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- Analyse verset par verset
v. 16 En effet, Dieu a aimé le monde de cette façon: il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meure pas, mais ait une vie sans fin.
Littéralement : Car de cette façon a aimé (ēgapēsen) Dieu (theos) le monde, ainsi le fils unique engendré (monogenē) il a donné, afin que tout croyant (pisteuōn eis) en lui ne périsse pas (mē apolētai), mais ait la vie éternelle (allʼ echē zōēn aiōnion).
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La première difficulté de ce verset vient de lanthropomorphisme, i.e. comprendre Dieu dans nos catégories humaines, en particulier nos catégories biologiques où on procrée, où on engendre des mâles et des femelles. Dieu, appartenant à un monde à part qui nous est inaccessible, ne peut entrer dans nos catégories humaines. Pourtant, lévangéliste emploie la catégorie de fils, dont le parent est Dieu, quon ne peut ranger ici soit dans la catégorie mâle ou femelle. Pourquoi ces catégories? Probablement, au point de départ, il y a le fait que Jésus de Nazareth était un homme, et donc on doit parler de fils, et non de fille. Nos connaissances historiques nous amènent à affirmer que Jésus a eu des frères et des soeurs, et donc quil nétait pas fils unique (voir Meier). Si lévangéliste parle néanmoins de fils unique, cest quil ne se situe pas sur le plan biologique ou historique, mais sur le plan théologique : Jésus représente une réalité unique par rapport à Dieu.
La deuxième difficulté vient du poids donné à lacte de croire : cest une question de vie et de mort; celui qui ne croit pas mourra ou périra, mais celui qui croit fera l'expérience d'une vie éternelle ou sans fin. Quest-ce exactement que croire? Pourquoi croire ou ne pas croire est une question de vie ou de mort? De quelle vie parle-t-on? De quelle mort parle-t-on? En partant, je rejette lidée simpliste de certains chrétiens que celui qui est baptisé et affirme croire en Jésus fils de Dieu va au ciel, donc a la vie éternelle, et que celui qui ne peut faire la même affirmation se retrouve en enfer, et donc meurt. Quand il sagit dune question de vie ou de mort, on ne peut réduire lenjeu au simple fait dêtre comme un membre en règle du parti, comme si Dieu était un chef de parti autoritaire et implacable.
Intéressons-nous à la notion de Dieu chez Jean, appelé aussi Père, tout dabord aux actions qui lui sont attribuées :
- Parut un homme envoyé de Dieu. Son nom était Jean (1, 6)
- lui (Verbe) qui ne fut engendré ni du sang, ni dun vouloir de chair, ni dun vouloir dhomme, mais de Dieu (1, 13)
- Car Dieu a tant aimé le monde quil a donné son Fils unique (3, 16)
- Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main (3, 35)
- Mon Père est à loeuvre jusquà présent (5, 17)
- Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce quil fait; et il lui montrera des oeuvres plus grandes que celles-ci, à vous en stupéfier (5, 20)
- Car le Père ne juge personne; il a donné au Fils le jugement tout entier (5, 22)
- de même a-t-il (Père) donné au Fils davoir aussi la vie en lui-même (5, 26)
- les oeuvres que le Père ma donné à mener à bonne fin, ces oeuvres mêmes que je fais me rendent témoignage que le Père menvoie (5, 36)
- car cest lui (Fils de lhomme) que le Père, Dieu, a marqué de son sceau (6, 27)
- ce nest pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel; mais cest mon Père qui vous le donne, le pain qui vient du ciel, le vrai (6, 32)
- Tout ce que me donne le Père viendra à moi (6, 37)
- Nul ne peut venir à moi si le Père qui ma envoyé ne lattire (6, 44)
- le Père, qui est vivant, ma envoyé (6, 57)
- nul ne peut venir à moi, si cela ne lui est donné par le Père (6, 65)
- le Père qui ma envoyé (8, 18)
- je dis ce que le Père ma enseigné (8, 28)
- cest mon Père qui me glorifie (8, 54)
- Nous savons, nous, que Dieu a parlé à Moïse (9, 29)
- si quelquun est religieux et fait sa volonté, celui-là il (Dieu) lécoute (9, 31)
- Mon Père, quant à ce quil ma donné, est plus grand que tous (10, 29)
- Je vous ai montré quantité de bonnes oeuvres, venant du Père (10, 32)
- celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde (10, 36)
- je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te laccordera (11, 22)
- mais le Père qui ma envoyé ma lui-même commandé ce que javais à dire et à faire connaître (12, 49)
- Ainsi donc ce que je dis, tel que le Père me la dit je le dis. (12, 50)
- sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains (13, 3)
- Dieu aussi le glorifiera en lui-même et cest aussitôt quil le glorifiera (13, 32)
- mais le Père demeurant en moi fait ses oeuvres (14, 10)
- et il vous donnera un autre Paraclet (14, 16)
- et la parole que vous entendez nest pas de moi, mais du Père qui ma envoyé (14, 24)
- Mais le Paraclet, lEsprit Saint, que le Père enverra en mon nom (14, 26)
- afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne (15, 16)
- ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. (16, 23)
- tu (Père) mas envoyé (17, 21)
- Père, ceux que tu mas donnés (17, 24)
- La coupe que ma donnée le Père, ne la boirai-je pas? (18, 11)
- Comme le Père ma envoyé (20, 21)
Pour tout résumer, le mot qui revient le plus souvent pour décrire laction de Dieu-Père est celui de « donner » :
- Il donne son fils, exprimé parfois avec le terme « envoyer »
- Il donne le Paraclet, lEsprit Saint, exprimé parfois également avec le terme « envoyer »
- Il donne à son fils des pouvoirs, comme celui davoir la vie en lui-même, de juger, et même, il lui donne tout (3, 35; 13, 3)
- Il donne à Jésus des croyants, exprimé parfois sous le terme « attirer »
- Il donne le pain venu du ciel
- Il donne ce quon demande dans la prière
- Il donne à Jésus les oeuvres quil doit mener à bonne fin
- Il donne à Jésus la coupe quil doit boire
Bref, Dieu-Père est la source de tout, il est la source de ce quest Jésus, il est la source de lEsprit, il est la source de la mission de Jésus, il est la source de ce que le croyant reçoit.
Cette idée est exprimée par un certain nombre dautres verbes :
- Il engendre le Verbe quest Jésus
- Il enseigne à Jésus ce quil doit dire et doit faire, tout comme il a parlé à Moïse
- Il commande à Jésus ce quil doit dire et faire
- Ainsi, en Jésus, cest lui qui accomplit ses oeuvres
- Et il révèle la grandeur de lêtre de Jésus en le marquant de son sceau et en le glorifiant
- Enfin, cest lui qui a envoyé Jean Baptiste pour rendre témoignage à Jésus
Tout ce quest Jésus, ce quil dit et ce quil fait, vient de Dieu-Père. On comprend alors que lévangéliste mette dans la bouche de Jésus : « Le Père et moi sommes uns ». On peut désormais comprendre que, par la suite, on dira de Jésus quil est limage parfaite de Dieu : « Qui ma vu, a vu le Père ». La notion corollaire, cest que Dieu nagit, ne parle et ne se rend visible quà travers Jésus, ou à travers ses envoyés.
