![]() Sybil 1997 |
Le texte évangélique
Jean 4, 5-42 5 Jésus arrive ainsi dans une ville de Samarie, appelée Sychar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. 6 Là se trouve la source de Jacob. Jésus, épuisé par le voyage, s'était assis à cet endroit, là tout contre la source. Il était environ midi. 7 Alors une femme de Samarie se présente pour venir puiser de l'eau. Jésus lui dit: « Donne-moi à boire. » 8 Il faut dire que ses disciples étaient partis en ville pour acheter de la nourriture. 9 La femme samaritaine lui répond donc: « Comment toi, étant un Juif, peux-tu me demander à boire, à moi qui suis une femme samaritaine? (En effet, Juifs et Samaritains n'ont pas de relations). 10 Jésus se met à lui répondre: « Si tu connaissais le don de Dieu et celui qui te dis: "Donne-moi à boire", c'est toi qui le lui aurait demandé et il t'aurait donné une eau pleine de vie. 11 Elle lui rétorque: « Monsieur, tu n'as pas de seau pour puiser de l'eau et le puits est profond. Comment donc peux-tu obtenir une eau pleine de vie? 12 Es-tu donc supérieur à notre père Jacob, qui nous a donné le puits, qui a bu de son eau ainsi que ses fils et ses bêtes? » 13 Jésus lui répondit par ces mots: « Quiconque boit de cette eau-là souffrira de nouveau de la soif. 14 Par contre, si jamais quelqu'un boit de l'eau que moi je lui donnerai, alors il n'aura plus soif pour toute l'éternité. Au contraire, l'eau que je lui donnerai deviendra en lui comme une source d'eau jaillissant en une vie éternelle. 15 La femme lui dit: « Monsieur, donne-moi de cette eau-là, pour que je n'aie plus soif et n'aie plus à passer par ici pour puiser l'eau.» 16 Il lui dit: « Va, appelle ton mari et reviens ici. » 17 La femme lui répondit: « Je n'ai pas de mari. » Jésus lui répond: « C'est bien de dire "Je n'ai pas de mari". 18 Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as présentement n'est pas ton mari. Ce que tu dis est vrai. » 19 La femme lui dit: « Monsieur, je remarque que tu es un prophète. 20 Nos pères ont rendu un culte sur cette montagne, mais vous, vous dites que c'est à Jérusalem que se trouve le lieu où il faut rendre un culte. » 21 Jésus lui dit: « Fais-moi confiance, Madame, le jour arrive où vous ne rendrez un culte au Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem. 22 Vous, vous rendez un culte à ce que vous ne connaissez pas. Nous, par contre, nous rendons un culte à ce que nous connaissons, puisque la libération arrive par les Juifs. 23 Mais le jour arrive, et ce jour est arrivé, où les gens authentiquement religieux rendront un culte au Père en esprit et en vérité. Voilà le type de gens religieux que recherche le Père. 24 Dieu est esprit, et il faut donc que les gens religieux qui veulent lui rendre un culte le fassent en esprit et en vérité. » 25 La femme lui dit: « Je sais que nous attendons un messie, celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, il nous éclairera sur toutes choses. » 26 Jésus lui dit: « C'est moi, qui te parle actuellement. » 27 À ce moment ses disciples arrivèrent, et ils étaient surpris de le voir causer avec une femme. Cependant personne n'osa lui demander: « Qu'est-ce que tu cherches au juste? » ou: « De quoi parlais-tu avec elle? » 28 La femme laissa alors sa cruche d'eau, partit pour la ville et se mit à dire aux gens: 29 « Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-ce pas lui le Christ? » Les gens sortirent de la ville pour aller à sa rencontre. 31 Entre temps les disciples le priaient avec insistance: « Maître, mange! » 32 Mais il leur dit: « J'ai une nourriture à manger que vous ne connaissez pas. » 33 Les disciples se demandaient les uns les autres: « Quelqu'un lui aurait-il apporté quelque chose à manger? » 34 Jésus leur dit: « Ma nourriture est de faire ce que me demande Celui qui m'a envoyé et de mener son action à son accomplissement. 35 Vous-mêmes n'avez vous pas l'habitude de dire: "Encore quatre mois, et ce sera la moisson?" Voici que je vous dis: "Levez les yeux et contemplez les champs dont la blancheur montre qu'ils sont prêts pour la moisson. Déjà 36 celui qui moissonne reçoit son salaire et récolte du fruit pour la vie éternelle, afin que le semeur se réjouisse tout comme le moissonneur. 37 À cet égard ce dicton demeure vrai lorsqu'il dit: "Autre est celui qui sème, autre celui qui moissonne." 38 Moi, je vous ai envoyé moissonner un champ où vous ne vous êtes donné aucune peine. D'autres se sont donné de la peine, et vous, vous avez reçu les fruits de leur peine. » 39 Plusieurs Samaritains de cette ville crurent en lui à cause de la parole de cette femme qui rendait ce témoignage: « Il m'a dit tout ce que j'ai fait. » 40 Une fois auprès de lui, les Samaritains insistaient pour qu'il demeure avec eux. Et Jésus demeura là deux jours. 41 Il y eut beaucoup plus de gens à croire à cause de sa parole, 42 si bien qu'ils disaient à la femme: « Ce n'est plus à cause de ce que tu as dit que nous croyons. Nous l'avons nous-mêmes entendu et nous savons que c'est lui le vrai libérateur du monde. » |
