Analyse biblique Jean 3, 16-18

Je vous propose une analyse biblique avec les étapes suivantes: une étude de chaque mot grec du passage évangélique, suivie d'une analyse de la structure du récit et de son contexte, à laquelle s'ajoute une comparaison des passages parallèles ou semblables. À la fin de cette analyse et en guise de conclusion, je propose de résumer ce que l'évangéliste a voulu dire, et je termine avec des pistes d'actualisation.


Sommaire

L’histoire

On nous présente non pas une histoire mais une petite partie d’un discours, et cela peut se résumer ainsi : Jésus est un don de Dieu par amour pour l’humanité, afin que nous puissions tous être libérés et avoir la vie éternelle, à condition que nous l’accueillions comme la véritable image de Dieu par la foi.

Le vocabulaire

Chez Jean, même lorsque le vocabulaire semble être commun à d’autres évangélistes, les mots qu’il utilise ont une signification qui lui est propre. Lorsqu’il parle de l’"amour" de Dieu (agapaō), c’est dans un contexte d’intimité entre le Père, le Fils et le croyant. Jésus est le "seul engendré" (monogenēs), non pas sur le plan biologique, mais sur le plan théologique : il est le seul à pouvoir parler véritablement de Dieu. Cela a un impact sur la définition de l’acte de croire (pisteuō) : croire, c’est accepter de dire que Jésus vit une telle intimité avec Dieu qu’il peut porter le même titre que celui attribué à Dieu dans la Bible : Je suis. Et comme Dieu est vie (zōē), croire en Jésus, c’est choisir un chemin qui donne déjà la vie et qui nous ouvrira à la résurrection de la mort physique. C’est pourquoi Jésus a été envoyé (apostellō) dans le monde (kosmos), où le monde est défini ici comme l’ensemble de l’humanité. En révélant qui est Dieu, Jésus révèle les coeurs qui doivent maintenant prendre position pour ou contre lui, ce qu’on appelle l’acte de juger (krinō), qui consiste à choisir maintenant entre la vie éternelle (qui signifie être sauvé : sōzō) ou la mort éternelle (qui signifie périr : apollymi).

Structure et composition

Les trois versets sont composés pour former une inclusion sémitique, où le v. 16 et le v. 18 sont un miroir l’un de l’autre, et le v. 17, la pièce centrale est le message principal : La mission de Jésus est de libérer, pas de condamner. Ce message est précédé par le rappel de l’action de Dieu qui envoie son fils unique et de la réponse attendue : la foi pour avoir la vie, et est suivi par le résultat de la réponse de la personne : la vie pour le croyant, la mort pour l’incroyant.

Ces trois versets font partie d’un dialogue de Jésus avec Nicodème qui a commencé la nuit. Jésus a introduit le fait que, comme Moïse a élevé un serpent de bronze dans le désert pour sauver son peuple, alors il devra être élevé sur la croix pour sauver l’humanité. C’est le contexte de nos trois versets qui affirme que tout ceci est une initiative de Dieu par amour, et ce qui est demandé à l’humanité est la foi. Mais pour croire, il faut naître de nouveau, car celui qui n’est guidé que par la chair rejettera tout cela.

Ce thème de la venue au monde du fils unique de Dieu, de la foi, de la vie, du jugement et du salut est récurrent dans la tradition johannique, comme on peut le voir à travers certains textes parallèles comme 1 Jean 4 : 9 et Jean 12 : 46-48.

Intention de l’auteur

Rappelons que Jean l’Ancien, l’auteur présumé de cet évangile (et non l’apôtre Jean), a publié le noyau de son évangile vers 90 après J.-C. La communauté johannique a été récemment exclue des synagogues. De tels événements déclenchent une réflexion sur l’humanité, sur Dieu et sur ce qui est en jeu.

Notre péricope fait partie d’un dialogue de Jésus avec Nicodème, un leader juif. Ce qui est en jeu, c’est non seulement de s’ouvrir à Jésus en tant que messie attendu, même s’il a été condamné comme un bandit et a subi le supplice de la croix comme les esclaves de l’époque, mais aussi qu’il est la véritable image de Dieu. C’est pourquoi Jésus dit à Nicodème, le représentant juif, qu’il a besoin de naître de nouveau par l’Esprit pour donner un sens à tout cela. Il comprendra alors que la mort ignominieuse de Jésus est un acte d’amour de Dieu, qui montre le chemin de la vie éternelle, et ce chemin est si important que, le rejeter, c'est rejeter Dieu lui-même et choisir la mort. Et la seule approche pour accueillir ce chemin est la foi, car d’un point de vue humain, c’est une absurdité totale.

Comme on peut le voir, après 60 ans de réflexion depuis la mort de Jésus sur la croix au printemps de l’an 30 après J.-C., la communauté chrétienne a développé une compréhension spécifique de Dieu, et cette compréhension est liée au destin de Jésus sur la croix, et cette compréhension a un impact énorme sur ce que signifie être humain. De plus, suivre le chemin de Jésus n’est pas facultatif, mais une question de vie ou de mort. Mais accepter cette perspective échappe à l’esprit humain, à moins que nous ne l’approchions par la foi. C’est ce que nous dit Jean l’Ancien.


 


  1. Traduction du texte grec (28e édition de Kurt Aland)

    Texte grecTexte grec translittéréTraduction littéraleTraduction en français courant
    16 οὕτως γὰρ ἠγάπησεν ὁ θεὸς τὸν κόσμον, ὥστε τὸν υἱὸν τὸν μονογενῆ ἔδωκεν, ἵνα πᾶς ὁ πιστεύων εἰς αὐτὸν μὴ ἀπόληται ἀλλʼ ἔχῃ ζωὴν αἰώνιον16 houtōs gar ēgapēsen ho theos ton kosmon, hōste ton huion ton monogenē edōken, hina pas ho pisteuōn eis auton mē apolētai allʼ echē zōēn aiōnion.16 Car de cette façon a aimé Dieu le monde, ainsi le fils unique engendré il a donné, afin que tout croyant en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle.16 En effet, Dieu a aimé le monde de cette façon: il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meure pas, mais ait une vie sans fin.
    17 οὐ γὰρ ἀπέστειλεν ὁ θεὸς τὸν υἱὸν εἰς τὸν κόσμον ἵνα κρίνῃ τὸν κόσμον, ἀλλʼ ἵνα σωθῇ ὁ κόσμος διʼ αὐτοῦ17 ou gar apesteilen ho theos ton huion eis ton kosmon hina krinē ton kosmon, allʼ hina sōthē ho kosmos diʼ autou.17 Car n’a pas envoyé Dieu le fils dans le monde afin qu’il juge le monde, mais afin que soit sauvé le monde par lui.17 Car Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit libéré par lui.
    18 ὁ πιστεύων εἰς αὐτὸν οὐ κρίνεται• ὁ δὲ μὴ πιστεύων ἤδη κέκριται, ὅτι μὴ πεπίστευκεν εἰς τὸ ὄνομα τοῦ μονογενοῦς υἱοῦ τοῦ θεοῦ18 ho pisteuōn eis auton ou krinetai• ho de mē pisteuōn ēdē kekritai, hoti mē pepisteuken eis to onoma tou monogenous huiou tou theou.18 le croyant en lui n’est pas jugé. Mais le non croyant déjà a été jugé, car il n’a pas cru dans le nom de l’unique engendré fils de Dieu.18 Celui qui croit en lui n’est pas condamné. Mais celui qui ne croit pas en lui s’est condamné lui-même, car il n’a pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu.

  1. Analyse verset par verset

    v. 16 En effet, Dieu a aimé le monde de cette façon: il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meure pas, mais ait une vie sans fin.

    Littéralement : Car de cette façon a aimé (ēgapēsen) Dieu (theos) le monde, ainsi le fils unique engendré (monogenē) il a donné, afin que tout croyant (pisteuōn eis) en lui ne périsse pas (mē apolētai), mais ait la vie éternelle (allʼ echē zōēn aiōnion).

 
La première difficulté de ce verset vient de l’anthropomorphisme, i.e. comprendre Dieu dans nos catégories humaines, en particulier nos catégories biologiques où on procrée, où on engendre des mâles et des femelles. Dieu, appartenant à un monde à part qui nous est inaccessible, ne peut entrer dans nos catégories humaines. Pourtant, l’évangéliste emploie la catégorie de fils, dont le parent est Dieu, qu’on ne peut ranger ici soit dans la catégorie mâle ou femelle. Pourquoi ces catégories? Probablement, au point de départ, il y a le fait que Jésus de Nazareth était un homme, et donc on doit parler de fils, et non de fille. Nos connaissances historiques nous amènent à affirmer que Jésus a eu des frères et des soeurs, et donc qu’il n’était pas fils unique (voir Meier). Si l’évangéliste parle néanmoins de fils unique, c’est qu’il ne se situe pas sur le plan biologique ou historique, mais sur le plan théologique : Jésus représente une réalité unique par rapport à Dieu.