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ēgapēsen ho theos (a aimé le Dieu) |
Jetons un coup doeil sur la façon dont Jean présente lamour de Dieu, en plus de ce qui est dit ici.
- Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main (3, 35)
- cest pour cela que le Père maime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre (10, 17)
- Celui qui a mes commandements et qui les garde, cest celui-là qui maime; or celui qui maime sera aimé de mon Père; et je laimerai et je me manifesterai à lui (14, 21)
- Si quelquun maime, il gardera ma parole, et mon Père laimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui (14, 23)
- Comme le Père ma aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour (15, 9)
- moi en eux et toi en moi, afin quils soient parfaits dans lunité, et que le monde reconnaisse que tu mas envoyé et que tu les as aimés comme tu mas aimé (17, 23)
- Père, ceux que tu mas donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin quils contemplent ma gloire, que tu mas donnée parce que tu mas aimé avant la fondation du monde (17, 24)
- Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que lamour dont tu mas aimé soit en eux et moi en eux (17, 26)
Résumons les caractéristiques de lamour de Dieu.
- Tout dabord, cet amour semble avoir des conditions : Dieu aime Jésus parce quil donne sa vie, Dieu aime les gens qui aiment Jésus et qui garde sa parole et ses commandements, Dieu ne peut manifester son amour que si Jésus le fait connaître.
- Ensuite, le fait pour Dieu daimer Jésus signifie quil lui remet tout en sa main, quil lui donne la gloire avant même la fondation du monde; cet amour implique donc une action transformatrice.
- Mais il y a encore plus. Lamour semble une réalité en soi, un état de lêtre : lamour vient habiter la personne comme si cétait une réalité indépendante qui se transmet; il a été transmis à Jésus qui à son tour en devient le véhicule pour nous. Et le fait dêtre dans cet état permet de saisir la qualité dêtre de Jésus, appelée ici « gloire », il permet aussi de vivre une unité parfaite avec Dieu et avec Jésus : fondamentalement, lamour nous met au même diapason que Dieu et Jésus, et nous rend capable de les connaître vraiment.
- Enfin, il semble que lamour est comme le feu quil faut maintenir, doù linvitation : demeurez en mon amour.
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monogenē (unique engendré) |
Lexpression « unique engendré » appliquée à Jésus est unique à la tradition johannique :
- Jean 1, 14 : Et le Verbe sest fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire quil tient de son Père comme fils unique, plein de grâce et de vérité.
- Jean 1, 18 : Nul na jamais vu Dieu; le fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, la fait connaître.
- Jean 3, 16 : En effet, Dieu a aimé le monde de cette façon: il a donné son fils unique
- Jean 3, 18 : Mais celui qui ne croit pas en lui sest condamné lui-même, car il na pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu
- 1 Jean 4, 9 : En ceci sest manifesté lamour de Dieu pour nous: Dieu a envoyé son fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui.
Dans le nouveau testament, le mot monogenēs est toujours lattribut du mot fils ou fille. Dans lépître aux Hébreux (11, 17), ce fils est Isaac quAbraham sapprêtait à sacrifier, chez Luc il sagit soit du fils unique de la veuve de Naïn (7, 72), soit de la fille unique de Jaïre (8, 42), soit de lunique enfant dun homme priant Jésus de le guérir de son épilepsie. Parler denfant unique accentue son importance aux yeux des parents. Mais dans la tradition johannique, lexpression désigne uniquement Jésus dans sa relation à Dieu. Quest-ce à dire? Si le mot prend racine dans le monde biologique de la procréation, Jean nous oblige à effectuer un saut dans les connotations analogiques du mot pour nous situer à un autre niveau. Quel est ce niveau?
Lévangéliste prend soin de dire que nous ne sommes plus au niveau biologique : « lui qui ne fut engendré ni du sang, ni dun vouloir de chair, ni dun vouloir dhomme, mais de Dieu » (1, 13). Il fait allusion à ce niveau en parlant de gloire, de grâce et de vérité : « gloire (doxa) quil tient de son Père comme fils unique, plein de grâce (charis) et de vérité (alētheia) » (1, 14). Le terme doxa reprend lhébreu kabôd qui signifie: avoir du poids, i.e. être très important et imposer le respect, et donc renvoie à la qualité dêtre de la personne. Nous sommes devant quelquun dont la qualité dêtre est unique. Cette qualité dêtre est un don, une grâce (charis), une faveur. Lautre attribut est dêtre plein de vérité (alētheia). Le mot vérité joue un rôle unique dans la tradition johannique. Sa principale caractéristique est dêtre associée à la connaissance de Dieu, i.e. au rôle de Jésus comme Verbe ou parole, qui transmet cette connaissance :
- Jean 8, 31-32 : Jésus dit alors aux Juifs qui lavaient cru: "Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera
- Jean 14, 5-6 : Thomas lui dit: "Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin?" Jésus lui dit: "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi
- Jean 16, 13 : Mais quand il viendra, lui, lEsprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce quil entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir
- Jean 17, 17 : Sanctifie-les dans la vérité: ta parole est vérité
- Jean 18, 37 : Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix
Cette connaissance napparaît pas comme une connaissance théorique, car elle un chemin et elle libère. Elle semble liée à la qualité dêtre, car les gens qui ont cette qualité écoutent Jésus. Cette vérité est dynamique, car lEsprit de vérité complètera ce qui manque encore et « introduira dans la vérité tout entière ». Finalement, cette vérité est associée à Dieu lui-même, car Jésus a été envoyé pour rendre témoignage à la vérité, qui est en fait Dieu. On comprend maintenant le sens de « fils unique » : il est le seul à avoir accès à lêtre de Dieu, et il est le seul à pouvoir nous en parler, et cette connaissance est libératrice et nous ouvre le chemin vers Dieu (1, 18 : Nul na jamais vu Dieu; le fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, la fait connaître).
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pisteuōn eis (croyant) |
Nul autre que Jean na parlé autant de limportance vitale de croire. Cest dailleurs ainsi que se termine son évangile : « Ceux-là (les signes) ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour quen croyant vous ayez la vie en son nom » (20, 31). Examinons certaines caractéristiques de lacte de croire. Quel est lobjet ou le contenu de cette foi?
- 5, 38 : et sa parole, vous ne lavez pas à demeure en vous, puisque vous ne croyez pas celui quil a envoyé
- 5, 47 : Mais si vous ne croyez pas à ses (Moïse) écrits, comment croirez-vous à mes paroles?
