a fait. On ny trouve aucune indication quil était un membre du Sanhédrin, ou même quil était Juif, sinon par son nom.
- Traduction
- Commentaire
- Lattitude romaine envers les corps des crucifiés
- Lattitude juive envers les corps des crucifiés
- La demande dinhumation selon Marc 15, 42-45
- Lindication de temps (15, 42)
- La description marcienne de Joseph dArimathée (15, 43)
- La réaction de Pilate à la requête de Joseph (15, 44-45)
- La demande dinhumation selon Matthieu 27, 57-58
- Lindication de temps (27, 57a)
- La description matthéenne de Joseph dArimathée (27, 57b)
- Joseph et Pilate (27, 58)
- La demande dinhumation selon Luc 23, 50-52
- La description lucanienne de Joseph dArimathée
- Joseph et Pilate (23, 52)
- La demande dinhumation selon Jean 19, 38a
- La description johannique de Joseph dArimathée
- Joseph et Pilate
- La demande dinhumation selon EvP, et la lexpansion des légendes sur Joseph
- Analyse
- La structure interne des récits dinhumation
- La relation externe aux récits de la crucifixion et de résurrection
- La tradition préévangélique dinhumation
- Indication de temps
- Description de Joseph dArimathée
- Linhumation rapide et minimale de Joseph
- Traduction
La traduction du texte grec est la plus littérale possible afin de permettre la comparaison des mots utilisés. Les passages chez Luc, Matthieu et Jean qui sont parallèles à Marc sont soulignés. En bleu, on trouvera ce qui est propre à Luc et Matthieu. En rouge ce qui est propre à Jean et à un autre évangéliste. Lévangile de Pierre est exclu de cette comparaison.
Marc 15 | Matthieu 27 | Luc 23 | Jean 19 | Évangile de Pierre |
42 Et déjà (le) soir étant arrivé, puisque cétait jour de préparation, cest-à-dire, le jour avant le sabbat, | 57a Puis, (le) soir étant arrivé, | | 38a Puis, après ces choses | |
43 étant venu Joseph dArimathée, (un membre respecté du conseil, qui lui-même aussi était attendant le royaume de Dieu), ayant pris courage, il alla chez Pilate et il réclama le corps de Jésus. | 57b vint un homme riche dArimathée, dont le nom était Joseph, qui lui-même aussi était devenu disciple de Jésus. 58a Celui-là, étant allé devant Pilate, il réclama le corps de Jésus. | 50 Et voici un mâle du nom de Joseph, étant membre du conseil, un mâle bon et juste 51 - celui-là nétait pas daccord avec leur décision et leur action dArimathée, une cité des Juifs, qui attendait le royaume de Dieu. 52 Celui-là, étant allé devant Pilate, il réclama le corps de Jésus. | 38b Joseph dArimathée, étant un disciple de Jésus, mais caché à cause de la peur des Juifs, pria Pilate demporter le corps de Jésus. | |
44 Puis, Pilate sétonna quil soit déjà mort, et ayant convoqué le centurion, il linterrogea sil était mort depuis longtemps. | | | | |
45 Et ayant su du centurion, il accorda à Joseph le cadavre. | 58b Alors, Pilate ordonna de (le) rendre. | | 38c Et Pilate (le) permit. | |
| | | | 2, 3 Joseph, lami de Pilate et du Seigneur, se trouvait là; sachant quon allait le crucifier, il se rendit chez Pilate et lui demanda le corps du Seigneur, en vue de sa sépulture. 4 Pilate fit demander le corps à Hérode. 5 Hérode répondit: « Frère Pilate, même si personne ne lavait réclamé, nous lensevelissions, puisque le sabbat va commencer. Car il est écrit dans la loi: Que le soleil ne se couche pas sur un condamné à mort ». |
| | | | 5c Et il le livra au peuple, avant le premier jour des Azymes, leur fête. |
| | | | 6,23 Les juifs se réjouirent, et donnèrent son corps à Joseph, afin quil lensevelît, puisquil avait vu tout le bien quil avait accompli. |
- Commentaire
- Lattitude romaine envers les corps des crucifiés
- Selon Ulpien (Domitius Ulpianus) et Julius Paulus, fin 2e s. et début 3e s., on ne refusait habituellement pas aux proches dinhumer quelquun coupable de la peine capitale, à moins quil sagisse dun cas de trahison ou dun crime de lèse-majesté. Il y avait bien sûr des exceptions, comme ces martyrs de Lyon dont les corps crucifiés demeurèrent exposés pendant six jours, avant dêtre brûlés, malgré la prière instante de la communauté chrétienne (voir Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, 5.1.61-62). À lépoque des empereurs Auguste et Tibère, il semblerait que la sévérité était la norme.
