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Sommaire
Une réponse simple est: non. Nous navons aucune donnée montrant que les Hérodiens auraient participé à larrestation et à la mort de Jésus. Par contre, il est tout à fait possible quHérode Antipas, qui a fait arrêter et exécuter Jean Baptiste, ait demandé à ses partisans ou ses fonctionnaires despionner cet homme qui attirait des foules et parlait dun royaume qui vient. Mais les deux références de Marc (3, 6; 12, 13) qui associent ces Hérodiens aux Pharisiens pour comploter sa mort ne peuvent pas remonter à un événement historique : ils sont le produit de lart théologique de Marc qui tient à encadrer le ministère de Jésus, au début dans le cycle de Galilée, et à la fin à Jérusalem, avec une référence symétrique à un complot politico-religieux.
Jésus et les groupes concurrents juifs : les Hérodiens
- Qui sont les Hérodiens?
Le mot grec Herodianoi napparaît jamais avant le 1ier siècle de lère chrétienne, et seulement dans lévangile de Marc, Mc 3, 6 (Étant sortis, les Pharisiens tenaient aussitôt conseil avec les Hérodiens contre lui, en vue de le perdre) et Mc 12, 13 (Ils lui envoient alors quelques-uns des Pharisiens et des Hérodiens pour le prendre au piège dans sa parole); le passage de Matthieu (22, 16) est dépendant de Mc 12, 13.
Notons que la forme du mot grec chez Marc ne représente pas la forme grecque normale pour désigner les Hérodiens qui est plutôt Herodeioi, comme on le voit une fois (et une seule fois) chez lhistorien juif Josèphe. Il est probable que Marc utilise ici une translittération de la forme latine dHérodiens, Herodiani. Une telle translittération dune forme latine nest pas unique, puisquon la retrouve avec Kaisarianoi (Caesariani : les troupes ou partisans ou serviteurs de César) et Christianoi (chrétiens en Ac 11, 26; 26, 28; 1 P 4, 16). Ainsi, les Hérodiens désigneraient les serviteurs ou esclaves ou fonctionnaires ou courtisans ou partisans du régime dHérode.
Est-ce que les deux références de Marc jettent plus de lumière sur ce groupe? Mc 3, 1-6 (guérison de lhomme à la main desséché) se situe en Galilée très tôt dans le ministère de Jésus, tandis que Mc 12, 13-17 (question sur limpôt dû à César) se situe à Jérusalem à la fin de la vie de Jésus. Les Hérodiens apparaissent soudainement aux côté des Pharisiens pour chercher à éliminer Jésus, et disparaissent tout aussi rapidement. La présence des Hérodiens donne une dimension politique aux deux récits, car seul Hérode Antipas pouvait infliger la peine capitale, et le 2e récit aborde un sujet clairement politique : limpôt dû à César.
Dun certain point de vue, la présence dHérodiens est crédible. Quand on sait quHérode a fait emprisonner et exécuter Jean Baptiste, on imagine facilement quil surveillait également de très près les activités de Jésus, dautant plus que celui-ci parcourait toute la Galilée, attirait de larges foules, parlait dun royaume qui approchait et que certains croyaient quil était de la descendance de David.
- Analyse des deux références de Marc
Mais cette combinaison très nette dintérêt religieux et politique, avec les Pharisiens et les Hérodiens qui sunissent pour éliminer Jésus au début et à la fin de son ministère, relève plus de lart théologique de Marc que dune présentation historique sobre. La première référence apparaît au point culminant du cycle des controverses de Galilée (Mc 2, 1 3, 6), tandis que la deuxième référence apparaît dans le cycle des controverses de Jésus à Jérusalem (Mc 11, 27 12, 44), à la fin de son ministère. Ces deux références très symétriques établissent une sorte daccolade autour du ministère public de Jésus. Que cette polémique théologique soit loeuvre de Marc est également suggéré par le fait que la tradition primitive de la passion, quil utilise, ne disait absolument pas que les Pharisiens ou les Hérodiens étaient impliqués dans le procès et la mort de Jésus.
- La première référence (Mc 3, 6) comporte en elle-même quelques points non crédibles. Tout dabord, les Pharisiens se trouvaient surtout en Judée et on na pas de données sur leur présence significative en Galilée. Ensuite, comment imaginer une décision concertée déliminer Jésus alors que nous sommes encore au début de son ministère? Enfin, quand on regarde de près tout le récit de la guérison de lhomme à la main desséchée (Mc 3, 1-6), on se rend compte que Jésus ne pose aucune action physique qui pourrait enfreindre le sabbat : il émet seulement une parole demandant au malade détendre la main. Dès lors, lexistence dune conspiration pour léliminer à ce moment ne peut avoir de valeur historique.
- La deuxième référence (Mc 12, 13) est une introduction à la controverse sur limpôt dû à César et nexiste que pour assurer une symétrie avec Mc 3, 6. Elle est une création rédactionnelle de Marc. Dailleurs, ces Pharisiens et ces Hérodiens ne joueront aucun rôle par la suite dans le récit de la passion.
- Conclusion
Dune part, lexistence dun groupe de serviteurs ou fonctionnaires ou partisans dHérode dAntipas, appelés Hérodiens, est tout à fait possible. Dailleurs, Marc et Luc dans dautres passages (Mc 6, 14-16; Lc 9, 7-9; 13, 31-32; 23, 6-12; Ac 13, 1) reflètent probablement une réalité historique en parlant de lintérêt malsain dHérode Antipas pour les activités de Jésus. Et on comprend facilement quil ait pu demander à ses serviteurs ou ses alliés despionner ses allées et venues et dessayer de le discréditer publiquement. Ainsi, il est possible quau cours de son ministère Jésus ait eu à discuter avec des partisans dHérode Antipas et affronter leur piège verbal.
Mais dautre part, les deux passages de Marc, où on voit les Hérodiens associés aux Pharisiens et comploter la mort de Jésus, ne peuvent pas remonter à un événement historique. Ils sont loeuvre du travail rédactionnel soit de Marc, soit dun auteur pré-marcien collectionnant les controverses.
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