- 8, 24 : Je vous ai donc dit que vous mourrez dans vos péchés. Car si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans vos péchés
- 10, 38 : mais si je les (oeuvres) fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces oeuvres, afin de reconnaître une bonne fois que le Père est en moi et moi dans le Père.
- 12, 44 : Jésus a dit, il la clamé: "Qui croit en moi, ce nest pas en moi quil croit, mais en celui qui ma envoyé
- 14, 10 : Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même: mais le Père demeurant en moi fait ses oeuvres
- 20, 31 : Ceux-là (les signes) ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour quen croyant vous ayez la vie en son nom
Croire, cest accueillir les paroles de Jésus, cest reconnaître que ce quil fait reflète laction de Dieu, et donc que Jésus est lenvoyé de Dieu, son messie et son fils. Mais ultimement, croire cest accepter de dire que Jésus vit une telle intimité avec Dieu (le Père est en moi et moi dans le Père) quil peut porter le même titre quon attribue à Dieu dans la Bible : Je Suis.
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mē apolētai allʼ echē zōēn aiōnion (ne périsse pas mais ait la vie éternelle) |
Lantithèse mort/vie apparaît souvent chez Jean. Nous savons que le verbe mourir ou périr nest pas à prendre au sens physique, i.e. la mort naturelle, mais au sens spirituel. Essayons de préciser ce sens en considérant quelques passages :
- 6, 39 : Or cest la volonté de celui qui ma envoyé que je ne perde (apollymi) rien de tout ce quil ma donné, mais que je le ressuscite (anistēmi) au dernier jour
- 10, 10 : Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr (apollymi). Moi, je suis venu pour quon ait la vie (zōē) et quon lait surabondante
- 10, 28 : je leur (mes brebis) donne la vie éternelle (zōēn aiōnion); elles ne périront (apollymi) jamais et nul ne les arrachera de ma main
- 12, 25 : Qui aime sa vie la perd (apollymi); et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle (zōēn aiōnion)
- 17, 12 : Quand jétais avec eux, je les gardais dans ton nom que tu mas donné. Jai veillé et aucun deux ne sest perdu (apollymi), sauf le fils de perdition, afin que lÉcriture fût accomplie
Ces quelques passages précisent le sens de mourir/périr par contraste : il le contraire de ressusciter, le contraire de la vie en surabondance, le contraire de la vie éternelle. Et on donne un exemple de quelquun qui a péri : Judas. La question alors se pose : sagit-il dune réalité après la mort physique, i.e. en plus de la mort physique, certains ne ressusciteront pas et donc connaîtraient une mort spirituelle? Par contraste, dautres ressusciteraient et auraient une vie en surabondance, une vie éternelle et sans fin. Examinons ce que Jean entend par « vie ». Comme les références sont trop nombreuses, nous nen prendrons quun échantillon représentatif. Remarquons en particulier le temps des verbes.
- 1, 4 : (Au commencement...) Ce qui fut en lui (Verbe) était la vie, et la vie était la lumière des hommes
- 3, 36 Qui croit au Fils a la vie éternelle; qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie; mais la colère de Dieu demeure sur lui
- 4, 14 mais qui boira de leau que je lui donnerai naura plus jamais soif; leau que je lui donnerai deviendra en lui source deau jaillissant en vie éternelle
- 5, 24 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui ma envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.
- 5, 25 : En vérité, en vérité, je vous le dis, lheure vient - et cest maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lauront entendue vivront.
- 5, 26 : Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils davoir aussi la vie en lui-même
- 5, 28-29 : Nen soyez pas étonnés, car elle vient, lheure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et sortiront: ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement
- 6, 27 : Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de lhomme, car cest lui que le Père, Dieu, a marqué de son sceau
- 6, 33 : car le pain de Dieu, cest celui qui descend du ciel et donne la vie au monde
- 6, 40 : Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour
- 6, 47 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle
- 6, 54 : Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour
- 8, 12 : De nouveau Jésus leur adressa la parole et dit: "Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie
- 10, 28 : je leur donne la vie éternelle; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main
- 14, 6 : Jésus lui dit: "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie
- 17, 1-2 : Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit: "Père, lheure est venue: glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés!
- 17, 3 : Or, la vie éternelle, cest quils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
- 1 Jean 1, 2 : car la Vie sest manifestée: nous lavons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue
- 1 Jean 2, 24-25 : Pour vous, que ce que vous avez entendu dès le début demeure en vous. Si en vous demeure ce que vous avez entendu dès le début, vous aussi, vous demeurerez dans le Fils et dans le Père. Or telle est la promesse que lui-même vous a faite: la vie éternelle.
- 1 Jean 3, 14 : Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui naime pas demeure dans la mort
- 1 Jean 5, 12 : Qui a le Fils a la vie; qui na pas le Fils na pas la vie
On peut regrouper les passages sur la vie en trois catégories.
- La vie est la réalité même de Dieu, en quelque sorte sa substance (texte a). En partageant lêtre de Dieu, Jésus voit son être défini aussi par la vie (texte f). Mais ce quil y a de spécifique dans cette vie quest Jésus, est quelle permet au monde de trouver tout son sens, et donc elle est sa lumière (textes a et o). Et ceux qui accueillent cette lumière sont par la suite en mesure de témoigner que Jésus est la vie même de Dieu, la vie même du Père, et donc une vie éternelle qui ne peut pas disparaître (texte r).
- La vie est une réalité future. Cest en pointant vers lavenir que Jésus dit à la Samaritaine : « leau que je lui donnerai deviendra en lui source deau jaillissant en vie éternelle » (texte c); la vie éternelle existe, mais pas pour tout de suite (voir aussi texte h). Cette vie ne semble offerte que par delà la mort, puisquil parle des morts qui « entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lauront entendue vivront » (texte e). Pour être plus explicite, cette vie éternelle future est liée à une résurrection des morts (textes e, g, j, l).
- La vie est une réalité présente : « Qui croit au Fils a la vie éternelle » (texte b). Puisque la vie est lêtre même de Dieu, accueillir la parole de Dieu en Jésus est léquivalent daccueillir la vie, si bien que le croyant est déjà passé de la mort à la vie (texte d; voir aussi k, s, t, u). La même chose est dite de celui qui accueille le pain de vie (textes i et l).
- Et pour compliquer le tout, il y a des phrases hybrides, i.e. qui font référence en même temps à un présent et à un futur. Un exemple typique : « je leur donne la vie éternelle; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main » (texte n); la phrase commence par un présent (donne) et se termine par des futurs (périront, arrachera). Il y a donc un « déjà » et un « pas encore » (voir aussi les textes b, j, l).