- Mais quen est-il dans une province romaine comme la Judée, et surtout à loccasion de procédures extra ordinem, comme ce fut dans le cas de Jésus? Habituellement, la disposition du corps du crucifié relevait du magistrat local. Or, comme nous lavons vu plus tôt, Pilate nétait pas un homme extrêmement brutal, et il nétait pas du genre à punir inutilement la famille dun criminel. Sil avait considéré le crime de Jésus comme un cas de lèse-majesté, il est peu probable quil aurait permis son inhumation par ses disciples. Selon Marc, il doute des accusations mises de lavant par les autorités juives. Néanmoins, il devait être sur ses gardes devant les possibilités den faire un héro par ses disciples et les exigences devant un cas possible de lèse-majesté.
- Lattitude juive envers les corps des crucifiés
- Cette attitude est basée sur Deutéronome 21, 22-23 :
Si un homme, coupable dun crime capital, a été mis à mort et que tu laies pendu à un arbre, son cadavre ne pourra être laissé la nuit sur larbre; tu lenterreras le jour même, car un pendu est une malédiction de Dieu.
Le fait que les Romains pouvaient laisser plusieurs jours un corps en croix était une horreur pour les Juifs. Néanmoins, il faut distinguer entre une sépulture honorable et une sépulture honteuse. Par exemple, on pouvait refuser à un méchant une sépulture honorable dans une parcelle de terre ancestrale (1 Rois 13, 21-22). Cest ainsi que le roi Joiaqim fit frapper de lépée Uriyyahu, un prophète de malheur, et « fit jeter son cadavre parmi les sépultures des gens du peuple » (Jérémie 26, 23). Le récit de la mort de Judas (Mt 27, 5-8) montre que les Juifs envisageaient un lieu commun de sépulture pour les gens méprisés, plutôt quun tombeau familial. La Mishna, Sanhedrin 6.5, nous apprend que la cour de justice avait toujours prêt deux lieux de sépulture, lune pour les gens décapités, étranglés, une autre pour les gens lapidés et brûlés. Par contre, quand la chair du mort sétait décomposée, on pouvait ramasser les os et linhumer dans un lieu de sépulture ancestral.
- Comment cette distinction entre une sépulture honorable et une sépulture honteuse sapplique quand quelquun est crucifié par des Gentils? La Bible et la Mishna reconnaissait la peine de mort pour les fautes contre la loi de Dieu, mais quen était-il dans une situation politique où des Juifs, innocents selon la loi juive, était crucifiés par des Gentils? Si on se fie au Talmud de Babylone Sanherin 47a-47b, qui mentionne une tradition assez ancienne, on ne pouvait refuser une sépulture honorable à des gens crucifiés dans ces conditions.
- Dans le cas de Jésus, il a été crucifié par les Gentils. Méritait-il une inhumation honorable ou honteuse? Selon Marc/Matthieu, le Sanhédrin la reconnu coupable de blasphème, et donc aurait dû être lapidé ou pendu, et inhumé dans un lieu ignominieux et obscur. Par contre, lors du procès romain, la charge contre lui était celle dêtre le roi des Juifs, et donc non sujette à la loi juive et à une sépulture honteuse? Cest donc ce contexte quil faut aborder les évangiles.
- La demande dinhumation selon Marc 15, 42-45
- Lindication de temps (15, 42)
- « déjà (le) soir (opsia) étant arrivé ». Le mot opsia (soir) ne nous donne pas dindication précise. Un peu avant, Marc nous a dit quil était 15 h 00 avant que Jésus expire, et nous savons que le corps devait être inhumé avant le coucher du soleil. Si on tient compte de toutes les activités qui ont eu lieu après la mort de Jésus (aller voir Pilate qui fera appel à un centurion, lachat du linceul, lenroulement du corps et le transport vers le tombeau), on se retrouve tard dans laprès midi, pas avant 16 h 30. Quand on regarde toutes les mentions de temps chez Marc depuis le « soir » (14, 17) du dernier repas jusquau soir de linhumation, ce nest pas la précision qui compte, mais la séquence.
- La deuxième indication de temps nous est donnée par « jour de préparation » (paraskeuē) : en plus de nous dire que cest un vendredi, il ajoute ladverbe « déjà » pour nous avertir quil y avait une pression à être fin prêt pour le grand sabbat qui commençait avec le coucher du soleil. Comme il ne peut assumer que son public gréco-romain connaissait ce que signifiait « jour de préparation », il doit expliquer : « cest-à-dire, le jour avant le sabbat »; même le public gréco-romain pouvait comprendre limportance du sabbat pour les Juifs.
