Raymond E. Brown, La mort du Messie,
v.2: Appendice II: Date de la crucifixion (Jour, mois, année), pp 1350-1378, selon la version anglaise

(Résumé détaillé)


Date de la crucifixion (Jour, mois, année)


Table des matières

  1. Le jour de la semaine
  2. La date du mois
    1. Clarification des problèmes préliminaires
    2. Les données probantes dans les évangiles pour dater la crucifixion par rapport à la pâque
    3. Les essais pour résoudre les divergences
    4. Un bref survol de la position adoptée dans ce commentaire
  3. L'année


Prochain chapitre: Appendice III - Des passages difficiles à traduire

Liste de tous les chapitres

  1. Le jour de la semaine

    Voici les données évangéliques :

    • « Déjà le soir était venu et comme c'était la Préparation, c'est-à-dire la veille du sabbat » (Mc 15, 42)
    • « Le lendemain, c'est-à-dire après la Préparation, les grands prêtres et les Pharisiens se rendirent en corps chez Pilate » (Mt 27, 62)
    • « C'était le jour de la Préparation, et le sabbat commençait à poindre » (Lc 23, 54)
    • « Comme c'était la Préparation, les Juifs, pour éviter que les corps restent sur la croix durant le sabbat - car ce sabbat était un grand jour… » (Jn 19, 31)
    • « …nous l’aurions enseveli, puisque le sabbat commence à poindre » (EvPierre 2, 5)

    Tous les évangiles s’entendent pour dire que Jésus est mort la veille du sabbat, appelé « jour de préparation au sabbat ». Puisque le sabbat commençait après le coucher du soleil le vendredi et se terminait au coucher du soleil le samedi soir, Jésus est donc décédé un vendredi.

    À quelle heure? Voici les données :

    • « Et à la neuvième heure (15 h) Jésus clama en un grand cri… » (Mc 15, 34 || Mt 23, 44)
    • « Mais c’était le milieu du jour, et l’obscurité régnait dans toute la Judée… » (EpPierre 5, 15)
    • « C'était vers la sixième heure (midi). Pilate dit aux Juifs: "Voici votre roi." » (Jn 19, 14)

    On peut donc conclure que Jésus est mort dans l’après-midi du vendredi.

  2. La date du mois

    Les évangiles ne nous donnent pas de date, mais fournissent les données suivantes :

    • « La Pâque et les Azymes allaient avoir lieu dans deux jours, et les grands prêtres et les scribes cherchaient comment arrêter Jésus par ruse pour le tuer » (Mc 14, 1)
    • « La fête des Azymes, appelée la Pâque, approchait » (Lc 22, 1)
    • « Le premier jour des Azymes, où l'on immolait la Pâque, ses disciples lui disent: "Où veux-tu que nous nous en allions préparer pour que tu manges la Pâque?" » (Mc 14, 12 || Mt 26, 17 || Lc 22, 7)

    La Pâque et la fête des Azymes, ou Pains sans levain, sont deux fêtes dont il faut rappeler l’histoire. La plus ancienne chez les Juifs est celle de la Pâque qui date de l’époque où ils menaient une vie pastorale semi-nomade et devaient se déplacer pour trouver de nouveaux pâturages. Sa date correspondait à la première pleine lune du printemps, et donc le premier mois de l’année, appelé Nisan ou Abib (voir Ex 12, 1-20; 13, 4; Lv 23, 5-8; Nb 28, 16-25), qui commençait avec la nouvelle lune. Aussi, au crépuscule du 14e jour lunaire, et donc au début du 15e jour, on faisait rôtir l’agneau à la maison, avant le départ pour la transhumance. La fête des pains sans levain ou azymes, qui marque le début de la récolte d’orge, fut adoptée plus tard quand Israël est devenu un peuple d’agriculteurs après l’entrée en Canaan. Puisque ces deux événements avaient lieu en même temps, ils ont été combinés (voir Dt 16, 2-3), et sont devenus une des trois fêtes annuelles de pèlerinage au temple de Jérusalem (i.e. fête des azymes, fête des semaines et la fête des tabernacles). Avec l’introduction du pèlerinage, l’agneau n’était plus égorgé et rôti à la maison, mais au temple par le prêtre, et prenait les traits d’un sacrifice. Dès lors, la manducation de l’agneau s’accompagnait du pain sans levain et des herbes amères et la fête s’étendait sur sept jours. À l’époque de Jésus, les termes Pâque et Pains sa levain étaient interchangeables, et à l’époque du rabbinisme du 2e s., on ne parlera que de la Pâque, mais cela inclura la fête de sept jours des pains azymes.