Comment démêler tout cela? Puisque Jésus partage la vie même de Dieu, accueillir sa parole dans la foi et sattacher à sa personne permet à cette vie de prendre racine en nous, et par là dorienter notre être pour quil prenne le même chemin, quil traverse la mort physique de la même façon et ressuscite à une réalité nouvelle de la même façon. Il y a même plus. Cette résurrection finale semble survenir maintenant, et nest plus repoussée à la fin des temps : « En vérité, en vérité, je vous le dis, lheure vient - et cest maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui lauront entendue vivront » (texte e). Ce maintenant est lié à la mort/résurrection de Jésus.
Dans cette séquence qui va de la foi à la résurrection des morts, on saisit le rôle fondamental du point de départ : la foi. Cest lune des clés pour comprendre cette phrase énigmatique : « Or, la vie éternelle, cest quils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (texte q); en Jésus on découvre qui est Dieu, et en découvrant qui est Dieu, on découvre le chemin qui conduit à la vie, puisque Dieu est vie. On comprend maintenant mieux la finale de lévangile : « et pour quen croyant vous ayez la vie en son nom » (20, 31).
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v. 17 Car Dieu na pas envoyé son fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit libéré par lui.
Littéralement : Car na pas envoyé (apesteilen) Dieu le fils dans le monde (kosmon) afin quil juge (krinē) le monde, mais afin que soit sauvé (sōthē) le monde par lui.
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apesteilen (il a envoyé) |
Cette formule où Dieu envoie quelquun se retrouve fréquemment dans lAncien Testament. Elle décrit la conviction quun homme a été choisi par Dieu pour accomplir une mission, habituellement un prophète.
- Isaïe 61, 1 : Lesprit du Seigneur Yahvé est sur moi, car Yahvé ma donné lonction; il ma envoyé (apostellō) porter la nouvelle aux pauvres, panser les coeurs meurtris, annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance
- Exode 5, 22 : Moïse retourna vers Yahvé et lui dit: "Seigneur, pourquoi maltraites-tu ce peuple? Pourquoi mas-tu envoyé (apostellō)? "
- Genèse 45, 8 : (Cest Joseph qui parle) Ainsi, ce nest pas vous qui mavez envoyé (apostellō) ici, cest Dieu, et il ma établi comme père pour Pharaon, comme maître sur toute sa maison, comme gouverneur dans tout le pays dÉgypte
Jésus est présenté comme quelquun qui a avait une mission à remplir. Le terme « envoyé » est utilisé de manière synonyme à celui de « donner » au verset précédent. Le mot « donner » prend tout son sens quand laccent est sur le fait que Jésus est le fils unique de Dieu, tandis que le mot « envoyé » prend tous son sens quand laccent est sur la mission.
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kosmon (monde) |
Dans le quatrième évangile, le terme revêt plusieurs sens.
- Cest dabord le lieu où vivent les hommes et où se joue le drame humain. Il est donc normal que lintervention de Dieu se situe dans ce contexte : « Il venait dans le monde » (Jn 1, 9; voir 33, 19; 11, 27; 12, 46).
- Et si Dieu intervient, cest parce quil aime lhumanité (Jn 3, 16), et il enverra ses disciples dans le monde (Jn 17, 18) afin que tous soient un (Jn 17, 21) et quils sachent quils sont aimé comme Jésus est aimé de son Père (Jn 17, 23).
- Mais par contre, dautres passages de lévangile représentent le monde comme une force mauvaise qui soppose à Jésus : le monde na pas reconnu lenvoyé de Dieu (Jn 1, 10), le monde hait Jésus parce quil témoigne que ses oeuvres que sont mauvaises (Jn 7, 7), le monde ne reconnait pas et ne reçoit pas lEsprit de Vérité (Jn 14, 17), le monde hait non seulement Jésus, mais également ses disciples (Jn 15, 18), ce monde est dominé par un Prince (Jn 16, 11).
Ainsi, le terme « monde » a de multiples sens selon le contexte, désignant tantôt le milieu où sexerce la mission de Jésus, tantôt la réalité quil veut illuminer et transformer au point de lassocier à son intimité avec Dieu, tantôt le groupe des gens qui refusent sa parole et la prennent en haine.
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krinē (il juge) |
Le verbe grec krinō signifie dabord séparer, distinguer, ordonner, discerner (le bien et le mal), doù juger, prendre une décision, aller en justice, accuser, condamner. Et son substantif krisis signifie un jugement, une sentence, une décision, une accusation, un procès. Il existe un autre substantif apparenté, krima, qui signifie un jugement, un verdict, une poursuite, une condamnation. Pour comprendre et bien interpréter ces mots dans lévangile de Jean, il faut se rappeler que tout lévangile constitue un immense procès. Considérons une liste de textes (selon la Bible de Jérusalem).
- Jean 3, 19 : Et tel est le jugement (krisis) : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs oeuvres étaient mauvaises.
- Jean 5, 22 : Car le Père ne juge (krinō) personne; il a donné au Fils le jugement (krisis) tout entier
- Jean 5, 24 : Celui qui écoute ma parole et croit à celui qui ma envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement (krisis), mais il est passé de la mort à la vie
- Jean 5, 27 : et il lui a donné pouvoir dexercer le jugement (krisis) parce quil est Fils dhomme.
- Jean 5, 29 : (lheure vient où les morts sortiront de leurs tombeaux) ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement (krisis)
- Jean 5, 30 : Je juge (krinō) selon ce que jentends : et mon jugement (krisis) est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui ma envoyé
- Jean 8, 15 : Vous, vous jugez (krinō) selon la chair; moi, je ne juge (krinō) personne;
- Jean 8, 16 : et sil marrive de juger (krinō), moi, mon jugement (krisis) est selon la vérité, parce que je ne suis pas seul; mais il y a moi et celui qui ma envoyé;
- Jean 8, 26 : Jai sur vous beaucoup à dire et à juger (krinō); mais celui qui ma envoyé est véridique et je dis au monde ce que jai entendu de lui. »
- Jean 9, 39 : Jésus dit alors : « Cest pour un discernement (krima) que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
- Jean 12, 31 : Cest maintenant le jugement (krisis) de ce monde; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors;
- Jean 12, 47 : Si quelquun entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge (krinō) pas, car je ne suis pas venu pour juger (krinō) le monde, mais pour sauver le monde
- Jean 12, 48 : Qui me rejette et naccueille pas mes paroles a quelquun qui le juge (krinō) : la parole que jai fait entendre, cest elle qui le jugera (krinō) au dernier jour
- Jean 16, 8 : Et lui (le Paraclet), une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement (krisis)
- Jean 16, 11 : de jugement (krisis), parce que le Prince de ce monde est jugé (krinō) .