La deuxième difficulté vient du poids donné à l’acte de croire : c’est une question de vie et de mort; celui qui ne croit pas mourra ou périra, mais celui qui croit fera l'expérience d'une vie éternelle ou sans fin. Qu’est-ce exactement que croire? Pourquoi croire ou ne pas croire est une question de vie ou de mort? De quelle vie parle-t-on? De quelle mort parle-t-on? En partant, je rejette l’idée simpliste de certains chrétiens que celui qui est baptisé et affirme croire en Jésus fils de Dieu va au ciel, donc a la vie éternelle, et que celui qui ne peut faire la même affirmation se retrouve en enfer, et donc meurt. Quand il s’agit d’une question de vie ou de mort, on ne peut réduire l’enjeu au simple fait d’être comme un membre en règle du parti, comme si Dieu était un chef de parti autoritaire et implacable.

Intéressons-nous à la notion de Dieu chez Jean, appelé aussi Père, tout d’abord aux actions qui lui sont attribuées :

  • Parut un homme envoyé de Dieu. Son nom était Jean (1, 6)
  • lui (Verbe) qui ne fut engendré ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu (1, 13)
  • Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique (3, 16)
  • Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main (3, 35)
  • Mon Père est à l’oeuvre jusqu’à présent (5, 17)
  • Car le Père aime le Fils, et lui montre tout ce qu’il fait; et il lui montrera des oeuvres plus grandes que celles-ci, à vous en stupéfier (5, 20)
  • Car le Père ne juge personne; il a donné au Fils le jugement tout entier (5, 22)
  • de même a-t-il (Père) donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même (5, 26)
  • les oeuvres que le Père m’a donné à mener à bonne fin, ces oeuvres mêmes que je fais me rendent témoignage que le Père m’envoie (5, 36)
  • car c’est lui (Fils de l’homme) que le Père, Dieu, a marqué de son sceau (6, 27)
  • ce n’est pas Moïse qui vous a donné le pain qui vient du ciel; mais c’est mon Père qui vous le donne, le pain qui vient du ciel, le vrai (6, 32)
  • Tout ce que me donne le Père viendra à moi (6, 37)
  • Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire (6, 44)
  • le Père, qui est vivant, m’a envoyé (6, 57)
  • nul ne peut venir à moi, si cela ne lui est donné par le Père (6, 65)
  • le Père qui m’a envoyé (8, 18)
  • je dis ce que le Père m’a enseigné (8, 28)
  • c’est mon Père qui me glorifie (8, 54)
  • Nous savons, nous, que Dieu a parlé à Moïse (9, 29)
  • si quelqu’un est religieux et fait sa volonté, celui-là il (Dieu) l’écoute (9, 31)
  • Mon Père, quant à ce qu’il m’a donné, est plus grand que tous (10, 29)
  • Je vous ai montré quantité de bonnes oeuvres, venant du Père (10, 32)
  • celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde (10, 36)
  • je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera (11, 22)
  • mais le Père qui m’a envoyé m’a lui-même commandé ce que j’avais à dire et à faire connaître (12, 49)
  • Ainsi donc ce que je dis, tel que le Père me l’a dit je le dis. (12, 50)
  • sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains (13, 3)
  • Dieu aussi le glorifiera en lui-même et c’est aussitôt qu’il le glorifiera (13, 32)
  • mais le Père demeurant en moi fait ses oeuvres (14, 10)
  • et il vous donnera un autre Paraclet (14, 16)
  • et la parole que vous entendez n’est pas de moi, mais du Père qui m’a envoyé (14, 24)
  • Mais le Paraclet, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom (14, 26)
  • afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donne (15, 16)
  • ce que vous demanderez au Père, il vous le donnera en mon nom. (16, 23)
  • tu (Père) m’as envoyé (17, 21)
  • Père, ceux que tu m’as donnés (17, 24)
  • La coupe que m’a donnée le Père, ne la boirai-je pas? (18, 11)
  • Comme le Père m’a envoyé (20, 21)

Pour tout résumer, le mot qui revient le plus souvent pour décrire l’action de Dieu-Père est celui de « donner » :

  • Il donne son fils, exprimé parfois avec le terme « envoyer »
  • Il donne le Paraclet, l’Esprit Saint, exprimé parfois également avec le terme « envoyer »
  • Il donne à son fils des pouvoirs, comme celui d’avoir la vie en lui-même, de juger, et même, il lui donne tout (3, 35; 13, 3)
  • Il donne à Jésus des croyants, exprimé parfois sous le terme « attirer »
  • Il donne le pain venu du ciel
  • Il donne ce qu’on demande dans la prière
  • Il donne à Jésus les oeuvres qu’il doit mener à bonne fin
  • Il donne à Jésus la coupe qu’il doit boire

Bref, Dieu-Père est la source de tout, il est la source de ce qu’est Jésus, il est la source de l’Esprit, il est la source de la mission de Jésus, il est la source de ce que le croyant reçoit.

Cette idée est exprimée par un certain nombre d’autres verbes :

  • Il engendre le Verbe qu’est Jésus
  • Il enseigne à Jésus ce qu’il doit dire et doit faire, tout comme il a parlé à Moïse
  • Il commande à Jésus ce qu’il doit dire et faire
  • Ainsi, en Jésus, c’est lui qui accomplit ses oeuvres
  • Et il révèle la grandeur de l’être de Jésus en le marquant de son sceau et en le glorifiant
  • Enfin, c’est lui qui a envoyé Jean Baptiste pour rendre témoignage à Jésus

Tout ce qu’est Jésus, ce qu’il dit et ce qu’il fait, vient de Dieu-Père. On comprend alors que l’évangéliste mette dans la bouche de Jésus : « Le Père et moi sommes uns ». On peut désormais comprendre que, par la suite, on dira de Jésus qu’il est l’image parfaite de Dieu : « Qui m’a vu, a vu le Père ». La notion corollaire, c’est que Dieu n’agit, ne parle et ne se rend visible qu’à travers Jésus, ou à travers ses envoyés.

ēgapēsen ho theos (a aimé le Dieu)
Jetons un coup d’oeil sur la façon dont Jean présente l’amour de Dieu, en plus de ce qui est dit ici.
  • Le Père aime le Fils et a tout remis dans sa main (3, 35)
  • c’est pour cela que le Père m’aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre (10, 17)
  • Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime; or celui qui m’aime sera aimé de mon Père; et je l’aimerai et je me manifesterai à lui (14, 21)
  • Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui (14, 23)
  • Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour (15, 9)
  • moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient parfaits dans l’unité, et que le monde reconnaisse que tu m’as envoyé et que tu les as aimés comme tu m’as aimé (17, 23)
  • Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu’ils contemplent ma gloire, que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde (17, 24)
  • Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux et moi en eux (17, 26)

Résumons les caractéristiques de l’amour de Dieu.

  • Tout d’abord, cet amour semble avoir des conditions : Dieu aime Jésus parce qu’il donne sa vie, Dieu aime les gens qui aiment Jésus et qui garde sa parole et ses commandements, Dieu ne peut manifester son amour que si Jésus le fait connaître.
  • Ensuite, le fait pour Dieu d’aimer Jésus signifie qu’il lui remet tout en sa main, qu’il lui donne la gloire avant même la fondation du monde; cet amour implique donc une action transformatrice.
  • Mais il y a encore plus. L’amour semble une réalité en soi, un état de l’être : l’amour vient habiter la personne comme si c’était une réalité indépendante qui se transmet; il a été transmis à Jésus qui à son tour en devient le véhicule pour nous. Et le fait d’être dans cet état permet de saisir la qualité d’être de Jésus, appelée ici « gloire », il permet aussi de vivre une unité parfaite avec Dieu et avec Jésus : fondamentalement, l’amour nous met au même diapason que Dieu et Jésus, et nous rend capable de les connaître vraiment.
  • Enfin, il semble que l’amour est comme le feu qu’il faut maintenir, d’où l’invitation : demeurez en mon amour.

monogenē (unique engendré)
L’expression « unique engendré » appliquée à Jésus est unique à la tradition johannique :
  • Jean 1, 14 : Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme fils unique, plein de grâce et de vérité.
  • Jean 1, 18 : Nul n’a jamais vu Dieu; le fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître.
  • Jean 3, 16 : En effet, Dieu a aimé le monde de cette façon: il a donné son fils unique
  • Jean 3, 18 : Mais celui qui ne croit pas en lui s’est condamné lui-même, car il n’a pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu
  • 1 Jean 4, 9 : En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous: Dieu a envoyé son fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui.