    Ainsi, si on en croit Marc, Jésus aurait mangé la Pâque avec ses disciples, ce qui correspond au premier jour des pains azymes et à la première pleine lune du printemps où on mangeait l’agneau pascal. Puisque Jésus est mort un vendredi, ce dernier repas aurait eu lieu le jeudi soir après le coucher du soleil, donc au moment où commençait le vendredi comme journée de la Pâque ou premier jour des pains sans levain; cela signifie que Jésus serait mort la journée de la Pâque juive. Mais cette présentation est contredite par l’évangile de Jean, en particulier Jn 19, 14 (« Or c'était la Préparation de la Pâque; c'était vers la sixième heure. Il dit aux Juifs: "Voici votre roi." ») : selon Jean, Jésus est mort la journée qui précède la Pâque juive, et donc cela signifie que la fête tombait le lendemain de la mort de Jésus, un samedi; cela signifie aussi que le dernier repas pris par Jésus avec ses disciples n’est pas un repas pascal comme l’affirme Marc, car il aurait fallu que Jésus prenne ce repas le vendredi soir.

    1. Clarification des problèmes préliminaires

      Avant de discuter de la date de la Pâque, il nous faut d’abord clarifier un certain nombre de points.

      1. Il y a une divergence chez certains biblistes sur la façon d’interpréter les références au temps dans les évangiles : 3e heure, 6e heure, 9e heure. Pour harmoniser Marc et Jean, certains ont proposé que Jean utiliserait un système qui commence à minuit (et donc Jésus aurait comparu devant Pilate à 6 heures du matin), mais Marc utiliserait un système qui commence à 6 heures du matin (et donc Jésus aurait comparu devant Pilate à midi). Or, une telle proposition n’a aucune plausibilité, et surtout non nécessaire pour intégrer Marc et Jean. Rappelons que les évangélistes n’avaient aucune connaissance personnelle et exacte de la chronologie des événements, et qu’ils ont simplement réutilisé ce que leur offrait la tradition en fonction de leurs intérêts dramatiques et théologiques.

      2. Un deuxième point concerne la façon de calculer le début d’une journée spécifique : cette journée commence-t-elle la veille au coucher du soleil, ou à minuit (comme dans notre monde moderne) ou au lever du soleil (selon la perception normale)? Certains biblistes ont proposé différents systèmes afin d’harmoniser les différents évangiles. Il faut rejeter ces propositions qui sont des béquilles autour d’une lecture superficielle. Car nous sommes dans un cadre liturgique, et selon ce cadre une journée commence la veille au coucher du soleil, environ à 18h00 en Palestine, et se termine avec la disparition du soleil 24 heures plus tard. S’il en était autrement, l’atmosphère de hâte dans le récit de l’ensevelissement de Jésus n’aurait aucun sens. Aussi faudra-t-il garder en tête cette notion dans la discussion qui suit.

      3. On peut avoir l’impression que, selon les Synoptiques, Jésus serait mort le jour même de la Pâque. Cette impression est inexacte, car aucun des ces évangiles ne mentionne la Pâque ou les Azymes au cours des heures où sont racontés l’arrestation, le procès, la crucifixion, la mort et l’ensevelissement de Jésus. Car la dernière mention de la Pâque se trouve en M 14, 16 (« et ils préparèrent la Pâque »; || Mt 14, 16; Lc 22, 15 : « J'ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous ») et la dernière référence aux Azymes sont en Mc 14, 12 (« Le premier jour des Azymes, où l'on immolait la Pâque » || Mt 26, 17 || Lc 22, 7), tout cela avant la section considérée comme « récit de la passion ». Dans la section « récit de la passion », il y a toutefois la mention de la « fête » en Mc 15, 6 (« A chaque Fête, il leur relâchait un prisonnier » || Mt 27, 15 || Lc 23, 17 || [Lc 23, 17]), mais il n’est pas clair à quelle journée dans cette semaine de fête on fait référence.