La lecture de ces textes peut apparaître déroutante, car Jésus semble affirmer en même temps une chose et son contraire : il ne juge pas et il juge. Et le jugement dont il sagit ici a surtout le sens de condamnation. Essayons de clarifier les choses. Dans le Judaïsme, et surtout dans la tradition apocalyptique, on attend le jugement final de Yahvé qui détruira par le feu et lépée ceux qui font le mal, et rassemblera tous les autres auprès de lui (Isaïe 66, 16). Le prophète Daniel évoque ce jugement final qui accompagne la fin des temps où la grande bête et les autres bêtes sont exterminées, tandis que le règne éternel du Fils de lhomme est inauguré et que le royaume est donné aux saints, après que lAncien eut rendu son jugement (Daniel 7, 9-26). Ces textes mentionnent donc une confrontation finale entre Dieu et lhumanité pécheresse, une confrontation prévue pour ce Jour de Yahvé. Lors de ce Jour, tous ressusciteront pour recevoir leur sentence, les uns pour la vie, les autres pour la mort éternelle. Ce jugement, les opprimés et les esclaves des païens lappellent de tout leur coeur (Psaume 140, 13). Et quand Jean Baptiste amorcera sa prédication, il parlera de la « Colère prochaine » et invitera les gens à la conversion en préparation de ce jugement de Dieu.
Or, selon lévangéliste Jean, cette confrontation finale entre Yahvé et lhumanité pécheresse est arrivée en Jésus, en particulier à travers sa mort en croix et sa résurrection, libérant le Paraclet ou lEsprit Saint, et annonçant la fin des forces adverses. Cest ce que les biblistes appellent leschatologie (fin des temps) réalisée. Rassemblons les textes que nous avons signalés en cinq catégories :
- Tout dabord, le Jugement de Dieu devient le Jugement de Jésus, car le Père a décidé de déléguer ce jugement final à Jésus, et Jésus est ce Fils de lhomme de la fin des temps dont parlait Daniel (textes b et d)
- Ensuite, à chaque fois que lévangéliste affirme que Jésus juge, en utilisant le verbe au présent, il relie tout de suite cette action au fait quil ne fait quaccomplir la volonté de celui qui la envoyé, et plus précisément il ne fait que redire ce quil a entendu de Celui qui est la Vérité par excellence (textes f, h et i); cest le même vocabulaire quon retrouve quand Jésus affirme que sa parole nest pas la sienne, mais celle quil a entendu auprès du Père
- Tout cela nous met sur la piste que cest en tant que parole ou Verbe ou lumière que Jésus juge, non pas au sens de condamner, mais au sens de révéler les coeurs, dopérer un discernement, de distinguer ceux qui veulent de cette lumière et ceux qui nen veulent pas, car ils ont déjà fait des choix de vie contraire (textes a et j).
- Cest pourquoi Jésus peut définir son rôle comme quelquun qui nest pas venu pour condamner, mais pour sauver : car tous ceux qui accueillent sa lumière connaîtront une libération (textes g et l)
- Par contre, en révélant qui est Dieu, et donc ce quest la Vérité et la Lumière, il force une partie de lhumanité à prendre position et à saffirmer contre Dieu, et par là à se ranger parmi ceux qui ressusciteront pour la mort éternelle. Cest exactement ce qui avait été prévu pour la fin des temps et qui est maintenant arrivé. LEsprit Saint, le Paraclet, libéré à la suite de la mort de Jésus, continuera son oeuvre et révélera qui est destiné pour cette mort éternelle et finalisera le jugement final (textes c, e, k, m, n, o)
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sōthē (il soit sauvé) |
Jean nest pas un grand utilisateur du verbe grec sōzō quon traduit habituellement par « sauver » et que jai traduit par « libérer ». Essayons de comprendre ce quil entend par ce mot.
- Jean 4, 22 : Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut (sōtēria) vient des Juifs
- Jean 4, 42 : nous (les Samaritains) lavons nous-mêmes entendu et nous savons que cest vraiment lui le sauveur (sōtēr) du monde.
- Jean 5, 34 : Non que je relève du témoignage dun homme (Jean Baptiste); si jen parle, cest pour que vous soyez sauvés (sōzō)
- Jean 10, 9 : Je suis la porte. Si quelquun entre par moi, il sera sauvé (sōzō); il entrera et sortira, et trouvera un pâturage.
- Jean 12, 47 : Si quelquun entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver (sōzō) le monde
Lensemble des passages cités ont un point commun : ils font référence à la parole de Jésus (textes b, d et e) et au fait quil est envoyé de Dieu (textes c). En effet, cest en écoutant Jésus que les Samaritains déclarent quil est Sauveur du monde (texte b). Cest en écoutant sa voix que les brebis reconnaissent le bon pasteur et le suivent, et peuvent ainsi recevoir leur pâturage (texte d). Cest en accueillant sa parole et en la gardant comme lumière sur le monde quune personne aura la vie éternelle et sera sauvée (texte e). Enfin, le témoignage de Jean Baptiste visait à assurer les Juifs que Jésus était lenvoyé de Dieu, et donc que sa parole est celle même de Dieu (texte c). Fondamentalement, cette parole ouvre sur un chemin de vie qui, ultimement, les arrachera à la mort. En cela, elle sauve. Dans la liste des textes cités, seul le premier (texte a) fait bande à part. Il porte peut-être la marque du rédacteur final (voir M. E. Boismard, A. Lamouille, Synopse des quatre évangiles, T. III - Lévangile de Jean : Paris, Cerf, 1977, p. 144.); ce dernier, en utilisant le mot sōtēria unique dans tout lévangile, tient à rappeler que le peuple Juif demeure le peuple choisi par Dieu, celui qui a tracé le chemin de la venue Jean Baptiste et celui de Jésus sauveur (voir ce que dit Luc en Actes 13, 23 (Cest de sa descendance que, suivant sa promesse, Dieu a suscité pour Israël Jésus comme Sauveur) et Paul en Romains 9, 4-5 (eux qui sont Israélites, à qui appartiennent ladoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et aussi les patriarches, et de qui le Christ est issu selon la chair, lequel est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement! Amen. )
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v. 18 Celui qui croit en lui nest pas condamné. Mais celui qui ne croit pas en lui sest condamné lui-même, car il na pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu.
Littéralement : le croyant en lui nest pas jugé. Mais le non croyant déjà a été jugé, car il na pas cru dans le nom de lunique engendré fils de Dieu.
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Ce verset résume tous les thèmes développés aux deux versets précédents : croire ( pisteuō), juger/condamner ( krinō), fils unique de Dieu ( monogenēs). Dentrée de jeu, il crée une opposition entre deux types de personnes, ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Comme nous lavons précisé plus haut, croire cest ultimement accepter de dire que Jésus vit une telle intimité avec Dieu quil peut porter le même titre quon attribue à Dieu dans la Bible : Je Suis. Cest dailleurs ce quentend la fin du verset en précisant ce qua rejeté lincroyant, i.e. le fils unique de Dieu. Ce qui peut étonner, cest que lévangéliste parle de deux catégories de personne pour les situer par rapport au jugement, entendu au sens de condamnation : les premiers échappent à la condamnation, les autres ny échappent pas. Le parallélisme est saisissant :
Celui qui croit en lui | nest pas condamné | Celui qui ne croit pas en lui | sest condamné lui-même |
On aura remarqué, que lévangéliste tient à préciser que ce nest pas Dieu ou Jésus qui condamne, mais cest lincroyant qui se met lui-même hors du chemin du salut. Ça ne fait quaccentuer le côté vital de la foi pour trouver la vie et échapper à la mort.