Dans le nouveau testament, le mot monogenēs est toujours l’attribut du mot fils ou fille. Dans l’épître aux Hébreux (11, 17), ce fils est Isaac qu’Abraham s’apprêtait à sacrifier, chez Luc il s’agit soit du fils unique de la veuve de Naïn (7, 72), soit de la fille unique de Jaïre (8, 42), soit de l’unique enfant d’un homme priant Jésus de le guérir de son épilepsie. Parler d’enfant unique accentue son importance aux yeux des parents. Mais dans la tradition johannique, l’expression désigne uniquement Jésus dans sa relation à Dieu. Qu’est-ce à dire? Si le mot prend racine dans le monde biologique de la procréation, Jean nous oblige à effectuer un saut dans les connotations analogiques du mot pour nous situer à un autre niveau. Quel est ce niveau?

L’évangéliste prend soin de dire que nous ne sommes plus au niveau biologique : « lui qui ne fut engendré ni du sang, ni d’un vouloir de chair, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu » (1, 13). Il fait allusion à ce niveau en parlant de gloire, de grâce et de vérité : « gloire (doxa) qu’il tient de son Père comme fils unique, plein de grâce (charis) et de vérité (alētheia) » (1, 14). Le terme doxa reprend l’hébreu kabôd qui signifie: avoir du poids, i.e. être très important et imposer le respect, et donc renvoie à la qualité d’être de la personne. Nous sommes devant quelqu’un dont la qualité d’être est unique. Cette qualité d’être est un don, une grâce (charis), une faveur. L’autre attribut est d’être plein de vérité (alētheia). Le mot vérité joue un rôle unique dans la tradition johannique. Sa principale caractéristique est d’être associée à la connaissance de Dieu, i.e. au rôle de Jésus comme Verbe ou parole, qui transmet cette connaissance :

  • Jean 8, 31-32 : Jésus dit alors aux Juifs qui l’avaient cru: "Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libérera
  • Jean 14, 5-6 : Thomas lui dit: "Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin?" Jésus lui dit: "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi
  • Jean 16, 13 : Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir
  • Jean 17, 17 : Sanctifie-les dans la vérité: ta parole est vérité
  • Jean 18, 37 : Je ne suis né, et je ne suis venu dans le monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix

Cette connaissance n’apparaît pas comme une connaissance théorique, car elle un chemin et elle libère. Elle semble liée à la qualité d’être, car les gens qui ont cette qualité écoutent Jésus. Cette vérité est dynamique, car l’Esprit de vérité complètera ce qui manque encore et « introduira dans la vérité tout entière ». Finalement, cette vérité est associée à Dieu lui-même, car Jésus a été envoyé pour rendre témoignage à la vérité, qui est en fait Dieu. On comprend maintenant le sens de « fils unique » : il est le seul à avoir accès à l’être de Dieu, et il est le seul à pouvoir nous en parler, et cette connaissance est libératrice et nous ouvre le chemin vers Dieu (1, 18 : Nul n’a jamais vu Dieu; le fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui, l’a fait connaître).

pisteuōn eis (croyant)
Nul autre que Jean n’a parlé autant de l’importance vitale de croire. C’est d’ailleurs ainsi que se termine son évangile : « Ceux-là (les signes) ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (20, 31). Examinons certaines caractéristiques de l’acte de croire. Quel est l’objet ou le contenu de cette foi?
  • 5, 38 : et sa parole, vous ne l’avez pas à demeure en vous, puisque vous ne croyez pas celui qu’il a envoyé
  • 5, 47 : Mais si vous ne croyez pas à ses (Moïse) écrits, comment croirez-vous à mes paroles?
  • 8, 24 : Je vous ai donc dit que vous mourrez dans vos péchés. Car si vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans vos péchés
  • 10, 38 : mais si je les (oeuvres) fais, quand bien même vous ne me croiriez pas, croyez en ces oeuvres, afin de reconnaître une bonne fois que le Père est en moi et moi dans le Père.
  • 12, 44 : Jésus a dit, il l’a clamé: "Qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en celui qui m’a envoyé
  • 14, 10 : Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même: mais le Père demeurant en moi fait ses oeuvres
  • 20, 31 : Ceux-là (les signes) ont été mis par écrit, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom

Croire, c’est accueillir les paroles de Jésus, c’est reconnaître que ce qu’il fait reflète l’action de Dieu, et donc que Jésus est l’envoyé de Dieu, son messie et son fils. Mais ultimement, croire c’est accepter de dire que Jésus vit une telle intimité avec Dieu (le Père est en moi et moi dans le Père) qu’il peut porter le même titre qu’on attribue à Dieu dans la Bible : Je Suis.

mē apolētai allʼ echē zōēn aiōnion (ne périsse pas mais ait la vie éternelle)
L’antithèse mort/vie apparaît souvent chez Jean. Nous savons que le verbe mourir ou périr n’est pas à prendre au sens physique, i.e. la mort naturelle, mais au sens spirituel. Essayons de préciser ce sens en considérant quelques passages :
  • 6, 39 : Or c’est la volonté de celui qui m’a envoyé que je ne perde (apollymi) rien de tout ce qu’il m’a donné, mais que je le ressuscite (anistēmi) au dernier jour
  • 10, 10 : Le voleur ne vient que pour voler, égorger et faire périr (apollymi). Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie (zōē) et qu’on l’ait surabondante
  • 10, 28 : je leur (mes brebis) donne la vie éternelle (zōēn aiōnion); elles ne périront (apollymi) jamais et nul ne les arrachera de ma main
  • 12, 25 : Qui aime sa vie la perd (apollymi); et qui hait sa vie en ce monde la conservera en vie éternelle (zōēn aiōnion)
  • 17, 12 : Quand j’étais avec eux, je les gardais dans ton nom que tu m’as donné. J’ai veillé et aucun d’eux ne s’est perdu (apollymi), sauf le fils de perdition, afin que l’Écriture fût accomplie

Ces quelques passages précisent le sens de mourir/périr par contraste : il le contraire de ressusciter, le contraire de la vie en surabondance, le contraire de la vie éternelle. Et on donne un exemple de quelqu’un qui a péri : Judas. La question alors se pose : s’agit-il d’une réalité après la mort physique, i.e. en plus de la mort physique, certains ne ressusciteront pas et donc connaîtraient une mort spirituelle? Par contraste, d’autres ressusciteraient et auraient une vie en surabondance, une vie éternelle et sans fin. Examinons ce que Jean entend par « vie ». Comme les références sont trop nombreuses, nous n’en prendrons qu’un échantillon représentatif. Remarquons en particulier le temps des verbes.

  1. 1, 4 : (Au commencement...) Ce qui fut en lui (Verbe) était la vie, et la vie était la lumière des hommes
  2. 3, 36 Qui croit au Fils a la vie éternelle; qui refuse de croire au Fils ne verra pas la vie; mais la colère de Dieu demeure sur lui
  3. 4, 14 mais qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif; l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle
  4. 5, 24 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie.
  5. 5, 25 : En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient - et c’est maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront.
  6. 5, 26 : Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même
  7. 5, 28-29 : N’en soyez pas étonnés, car elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et sortiront: ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement
  8. 6, 27 : Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, car c’est lui que le Père, Dieu, a marqué de son sceau
  9. 6, 33 : car le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde
  10. 6, 40 : Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour
  11. 6, 47 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la vie éternelle
  12. 6, 54 : Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour
  13. 8, 12 : De nouveau Jésus leur adressa la parole et dit: "Je suis la lumière du monde. Qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie
  14. 10, 28 : je leur donne la vie éternelle; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main
  15. 14, 6 : Jésus lui dit: "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie
  16. 17, 1-2 : Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, il dit: "Père, l’heure est venue: glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie et que, selon le pouvoir que tu lui as donné sur toute chair, il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés!
  17. 17, 3 : Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
  18. 1 Jean 1, 2 : car la Vie s’est manifestée: nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle, qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue
  19. 1 Jean 2, 24-25 : Pour vous, que ce que vous avez entendu dès le début demeure en vous. Si en vous demeure ce que vous avez entendu dès le début, vous aussi, vous demeurerez dans le Fils et dans le Père. Or telle est la promesse que lui-même vous a faite: la vie éternelle.
  20. 1 Jean 3, 14 : Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort
  21. 1 Jean 5, 12 : Qui a le Fils a la vie; qui n’a pas le Fils n’a pas la vie

On peut regrouper les passages sur la vie en trois catégories.