      4. Le terme hébreu pesaḥ et le terme grec pascha peut désigner non seulement le jour de la fête, mais aussi l’action d’immoler l’agneau ou le chevreau et le repas qui s’en suit. Aussi faudra-t-il distinguer les deux significations dans notre discussion. Par exemple, Marc utilise cinq fois le mot pascha lors des derniers jours de Jésus, et il lui donne des significations différentes :
        • 14, 1 : « La Pâque (le jour de la fête) et les Azymes allaient avoir lieu dans deux jours »
        • 14, 12 : « Le premier jour des Azymes, où l'on immolait la Pâque (pour le repas) »
        • 14, 14 : « Où est ma salle, où je pourrai manger la Pâque (pour le repas) »
        • 14, 16 : « les disciples préparèrent la Pâque (le repas, mais aussi la célébration de la fête)

      5. Il y a donc une forme d’ambigüité dans le mot « Pâque », une ambigüité qui prend sa source dans les instructions pour la Pâque données en Ex 12, 6 : « Vous la (bête : agneau ou chevreau) garderez jusqu’au quatorzième jour de ce mois. Toute l’assemblée de la communauté d’Israël l’égorgera au crépuscule ». Autrefois, quand l’action était accomplie par le chef de famille, on tuait l’animal entre le crépuscule (après le coucher du soleil) et l’obscurité complète. Ainsi l’abattage survenait à la fin de la journée, le 14 Nisan, et le repas avait lieu au début de la journée qui suivait, le 15 Nisan. Plus tard, quand l’abattage avait lieu au temple de Jérusalem, on avait besoin de beaucoup plus de temps, surtout quand il s’agissait d’abattre des milliers de bêtes apportées par des familles qui suivaient les obligations de la fête. Aussi, l’abattage pouvait commencer dans l’après-midi du 14 Nisan (quand le soleil commençait à décliner), si bien que jusqu’à six heures pouvait séparer l’abattage de l’animal le 14 du moment où on prenait le repas dans la soirée, le 15. Les références qu’on trouve dans l’AT, le NT, chez Josèphe ou Philon ne sont pas toujours précises en raison justement des diverses signification du mot « Pâque ».

        C’est cette imprécision qu’on trouve en Mc 14, 12 (|| Lc 22, 7) : « Le premier jour des Azymes, où l'on immolait la Pâque ». En effet, l’immolation de la Pâque avait lieu le 14 Nisan, mais le premier jour des Azymes où on mangeait l’agneau avait lieu le 15 Nisan. Si donc on appelle Pâque l’immolation de l’animal, et si le repas pascal avait lieu le premier jour des Azymes, alors chez Jean Jésus est mort lors de la Pâque (immolation de l’animal), le 14 Nisan, et chez les Synoptiques Jésus est mort le jour après la Pâque, i.e. le premier jour des Azymes, le 15 Nisan; l’ambigüité des mots nous permet de comprendre ce qu’affirme chaque évangéliste.

    2. Les données probantes dans les évangiles pour dater la crucifixion par rapport à la pâque

      1. Préavis sur la Pâque qui vient dans les Synoptiques

        Marc 14, 1-2 nous offre ce préavis :

        La Pâque et la fête des pains sans levain devaient avoir lieu deux jours après. Les grands prêtres et les scribes cherchaient comment arrêter Jésus par ruse pour le tuer. Ils disaient en effet : « Pas en pleine fête, de peur qu’il n’y ait des troubles dans le peuple. »

        Certains biblistes ont accordé beaucoup d’importance à cette indication de temps, car elle marquerait le début du récit de la passion. Et cela impliquerait qu’il faudrait considérer les autres mentions du mot « Pâque » (Mc 14, 12.14.16) comme provenant de la même source. Il faut rejeter cette position pour les raisons suivantes.

        1. Le préavis de 14, 1-2 appartient à la première couche d’une structure « en sandwich » typique de Marc
          A. Une action à ses débuts ou souhaitée qui nécessitera du temps pour être accomplie.
            
          B. Un épisode séparé qui remplit le temps et complète celui de A
            
          A'. Reprise de l'action de A

          Dans l’ensemble Mc 14, 1-11, le préavis (14, 1-2) joue le rôle de la partie A (l’action à ses débuts ou désirée), qui est suivie par la partie B (épisode séparé qui permet au temps de s’écouler) qui est cette scène de Béthanie où une femme oint la tête de Jésus (14, 3-9), anticipant son ensevelissement, qui est enfin suivie par la partie A' qui reprend l’action décrite en A, alors que Judas se rend chez les grands prêtres et leur offre de livrer Jésus. Nous sommes donc devant une structure littéraire où Mc 14, 1-11 forme une unité, et la scène de Béthanie n’a qu’une fonction de remplissage, d’où l’image d’une construction en « sandwich ». Alors impossible d’y puiser des données chronologiques en essayant de déterminer le temps écoulé entre « les deux jours » et la scène de Béthanie ainsi que l’action de Judas.

        2. Ensuite, l’indication des « deux jours-avant-la-Pâque-et-la-fête-des-pains » renvoie-t-il au moment où les grands prêtres et les scribes cherchent comment arrêter Jésus ou à la date où Judas est venu les voir? Et les deux jours sont-ils calculés en fonction du 14 ou du 15 Nisan? Cette ambigüité nous empêche de voir toutes les références à la Pâque comme provenant d’une même source.