- La description marcienne de Joseph dArimathée (15, 43)
- On sait peu de choses sur Arimathée, sinon que cétait une ville non Galiléenne, où Joseph serait né ou résiderait. Qui est ce Joseph qui apparaît tout à coup sur la scène? Aucun évangile ne le présente comme un disciple qui aurait accompagné Jésus depuis la Galilée. « Un membre respecté du conseil », nous dit Marc. Le terme que traduit « membre du conseil » est bouleutēs, i.e. membre du boulē (conseil), un synonyme de Sanhédrin. Nous sommes donc devant un membre respecté du Sanhédrin. Et pour employer les termes de Marc, « tous » les membres du Sanhédrin ont recherché un témoignage pour le mettre à mort (14, 55). Ainsi, Joseph était parmi ceux qui ont condamné Jésus à mort et lon amené à Pilate. Chez Marc, il nest pas du tout un disciple, comme ce sera le cas chez Matthieu et Jean.
- « Qui lui-même aussi était attendant (prosdechesthai) le royaume de Dieu », nous dit encore Marc. Le terme « lui-même » indique la surprise de voir cette dimension chez un membre du Sanhédrin. Le terme « aussi » ladjoint au groupe pieux de tous ceux qui attendaient le royaume de Dieu. Mais comprendre prosdechesthai nest pas évident, puisque cest la seule fois que Marc utilise ce mot dans son évangile? On sait quattendre le royaume de Dieu pouvait décrire une attitude juive comme lindique la prière juive du Qaddish : « et puisse-t-il établir son royaume en vos jours » (voir aussi Qumran 1QSb 5, 21 : « pour quil puisse établir le royaume de Son peuple pour toujours »). À ladresse dun scribe qui interroge Jésus, Marc met dans la bouche de Jésus : « Tu nes pas loin du royaume de Dieu » (12, 34). Bref, attendre le royaume de Dieu est une attitude qui couvre à la fois les disciples de Jésus et les Juifs pieux qui nétaient pas ses disciples. Et si Joseph a fait partie de ceux qui ont condamné Jésus, il la certainement fait par pur désir dobéir à la loi de Dieu comme tous ceux attendaient son royaume. Pour Marc, Joseph nest pas un disciple de Jésus.
- « Il réclama le corps de Jésus ». Pourquoi un Juif pieux et observateur de la loi, et membre du Sanhédrin, tiendrait-il à ensevelir le corps dun crucifié blasphémateur? Il y a une raison : le commandement de Dieu, exprimé par le Deutéronome, de ne pas laisser le corps dun criminel en croix après le coucher du soleil. Bien sûr, Joseph risquait de contracter une impureté rituelle au contact dun corps mort, mais limportance densevelir un mort prévalait sur le danger dimpureté (voir la Mishna, Nazir 7, 1), et Joseph pouvait déléguer ce travail à des serviteurs.
- « Ayant pris courage, il alla chez Pilate ». Pourquoi a-t-il fallu du courage à Joseph daller voir Pilate? Il est possible que, selon le récit de Marc, Pilate savait que cest par envie que le Sanhédrin avait livré Jésus, et donc Joseph craignait de susciter davantage sa suspicion en limportunant de nouveau. Mais il est plus probablement que dans le contexte des crimes de lèse-majesté dun prétendu roi des Juifs, où la plus grande rigueur était appliquée, en particulier face à lensevelissement par les proches, Joseph ait eu peur dêtre associé à ses sympathisants et de ne pas respecter les lois romaines. Ce qui jouait en sa faveur, cest dêtre un membre respecté de ce Sanhédrin qui lui avait livré ce criminel pour quil soit exécuté. Ce portrait de Joseph par Marc est beaucoup plus plausible que ceux de Matthieu et Luc, car jamais un préfet naurait abandonné le corps dun criminel à ses disciples ou à un membre du Sanhédrin qui aurait plaidé en faveur de sa non culpabilité.
- Quelle sorte dinhumation Jésus a-t-il reçue? On a tort de penser que lutilisation dun linceul (sindōn) ou toile de lin constituait une inhumation honorable. On verra plus loin quil sagissait dune inhumation rapide et sans cérémonie. Aussi quelquun comme Matthieu sentira le besoin de rehausser la chose en ajoutant : linceul propre.