  1. La vie est la réalité même de Dieu, en quelque sorte sa substance (texte a). En partageant l’être de Dieu, Jésus voit son être défini aussi par la vie (texte f). Mais ce qu’il y a de spécifique dans cette vie qu’est Jésus, est qu’elle permet au monde de trouver tout son sens, et donc elle est sa lumière (textes a et o). Et ceux qui accueillent cette lumière sont par la suite en mesure de témoigner que Jésus est la vie même de Dieu, la vie même du Père, et donc une vie éternelle qui ne peut pas disparaître (texte r).

  2. La vie est une réalité future. C’est en pointant vers l’avenir que Jésus dit à la Samaritaine : « l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle » (texte c); la vie éternelle existe, mais pas pour tout de suite (voir aussi texte h). Cette vie ne semble offerte que par delà la mort, puisqu’il parle des morts qui « entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (texte e). Pour être plus explicite, cette vie éternelle future est liée à une résurrection des morts (textes e, g, j, l).

  3. La vie est une réalité présente : « Qui croit au Fils a la vie éternelle » (texte b). Puisque la vie est l’être même de Dieu, accueillir la parole de Dieu en Jésus est l’équivalent d’accueillir la vie, si bien que le croyant est déjà passé de la mort à la vie (texte d; voir aussi k, s, t, u). La même chose est dite de celui qui accueille le pain de vie (textes i et l).

  4. Et pour compliquer le tout, il y a des phrases hybrides, i.e. qui font référence en même temps à un présent et à un futur. Un exemple typique : « je leur donne la vie éternelle; elles ne périront jamais et nul ne les arrachera de ma main » (texte n); la phrase commence par un présent (donne) et se termine par des futurs (périront, arrachera). Il y a donc un « déjà » et un « pas encore » (voir aussi les textes b, j, l).

Comment démêler tout cela? Puisque Jésus partage la vie même de Dieu, accueillir sa parole dans la foi et s’attacher à sa personne permet à cette vie de prendre racine en nous, et par là d’orienter notre être pour qu’il prenne le même chemin, qu’il traverse la mort physique de la même façon et ressuscite à une réalité nouvelle de la même façon. Il y a même plus. Cette résurrection finale semble survenir maintenant, et n’est plus repoussée à la fin des temps : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’heure vient - et c’est maintenant - où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront » (texte e). Ce maintenant est lié à la mort/résurrection de Jésus.

Dans cette séquence qui va de la foi à la résurrection des morts, on saisit le rôle fondamental du point de départ : la foi. C’est l’une des clés pour comprendre cette phrase énigmatique : « Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi, le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (texte q); en Jésus on découvre qui est Dieu, et en découvrant qui est Dieu, on découvre le chemin qui conduit à la vie, puisque Dieu est vie. On comprend maintenant mieux la finale de l’évangile : « et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » (20, 31).

v. 17 Car Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit libéré par lui.

Littéralement : Car n’a pas envoyé (apesteilen) Dieu le fils dans le monde (kosmon) afin qu’il juge (krinē) le monde, mais afin que soit sauvé (sōthē) le monde par lui.

apesteilen (il a envoyé)
Cette formule où Dieu envoie quelqu’un se retrouve fréquemment dans l’Ancien Testament. Elle décrit la conviction qu’un homme a été choisi par Dieu pour accomplir une mission, habituellement un prophète.
  • Isaïe 61, 1 : L’esprit du Seigneur Yahvé est sur moi, car Yahvé m’a donné l’onction; il m’a envoyé (apostellō) porter la nouvelle aux pauvres, panser les coeurs meurtris, annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance
  • Exode 5, 22 : Moïse retourna vers Yahvé et lui dit: "Seigneur, pourquoi maltraites-tu ce peuple? Pourquoi m’as-tu envoyé (apostellō)? "
  • Genèse 45, 8 : (C’est Joseph qui parle) Ainsi, ce n’est pas vous qui m’avez envoyé (apostellō) ici, c’est Dieu, et il m’a établi comme père pour Pharaon, comme maître sur toute sa maison, comme gouverneur dans tout le pays d’Égypte

Jésus est présenté comme quelqu’un qui a avait une mission à remplir. Le terme « envoyé » est utilisé de manière synonyme à celui de « donner » au verset précédent. Le mot « donner » prend tout son sens quand l’accent est sur le fait que Jésus est le fils unique de Dieu, tandis que le mot « envoyé » prend tous son sens quand l’accent est sur la mission.

kosmon (monde)
Dans le quatrième évangile, le terme revêt plusieurs sens.
  • C’est d’abord le lieu où vivent les hommes et où se joue le drame humain. Il est donc normal que l’intervention de Dieu se situe dans ce contexte : « Il venait dans le monde » (Jn 1, 9; voir 33, 19; 11, 27; 12, 46).
  • Et si Dieu intervient, c’est parce qu’il aime l’humanité (Jn 3, 16), et il enverra ses disciples dans le monde (Jn 17, 18) afin que tous soient un (Jn 17, 21) et qu’ils sachent qu’ils sont aimé comme Jésus est aimé de son Père (Jn 17, 23).
  • Mais par contre, d’autres passages de l’évangile représentent le monde comme une force mauvaise qui s’oppose à Jésus : le monde n’a pas reconnu l’envoyé de Dieu (Jn 1, 10), le monde hait Jésus parce qu’il témoigne que ses oeuvres que sont mauvaises (Jn 7, 7), le monde ne reconnait pas et ne reçoit pas l’Esprit de Vérité (Jn 14, 17), le monde hait non seulement Jésus, mais également ses disciples (Jn 15, 18), ce monde est dominé par un Prince (Jn 16, 11).
Ainsi, le terme « monde » a de multiples sens selon le contexte, désignant tantôt le milieu où s’exerce la mission de Jésus, tantôt la réalité qu’il veut illuminer et transformer au point de l’associer à son intimité avec Dieu, tantôt le groupe des gens qui refusent sa parole et la prennent en haine.

krinē (il juge)
Le verbe grec krinō signifie d’abord séparer, distinguer, ordonner, discerner (le bien et le mal), d’où juger, prendre une décision, aller en justice, accuser, condamner. Et son substantif krisis signifie un jugement, une sentence, une décision, une accusation, un procès. Il existe un autre substantif apparenté, krima, qui signifie un jugement, un verdict, une poursuite, une condamnation. Pour comprendre et bien interpréter ces mots dans l’évangile de Jean, il faut se rappeler que tout l’évangile constitue un immense procès. Considérons une liste de textes (selon la Bible de Jérusalem).

  1. Jean 3, 19 : Et tel est le jugement (krisis) : la lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, car leurs oeuvres étaient mauvaises.
  2. Jean 5, 22 : Car le Père ne juge (krinō) personne; il a donné au Fils le jugement (krisis) tout entier
  3. Jean 5, 24 : Celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle et ne vient pas en jugement (krisis), mais il est passé de la mort à la vie
  4. Jean 5, 27 : et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement (krisis) parce qu’il est Fils d’homme.
  5. Jean 5, 29 : (l’heure vient où les morts sortiront de leurs tombeaux) ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement (krisis)
  6. Jean 5, 30 : Je juge (krinō) selon ce que j’entends : et mon jugement (krisis) est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé
  7. Jean 8, 15 : Vous, vous jugez (krinō) selon la chair; moi, je ne juge (krinō) personne;
  8. Jean 8, 16 : et s’il m’arrive de juger (krinō), moi, mon jugement (krisis) est selon la vérité, parce que je ne suis pas seul; mais il y a moi et celui qui m’a envoyé;
  9. Jean 8, 26 : J’ai sur vous beaucoup à dire et à juger (krinō); mais celui qui m’a envoyé est véridique et je dis au monde ce que j’ai entendu de lui. »
  10. Jean 9, 39 : Jésus dit alors : « C’est pour un discernement (krima) que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
  11. Jean 12, 31 : C’est maintenant le jugement (krisis) de ce monde; maintenant le Prince de ce monde va être jeté dehors;
  12. Jean 12, 47 : Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge (krinō) pas, car je ne suis pas venu pour juger (krinō) le monde, mais pour sauver le monde
  13. Jean 12, 48 : Qui me rejette et n’accueille pas mes paroles a quelqu’un qui le juge (krinō) : la parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui le jugera (krinō) au dernier jour
  14. Jean 16, 8 : Et lui (le Paraclet), une fois venu, il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement (krisis)
  15. Jean 16, 11 : de jugement (krisis), parce que le Prince de ce monde est jugé (krinō) .