      2. Les références synoptiques au repas de la Pâque

        Par la suite, Marc écrit en 14, 12 : « Le premier jour des pains sans levain, où l’on immolait la Pâque, ses disciples lui disent : "Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ?" » Alors deux disciples se rendent à Jérusalem pour trouver la salle ou Jésus mangera et célèbrera la Pâque avec ses disciples. Puis Marc continue ainsi : « Le soir venu, il arrive avec les Douze. Pendant qu’ils étaient à table et mangeaient, Jésus dit... (Mc 14, 17-18). Notons d’abord que Marc semble associer l’abattage (immolation) de l’animal avec le premier jour des pains sans levain, en contradiction avec Lv 23, 6 où l’abattage avait lieu le 14 Nisan, tandis que le premier jour de la fête des pains sans levain ayant lieu le 15 Nisan; nous sommes sans doute devant un des quelques cas d’écriture négligée chez Marc. Quoi qu’il en soit, Marc décrit d’abord ce qui se passait le 14 Nissan, i.e. les préparatifs du repas, puis ensuite le début du 15 Nisan, quand il faisait nuit, alors que Jésus mange ce que Marc considère comme le repas pascal. Aussi, logiquement, tous les événements qui suivent se passent également le 15 Nisan : dans la nuit il y a la scène de Gethsémani, l’arrestation de Jésus, le procès juif, et quand le jour se lève; le procès romain, la crucifixion, la mort et l’ensevelissement.

        Ainsi, plusieurs biblistes acceptent la date du 15 Nisan, qui est le premier jour de la fête des pains sans levain, comme date de la crucifixion et de la mort de Jésus. Malheureusement, il faut mettre en doute cette chronologie présentée par les Synoptiques, car ce premier jour des pains sans levain est une fête solennelle. Or il n’est pas plausible qu’en un jour de grande fête une suite si impressionnante d’activités ait lieu : la foule qui se rend à Gethsémani pour arrêter Jésus, la session du Sanhédrin pour condamner à mort Jésus, les autorités du Sanhédrin et les foules qui vont voir le gouverneur romain, Simon de Cyrène qui revient de son travail aux champs, tout le groupe des passants sur le site de la crucifixion, l’achat d’étoffe de lin. Cela est d’autant non plausible que les chefs de prêtres et les scribes voulaient justement éviter d’arrêter Jésus lors de la fête pour éviter une émeute.

      3. Préavis sur la Pâque qui vient chez Jean

        Après avoir rapporté une réunion du Sanhédrin pour décider de la mort de Jésus (Jn 11, 45-53) et la fuite de Jésus à Ephraïm pour s’y cacher (Jn 11, 54), Jean écrit : « Or c’était bientôt la Pâque juive. A la veille de cette Pâque, beaucoup de gens montèrent de la campagne à Jérusalem pour se purifier » (Jn 11, 55). Selon Nb 19, 11-12, cette période de purification était de sept jours avant la fête. Puis Jean ajoute que six jours avant la Pâque Jésus se rend à Béthanie où Marie oint ses pieds en vue de son ensevelissement (Jn 12, 1). Jusqu’à quel point faut-il prendre à la lettre la mention des six jours chez Jean pour cette scène que Marc a placée dans sa structure en sandwich avec la mention : « La Pâque et la fête des pains sans levain devaient avoir lieu deux jours après ». Malheureusement, Jean ne précise pas la séquence des jours jusqu’à ce qu’on arrive à la veille de la Pâque, sinon la mention du « lendemain » en 12, 12 alors que la foule accueille Jésus avec des palmes à son arrivée à Jérusalem.

      4. Les références johanniques à l’arrivée immédiate de la Pâque

        Jean a une référence rapprochée liée au repas de Jésus avec ses disciples : « Avant la fête de la Pâque, Jésus sachant que son heure était venue » (Jn 13, 1). Cette référence apparaît comme une introduction à la deuxième partie de son évangile qui commence avec le repas du soir avant de mourir. Dans la description par Jean de ce repas, rien ne suggère un repas pascal comme on le voit chez les Synoptiques. D’ailleurs, quand Judas quitte la table, les disciples s’imaginent que Jésus lui aurait demandé « d’acheter ce qui était nécessaire pour la fête » (Jn 12, 29). Or, la seule fête mentionnée par Jean est la Pâque. Aussi, le repas pascal dans ce contexte est une réalité future qui a besoin d'être préparée. Jean diverge encore davantage des récits synoptiques dans les mentions chronologiques reliées aux Juifs : au moment où commence le procès devant Pilate, les autorités juives « qui l’avaient amené n’entrèrent pas dans la résidence pour ne pas se souiller et pouvoir manger la Pâque » (Jn 18, 28); au terme du procès, alors que Pilate sort pour s’asseoir sur le siège du jugement, on nous dit : « C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure ». Il est donc clair que pour Jean le repas de Jésus ainsi que les activités conduisant à son arrestation, son procès, sa crucifixion, sa mort et son ensevelissement ont lieu le 14 Nisan, et non pas le 15 Nisan comme chez les synoptiques.

