![]() Sybil 1998 |
Le texte évangélique
Matthieu 16, 13-20 13 Quand Jésus parvint dans la région de Césarée de Philippe, il se mit à interroger ses disciples de cette façon : « Quelle est la perception des gens sur le nouvel Adam? » 14 Ceux-ci répondent : « Certains le voient comme Jean-Baptiste, d'autres comme Élie, et d'autres encore comme Jérémie ou un des prophètes. » 15 Alors Jésus leur demande : « Mais vous, que suis-je pour vous ? 16 Pierre prend la parole pour répondre : « Tu es le messie, le fils du Dieu vivant. » 17 Jésus réagit en disant : « Bravo, Simon fils de Jonas, car ce ne sont pas les conditions de ta nature humaine qui t'ont amené à découvrir cela, mais bien mon père qui habite l'au-delà, 18 et moi je te dis que, toi, tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai ma communauté de croyants, et les portes du monde des morts ne se refermeront jamais sur elle. 19 Je te donnerai les clés qui ouvrent sur le monde de Dieu, et cela fera en sorte que ce que tu exigeras en ce monde reflètera ce qui est exigé dans le monde de Dieu, et ce que tu permettras en ce monde reflètera ce qui est permis dans le monde de Dieu ». 20 À partir de ce moment, Jésus ordonna à ses disciples de ne dire à personne qu'il était le messie. |
Des études |
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Commentaire d'évangile - Homélie La religion peut-elle caricaturer Dieu? Le Nigeria, ce pays de l'Afrique de l'Ouest, a quelque chose de vraiment particulier: les gens s'identifient d'abord par leur religion, et leur citoyenneté n'arrive qu'en second lieu. Même si on y trouve autant de chrétiens que de musulmans, on essaie de soumettre tout le monde à la loi islamique de la sharia. On y évalue à environ 20,000 personnes le nombre de personnes tuées au nom de Dieu depuis 1990. Mais n'allons pas tout de suite mettre en cause l'Islam. Au Sri Lanka un conflit se prolonge entre bouddhistes et musulmans. Pendant ce temps, des chrétiens sont en colère au Canada à propos de la question de l'homosexualité et l'Église anglicane du Canada est sur le point de connaître un schisme. Un spécialiste des religions a dit récemment que les historiens affirmeront peut-être un jour que la religion aura été la première force vivifiante et destructrice de ce siècle. Comment expliquer tout cela ? Avec la globalisation des communications et les changements culturels rapides, ne vit-on pas une forme de crise d'identité ? Ce contexte permet d'entrer dans le vif du sujet de l'évangile de ce dimanche. « Qui suis-je pour les gens ? Qui suis-je pour vous ? » dit Jésus. Nous pouvons nous demander : mais pourquoi Jésus pose-t-il cette question à ce moment-ci ? Quand un homme ou une femme pose à son conjoint cette question : « Qui suis-je pour toi ? », très souvent c'est que la relation connaît des épreuves et il faut prendre position. On peut imaginer une situation semblable pour Jésus et ses disciples. Voyons de plus près. Un conflit a éclaté entre Jésus et les Pharisiens, ces laïcs juifs fervents, parce que les disciples de Jésus ne se lavent pas les mains quand ils prennent leur repas. Les ablutions des mains ou du corps font partie des nombreuses exigences de la loi religieuse. Jésus répond en affirmant que cette loi religieuse ne vient pas de Dieu, mais d'une tradition humaine. Il va même plus loin. Beaucoup de lois dites religieuses s'opposent carrément à ce que Dieu veut. Par exemple, on fera des dons au temple comme le demande la loi, et on négligera de s'occuper de ses parents qui ont besoin d'aide. Aussi conclura-t-il avec cette parole adressée aux disciples : « Éloignez-vous de l'influence des Pharisiens et des Sadducéens, cette famille sacerdotale associée au temple. » Comment, pensez-vous, les disciples de Jésus se sentent, eux qui sont pleins de ferveur religieuse, devant l'attitude de Jésus qui remet en question un grand pan de leur monde ? On comprend alors la pertinence de la question de Jésus : « Qui suis-je pour vous ? » La réponse de Pierre, vous la connaissez : « Tu es le Messie, le fils du Dieu vivant. » Mais il n'est pas évident de saisir toute la profondeur de cette affirmation. Celle-ci est mise en contraste avec d'autres personnages fameux : Jean-Baptiste, Élie, Jérémie. Tous ces gens étaient considérés comme des hommes de Dieu, des prophètes qui interpellaient le peuple pour le guider vers Dieu. Mais ce que Pierre dit va plus loin : « Tu es le visage même de ce Dieu que nous ne pouvons voir, tu es le reflet de la source de toutes nos vies. » Ne l'oublions pas, Pierre fait cette affirmation dans le contexte des controverses de Jésus avec ces gens qui tiennent à cette myriade de lois religieuses. En d'autres mots, Pierre dit : « Quand tu t'opposes à tous ces hommes religieux, à travers toi c'est Dieu-même qui s'oppose, et c'est la véritable image de Dieu que tu veux rétablir. » Quel est ce visage de Dieu que révèle Jésus ? Quelques jours auparavant, sur le bord du lac de Galilée, Jésus a guéri des boiteux, des aveugles, des estropiés et des muets. Puis, alors qu'une foule se rassemble autour de lui, il dit : « J'ai de la compassion pour cette foule qui est avec moi depuis trois jours et qui a faim. » Et avec ses disciples il réussira à nourrir 4,000 personnes avec le peu qu'ils avaient. Comment comprendre la réaction de Jésus à la foi de Pierre, quand il lui dit qu'il est la pierre sur laquelle il bâtira la communauté de croyants et lui promet les clés du monde de Dieu si bien que ce qu'il exigera en ce monde reflètera ce qui est exigé dans le monde de Dieu ? Parce que Pierre, représentant des croyants authentiques, est capable d'une vision juste de Dieu par-delà toutes ces caricatures provenant des traditions humaines et religieuses, il est en mesure de guider les gens vers Celui qui est la vie dans toute sa plénitude. Nous vivons des changements profonds à tous les niveaux. Dans notre recherche d'identité, la tentation est forte de revenir aux formules du passé ou de durcir certaines traditions religieuses. Cette tentation nous éloigne du vrai visage de Jésus, car nous ne faisons plus confiance à celui que Pierre a appelé « le fils du Dieu vivant ». La vraie vie est dans le présent, et non dans le passé.
-André Gilbert, Gatineau, avril 2008 |
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