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- Analyse de la structure du récit
- Quand on suit la logique de ces trois versets, on peut les décomposer ainsi :
En effet, Dieu (theos) a aimé (agapaō) le monde (kosmos) de cette façon:
il a donné (didōmi) son fils (huios) unique (monogenēs),
afin que quiconque croit (pisteuō) en lui ne meure (apollymi) pas,
mais ait une vie (zōē) sans fin.
Car Dieu (theos) na pas envoyé (apostellō) son fils (huios) dans le monde (kosmos)
pour condamner (krinō) le monde (kosmos),
mais pour que le monde (kosmos) soit libéré (sōzō) par lui.
Celui qui croit (pisteuō) en lui nest pas condamné (krinō).
Mais celui qui ne croit (pisteuō) pas en lui sest condamné (krinō) lui-même,
car il na pas mis sa confiance (pisteuō) dans la personne du fils (huios) unique (monogenēs) de Dieu (theos).
- Nous retrouvons dune certaine façon une inclusion sémitique où la fin reprend le début et les versets se répondent de manière parallèle, ce que nous avons souligné par les couleurs semblables. La structure pourrait donc être présentée comme ceci :
Introduction : voici la façon dont Dieu a aimé le monde
A1 Action centrale de Dieu : il a donné son fils unique
B1 : Réponse attendue de la personne: le recevoir dans la foi pour ne pas mourir mais avoir la vie
C : Signification de la mission du fils dans le monde, non pas pour condamner, mais pour libérer
B2 : Résultat de la réponse de la personne: qui croit nest pas condamné, qui ne crois pas se condamne lui-même
A2 Conclusion sur la réponse humaine : na pas reçu dans la foi ce fils unique de Dieu
Dans une inclusion, la clé se trouve dans la phrase au centre, en loccurrence C : la mission du fils dans le monde en est une de libération ou de salut. Alors que la phrase clé est centrée sur le monde, donc relève dune affirmation générale, ce qui précède et ce qui suit sont tous deux centrés sur la personne individuelle, et plus particulièrement sur la condition pour accéder à ce salut. Dans ce qui précède (B1), laccent est positif : qui accepte de croire échappera à la mort et connaîtra la vie. Dans ce qui suit (B2), laccent est plutôt négatif en ce quil porte sur le risque de la condamnation, auquel échappe le croyant, mais que connaîtra ce qui ne croit pas. Le tout se termine par une conclusion (A2), le refus de recevoir dans la foi ce fils unique, qui reprend le début (A1) présentant le don ou lenvoi de ce fils unique.
- Nous avons ici un reflet typique du style du quatrième évangile. Le vocabulaire est restreint à un certain nombre de mots clés : amour, vie, condamner/juger, croire, fils unique, envoi. Ces mots sont repris de manière rythmique telle une chanson ou un poème, tantôt avec un accent positif, tantôt avec un accent négatif. Et ils soutiennent cette structure de linclusion où la fin et le début se répondent et que lévangéliste utilise fréquemment.
- Nous avons fondamentalement ici une reprise des idées du prologue : « Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne la pas reconnu... Mais à tous ceux qui lont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu... » (1, 11-12). Le présupposé de départ est que lhumanité vit dans une forme de ténèbres, et Dieu doit intervenir pour partager son être dans la personne de son fils pour léclairer et lui montrer le chemin de vie, mais que cette lumière ne peut être accueillie que dans la foi, et ceux qui sy refusent se condamne à la mort.
- Analyse du contexte
Nos trois versets sont un élément de la conversation de Jésus avec Nicodème. Daprès ce qui précède (Jn 2, 23-25), Jésus se trouve à Jérusalem à loccasion de la fête de Pâque. Daprès le narrateur, beaucoup de gens croient en lui à la vue des signes quil opère, mais Jésus ny voit rien de profond et ne se laisse pas leurrer par cette attitude. Cest à ce moment que se présente Nicodème, un Pharisien bien disposé à légard de Jésus et membre du Sanhédrin. Considérons la séquence du dialogue (en rouge les trois versets que nous analysons).
- Introduction : Nicodème vient de nuit voir Jésus
- Nicodème (affirmation) :
- Tu es un maître envoyé par Dieu
- Raison : seul quelquun envoyé par Dieu peut faire ces signes
- Jésus (réponse)
- Pour voir le Royaume de Dieu, il faut naître den-haut
- Nicodème (question)
- Comment naître une deuxième fois si on est vieux?
- Jésus (réponse)
- Il faut naître deau et dEsprit pour entrer dans le Royaume de Dieu
- Dans la naissance charnelle, on reste charnel, tandis que dans la naissance de lEsprit, on devient esprit
- Avec cette dernière naissance samorce un chemin unique qui échappe aux autres, tout comme le mouvement du vent
- Nicodème (question)
- Comment cela se passe-t-il?
- Jésus (réponse)
- Tu es un maître du Judaïsme, et tu ignores cela?
- Le témoignage de Jésus et de ses disciples sur ce quils savent et ont vu nest pas reçu dans le Judaïsme
- Si on refuse de croire aux choses accessibles, il sera encore plus difficile encore de croire aux choses du monde de Dieu
- Pourtant, seul Jésus, Fils de lhomme, a accès au monde de Dieu, le monde den haut
- De la même manière que Moïse a élevé le serpent dairain dans le désert pour que les Juifs échappent à la mort et aient la vie, ainsi Jésus sera élevé sur la croix afin que le croyant ait la vie éternelle à travers lui
- Nous avons ici lexpression de lamour de Dieu pour le monde : il donné son fils pour que le monde ait la vie et ne périsse pas, à condition de répondre par un accueil dans la foi
- Malheureusement, les hommes ont refusé de croire et on préféré les ténèbres parce quils ne voulaient voir leurs actions mauvaises démasquées
- Mais quiconque agit dans la vérité accueille dans la foi cette lumière, car ses actions sont inspirées par Dieu.
Ainsi se termine cette conversation avec Nicodème sans quon ait de réaction finale de ce dernier. Le narrateur nous amène tout de suite dans le pays de Judée où Jésus, comme Jean Baptiste, baptise dans la région du Jourdain (Jean 3, 22-23).