    3. Les essais pour résoudre les divergences

      Pour résoudre ces divergences entre la chronologie des Synoptiques et celle de Jean, les biblistes ont proposé diverses solutions, comme celle de considérer les deux chronologies comme vraie, ou encore accepter l’une des deux comme vraie, ou encore rejeter les deux comme non historiques. En voici un échantillon.

      1. Selon cette solution, à la fois les Synoptiques et Jean ont raison, car on peut les harmoniser en réarrangeant la séquence. Cette solution présuppose que, contrairement au consensus chez les biblistes, Jean aurait connu les Synoptiques et aurait écrit son évangile comme un supplément à leurs évangiles, en espérant qu’il y serait intégré. Ainsi, le dernier repas de Jésus (Jn 13, 1-20) serait suivi par un autre repas, le repas pascal décrit par les Synoptiques. De plus, pour résoudre la difficulté de Jn 18, 28 qui affirme que les Juifs n’ont pas encore mangé la Pâque, on doit l’interpréter comme une décision des autorités juives de reporter à plus tard la célébration pascale, le temps de se débarrasser de Jésus. Tout cela ne repose sur aucune donnée probante et est pure conjecture.

      2. Selon cette solution, à la fois les Synoptiques et Jean ont raison, car il y a eu deux célébrations pascales à une journée d’intervalle. Cette solution s’appuie sur Nb 9, 10-11 qui permet à quelqu’un qui n’est pas en mesure de célébrer la Pâque à la date prévue (état d’impureté, être en voyage) de la célébrer à la même date le mois suivant. Une variante de cette solution est de faire remarquer que la date de la Pâque était basée sur l’observation oculaire du début de la nouvelle lune du printemps, une observation qui pouvait varier d’une région à l’autre. À cela certains ajoutent que les différents récits de l’AT sur la célébration des fêtes ne sont pas toujours cohérents et qu’il y avait sur le sujet des dissensions chez les Juifs. Dans tout cela, on oublie que l’abattage des bêtes pour la Pâque se fait par les prêtres au temple, et ne dépend pas d’un calendrier personnel.

        Parmi les variantes autour de deux fêtes de la Pâque, ajoutons également celles-ci :

        1. Peut-être les Galiléens célébraient-ils la Pâque un jour plus tôt que ce qui se faisait à Jérusalem, et donc les Synoptiques reflèteraient la Galilée, et Jean Jérusalem. De fait, la Mishna, Pesaḥim 4.5 parle du moment de l’arrêt de travail à la veille de la Pâque qui était différente en Galilée; mais c’est un écrit du 2e siècle qu’on ne peut assumer refléter le 1ier siècle.

        2. Peut-être les Pharisiens calculaient-ils différemment le moment de manger l’agneau pascal (et Jésus était plus près des Pharisiens) par rapport aux Sadducéens (les prêtres) qui gouvernaient la vie publique (d’où la date indiquée par Jean). Selon cette hypothèse, en raison du nombre d’animaux à abattre, la préparation prenait peut-être deux jours. Alors les Pharisiens, qui voulaient suivre la règle qu’un agneau égorgé devait être mangé avant le matin, prenaient le repas pascal immédiatement le 14 Nisan, tandis que les Sadducéens plus scrupuleux du texte de l’Écriture, attendaient le 15 Nisan. À cela il faut répondre que rien ne justifie que les Sadducéens auraient ignoré Ex 12, 20 (« Vous n’en aurez rien laissé le matin ; ce qui resterait le matin, brûlez-le »). De plus, aucun évangile ne parle d’agneau comme faisant partie du repas de Jésus, et aucun ne semble au courant d’un conflit de calendrier entre Pharisiens et Sadducéens, alors que ce sont les deux groupes qui s’associent pour éliminer Jésus.