Des études |
![]() Si tu savais comme tu es aimé |
Commentaire d'évangile - Homélie Le récit de l'évangile de ce dimanche est en général considéré par la communauté croyante comme l'un des plus beaux textes de la littérature chrétienne : on est pris par la force de ses images, la prégnance de ses symboles, l'incroyable cheminement d'une femme. Pourtant, la beauté même de cette scène risque de nous jouer un mauvais tour, celui de donner l'impression que son sens est évident, ou pire encore, d'en rester aux images sans entrer dans leur signification. Dites-moi, comment comprenez-vous cette parole dans la bouche de Jésus : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit: Donne-moi à boire, c'est toi qui l'aurais prié et il t'aurait donné de l'eau pleine de vie.» ? N'arrivez pas trop vite avec l'Esprit Saint et la notion que Jésus est Fils de Dieu, car vous risquez de passer à côté de tout ce qui est impliqué par cette parole. « Si tu savais le don de Dieu. » Qu'ignore donc la Samaritaine? Et par le fait même, qu'ignorons-nous donc? L'indice qui nous est laissé provient de l'événement qui ébranlera cette femme : cet homme me connaît, il me connaît dans l'intimité de ma vie de couple. Cette découverte est si importante qu'elle reviendra comme un leitmotiv. En d'autres mots, depuis le début j'étais auprès de toi, depuis le début une relation existait entre toi et moi, et tu ne le voyais pas. C'est la même découverte bouleversante que fait Paul lorsqu'il entend Jésus lui dire : « Pourquoi me persécutes-tu? » J'ai parlé de relation, non pas simplement de connaissance, parce qu'il s'agit de découvrir combien nous sommes aimés, et l'amour brise notre isolement, elle crée une relation. Dans le même sens, je ne peux percevoir d'amour vrai sans sentir que je suis connu au plus intime de moi, que je n'ai plus besoin de masque, que je peux être vrai, sans peur de parler de mes ex-maris. Mais il y a encore plus dans le récit : « Si tu savais celui qui te dit: Donne-moi à boire. » Pourquoi est-ce important d'identifier celui par qui l'amour arrive? La perception que j'ai de celui que j'aime aura un effet structurant sur ma vie, i.e. je deviendrai celui que j'aime. Voilà pourquoi il est si important pour cette femme d'entrer à son tour dans l'univers de Jésus, voilà aussi pourquoi il en est aussi pour nous. « Si tu savais » Pourquoi, selon vous, ce savoir et celle relation ne sont pas évidents, et qu'on peut facilement passer à côté sans le voir? Il en est de l'amour comme des grandes réalités de la vie, il ne peut être découvert qu'en le vivant. Jésus a pris le temps de s'asseoir tout simplement au bord du puits et, tout au long du dialogue, il est entré dans l'univers de la Samaritaine. C'est le reflet de mes propres expériences d'aimer et d'être aimé. Il n'existe aucun raccourci. Qu'arrive-t-il lorsque je me sens profondément aimé, et que j'y vois celui qui est la source de l'univers telle que révélée par Jésus de Nazareth? Le récit de ce dimanche parle d'eau pleine de vie. Chacun peut se référer à son expérience amoureuse pour saisir comment cette image décrit bien l'énergie nouvelle et la force de vie qu'on sent alors au plus profond de soi. Je n'ai plus besoin de tous ces « il faut » culpabilisant des prédicateurs pour agir. Et je sais que l'amour vrai ne peut qu'engendrer la vie, jamais la destruction et la mort. Quand nous vivons vraiment et profondément notre expérience amoureuse, nous nous rendons compte que nous évoluons, et même très vite, et en quelque sorte, il n'y aura jamais de fin à ce mouvement. Voilà pourquoi l'eau pleine de vie, i.e. l'eau qui coule sans arrêt, décrit bien ce qui se passe. Après 5 ou 10 ans, la Samaritaine devait être méconnaissable pour ceux qui l'ont connu dans le passé. J'espère personnellement qu'au terme de ma vie, je serai encore en train d'évoluer. Le récit de la Samaritaine nous est présenté en ce temps de carême où il est coutume dans nos églises d'insister sur la nécessité de se convertir. Pourtant, l'eau pleine de vie dont parle l'évangile est un pur don de Dieu, totalement gratuit, ne provenant d'aucun effort personnel, ne faisant suite à aucun exercice ignacien quelconque ou longue période de prière. Il faut simplement un coeur totalement ouvert. Malheureusement, nous le savons d'expérience, notre coeur ne s'ouvre que lorsqu'il n'en peut plus, lorsqu'il a vidé toutes ses larmes, lorsqu'il est au milieu du désert, après 5 maris, comme la Samaritaine.
-André Gilbert, Gatineau, octobre 2004 |
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