- Le fait que Joseph ne soit pas un disciple être à comprendre un détail du récit de Marc : sil fallait se hâter pour ensevelir Jésus, pourquoi ny a-t-il eu aucune collaboration de la part des femmes qui se tenaient à distance et observaient la chose? La réponse simpose : des femmes disciples de Jésus ne pouvaient coopérer avec un membre du Sanhédrin, responsable de la mort de Jésus, et qui ne cherchait quà ensevelir le plus vite possible le corps dun criminel. Cette approche est en harmonie avec dautres textes de la tradition, comme Actes 13, 27-29 : « En effet, les habitants de Jérusalem et leurs chefs ont accompli sans le savoir les paroles des prophètes quon lit chaque sabbat... Et lorsquils eurent accompli tout ce qui était écrit de lui, ils le descendirent du gibet et le mirent au tombeau ». Ainsi, selon les Actes, ce sont les habitants de Jérusalem et leurs chefs qui ont mis Jésus au tombeau. De même, Jean 19, 31 nous dit que ce sont les Juifs qui demandent à Pilate denlever le corps de Jésus de la croix, et une variante à la fin de 18, 38 dit : « Ils vinrent donc et enlevèrent son corps ». Il est possible que le pluriel indique seulement que Joseph était seulement un des Juifs, non pas un disciple, un membre pieux du Sanhédrin qui accomplissait son devoir selon la loi deutéronomique.
- La réaction de Pilate à la requête de Joseph (15, 44-45)
- Cette unité est absente de Matthieu et Luc, ce qui a amené certains biblistes à proposer quelle ne faisait pas partie du texte original de Marc quont eu sous les yeux Matthieu et Luc, et quelle fut ajoutée après coup par un rédacteur dans un but apologétique : ajouter une preuve que Jésus est bel et bien mort. Examinons dabord le style et le vocabulaire de cette unité.
- « Puis, Pilate » est une expression habituelle chez Marc pour tourner lattention vers quelquun déjà introduit, comme il le fera trois versets plus loin : « Puis, Marie » (v. 47)
- « sétonna » est un verbe que Marc a utilisé plus tôt : « Mais Jésus ne répondit plus rien, si bien que Pilate était étonné » (15, 5)
- « déjà » est tout à fait marcien (8 fois dans son évangile)
- « ayant convoqué (proskaleisthai) le centurion (kentyriōn) il linterrogea (eperōtan) » : Marc est celui qui utilise le plus proskaleisthai (Mt=6; Mc=9; Lc=4), eperōtan (Mt=8; Mc=25; Lc=17), et il est le seul à utiliser kentyriōn
- « il accorda (dōreisthai) à Joseph le cadavre (ptōma) ». Le verbe dōreisthai napparaît quici dans les évangiles, mais il est approprié pour exprimer un geste de clémence; et ptōma a été utilisé plus tôt par Marc dans la scène de lensevelissement de Jean-Baptiste (6, 29)
Bref, dans cette unité le nombre de traits marciens surpassent ceux qui pourraient paraître étrangers.
- Un argument apporté dans la discussion sur lauthenticité de cette unité concerne sa plausibilité, en commençant par la vraisemblance que Pilate ait voulu vérifier la mort dun criminel. Selon Marc, Jésus aurait mis en croix à 9 h 00 du matin, et donc y aurait passé six heures. Des témoignages de lAntiquité indiquent que lagonie pouvait se prolonger assez longtemps, et même jusquau lendemain (voir Sénèque, Épitre 101.10-13). Tout dépendait de létat de santé du condamné, la sévérité des tortures qui précédaient la crucifixion (par exemple, la flagellation), et la façon dont ils étaient mis en croix (clous, support). Dans le cas de Jésus, il serait mort plus tôt que les autres (voir Jean 19, 32-33). Aussi, il ny a rien détrange dans la réaction de Pilate qui, surpris de la rapidité de la mort, ait voulu vérifier quil en était bien ainsi.
- Comment expliquer alors que Matthieu et Luc, sans se consulter, ait éliminé cette unité? Ce ne serait pas un cas unique, car cest ce quils ont fait avec lépisode de lhomme nu qui senfuit (Mc 14, 51-54), un épisode quils ont probablement trouvé trop scandaleux pour le copier dans leur évangile. Alors pourquoi éliminer la scène de vérification de la mort de Jésus par Pilate? Il est possible que Matthieu et Luc, de manière indépendante, ait jugé totalement inutile cette scène où on doute de la mort de Jésus et où on a besoin de faire une vérification. Chose sûre, cette option est meilleure que cette de lajout des v. 44-45 par un rédacteur obscur.
- La demande dinhumation selon Matthieu 27, 57-58
Le récit plus court de Matthieu est totalement dépendant de celui de Marc.
- Lindication de temps (27, 57a)
Matthieu récrit la phrase un peu boiteuse de Marc (deux indications de temps, plus une explication de la dernière) en répartissant ces indications sur trois jours, dabord ici le vendredi (le soir étant arrivé), puis le samedi (Le lendemain, cest-à-dire après la Préparation, 27, 62), et enfin le dimanche (puis, après le jour du sabbat, 28, 1).