        3. En raison de la Diaspora juive dans le monde, il y avait peut-être une politique de la date s’étendant sur deux jours, en raison des variations dans le calcul de la date, certains Juifs de la Diaspora utilisant un calcul astronomique fixe, alors qu’à Jérusalem on utilisait l’observation oculaire de la nouvelle lune. Ainsi, selon le calcul astronomique, le 15 Nisan tomberait le jeudi soir/journée du vendredi, alors que selon l’observation oculaire le 15 Nisan tomberait le vendredi soir/journée du samedi. Cette hypothèse assume que les prêtres de Jérusalem se pliaient aux caprices des deux groupes pour l’abattage de l’animal. Mais le plus grand problème avec toutes ces solutions autour de deux journées adjacentes comme fête pascale à Jérusalem est qu’elles ne reposent sur aucune donnée probante; elles n’ont été inventées que pour essayer de réconcilier les divergences entre les Synoptiques et l’évangile de Jean, et elles ne peuvent se réclamer d’une pratique juive établie.

      3. Selon cette solution, à la fois les Synoptiques et Jean ont raison, car les Synoptiques ne décrivaient pas un repas pascal. Il s’agirait peut-être d’un repas béni de confrérie. Mais cette solution ne respecte ni la mention des Synoptiques d’un repas pascal ni le verset de Lc 22, 15 : « Et Jésus leur dit : "J’ai tellement désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir". » Une variante est que le soir où on passe du 13 au 14 Nisan, Jésus aurait pris un repas pré-pascal pour anticiper le repas pascal prévu le soir suivant; cela signifie que tous les éléments du repas pascal auraient été présents, sauf l’agneau. Malheureusement, rien dans le récit Synoptique ne permet de penser à un repas privé anticipant le repas pascal : au contraire, deux disciples reçoivent le mandat de trouver une salle où Jésus pourra manger le repas pascal avec ses disciples (Mc 14, 12-16); cette préparation implique un contact public et n’indique pas que la nuit venue on allait prendre un repas pascal privé une journée d’avance avant tous les autres. Encore ici, nous avons une hypothèse ad hoc seulement créée pour harmoniser les Synoptiques et Jean.

      4. Selon cette solution, à la fois les Synoptiques et Jean ont raison dans la mesure où ils préservent la mémoire de la chronologie du calendrier de Qumrân que Jésus aurait suivi à la fin de sa vie. En effet, les auteurs des rouleaux découverts en 1947 dans les grottes sur le bord de la Mer morte, probablement des Esséniens, témoignent de l’utilisation d’un calendrier solaire différent de celui utilisé à Jérusalem, qui était un calendrier lunaire. Ce calendrier solaire comprenait 364 jours, avec des ajouts intercalés, et permettait d’avoir les fêtes toujours le même jour de la semaine. C’est ainsi que la fête de Pâque tombait toujours le mardi soir et se poursuivait dans la journée du mercredi. Des biblistes ont donc entrepris dans un effort d’harmonisation de montrer que Jésus aurait suivi le calendrier solaire de Qumrân. Présentons un tableau qui associe la chronologie de Marc avec la chronologie lunaire, et celle de Jean avec la chronologie solaire.
        JourÉvénement évangéliqueDate Nisan
        Mardi jour ->préparation du repas pascal (Marc 14, 12-16)solaire 14
        lunaire 11
        Mardi soir ->Dernier repas pascal (Marc 14, 17-18; Luc 22, 15) avant le 15 Nisan (lunaire) (Jean 13, 1)solaire 15 (repas pascal)
        nuit ->(Mardi/Merc.)Gethsémani ; arrestation de Jésus
        Instruction devant Anne (Marc 14, 53a ; Jean 18, 13)
        Reniements de Pierre ; moqueries des serviteurs (Luc 22, 54-65)
        Envoi à Caïphe (Jean 18, 24) ; 1ère séance du sanhédrin (Luc 22, 66-71)
        lunaire 12
        Wed. day ->Moquerie des autorités à l'égard de Jésus (Marc 14, 65) 
        soir -> (Merc./Jeudi)(Jésus détenu par le grand prêtre)solaire 16
        Jeudi matin ->2e session du Sanhedrin (Marc 15,1a)
        Jésus est amené chez Pilate (Marc 15, 1b; Luc 23:1)
        Ouverture du procès de Pilate (Luc 23, 2-5)
        Jésus amené chez Hérode (Luc 23, 6-12)
        lunaire 13
        Jeudi après-midi ->Retour à Pilate et reprise du procès (Luc 23:15ff.); ajournementt 
        nuit ->(Th./Fri.)(Jésus sous la garde de Pilate)
        Le rêve de la femme de Pilate (Mt 27, 19)
        solaire 17
        Vend. matin ->Reprise du procès de Pilate ; Barabbas
        Pilate condamne Jésus (Marc 15, 15)
        le midi avant la Pâque (Jean 19, 14)
        (Les prêtres juifs égorgent des agneaux dans l'enceinte du Temple)
        Crucifixion, mort, enterrement par Joseph
        lunaire 14
        Vend. soir ->Jésus dans le tombeau
        Les juifs prennent leur repas pascal (Jean 18, 28b)
        solaire 18
        Sam. matin ->Les prêtres et les pharisiens demandent à Pilate de garder le sépulcre (Mt 27, 62-64)lunaire 15 (repas pascal)

        Faisons quelques commentaires.

