![]() Sybil 2007 |
Le texte évangélique
Matthieu 4, 1-11 1 Alors Jésus fut poussé au désert par l’esprit où il fut mis à l’épreuve par le diable. 2 Après avoir jeûné pendant quarante jours et quarante nuits, finalement il eut faim. 3 Alors, après s’être approché de lui, le tentateur lui dit : « Si tu es fils de Dieu, transforme par ta parole ces pierres en pains ». 4 Mais Jésus lui répond par ces mots : « L’Écriture nous dit que l’homme ne peut vivre seulement de pain, mais aussi de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». 5 Alors le diable l’amène vers la ville sainte et il le place sur la corniche du temple, 6 puis il lui dit : « Si tu es fils de Dieu, jette-toi en bas, car l’Écriture dit : ‘Il donnera des ordres à tes anges pour te porter dans leurs mains, afin que ton pied ne se heurte pas contre une pierre’ ». 7 Mais Jésus lui déclara : « L’Écriture dit encore : ‘Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu’ ». 8 De nouveau, le diable l’amène vers une très haute montagne pour lui montrer tous les royaumes du monde et leur gloire. 9 Puis, il lui dit : « Tout cela je vais te les donner, si tu te mets à genoux et tu te prosternes devant moi ». 10 Mais Jésus lui dit : « Va-t’en, Satan. Car l’Écriture dit : ‘Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu et à lui seul tu rendras un culte’ ». 11 Dès lors, le diable le laissa tranquille, et voici que des anges s’approchèrent pour se mettre à son service. |
Des études |
![]() Nous aimerions contrôler notre environnement comme dans l'armée |
Commentaire d'évangile" - Homélie Qui sommes-nous comme être humain? Il me suffit d’ouvrir une page du journal d’aujourd’hui pour être exposé immédiatement à tous les travers des humains. Par exemple, cet entrefilet : La justice mauritanienne a fait arrêter mardi après-midi l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz à la veille du procès où il devra répondre d’accusations d’avoir abusé du pouvoir afin d’amasser une fortune immense, a indiqué un de ses avocats. Puis, à la page suivante, un dossier qui explique les émeutes au Pérou : Le 7 décembre, le Congrès péruvien, formé de 120 élus, devait voter sur la destitution de Pedro Castillo. Le président était accusé de corruption. En poste depuis juillet 2021, M. Castillo a décidé de dissoudre le Congrès avant ce vote, annonçant qu’il allait gouverner par décrets. Le geste a été dénoncé comme une tentative de coup d’État, entraînant sa destitution et son emprisonnement. L’accusation de corruption revient si souvent que c’est à se demander si ce n’est pas une pratique courante qui fait partie de l’être humain. En tout cas cette tentation est si forte que peu de gens y résistent. Mais qui sommes-nous comme être humain? Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est une entrée dans ce qu’est l’être humain que nous offre l’évangile de ce jour, appelé : récit de la tentation de Jésus. Pour bien lire ce récit, il faut remplacer le mot « Jésus » par « moi » ou « l’être humain ». Car ce récit est simplement une mise en scène, comme au théâtre, de l’ensemble de la vie de Jésus, nous donnant une vue intérieure des choix qu’il a dû faire comme être incarné, assumant notre vie humaine dans toutes ses dimensions. Le regarder, c’est nous regarder. Le récit se situe dans un lieu désertique, inhabité. Pourquoi? C’est dans le silence que nous sommes confrontés à nous-mêmes, aux choix que nous avons à faire, sans être distrait par le bruit des occupations. Le premier choix concerne notre corps, nos besoins biologiques. Nous avons besoin de manger et boire, et même de bien manger et de bien boire. Et nous avons des besoins sexuels qui font partie de notre être. Or, le tentateur propose à Jésus d’utiliser ses capacités pour les mettre au service de ces besoins-là. Où est le problème, puisque ce sont des besoins légitimes? Le problème est double. Tout d’abord, ce sont les seuls besoins identifiés, alors que nos besoins sont tellement plus larges. Parler de toute parole provenant de la bouche de Dieu comme le fait Jésus citant l’Écriture fait référence à tout ce que Dieu dit sur l’être humain : c’est un fils et une fille qui est aimé par un Père, qui veille sur chacun, lui confie une mission et veut l’intégrer dans un peuple. Ainsi, nous n’avons pas seulement besoin de nourriture, nous avons aussi besoin d’aimer et d’être