La lecture de ces textes peut apparaître déroutante, car Jésus semble affirmer en même temps une chose et son contraire : il ne juge pas et il juge. Et le jugement dont il s’agit ici a surtout le sens de condamnation. Essayons de clarifier les choses. Dans le Judaïsme, et surtout dans la tradition apocalyptique, on attend le jugement final de Yahvé qui détruira par le feu et l’épée ceux qui font le mal, et rassemblera tous les autres auprès de lui (Isaïe 66, 16). Le prophète Daniel évoque ce jugement final qui accompagne la fin des temps où la grande bête et les autres bêtes sont exterminées, tandis que le règne éternel du Fils de l’homme est inauguré et que le royaume est donné aux saints, après que l’Ancien eut rendu son jugement (Daniel 7, 9-26). Ces textes mentionnent donc une confrontation finale entre Dieu et l’humanité pécheresse, une confrontation prévue pour ce Jour de Yahvé. Lors de ce Jour, tous ressusciteront pour recevoir leur sentence, les uns pour la vie, les autres pour la mort éternelle. Ce jugement, les opprimés et les esclaves des païens l’appellent de tout leur coeur (Psaume 140, 13). Et quand Jean Baptiste amorcera sa prédication, il parlera de la « Colère prochaine » et invitera les gens à la conversion en préparation de ce jugement de Dieu.

Or, selon l’évangéliste Jean, cette confrontation finale entre Yahvé et l’humanité pécheresse est arrivée en Jésus, en particulier à travers sa mort en croix et sa résurrection, libérant le Paraclet ou l’Esprit Saint, et annonçant la fin des forces adverses. C’est ce que les biblistes appellent l’eschatologie (fin des temps) réalisée. Rassemblons les textes que nous avons signalés en cinq catégories :

  1. Tout d’abord, le Jugement de Dieu devient le Jugement de Jésus, car le Père a décidé de déléguer ce jugement final à Jésus, et Jésus est ce Fils de l’homme de la fin des temps dont parlait Daniel (textes b et d)

  2. Ensuite, à chaque fois que l’évangéliste affirme que Jésus juge, en utilisant le verbe au présent, il relie tout de suite cette action au fait qu’il ne fait qu’accomplir la volonté de celui qui l’a envoyé, et plus précisément il ne fait que redire ce qu’il a entendu de Celui qui est la Vérité par excellence (textes f, h et i); c’est le même vocabulaire qu’on retrouve quand Jésus affirme que sa parole n’est pas la sienne, mais celle qu’il a entendu auprès du Père

  3. Tout cela nous met sur la piste que c’est en tant que parole ou Verbe ou lumière que Jésus juge, non pas au sens de condamner, mais au sens de révéler les coeurs, d’opérer un discernement, de distinguer ceux qui veulent de cette lumière et ceux qui n’en veulent pas, car ils ont déjà fait des choix de vie contraire (textes a et j).

  4. C’est pourquoi Jésus peut définir son rôle comme quelqu’un qui n’est pas venu pour condamner, mais pour sauver : car tous ceux qui accueillent sa lumière connaîtront une libération (textes g et l)

  5. Par contre, en révélant qui est Dieu, et donc ce qu’est la Vérité et la Lumière, il force une partie de l’humanité à prendre position et à s’affirmer contre Dieu, et par là à se ranger parmi ceux qui ressusciteront pour la mort éternelle. C’est exactement ce qui avait été prévu pour la fin des temps et qui est maintenant arrivé. L’Esprit Saint, le Paraclet, libéré à la suite de la mort de Jésus, continuera son oeuvre et révélera qui est destiné pour cette mort éternelle et finalisera le jugement final (textes c, e, k, m, n, o)

sōthē (il soit sauvé)
Jean n’est pas un grand utilisateur du verbe grec sōzō qu’on traduit habituellement par « sauver » et que j’ai traduit par « libérer ». Essayons de comprendre ce qu’il entend par ce mot.
  1. Jean 4, 22 : Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut (sōtēria) vient des Juifs
  2. Jean 4, 42 : nous (les Samaritains) l’avons nous-mêmes entendu et nous savons que c’est vraiment lui le sauveur (sōtēr) du monde.
  3. Jean 5, 34 : Non que je relève du témoignage d’un homme (Jean Baptiste); si j’en parle, c’est pour que vous soyez sauvés (sōzō)
  4. Jean 10, 9 : Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé (sōzō); il entrera et sortira, et trouvera un pâturage.
  5. Jean 12, 47 : Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge pas, car je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver (sōzō) le monde

L’ensemble des passages cités ont un point commun : ils font référence à la parole de Jésus (textes b, d et e) et au fait qu’il est envoyé de Dieu (textes c). En effet, c’est en écoutant Jésus que les Samaritains déclarent qu’il est Sauveur du monde (texte b). C’est en écoutant sa voix que les brebis reconnaissent le bon pasteur et le suivent, et peuvent ainsi recevoir leur pâturage (texte d). C’est en accueillant sa parole et en la gardant comme lumière sur le monde qu’une personne aura la vie éternelle et sera sauvée (texte e). Enfin, le témoignage de Jean Baptiste visait à assurer les Juifs que Jésus était l’envoyé de Dieu, et donc que sa parole est celle même de Dieu (texte c). Fondamentalement, cette parole ouvre sur un chemin de vie qui, ultimement, les arrachera à la mort. En cela, elle sauve. Dans la liste des textes cités, seul le premier (texte a) fait bande à part. Il porte peut-être la marque du rédacteur final (voir M. E. Boismard, A. Lamouille, Synopse des quatre évangiles, T. III - L’évangile de Jean : Paris, Cerf, 1977, p. 144.); ce dernier, en utilisant le mot sōtēria unique dans tout l’évangile, tient à rappeler que le peuple Juif demeure le peuple choisi par Dieu, celui qui a tracé le chemin de la venue Jean Baptiste et celui de Jésus sauveur (voir ce que dit Luc en Actes 13, 23 (C’est de sa descendance que, suivant sa promesse, Dieu a suscité pour Israël Jésus comme Sauveur) et Paul en Romains 9, 4-5 (eux qui sont Israélites, à qui appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et aussi les patriarches, et de qui le Christ est issu selon la chair, lequel est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement! Amen. )

v. 18 Celui qui croit en lui n’est pas condamné. Mais celui qui ne croit pas en lui s’est condamné lui-même, car il n’a pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu.

Littéralement : le croyant en lui n’est pas jugé. Mais le non croyant déjà a été jugé, car il n’a pas cru dans le nom de l’unique engendré fils de Dieu.

 
Ce verset résume tous les thèmes développés aux deux versets précédents : croire (pisteuō), juger/condamner (krinō), fils unique de Dieu (monogenēs). D’entrée de jeu, il crée une opposition entre deux types de personnes, ceux qui croient et ceux qui ne croient pas. Comme nous l’avons précisé plus haut, croire c’est ultimement accepter de dire que Jésus vit une telle intimité avec Dieu qu’il peut porter le même titre qu’on attribue à Dieu dans la Bible : Je Suis. C’est d’ailleurs ce qu’entend la fin du verset en précisant ce qu’a rejeté l’incroyant, i.e. le fils unique de Dieu. Ce qui peut étonner, c’est que l’évangéliste parle de deux catégories de personne pour les situer par rapport au jugement, entendu au sens de condamnation : les premiers échappent à la condamnation, les autres n’y échappent pas. Le parallélisme est saisissant :
Celui qui croit en luin’est pas condamné
Celui qui ne croit pas en luis’est condamné lui-même

On aura remarqué, que l’évangéliste tient à préciser que ce n’est pas Dieu ou Jésus qui condamne, mais c’est l’incroyant qui se met lui-même hors du chemin du salut. Ça ne fait qu’accentuer le côté vital de la foi pour trouver la vie et échapper à la mort.

  1. Analyse de la structure du récit

    • Quand on suit la logique de ces trois versets, on peut les décomposer ainsi :

      En effet, Dieu (theos) a aimé (agapaō) le monde (kosmos) de cette façon:

      il a donné (didōmi) son fils (huios) unique (monogenēs),

      afin que quiconque croit (pisteuō) en lui ne meure (apollymi) pas,
      mais ait une vie (zōē) sans fin.
      Car Dieu (theos) n’a pas envoyé (apostellō) son fils (huios) dans le monde (kosmos) pour condamner (krinō) le monde (kosmos),
      mais pour que le monde (kosmos) soit libéré (sōzō) par lui.
      Celui qui croit (pisteuō) en lui n’est pas condamné (krinō).
      Mais celui qui ne croit (pisteuō) pas en lui s’est condamné (krinō) lui-même,

      car il n’a pas mis sa confiance (pisteuō) dans la personne du fils (huios) unique (monogenēs) de Dieu (theos).