- La description matthéenne de Joseph dArimathée (27, 57b)
- « Joseph, qui lui-même aussi était devenu disciple de Jésus ». Comment expliquer que, pour Marc, Joseph nétait pas un disciple de Jésus, et que, pour Matthieu, il lest? Il est fort probable que Joseph, après la résurrection de Jésus, soit devenu un disciple. Dans cette perspective, Marc aurait respecté le fait quil ne létait pas au moment de lensevelissement, mais plutôt en attente de le devenir, doù lexpression : « était attendant le royaume de Dieu ». Matthieu, pour sa part, aime voir les choses après Pâques et anticipe la carrière chrétienne de Joseph. Cela a pour effet de linclure dans la suite des disciples au Golgotha, après les femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et observaient à distance, le présentant comme une autre façon de le suivre. En même temps, et cela le met en contraste avec les autres disciples masculins qui ont fui : lui, au moins, est resté jusquà la fin.
- « un homme riche dArimathée ». Le fait quil soit riche semble lié au fait quil possède son propre nouveau tombeau, une propriété qui est devenue une tradition chrétienne sur le lieu de sépulture de Jésus quand Matthieu écrit son évangile. On pourrait se demander : comment Matthieu peut-il présenter Joseph comme un modèle du disciple chrétien alors quil est riche? Jésus na-t-il pas dit : « Il sera difficile à un riche dentrer dans le royaume des Cieux » (19, 23)? Peut-être veut-il donner un contre-exemple au jeune homme riche que Jésus a invité à le suivre et qui sen est allé tout triste (19, 22). Ce qui est sûr, on ne trouve pas chez Matthieu tous les textes de Luc interpellant les gens riches (« Malheur à vous les riches », Lc 6, 24; la parabole du riche insensé, Lc 12, 16-21; la parabole de Lazare et du riche, Lc 1, 1-13) et suivre Jésus nimplique pas de tout laisser, mais seulement certaines choses spécifiques (filet, bateau, père : Mt 4, 20.22). On peut imaginer quil y avait dans la communauté de Matthieu des gens riches pour lesquels Joseph pouvait servir de modèle.
- Joseph et Pilate (27, 58)
Matthieu nous donne une version abrégée du récit de Marc. Mais cette fois, la requête adressée à Pilate provient dun disciple de Jésus. Comment est-ce possible que Pilate puisse acquiescer à une telle demande, étant donné ce que nous avons vu plus tôt sur les pratiques romaines? Il faut se placer dans la logique du récit de Matthieu. Tout dabord, le Pilate de Matthieu nest pas le même que celui de Marc, un homme cynique qui, même sil devine que Jésus est innocent, satisfait la foule en condamnant Jésus et en libérant Barabbas. Chez Matthieu, la femme de Pilate la averti que Jésus était un homme juste, et le préfet sest lavé les mains se disant innocent du sang de Jésus. Dans ce contexte, pourquoi Pilate nexprimerait-il pas sa conviction que Jésus a été injustement traité en permettant à des disciples non politiques de récupérer son corps? Ensuite, Joseph étant un homme riche, donc influent, il valait mieux ne pas offenser le peuple. Doù ce qui suit : « Alors, Pilate ordonna de (le) rendre (apodidonai) ». Le mot apodidonai traduit bien la réalité : après être passé de mains en mains, Jésus est finalement remis à ceux qui laiment.
- La demande dinhumation selon Luc 23, 50-52
Tout comme Matthieu, Luc est dépendant du récit de Marc. Mais il omet les deux indications de temps : tout dabord soir (opsia), un mot totalement absent de son évangile, et ensuite la référence au jour de la préparation quil préfère insérer après lensevelissement (23, 54 : « Cétait le jour de la Préparation, et le sabbat commençait à poindre ») pour démontrer implicitement le succès de Joseph à faire respecter la loi juive. Pour Luc, Joseph fait partie de cette longue suite de gens pieux et religieux qui a commencé avec Zacharie, Élizabeth, Siméon et Anne.
- La description lucanienne de Joseph dArimathée
- Luc nous offre une présentation beaucoup plus longue de Joseph où on retrouve son vocabulaire : « et voici » (kai idou), « mâle » (anēr : mari, homme), « du nom de » (onomati), « étant (hyparchōn) membre du conseil ». Avant daffirmer que Joseph attendait le royaume de Dieu, il tient à décrire ses grandes qualités, en mettant laccent sur ses traits moraux : bon et juste, le situant dans la lignée de Zacharie et Élizabeth, ainsi que du prophète Siméon, mais sans en faire pour autant un disciple de Jésus, tout comme Matthieu. Alors, comment a-t-il pu participer à la condamnation de Jésus par le Sanhédrin? Réponse : il nétait daccord avec (sygkatatithesthai) la décision et laction de lensemble du Sanhédrin. Luc se trouve ici à faire écho à certains passages de lAncien Testament : « Tu ne seras pas daccord (sygkatatithesthai) avec linjuste pour porter un injuste témoignage » (Exode 23, 1); « Tu ne seras pas daccord avec ces peuples ni avec leurs dieux » (Exode 23, 32).