aimé, de nous sentir important et soutenu, de percevoir que notre vie à un sens. Quand on oublie ces besoins-là, sciemment ou inconsciemment, les besoins du corps prennent toute la place avec toutes les distorsions possibles et une forme de mal de vivre. Il y a aussi un autre problème dans le choix proposé par le tentateur : les capacités sont orientées seulement vers nos propres besoins, en oubliant le besoin des autres. Or, la parole provenant de Dieu parle constamment du besoin de ses frères et sœurs. Voilà le premier choix à faire. Le deuxième choix concerne l’acceptation de la condition humaine. Quand le tentateur propose à Jésus de se jeter en bas de la corniche du temple, le plus haut bâtiment en Palestine, avec l’assurance que Dieu verra à ce qu’il n’y ait aucun impact sur son messie, il lui propose d’échapper à ce qui fait le propre de la condition humaine : la possibilité de mourir, la souffrance, les blessures, les handicaps, les accidents. Et nous aussi, comme nous aimerions à ne pas nous soucier de la mort, à ne jamais souffrir, à n’être jamais malade, à n’avoir jamais de peine, à ne subir aucun accident ou blessure, à ne pas vieillir, à ne jamais être diminué, à n’avoir jamais de handicap. Or, accepter la condition humaine, c’est accepter tout cela. Non pas qu’on veuille que tous ces malheurs viennent. Mais accepter la vie, c’est accepter ses peines comme ses joies. La réponse de Jésus fait référence au récit des Juifs ayant fui l’Égypte et qui, affamés et assoiffés, se plaignent de leur condition, et donc posent la question : Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? Les Juifs veulent alors soumettre Dieu à leur volonté, i.e. être Dieu. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le deuxième choix concerne la reconnaissance que nous ne sommes pas Dieu. Le troisième choix concerne un désir ancré extrêmement profondément en l’être humain, le désir de tout contrôler et donc d’exercer un pouvoir sur son destin. Le seul moyen de répondre à ce désir, c’est d’avoir autorité sur tout. Si on en croit le tentateur en montrant à Jésus tous les royaumes du monde, c’est ce que font tous les rois, les dictateurs ou les tyrans qui exercent l’autorité absolu sur leur royaume. Et si on en croit encore le tentateur, cette autorité ne vient pas de Dieu, mais de Satan lui-même, car une telle autorité s’exerce non pas par l’amour, mais par la peur, la répression, la violence et les exécutions sommaires. Or, en demandant à Jésus de se prosterner devant lui, le tentateur demande à Jésus de se soumettre à la logique du pouvoir qui s’exerce par la force, la peur et la violence. Un être humain qui se lance en politique est très tôt appelé à faire un choix de ce genre. Et nous-même, à petite échelle, nous n’aimons pas nous sentir vulnérable et voir notre destin entre les mains des autres : comme nous aimerions avoir prise sur tout. Il en est de même à l'échelle des entreprises et du gouvernement: on s'assure d'avoir le contrôle complet sur la chaîne d'approvisionnement. La réponse de Jésus au tentateur peut se résumer ainsi : Dieu seul sera une autorité absolue dans ta vie. Qu’est-ce à dire? Tout d’abord, je ne peux être une autorité absolue, et aucun être humain, incluant les gourous et les sages, ne peut être une autorité absolue. Ensuite, parler de l’autorité de Dieu c’est parler de l'autorité d'un mystère infini, et donc signifie que la recherche de vérité est une quête constante et jamais achevée, qui nous oblige à des dépassements ininterrompus, en nous basant sur la lumière laissée par Jésus et son Esprit d’amour répandu dans le cœur des humains. Bref, le troisième choix se fait entre l’autorité et le pouvoir à tout prix ou la foi toujours en marche et une confiance fondamentale en la vie. Le récit de Matthieu se termine avec le texte de Marc : suivant le départ de Satan ou diable, les anges de Dieu se mettent à son service, i.e. les besoins de Jésus seront vraiment comblés par Dieu tout au long de sa vie. Qui sommes-nous comme être humain avons-nous posé comme question. Il est cet être libre qui est constamment appelé à faire des choix. Quand un homme politique cède à la corruption ou exerce une répression, nous savons quel choix il a fait. L’évangile nous dévoile les choix qu’a fait Jésus. Quels sont les nôtres?
-André Gilbert, Gatineau, janvier 2023 |
Des thèmes |