    • Nous retrouvons d’une certaine façon une inclusion sémitique où la fin reprend le début et les versets se répondent de manière parallèle, ce que nous avons souligné par les couleurs semblables. La structure pourrait donc être présentée comme ceci :

      Introduction : voici la façon dont Dieu a aimé le monde

      A1 Action centrale de Dieu : il a donné son fils unique B1 : Réponse attendue de la personne: le recevoir dans la foi pour ne pas mourir mais avoir la vie C : Signification de la mission du fils dans le monde, non pas pour condamner, mais pour libérer B2 : Résultat de la réponse de la personne: qui croit n’est pas condamné, qui ne crois pas se condamne lui-même A2 Conclusion sur la réponse humaine : n’a pas reçu dans la foi ce fils unique de Dieu

      Dans une inclusion, la clé se trouve dans la phrase au centre, en l’occurrence C : la mission du fils dans le monde en est une de libération ou de salut. Alors que la phrase clé est centrée sur le monde, donc relève d’une affirmation générale, ce qui précède et ce qui suit sont tous deux centrés sur la personne individuelle, et plus particulièrement sur la condition pour accéder à ce salut. Dans ce qui précède (B1), l’accent est positif : qui accepte de croire échappera à la mort et connaîtra la vie. Dans ce qui suit (B2), l’accent est plutôt négatif en ce qu’il porte sur le risque de la condamnation, auquel échappe le croyant, mais que connaîtra ce qui ne croit pas. Le tout se termine par une conclusion (A2), le refus de recevoir dans la foi ce fils unique, qui reprend le début (A1) présentant le don ou l’envoi de ce fils unique.

    • Nous avons ici un reflet typique du style du quatrième évangile. Le vocabulaire est restreint à un certain nombre de mots clés : amour, vie, condamner/juger, croire, fils unique, envoi. Ces mots sont repris de manière rythmique telle une chanson ou un poème, tantôt avec un accent positif, tantôt avec un accent négatif. Et ils soutiennent cette structure de l’inclusion où la fin et le début se répondent et que l’évangéliste utilise fréquemment.

    • Nous avons fondamentalement ici une reprise des idées du prologue : « Il était dans le monde, et le monde fut par lui, et le monde ne l’a pas reconnu... Mais à tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu... » (1, 11-12). Le présupposé de départ est que l’humanité vit dans une forme de ténèbres, et Dieu doit intervenir pour partager son être dans la personne de son fils pour l’éclairer et lui montrer le chemin de vie, mais que cette lumière ne peut être accueillie que dans la foi, et ceux qui s’y refusent se condamne à la mort.

  2. Analyse du contexte

    Nos trois versets sont un élément de la conversation de Jésus avec Nicodème. D’après ce qui précède (Jn 2, 23-25), Jésus se trouve à Jérusalem à l’occasion de la fête de Pâque. D’après le narrateur, beaucoup de gens croient en lui à la vue des signes qu’il opère, mais Jésus n’y voit rien de profond et ne se laisse pas leurrer par cette attitude. C’est à ce moment que se présente Nicodème, un Pharisien bien disposé à l’égard de Jésus et membre du Sanhédrin. Considérons la séquence du dialogue (en rouge les trois versets que nous analysons).

    • Introduction : Nicodème vient de nuit voir Jésus
    • Nicodème (affirmation) :
      • Tu es un maître envoyé par Dieu
      • Raison : seul quelqu’un envoyé par Dieu peut faire ces signes
    • Jésus (réponse)
      • Pour voir le Royaume de Dieu, il faut naître d’en-haut
    • Nicodème (question)
      • Comment naître une deuxième fois si on est vieux?
    • Jésus (réponse)
      • Il faut naître d’eau et d’Esprit pour entrer dans le Royaume de Dieu
      • Dans la naissance charnelle, on reste charnel, tandis que dans la naissance de l’Esprit, on devient esprit
      • Avec cette dernière naissance s’amorce un chemin unique qui échappe aux autres, tout comme le mouvement du vent
    • Nicodème (question)
      • Comment cela se passe-t-il?
    • Jésus (réponse)
      • Tu es un maître du Judaïsme, et tu ignores cela?
      • Le témoignage de Jésus et de ses disciples sur ce qu’ils savent et ont vu n’est pas reçu dans le Judaïsme
      • Si on refuse de croire aux choses accessibles, il sera encore plus difficile encore de croire aux choses du monde de Dieu
      • Pourtant, seul Jésus, Fils de l’homme, a accès au monde de Dieu, le monde d’en haut
      • De la même manière que Moïse a élevé le serpent d’airain dans le désert pour que les Juifs échappent à la mort et aient la vie, ainsi Jésus sera élevé sur la croix afin que le croyant ait la vie éternelle à travers lui
      • Nous avons ici l’expression de l’amour de Dieu pour le monde : il donné son fils pour que le monde ait la vie et ne périsse pas, à condition de répondre par un accueil dans la foi
      • Malheureusement, les hommes ont refusé de croire et on préféré les ténèbres parce qu’ils ne voulaient voir leurs actions mauvaises démasquées
      • Mais quiconque agit dans la vérité accueille dans la foi cette lumière, car ses actions sont inspirées par Dieu.

      Ainsi se termine cette conversation avec Nicodème sans qu’on ait de réaction finale de ce dernier. Le narrateur nous amène tout de suite dans le pays de Judée où Jésus, comme Jean Baptiste, baptise dans la région du Jourdain (Jean 3, 22-23).

    • Que retenir de ce contexte? Cette longue scène commence en mentionnant qu’il fait nuit, et se termine en introduisant ceux qui viennent à la lumière, car leur actions sont inspirées par Dieu. Entre ce début et cette fin, il y a un enseignement progressif par Jésus et introduit par des questions de Nicodème. Même si ce dernier reconnaît en Jésus un homme de Dieu, ce n’est pas suffisant. Il faut l’intervention de l’Esprit de Dieu qui transforme la personne, comme s’il lui donnait une nouvelle naissance. La personne ainsi transformée est non seulement en mesure d’accueillir la parole de Jésus, mais d’accueillir sa mort en croix comme passage à la vie. Tout cela est l’expression de l’amour de Dieu pour le monde afin qu’il ait accès à la vie. Mais l’accès à cette vie relève de l’accueil dans la foi, et la réponse dépend des individus : malheureuse, une bonne partie on refusé cet accueil dans la foi, préférant la mort et les ténèbres, car ils ne voulaient pas s’écarter de leurs actions mauvaises; mais les autres on accueilli dans la foi cette vie, car déjà leurs actions étaient inspirées par Dieu.

    • Quand on regarde le contexte immédiat de nos trois versets, on note que Jésus fait allusion à sa mort en croix, afin d’être ainsi source de la vie éternelle. C’est ainsi que notre péricope devient une explication de mort sur la croix : il s’agit de l’expression de l’amour de Dieu qui a offert son fils unique pour que tous aient accès à la vie éternelle, moyennant l’accueil dans la foi de cette réalité. Autrement, c’est la mort qui attend tous ceux qui refusent cet accueil dans la foi. Par la suite, dans le contexte qui suit, Jésus essaie d’expliquer pourquoi tant de gens ont refusé cet accueil dans la foi, tout en terminant sur une note d’espoir en parlant de ceux qui ont accueilli cette vie. Ainsi les trois versets de notre péricope amorce la réflexion théologique sur le sens de la mort de Jésus et ses conséquence pour nous : un don de vie et un appel à la foi.

  3. Analyse des parallèles

    Comme nous en avons l’habitude avec le quatrième évangile, il n’existe pas de parallèle avec les récits synoptiques. Mais nous pouvons trouver des parallèles avec d’autres récits de la tradition johannique, en particulier un passage de la première lettre de Jean et un autre du quatrième évangile lui-même. Nous soulignons les expressions semblables.