        1. Cette chronologie accorde plus de temps pour les événements qui se bousculent dans les évangiles, mais en même temps défait l’idée de la hâte et d’agir furtivement que les autorités attribuent aux autorités.

        2. Cette chronologie observe l’exigence exprimée par la Mishna qu’un procès s’étende sur plus d’une journée, avec un intervalle, dans les cas qui méritent la peine capitale. Mais on ne sait pas si cette règle du 2e siècle s’appliquait au 1ier siècle.

        3. Cela permet à l’onction de Béthanie d’avoir lieu à la fois « six jours avant la Pâque » (Jn 12, 1) et seulement deux ou trois jours avant la Pâque (Mc 14, 1.3), mais au prix d’ignorer la structure littéraire en sandwich de l’ensemble Mc 14, 1-16.

        4. Cela rejoint une ancienne tradition où le dernier repas avait lieu le mardi soir (voir en particulier la Didascalia Apostolorum 21). Mais avons-nous ici une véritable réminiscence historique ou plutôt le désir de voir se réaliser la prophétie que Jésus aurait passé trois jours et trois nuits en terre (Mt 12, 40) en faisant mourir Jésus le jeudi?

        Toutes ces propositions pour harmoniser les divergences entre les Synoptiques et l’évangile de Jean, malgré leur ingénuité, sont à rejeter. Par exemple, l’idée de deux procès chez Marc repose sur une erreur de lecture de Marc 15, 1. De plus, on ne doit pas essayer de faire cadrer dans une chronologie des récits issus de l’imagination populaire comme celui du rêve de la femme de Pilate. Enfin, il n’existe aucun indice que Jésus aurait suivi un calendrier autre que le calendrier officiel à Jérusalem. Bref, cet effort d’harmonisation crée plus de problèmes qu’il n’en résout.

    4. Un bref survol de la position adoptée dans ce commentaire

      La tradition sur le dernier repas de Jésus précède les récits évangéliques. Voici ce que rapporte Paul dans une lettre qu’on date vers l’an 54 :

      En effet, voici ce que moi j’ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi. » 1 Co 11, 23-24

      Dans cette même lettre, Paul écrit : « Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes sans levain. Car le Christ, notre Pâque, a été immolé » (1 Co 5, 7). Dans la tête de Paul, la mort et la résurrection de Jésus sont clairement associées avec la symbolique des premiers jours de la fête de la Pâque/pains sans levain. Et puisque le contexte d’une fête de pèlerinage est l’explication la plus plausible de la présence de Jésus et de ses disciples à Jérusalem, on peut considérer comme historique que le dernier repas de Jésus et sa crucifixion ont eu lieu juste avant ou lors de la Pâque, un fait que le premiers chrétiens se sont empressés de théologiser en établissant une relation entre la mort de Jésus et le sacrifice de l’agneau pascal. Nous en avons un écho en 1 P 1, 19 (« mais par le sang précieux, comme d’un agneau sans défaut et sans tache, celui du Christ ») et en Ap 5, 6-14. C’est cette ancienne compréhension de la passion de Jésus qui a fait son chemin, quoique par des voies différentes, chez Marc et chez Jean.