- Sur Arimathée, Luc spécifie quil sagit dune ville des Juifs, donc une ville de Judée; ce fait nuance encore une fois lhostilité générale des Juifs. Ainsi, après avoir mentionné ces femmes venues de Galilée, lintroduction de Joseph dune ville de Judée créé une paire dans le récit de lensevelissement.
- Joseph et Pilate (23, 52)
- « Celui-là (houtos), étant allé devant (proserchesthai) Pilate ». Ce bout de phrase de Luc se retrouve également tel quel chez Matthieu. Pour expliquer ce fait, il nest pas nécessaire dassumer que ces deux évangélistes ont eu accès à une source commune. Tout dabord, houtos (celui-là) est une façon commune de fournir un sujet après avoir simplifié laparté de Marc sur Joseph. Puis, proserchesthai (aller devant) leur permet déviter la tautologie de Marc (eisēlthen pros, litt : aller vers devant, quon a traduit par : aller chez) en utilisant un verbe quils utilisent tous les deux fréquemment : Mt=51; Mc=5; Lc=10.
- Luc ne mentionne pas explicitement que Pilate se rendit à la demande de Joseph. Cest implicite avec le verset qui suivra : « Il (Joseph) le descendit » (23, 53).
- La demande dinhumation selon Jean 19, 38a
Dans la section précédente, nous avons vu que les Juifs formulèrent deux demandes à Pilate : briser les jambes des crucifiés, puis emporter leur corps. La première demande semble implicitement accordée, puisque les soldats viennent briser les jambes des crucifiés. Mais on ne nous a rien dit de la deuxième demande. Voici quelle revient sur le devant de la scène avec Joseph. Lauditeur de lévangile, qui sait que Joseph est un disciple de Jésus, pourra y voir une forme de compétition avec les Juifs qui ont originellement réclamé le corps de Jésus. Mais il est difficile de comprendre le sens que Jean donne au geste de Pilate doctroyer le corps à Joseph. Toutefois, il est possible quau stade préévangélique du récit, Joseph nétait pas un disciple, mais le porte-parole des Juifs qui ont formulé les deux demandes à Pilate, et ces deux demandent lui furent accordées. Et ce nest que plus tard, quand on distingua Joseph des Juifs hostiles, que la deuxième demande fut réécrite avec le nouveau visage de Joseph, en utilisant le même langage.
- La description johannique de Joseph dArimathée
Lévangile de Jean représente un stade ultérieur de la tradition où on a relu lensevelissement du tombeau à la lumière de la carrière chrétienne de Joseph. Mais comment concilier le fait que, selon la tradition, il ait été membre du Sanhédrin qui a condamné Jésus. Jean adopte une approche qui a des similarités avec Matthieu et Luc : dune part, tout comme Matthieu, le fait quil ait été membre du Sanhédrin est oblitéré et remplacé par le fait quil était disciple de Jésus, et dautre part, comme Luc, il se distingue de ses coreligionnaires par le fait quil était un disciple caché par « peur des Juifs ». Joseph sera rejoint au verset suivant par Nicodème qui, lui aussi, est en désaccord avec ses confrères juifs (voir Jn 7, 50-52). La mention de « peur des Juifs » peut jeter une lumière sur le texte de Marc qui parle du courage quil lui a fallu pour aller voir Pilate.
- Joseph et Pilate
Nous avons déjà signalé que la demande de Joseph est un duplicata de la demande précédente des Juifs. Jean nous dit que Pilate le permit, sans clarifier si Pilate savait quil était un disciple caché. Cest conforme au portrait de Pilate quil nous a brossé, toujours indécis, incapable dopter clairement pour la vérité.
- La demande dinhumation selon EvP, et la lexpansion des légendes sur Joseph
- Nous avons vu que, selon la tradition chrétienne, Joseph serait devenu un disciple de Jésus. Avec lévangile apocryphe de Pierre quon situe au 2e s., il est devenu le modèle du disciple de Jésus, un ami du Seigneur avant même son procès (2, 3), qui a probablement voyagé avec lui, puisquil a vu tout le bien quil a fait. On ny trouve aucune indication quil était un membre du Sanhédrin, ou même quil était Juif, sinon par son nom.