    1 Jean 4, 9 Jean 3, 16-18 Jean 12, 46-48
    En ceci s’est manifesté l’amour (agapē) de Dieu (theos) pour nous: Dieu a envoyé (apostellō) son Fils (huios) unique (monogenēs) dans le monde (kosmos) afin que nous vivions (zaō) par lui. 16 Car Dieu (theos) a tant aimé (agapaō) le monde (kosmos) qu’il a donné son Fils (huios) unique (monogenēs), afin que quiconque croit (pisteuō) en lui ne se perde pas, mais ait la vie (zōē) éternelle. 46 Moi, lumière, je suis venu dans le monde (kosmos), pour que quiconque croit (pisteuō) en moi ne demeure pas dans les ténèbres.
    17 Car Dieu (theos) n’a pas envoyé (apostellō) son Fils (huios) dans le monde (kosmos) pour juger (krinō) le monde (kosmos), mais pour que le monde (kosmos) soit sauvé (sōzō) par lui. 47 Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde pas, je ne le juge (krinō) pas, car je ne suis pas venu pour juger (krinō) le monde (kosmos), mais pour sauver (sōzō) le monde.
    18 Qui croit (pisteuō) en lui n’est pas jugé (krinō); qui ne croit (pisteuō) pas est déjà jugé (krinō), parce qu’il n’a pas cru (pisteuō) au Nom du Fils (huios) unique (monogenēs) de Dieu (theos). 48 Qui me rejette et n’accueille pas mes paroles a son juge (krinō): la parole que j’ai fait entendre, c’est elle qui le jugera (krinō) au dernier jour;

    • Le premier parallèle apparaît avec la première lettre de Jean (1 Jn 4, 29) et Jean 3, 16 où on retrouve la même idée : Dieu a montré son amour pour le monde en envoyant son fils unique afin que nous trouvions la vie à travers lui.
      • Dans le premier cas, il s’agit d’une lettre. Il est normal que l’auteur s’adresse directement à son auditoire, et donc parle d’amour « pour nous » et utilise l’expression : « que nous vivions par lui ».
      • Par contre, notre péricope, Jean 3, 16-18, a un style plus neutre alors qu’il parle « d’aimer le monde » et d’avoir la vie éternelle de manière générale.
      • Mais dans les deux cas, l’existence de Jésus est présentée comme une action d’amour de Dieu, une action décrite comme un envoi dans le premier cas, un don dans le deuxième cas. Et le but de cette action est la même : donner la vie à l’humanité.
      • La plus grande différence vient de ce que notre péricope précise la condition pour accéder à cette vie, i.e. croire, et l’enjeu de la foi, i.e. ne pas périr. Il est clair que l’auteur de la lettre connaissait notre passage de l’évangile de Jean, car il reprend une partie de son vocabulaire et de ses expressions : action de Dieu motivée par l’amour (agapaō), centrée sur l’envoie du fils (huios) unique (monogenēs), expression peu fréquente qu’on ne retrouve nulle part ailleurs sauf dans cette lettre et dans l’évangile de Jean, dont le but est de donner la vie (zōē), ou plutôt que nous vivions par lui (diʼ autou).

        Résumons ainsi ce parallèle :

        1 Jn 4, 9 Jean 3, 16-18
        Action de Dieu : envoie son fils unique dans le monde
        Motif : par amour
        Réponse positive : implicite (communauté chrétienne)
        But : vivre par lui
        Action de Dieu : donne son fils unique au monde
        Motif : par amour
        Réponse positive : la foi
        But : obtenir la vie éternelle / ne pas périr
        Action de Dieu : envoie son fils dans le monde
        But : non pas pour juger le monde, mais qu’il soit sauvé par lui.
        Réponse positive : foi en Jésus
        Conséquences : échappe au jugement
        Réponse négative : non foi
        Conséquences : est déjà jugé
      • Comme nous pouvons l’observer, nos deux textes présentent de la même façon l’action de Dieu, son motif, son but. Mais dans le cas de Jean 3, 16-18, la perspective n’est pas seulement le croyant, mais également l’incroyant, et doit donc présenter pour ces deux catégories de personnes les conséquences de l’action de Dieu : le salut pour les premiers, la condamnation pour les seconds. Et pour préparer la présentation de ces conséquences, il doit introduire la notion de condamnation au verset précédent pour rappeler que le but de l’action de Dieu demeure toujours le salut, non la condamnation.

    • Le deuxième parallèle se retrouve dans le discours de Jésus en Jean 12 où apparaissent les quatre expressions clés : monde (kosmos), croire (pisteuō), juger (krinō), sauver (sōzō).

      Examinons la dynamique des deux récits.

      Jean 3, 16-18Jn 12, 46-48
      Action de Dieu : donne son fils unique au monde
      Motif : par amour
      Réponse positive : la foi
      But : obtenir la vie éternelle / ne pas périr
      Action de Jésus : il est venu dans le monde
      Motif: implicite (souci pour le monde)
      Réponse positive : la foi
      But : apporter la lumière / ne pas rester dans les ténèbres
      Action de Dieu : envoie son fils dans le monde
      But : non pas pour juger le monde, mais qu’il soit sauvé par lui
      Réponse négative : entend, mais ne garde pas ses paroles
      Conséquences : n’est pas jugé
      But : non pas juger, mais sauver
      Réponse positive : foi en Jésus
      Conséquences : échappe au jugement
      Réponse négative : non foi
      Conséquences : est déjà jugé
      Réponse négative : rejette et n’accueille pas
      Conséquences : sera jugé par les paroles de Jésus au dernier jour

      • On note un certain nombre de différences. Le sujet de l’action n’est plus le même : en Jean 3 il s’agit de Dieu, en Jean 12 il s’agit de Jésus.
      • Le but de cette action en Jean 3 est de ne pas périr, mais d’obtenir la vie éternelle, ce qui est synonyme d’être sauvé. En Jean 12, le but de cette action est de ne pas rester dans les ténèbres, mais d’obtenir la lumière, ce qui est synonyme d’être sauvé.
      • En Jean 3, l’accent est sur l’action de Dieu et les différentes réponses possibles, tant positives que négatives, ainsi que leurs conséquences. Et cette réponse se prend par rapport à l’accueil général de Jésus. En Jean 12, l’accent est sur les réponses négatives, d’abord moins graves de ceux qui écoutent, mais laissent tomber ce qu’ils ont entendu, ensuite plus graves de ceux qui expriment carrément leur rejet. Et cette réponse se prend par rapport aux paroles de Jésus.
      • En Jean 3, les conséquences de la réponse sont immédiates, tandis qu’en Jean 12 les conséquences se feront sentir lors de la fin des temps.
      • Malgré certaines différences, l’idée centrale est la même :
        1. Il s’agit d’expliquer la signification de la mission de Jésus
        2. Cette mission est au service de l’être humain, non contre lui
        3. Cette mission est essentielle pour l’être humain : qu’on parle de vie éternelle ou de lumière, ce qu’apporte Jésus est vital. Dans le premier cas, on utilise l’analogie de la vie biologique où existe un contraste entre la mort et la vie, dans le deuxième cas on utilise l’analogie de la lumière physique où existe un contraste entre les ténèbres et la lumière. Dans le premier cas, l’analogie essaie de traduire deux situations humaines, celui d’un être qui ne donne pas sa mesure, et celui qui est pleinement et authentiquement humain. Dans le deuxième cas, l’analogie essaie de traduire deux situations humaines, celui d’un être dans l’ignorance, et celui d’un être qui possède la connaissance.
        4. Pour avoir accès à ce don vital, il y a une condition : y répondre par la foi, qui prend la forme de l’accueil de la personne de Jésus dans le premier cas, de l’accueil de sa parole dans le deuxième cas.
        5. Enfin, il y a des conséquences à la réponse humaine : qui refuse ce qui est offert est responsable de son sort.

  4. Intention de l'auteur en écrivant ce passage

    • Les biblistes placent habituellement la rédaction finale de l’évangile de Jean vers l’an 90 de l’ère chrétienne. Cela signifie qu’environ 60 ans se sont écoulés depuis la mort de Jésus, soit deux générations. Depuis la première catéchèse de Marc autour de l’an 67, la théologie a beaucoup évolué. La réflexion s’est poursuivie autour de la figure de Jésus, estompant quelque peu ses traits humains, et accentuant sa relation à Dieu. De plus, l’opposition à la foi chrétienne, en particulier de la part du Judaïsme, se fait énormément sentir, si bien que la communauté johannique apparaît quelque peu isolée. L’ensemble de l’évangile prend la forme d’un procès mettant en cause Chrétiens et Juifs et où une scission existe déjà.

    • Nos trois versets font partie de cet échange de Jésus avec Nicodème, un notable Pharisien, membre du Sanhédrin, à Jérusalem, à l’occasion de la fête de Pâques. L’évangéliste aime les symboles. Ce représentant du Judaïsme vient de nuit rencontrer Jésus : car les Juifs sont dans la nuit par leur attitude face à Jésus. La scène avec Nicodème n’est pas un véritable dialogue, car on ne connaîtra jamais le dénouement de cette rencontre; elle vise plutôt à présenter les conditions pour passer de la nuit à la lumière. En effet, au départ l’attention est sur les signes accomplis par Jésus, ce qui amène Nicodème, comme certains Juifs, à reconnaître que Jésus est soutenu par Dieu, à la manière des prophètes. Mais pour l’évangéliste, ces signes révèlent quelque chose de beaucoup plus profond, la présence du Royaume de Dieu. Voilà pourquoi Jésus affirme que pour voir ce Royaume, il faut une transformation radicale de la personne, une transformation que seul Dieu peut opérer par son Esprit et symbolisé par le baptême chrétien : « À moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ». Cette transformation permet de devenir la substance même de Dieu, de devenir Esprit, et par là s’amorce une route qui est unique et échappe à la majorité des gens. Et surtout, elle permet d’accueillir le témoignage chrétien, et en particulier la parole de Jésus. Or seul ce dernier peut révéler le projet de Dieu, entre autres, celui de transformer la mort ignominieuse en croix en source de vie. C’est à ce point-ci que se place nos trois versets pour expliciter ce projet de Dieu. Le discours de Jésus se termine sur une note pessimiste en disant que les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, tout en laissant la porte ouverte à tout chercheur de vérité.