- Que retenir de ce contexte? Cette longue scène commence en mentionnant quil fait nuit, et se termine en introduisant ceux qui viennent à la lumière, car leur actions sont inspirées par Dieu. Entre ce début et cette fin, il y a un enseignement progressif par Jésus et introduit par des questions de Nicodème. Même si ce dernier reconnaît en Jésus un homme de Dieu, ce nest pas suffisant. Il faut lintervention de lEsprit de Dieu qui transforme la personne, comme sil lui donnait une nouvelle naissance. La personne ainsi transformée est non seulement en mesure daccueillir la parole de Jésus, mais daccueillir sa mort en croix comme passage à la vie. Tout cela est lexpression de lamour de Dieu pour le monde afin quil ait accès à la vie. Mais laccès à cette vie relève de laccueil dans la foi, et la réponse dépend des individus : malheureuse, une bonne partie on refusé cet accueil dans la foi, préférant la mort et les ténèbres, car ils ne voulaient pas sécarter de leurs actions mauvaises; mais les autres on accueilli dans la foi cette vie, car déjà leurs actions étaient inspirées par Dieu.
- Quand on regarde le contexte immédiat de nos trois versets, on note que Jésus fait allusion à sa mort en croix, afin dêtre ainsi source de la vie éternelle. Cest ainsi que notre péricope devient une explication de mort sur la croix : il sagit de lexpression de lamour de Dieu qui a offert son fils unique pour que tous aient accès à la vie éternelle, moyennant laccueil dans la foi de cette réalité. Autrement, cest la mort qui attend tous ceux qui refusent cet accueil dans la foi. Par la suite, dans le contexte qui suit, Jésus essaie dexpliquer pourquoi tant de gens ont refusé cet accueil dans la foi, tout en terminant sur une note despoir en parlant de ceux qui ont accueilli cette vie. Ainsi les trois versets de notre péricope amorce la réflexion théologique sur le sens de la mort de Jésus et ses conséquence pour nous : un don de vie et un appel à la foi.
- Analyse des parallèles
Comme nous en avons lhabitude avec le quatrième évangile, il nexiste pas de parallèle avec les récits synoptiques. Mais nous pouvons trouver des parallèles avec dautres récits de la tradition johannique, en particulier un passage de la première lettre de Jean et un autre du quatrième évangile lui-même. Nous soulignons les expressions semblables.
1 Jean 4, 9 |
Jean 3, 16-18 |
Jean 12, 46-48 |
En ceci sest manifesté lamour (agapē) de Dieu (theos) pour nous: Dieu a envoyé (apostellō) son Fils (huios) unique (monogenēs) dans le monde (kosmos) afin que nous vivions (zaō) par lui. |
16 Car Dieu (theos) a tant aimé (agapaō) le monde (kosmos) quil a donné son Fils (huios) unique (monogenēs), afin que quiconque croit (pisteuō) en lui ne se perde pas, mais ait la vie (zōē) éternelle. |
46 Moi, lumière, je suis venu dans le monde (kosmos), pour que quiconque croit (pisteuō) en moi ne demeure pas dans les ténèbres. |
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17 Car Dieu (theos) na pas envoyé (apostellō) son Fils (huios) dans le monde (kosmos) pour juger (krinō) le monde (kosmos), mais pour que le monde (kosmos) soit sauvé (sōzō) par lui. |
47 Si quelquun entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge (krinō) pas, car je ne suis pas venu pour juger (krinō) le monde (kosmos), mais pour sauver (sōzō) le monde. |
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18 Qui croit (pisteuō) en lui nest pas jugé (krinō); qui ne croit (pisteuō) pas est déjà jugé (krinō), parce quil na pas cru (pisteuō) au Nom du Fils (huios) unique (monogenēs) de Dieu (theos). |
48 Qui me rejette et naccueille pas mes paroles a son juge (krinō): la parole que jai fait entendre, cest elle qui le jugera (krinō) au dernier jour; |
- Intention de l'auteur en écrivant ce passage
- Les biblistes placent habituellement la rédaction finale de lévangile de Jean vers lan 90 de lère chrétienne. Cela signifie quenviron 60 ans se sont écoulés depuis la mort de Jésus, soit deux générations. Depuis la première catéchèse de Marc autour de lan 67, la théologie a beaucoup évolué. La réflexion sest poursuivie autour de la figure de Jésus, estompant quelque peu ses traits humains, et accentuant sa relation à Dieu. De plus, lopposition à la foi chrétienne, en particulier de la part du Judaïsme, se fait énormément sentir, si bien que la communauté johannique apparaît quelque peu isolée. Lensemble de lévangile prend la forme dun procès mettant en cause Chrétiens et Juifs et où une scission existe déjà.
- Nos trois versets font partie de cet échange de Jésus avec Nicodème, un notable Pharisien, membre du Sanhédrin, à Jérusalem, à loccasion de la fête de Pâques. Lévangéliste aime les symboles. Ce représentant du Judaïsme vient de nuit rencontrer Jésus : car les Juifs sont dans la nuit par leur attitude face à Jésus. La scène avec Nicodème nest pas un véritable dialogue, car on ne connaîtra jamais le dénouement de cette rencontre; elle vise plutôt à présenter les conditions pour passer de la nuit à la lumière. En effet, au départ lattention est sur les signes accomplis par Jésus, ce qui amène Nicodème, comme certains Juifs, à reconnaître que Jésus est soutenu par Dieu, à la manière des prophètes. Mais pour lévangéliste, ces signes révèlent quelque chose de beaucoup plus profond, la présence du Royaume de Dieu. Voilà pourquoi Jésus affirme que pour voir ce Royaume, il faut une transformation radicale de la personne, une transformation que seul Dieu peut opérer par son Esprit et symbolisé par le baptême chrétien : « À moins de naître deau et dEsprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ». Cette transformation permet de devenir la substance même de Dieu, de devenir Esprit, et par là samorce une route qui est unique et échappe à la majorité des gens. Et surtout, elle permet daccueillir le témoignage chrétien, et en particulier la parole de Jésus. Or seul ce dernier peut révéler le projet de Dieu, entre autres, celui de transformer la mort ignominieuse en croix en source de vie. Cest à ce point-ci que se place nos trois versets pour expliciter ce projet de Dieu. Le discours de Jésus se termine sur une note pessimiste en disant que les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, tout en laissant la porte ouverte à tout chercheur de vérité.
- Le contexte immédiat est donc celui de la mort ignominieuse de Jésus sur une croix, à la manière dun bandit. Pour la première génération chrétienne, cétait un scandale quil était difficile daborder. Mais pour un Paul, ce scandale de la croix deviendra un sujet dont il ne se gênera pas de parler ouvertement et dont il voudra en faire sa fierté. Avec Jean, cette mort en croix deviendra une élévation et une glorification. Aux versets précédents (vv. 14-15), on peut lire : « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de lhomme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle ». On fait ici allusion à la scène dExode 21, 6-9 où Moïse façonne un serpent dairain quil place sur un étendard et qui avait la vertu de garder en vie les Juifs qui avait été mordu par un serpent venimeux dans le désert, pourvu quils regardent ce serpent dairain. Lévangéliste entend donc expliquer de la même façon cette élévation en croix qui donne la vie.