- Cet évangile se distancie des évangiles canoniques en faisant remonter la visite de Joseph chez Pilate avant la crucifixion, et en nous montrant lincapacité de Pilate doctroyer le corps de Jésus sans la bénédiction dHérode, une ignorance crasse des réalités politiques du 1ier s. Et Hérode sadresse à Pilate comme sil était un Juif observant, linformant sur la beauté de la loi juive concernant lensevelissement avant le sabbat. Cest à ce moment que nous apprenons que nous sommes le vendredi, la journée qui précède le jour des Azymes ou la Pâque.
- On ne dit pas directement que le corps de Jésus fut donné à Joseph. On apprend quà la fin de lobscurité, les Juifs se réjouirent et donnèrent le corps à Joseph pour quil soit enseveli. Ce point est conforme à la tradition ancienne où le corps de Jésus fut dabord remis aux Juifs, dont Joseph faisait partie. Mais par la suite, Joseph étant devenu un disciple, il a fallu ajouter létape de la remise à Joseph.
- Lévangile de Pierre représente le début dune légende sur Joseph qui sera très florissante. Les Actes de Pilate (ou Évangile de Nicodème) mettra Joseph en prison pour avoir enseveli Jésus, et dans sa défense devant les Juifs, racontera les apparitions de Jésus dans sa prison, et par la suite, amène les grands prêtres à Arimathée voir les ressuscités Simon et ses fils. Cest au Moyen Âge que la légende prendra une dimension fantastique, alors que Joseph apporte le saint Graal contenant le sang de Jésus en Angleterre et fera partie des légendes du roi Arthur. Il aurait même amené lenfant Jésus avec lui en Angleterre dans un récit où il est un marchant, oncle de Jésus. Cest ainsi que la Grande Bretagne pouvait avoir le statut dune Église fondée à lépoque apostolique, tout comme lEspagne, avec Jacques, le frère de Jean, et la France, avec Marie Magdeleine, Lazare et Marthe.
- Analyse
Même si le commentaire sest concentré sur une petite unité, lanalyse qui suit englobe lensemble de la scène de lensevelissement.
- La structure interne des récits dinhumation
- Les récits sont construits autour dune figure principale, puis de figures secondaires. Chez Marc/Matthieu ces figures secondaires comprennent les deux Marie qui observent (Marc) ou sont assises à lopposé du sépulcre (Matthieu). Dans un récit plus long, les femmes chez Luc suivent Joseph jusquau tombeau, puis sen retournent préparer aromates et parfums. Chez Jean, il ny a pas de femmes, mais Nicodème qui initie lensevelissement avec un mélange de myrrhe et daloès. Dans lévangile de Pierre, les figures secondaires sont représentées par les Juifs et les autorités juives qui permettent lensevelissement et scellent le tombeau.
- Léquilibre entre la figure principale et les figures secondaires dépend de lintérêt théologique de lévangéliste. Car le rôle de Joseph est simplement de conclure la crucifixion. Mais la présence des figures secondaires permettent dautres fonctions. Chez les synoptiques, les femmes prépare Pâques et la découverte du tombeau vide. Chez Jean, la présence de Nicodème permet de peindre lensevelissement comme un moment de triomphe dans un évangile où la crucifixion représente une exaltation victorieuse. Lévangile de Pierre, avec son antisémitisme habituel, continu à présenter lhostilité les Juifs légard du fils de Dieu même après sa mort.
- La relation externe aux récits de la crucifixion et de résurrection
- Quelques biblistes ont essayé de dissocier les récits dapparition de Jésus ressuscité des récits de la passion. Mais aucune donnée ne supporte ce point : quand Jésus annonce ses souffrances à venir, il annonce aussi sa résurrection; le plus ancien credo, 1 Co 15, 3-5, proclame ensemble la mort et la résurrection. Néanmoins, on peut se demander : quelle est la relation entre les récits de lensevelissement de Jésus et les récits de la résurrection, et à quand remonte cette relation? Car en dehors des évangiles-Actes, on chercherait en vain dans le reste du Nouveau Testament des données sur le lieu de lensevelissement de Jésus et sur les acteurs impliqués. Ce qui amène plusieurs à se demander : sil y a dabord eu une tradition de femmes devant le tombeau vide à Pâque, et cest cette tradition qui a créé en même temps le récit des femmes à lensevelissement, car il a fallu assumer quelles devaient avoir suivi le cadavre pour savoir où exactement on lavait mis. Mais cela nexplique pas le récit autour de Joseph dArimathée. Une solution possible est de dire que le récit autour de Joseph dArimathée fait partie intégrante du récit de la passion, et cest seulement la présence des femmes à lensevelissement qui a été ajoutée après coup, en se basant sur les récits autour du tombeau vide. Cela expliquerait pourquoi il ny pas de femmes à lensevelissement chez Jean. Nous y reviendrons plus loin.