    • Le contexte immédiat est donc celui de la mort ignominieuse de Jésus sur une croix, à la manière d’un bandit. Pour la première génération chrétienne, c’était un scandale qu’il était difficile d’aborder. Mais pour un Paul, ce scandale de la croix deviendra un sujet dont il ne se gênera pas de parler ouvertement et dont il voudra en faire sa fierté. Avec Jean, cette mort en croix deviendra une élévation et une glorification. Aux versets précédents (vv. 14-15), on peut lire : « Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’homme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle ». On fait ici allusion à la scène d’Exode 21, 6-9 où Moïse façonne un serpent d’airain qu’il place sur un étendard et qui avait la vertu de garder en vie les Juifs qui avait été mordu par un serpent venimeux dans le désert, pourvu qu’ils regardent ce serpent d’airain. L’évangéliste entend donc expliquer de la même façon cette élévation en croix qui donne la vie.

    • Tout d’abord, la présence de Jésus dans notre monde prend sa source dans une action d’amour de Dieu qui offre son fils unique comme Abraham offrant son fils Isaac. Ce fils est unique en ce qu’il partage une relation unique avec Dieu, en ce qu’il a accès à l’être même de Dieu, et donc peut en parler de manière unique. Ainsi, à travers ce don de Jésus, c’est à Dieu lui-même que nous avons accès, à sa manière de penser et d’agir. Par là, la mort en croix de Jésus n’est pas une catastrophe, mais un geste d’amour qui reflète Dieu.

    • Il ne faut donc pas regarder cette condamnation à mort historique de Jésus comme un geste coupable des Juifs, mais comme une source de vie. Car elle trace le chemin de l’amour véritable, de l’amour qui se donne jusqu’à mourir. L’amour crée la vie, si bien que l’amour et la vie deviennent synonymes. Il y a même plus : ils sont la substance même de Dieu. En cela, ils sont éternels. Et aimer, et vivre, ne sont pas simplement des actions extérieures, mais sont une réalité intérieure qui nous habite et où se vit l’intimité avec Dieu. Autrement, c’est la mort. Car l’être humain est fait pour Dieu, et ne pas partager cette intimité, c’est mourir.

    • Mais il y a une condition : c’est d’accueillir dans la foi cette réalité à travers la parole et la vie de Jésus, et donc accepter que Jésus reflète totalement la réalité de Dieu, pas seulement une partie. La foi est nécessaire, car cette réalité est trop déroutante pour qu’elle nous soit évidente. Aussi, celui qui croit échappe au sort qui attend tous ceux qui ne comprennent pas leur identité véritable et celle de Dieu, et donc entérine la mort historique de Jésus. En ce sens, la foi opère malheureusement un départage entre ceux qui sont capables de s’ouvrir à ce que représente Jésus, et ceux qui ont en sont incapables. Même si Dieu a voulu montrer en Jésus le chemin de vie, il s’est trouvé en même temps à identifier ceux qui ne voulaient pas de ce chemin.

    • En conclusion, à travers des mots très simples comme amour, vie, mort, jugement et foi, l’auteur traduit l’essentiel du drame humain. Jésus représente le coeur de Dieu, et en même temps le coeur de notre identité véritable. L’enjeu est de s’y ouvrir, de l’accepter, de prendre le même chemin, et par là trouver la vie. C’est ce que font certains, c’est ce que refusent d’autres, se condamnant eux-mêmes à la mort.

  5. Situations ou événements actuels dans lesquels on pourrait lire ce texte

    1. Suggestions provenant des différents symboles du récit

      Malgré un texte très court, nous nous retrouvons devant un symbolique très riche. Regardons quelques uns de ces symboles.

      • L’évangéliste parle d’une « vie sans fin ». Comme nous l’avons analysé, la vie est la substance même de Dieu. Aujourd’hui, plusieurs se posent la question : qu’est-ce que vivre? Certains affirment vivre pleinement leur vie; que font-ils exactement? D’autres, par contre, se plaignent de ne pas vivre, mais d’exister seulement. Notre expérience atteste qu’il y a des gens qui se disent vivants, mais qu’à l’intérieur d’eux ils sont morts. Or, l’évangéliste affirme que le rôle de Jésus est de donner la vie éternelle. Qu’est-ce que cela signifie pour nos vies?

      • Quand on parle de vie, on doit parler également de mort. Or, le rôle de Jésus est de veiller à ce que nous ne mourrions pas? Qu’est-ce que ça veut dire? Qu’est-ce qu’être mort dès maintenant? La mort a-t-elle plusieurs sens? Pouvons-nous identifier des gens autour de nous qui sont en fait morts, même si leur coeur bat encore? Qu’est-ce qui les caractérise?

      • « quiconque croit en lui ne meure pas », « qui ne croit pas en lui s’est condamné lui-même, car il n’a pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu ». Pour Jean, la foi est si fondamentale qu’elle est source de vie. Qu’est-ce donc que croire? Pourquoi est-ce si fondamental? Quelles sont les caractéristiques de la foi? Quelle serait la situation d’un monde où la foi n’existerait pas? Y a-t-il différentes sortes de foi?

      • « pour que le monde soit libéré par lui ». Qu’est-ce que cela signifie pour nos vies le mot « libérer » ou « sauver ». Ces deux mots présupposent une situation de détresse, d’emprisonnement, d’aliénation ou de risque imminent. Pouvons-nous en identifier? En quoi l’événement Jésus joue-t-il un rôle dans cette situation?

      • « qui ne croit pas en lui s’est condamné lui-même ». Est-ce possible que des gens se condamnent eux-mêmes par les choix qu’ils font? Pouvons-nous nommer des situations où des gens décident de s’exclure de la vie? De refuser de grandir et de devenir tout ce qu’ils peuvent être?

      • « son fils unique ». Qu’est-ce que cela signifie pour nous? Dieu, personne ne l’a vu. L’image la plus fidèle de Dieu nous vient de Jésus. Qu’est-ce que tout cela révèle de Dieu? Cela correspond-il à l’idée que nous nous en faisons?

    2. Suggestions provenant de ce que nous vivons actuellement

      • 301 mineurs tués en Turquie. La télévision nous présente des femmes en pleurs qui essaient de se soutenir mutuellement. La population a la rage au coeur. Comment les gens se sortiront-ils d’une telle tragédie. Comment l’évangile de ce jour peut-il apporter un réconfort et un chemin de vie?

      • La Serbie et la Bosnie sont aux prises avec les pires inondations du siècle dues à des pluies torrentielles. Des villes et des villages entiers sont sous l’eau. 12 doivent être évacués. Tout cela a enclenché 12 000 glissements de terrain. On signale 35 morts en 5 jours. Des milliers de gens se retrouvent sans toit. C’est une catastrophe nationale. Quelle parole pourrait être pertinente pour ces gens? Cette parole pourrait-elle venir de l’évangile?

      • 33 enfants meurent dans un autobus au nord de la Colombie. L’autobus ramenait à la maison 48 enfants, âgés de 2 à 13, après un service religieux dans une église pentecôtiste. Il s’agit d’une erreur du chauffeur qui a versé de l’essence dans le carburateur d’un moteur en panne pour le redémarrer. On peut imaginer les cris des parents. Se consoleront-ils un jour de ne pas voir leur enfant grandir? Les paroles de Jésus dans l’évangile peuvent-il éclairer une telle situation pour la transformer en source de vie?

      • Le journal annonce une perte de 26,000 emplois dans la province. Derrière ces statistiques, il y a des drames familiaux, des dépressions, des peurs et des angoisses. Est-il possible d’en sortir plus fort? Est-ce que l’évangile peut y contribuer?

      • Un nouveau rapport vient de révéler que les femmes autochtones souffrent beaucoup plus de violence que les autres femmes au Canada. Le nombre d’homicide à leur égard demeure très élevé. Tout cela est le signe d’un mal plus profond dont on saisit mal les paramètres. Que faire? La solution demande une approche à très long terme. Cette solution peut-elle être guidée par ce que l’évangile peut apporter?

 

-André Gilbert, Gatineau, mai 2014