- Tout dabord, la présence de Jésus dans notre monde prend sa source dans une action damour de Dieu qui offre son fils unique comme Abraham offrant son fils Isaac. Ce fils est unique en ce quil partage une relation unique avec Dieu, en ce quil a accès à lêtre même de Dieu, et donc peut en parler de manière unique. Ainsi, à travers ce don de Jésus, cest à Dieu lui-même que nous avons accès, à sa manière de penser et dagir. Par là, la mort en croix de Jésus nest pas une catastrophe, mais un geste damour qui reflète Dieu.
- Il ne faut donc pas regarder cette condamnation à mort historique de Jésus comme un geste coupable des Juifs, mais comme une source de vie. Car elle trace le chemin de lamour véritable, de lamour qui se donne jusquà mourir. Lamour crée la vie, si bien que lamour et la vie deviennent synonymes. Il y a même plus : ils sont la substance même de Dieu. En cela, ils sont éternels. Et aimer, et vivre, ne sont pas simplement des actions extérieures, mais sont une réalité intérieure qui nous habite et où se vit lintimité avec Dieu. Autrement, cest la mort. Car lêtre humain est fait pour Dieu, et ne pas partager cette intimité, cest mourir.
- Mais il y a une condition : cest daccueillir dans la foi cette réalité à travers la parole et la vie de Jésus, et donc accepter que Jésus reflète totalement la réalité de Dieu, pas seulement une partie. La foi est nécessaire, car cette réalité est trop déroutante pour quelle nous soit évidente. Aussi, celui qui croit échappe au sort qui attend tous ceux qui ne comprennent pas leur identité véritable et celle de Dieu, et donc entérine la mort historique de Jésus. En ce sens, la foi opère malheureusement un départage entre ceux qui sont capables de souvrir à ce que représente Jésus, et ceux qui ont en sont incapables. Même si Dieu a voulu montrer en Jésus le chemin de vie, il sest trouvé en même temps à identifier ceux qui ne voulaient pas de ce chemin.
- En conclusion, à travers des mots très simples comme amour, vie, mort, jugement et foi, lauteur traduit lessentiel du drame humain. Jésus représente le coeur de Dieu, et en même temps le coeur de notre identité véritable. Lenjeu est de sy ouvrir, de laccepter, de prendre le même chemin, et par là trouver la vie. Cest ce que font certains, cest ce que refusent dautres, se condamnant eux-mêmes à la mort.
- Situations ou événements actuels dans lesquels on pourrait lire ce texte
- Suggestions provenant des différents symboles du récit
Malgré un texte très court, nous nous retrouvons devant un symbolique très riche. Regardons quelques uns de ces symboles.
- Lévangéliste parle dune « vie sans fin ». Comme nous lavons analysé, la vie est la substance même de Dieu. Aujourdhui, plusieurs se posent la question : quest-ce que vivre? Certains affirment vivre pleinement leur vie; que font-ils exactement? Dautres, par contre, se plaignent de ne pas vivre, mais dexister seulement. Notre expérience atteste quil y a des gens qui se disent vivants, mais quà lintérieur deux ils sont morts. Or, lévangéliste affirme que le rôle de Jésus est de donner la vie éternelle. Quest-ce que cela signifie pour nos vies?
- Quand on parle de vie, on doit parler également de mort. Or, le rôle de Jésus est de veiller à ce que nous ne mourrions pas? Quest-ce que ça veut dire? Quest-ce quêtre mort dès maintenant? La mort a-t-elle plusieurs sens? Pouvons-nous identifier des gens autour de nous qui sont en fait morts, même si leur coeur bat encore? Quest-ce qui les caractérise?
- « quiconque croit en lui ne meure pas », « qui ne croit pas en lui sest condamné lui-même, car il na pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu ». Pour Jean, la foi est si fondamentale quelle est source de vie. Quest-ce donc que croire? Pourquoi est-ce si fondamental? Quelles sont les caractéristiques de la foi? Quelle serait la situation dun monde où la foi nexisterait pas? Y a-t-il différentes sortes de foi?
- « pour que le monde soit libéré par lui ». Quest-ce que cela signifie pour nos vies le mot « libérer » ou « sauver ». Ces deux mots présupposent une situation de détresse, demprisonnement, daliénation ou de risque imminent. Pouvons-nous en identifier? En quoi lévénement Jésus joue-t-il un rôle dans cette situation?
- « qui ne croit pas en lui sest condamné lui-même ». Est-ce possible que des gens se condamnent eux-mêmes par les choix quils font? Pouvons-nous nommer des situations où des gens décident de sexclure de la vie? De refuser de grandir et de devenir tout ce quils peuvent être?
- « son fils unique ». Quest-ce que cela signifie pour nous? Dieu, personne ne la vu. Limage la plus fidèle de Dieu nous vient de Jésus. Quest-ce que tout cela révèle de Dieu? Cela correspond-il à lidée que nous nous en faisons?
- Suggestions provenant de ce que nous vivons actuellement
- 301 mineurs tués en Turquie. La télévision nous présente des femmes en pleurs qui essaient de se soutenir mutuellement. La population a la rage au coeur. Comment les gens se sortiront-ils dune telle tragédie. Comment lévangile de ce jour peut-il apporter un réconfort et un chemin de vie?
- La Serbie et la Bosnie sont aux prises avec les pires inondations du siècle dues à des pluies torrentielles. Des villes et des villages entiers sont sous leau. 12 doivent être évacués. Tout cela a enclenché 12 000 glissements de terrain. On signale 35 morts en 5 jours. Des milliers de gens se retrouvent sans toit. Cest une catastrophe nationale. Quelle parole pourrait être pertinente pour ces gens? Cette parole pourrait-elle venir de lévangile?
- 33 enfants meurent dans un autobus au nord de la Colombie. Lautobus ramenait à la maison 48 enfants, âgés de 2 à 13, après un service religieux dans une église pentecôtiste. Il sagit dune erreur du chauffeur qui a versé de lessence dans le carburateur dun moteur en panne pour le redémarrer. On peut imaginer les cris des parents. Se consoleront-ils un jour de ne pas voir leur enfant grandir? Les paroles de Jésus dans lévangile peuvent-il éclairer une telle situation pour la transformer en source de vie?
- Le journal annonce une perte de 26,000 emplois dans la province. Derrière ces statistiques, il y a des drames familiaux, des dépressions, des peurs et des angoisses. Est-il possible den sortir plus fort? Est-ce que lévangile peut y contribuer?
- Un nouveau rapport vient de révéler que les femmes autochtones souffrent beaucoup plus de violence que les autres femmes au Canada. Le nombre dhomicide à leur égard demeure très élevé. Tout cela est le signe dun mal plus profond dont on saisit mal les paramètres. Que faire? La solution demande une approche à très long terme. Cette solution peut-elle être guidée par ce que lévangile peut apporter?
-André Gilbert, Gatineau, mai 2014
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