- Essayons maintenant de comprendre comment chaque évangéliste a intégré le récit de lensevelissement dans le cadre du récit de la passion.
- Chez Marc, le récit de lensevelissement est une jointure entre la mort de Jésus et récit du tombeau vide qui suivra, Joseph faisant le lien avec ce qui vient darriver, et les femmes pointant vers ce qui arrivera.
- Luc suit Marc, mais fait jouer un plus grand rôle aux femmes, et surtout établit un parallélisme entre 23, 47-49 (réactions du centurion, des foules, des connaissances et des femmes) et 50-56a (Joseph et les femmes) où on a des femmes qui observent ce qui se passe à la fin de chaque unité.
- Matthieu, en ajoutant au récit de lensevelissement (27, 57-61) lépisode des gardes au tombeau (27, 62-66), puis des trois épisodes de résurrection (28, 1-10.11-15.16-20) crée une séquence de cinq épisodes qui termine son évangile et établit un parallèle avec les cinq épisodes des récits de lenfance (1, 18-25; 2, 1-12.13-15.16-18.19-23). Cest une structure qui pointe vers le récit de la résurrection.
- À linverse, le récit de Jean est tourné vers ce qui sest passé plus tôt, et si on se réfère à la structure que nous avons identifiée plus tôt, il constitue lépisode 6 de cette structure et renvoie au début du récit de la crucifixion. Nous verrons plus loin le rôle de Nicodème comme une action positive de louange.
- La tradition préévangélique dinhumation
- Indication de temps
Tous les évangiles canoniques racontent que lensevelissement a eu lieu le jour de paraskeuē (jour de préparation). Ce fait provient dune tradition plus ancienne que lévangile de Marc pour les raisons suivants :
- paraskeuē est la traduction de lHébreu ereb (vigile, jour précédent) et reflète une étape sémitique de la tradition
- Marc apporte deux précisions au mot, « le soir étant arrivé » et « le jour avant le sabbat »; il naurait pas créé de lui-même un mot quil est obligé par la suite dexpliquer
- Jean, de manière indépendante de Marc, utilise le terme trois fois, dabord au moment de la condamnation de Jésus (19, 14), puis deux fois à lensevelissement (19, 31.42); or, sil avait créé ce terme, il naurait pas lambigüité quil a dans lévangile, désignant la préparation de la Pâque, mais aussi la préparation du sabbat.
- Description de Joseph dArimathée
Les évangélistes doivent introduire Joseph, car il na joué jusquici aucun rôle dans le récit sur Jésus. Il apparaît comme un membre respecté du conseil du Sanhédrin. Malgré quil ait participé à la condamnation de Jésus, il considère comme son devoir de respecter la loi et densevelir ce criminel crucifié avant le coucher du soleil. Marc na pu créer ce personnage après avoir présenté tout le Sanhédrin impliqué dans la condamnation à mort de Jésus. Chez Jean, Joseph est associé à ces Juifs qui ont condamné Jésus et qui demandent maintenant à Pilate denlever les corps de la croix. La demande particulière après coup de Joseph résulte de lévolution de la tradition après la résurrection alors que Joseph est devenu un disciple.
- Linhumation rapide et minimale de Joseph
Le peu qui est raconté sur lensevelissement de Jésus donne limpression dune action expéditive, sans fla-fla. Joseph enveloppe le corps dans une pièce détoffe et le dépose dans un tombeau tout près. On ne mentionne aucun lavement du corps ou onction avant lensevelissement. Ce nest quaprès coup, avec lévolution de la tradition, que Joseph est ennobli, que létoffe devient un linceul propre, que le corps fut lavé (ÉvP), que le tombeau était nouveau, et même quil appartenait à Joseph lui-même. Dans la tradition la plus ancienne, il ny a aucun raison pour Joseph dhonorer la dépouille dun criminel condamné.
Nous avons pu déterminer que le récit autour de Joseph relevait dune tradition préévangélique (nous déterminerons à la section suivante si le récit autour des femmes relevait dune tradition ancienne). De tout cela, quest ce qui est historique? De manière à peu près certaine, on peut affirmer que :
- Jésus a été enseveli
- Que les Juifs ont voulu que lensevelissement se passe avant le sabbat qui approchait
De manière très probable, on peut affirmer que :
- Lensevelissement a été mené par Joseph dArimathée (les chrétiens hostiles aux autorités juives nauraient pas inventé ce personnage religieux du Sanhédrin)
- Joseph était dArimathée, une ville difficile à identifier, quon naurait pu inventer de toute pièce
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