      Marc 14 présente clairement le repas de Jésus avec ses disciples comme un repas pascal, même si one ne sait pas si son auditoire ait pu y voir un repas pascal à travers les détails donnés sur la façon de manger ce repas et de boire à la coupe; les paroles prononcées en référence au pain et au vin donnent au « corps et au sang » la place centrale normalement accordée à l’agneau sacrifié au temple. Bref, nous aurions ici un théologoumène, i.e. un énoncé théologique, et donc la présentation du dernier repas comme un repas pascal est une dramatisation d’une proclamation préévangélique sur Jésus comme agneau pascal. Ce théologoumène est-il l’œuvre de Marc, ou existait-il avant Marc? Dans ce dernier cas, Marc se serait contenté de le reprendre sans le modifier, et ainsi nous aurions une explication de l’incohérence de son évangile entre d’une part une repas qui aurait eu lieu au début du 15 Nisan, au moment où commençait la fête de Pâque et où on mangeait l’agneau pascal, ce qui vient de la tradition, et d’autre part le fait que par la suite Marc ne donne plus aucune référence à la Pâque et nous présente un ensemble d’activités peu plausibles un jour de fête; en plus, en ne modifiant pas ce qu’il reçoit de la tradition, il entre en conflit avec ce qu’il dit de la décision des grands prêtre et des scribes de ne pas saisir et tuer Jésus un jour de fête (Mc 14, 2). Le fait pour Marc de ne pas modifier cette tradition vient sans doute de sa compréhension de cette tradition comme une théologie liturgique et non comme un fait historique. Ainsi, si les premiers chrétiens ont commencé très tôt à percevoir le dernier repas de Jésus comme un repas pascal, ils n’entendaient pas offrir une information historique où Jésus serait mort le 15 Nisan; et Marc aurait compris ce point.

      Chez Jean, cette compréhension traditionnelle de Jésus comme agneau pascal s’exprime autrement. Elle est exprimée directement quand Jean-Baptiste proclame : « Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29). L’évangile lui-même n’expliquera pas comment cet agneau enlève le péché du monde. Mais la première épitre de Jean reviendra sur le sujet : « le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché » (1 Jn 1, 7), « car il est, lui, victime d’expiation pour nos péchés; et pas seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier » (1 Jn 2, 2). Cette référence à l’agneau parcourt le récit de la passion chez Jean : on ne brise pas les os de Jésus, accomplissant la description de l’Écriture sur l’agneau pascal (Jn 19, 33.36; Ex 12, 40.4; Nb 9, 12); la branche d’hysope dont on se sert pour faire boire Jésus en croix (Jn 19, 29) renvoie à ce dont on se servait pour asperger du sang de l’agneau pascal les montants de la porte de la maison des Israélites; la mention de la 6e heure (midi) quand Pilate condamne Jésus à mort (Jn 19, 14) correspond au moment où les prêtres du temple commençaient à abattre les agneaux pour la célébration pascale. Bref, Jean, tout comme Marc, ont imbriqué la compréhension traditionnelle de Jésus comme agneau pascal dans la trame de leur récit respectif. Mais Jean ne l’a pas fait à la manière de Marc, i.e. il ne l’a pas imbriqué dans le dernier repas de Jésus qui, chez lui, n’a rien d’un repas pascal et ne comporte aucune référence au corps et au sang eucharistique qui aurait pu prendre la place de l’agneau pascal.

      Qu’est-ce à dire? Dans la chronologie de Jean, le dernier repas de Jésus et les différents événements de la passion se passent le 14 Nisan, i.e. du jeudi soir à la journée de vendredi, qui était la veille de la Pâque. Le seul élément qui présente Jésus comme agneau pascal est la mention : « C’était le jour de la Préparation de la Pâque » (Jn 19, 14). Aussi, on ne peut pas dire que Jean aurait créé une chronologie pour cadrer spécifiquement avec sa compréhension théologique. On pourrait toujours dire que, malgré tout, Jean aurait pu se tromper de bonne foi sur la date du dernier repas et de la mort de Jésus. Mais il est virtuellement impossible de trouver une date alternative plausible. Nous avons vu qu’il est peu probablem que tout ce soit passé le 15 Nisan, la journée même de la Pâque. Et le lendemain, le dimanche 16 Nisan, la journée de la cérémonie des premiers fruits chez les Juifs, a été associé à la résurrection de Jésus. Par contre, on n’a aucune raison de penser que Jésus serait mort plus tôt que le vendredi, 14 Nisan; s’il était mort avant, on comprendrait mal pourquoi les premiers chrétiens auraient associé cette mort à l’agneau pascal. Nous pouvons donc conclure que Jésus est mort dans cette journée qui va du jeudi soir au vendredi, le 14 Nisan, la journée où l’agneau pascal était immolé, la veille du 15 Nisan où on prenait le repas pascal.

  3. L'année

    Il y a un consensus chez les biblistes que Jésus est mort sous la préfecture de Ponce Pilate qui s’est étendue de l’an 26 à 36. Les autres indications chronologiques sont plus difficiles à déterminer. Par exemple, les récits de l’enfance ne sont pas un modèle d’objectivité historique. Néanmoins, plusieurs biblistes, sur la base de Mt 2, 16 où Hérode essaie de massacrer les enfants de deux ans et moins, et sachant qu’Hérode est décédé en l’an -4, place la naissance de Jésus deux ans avant ce décès, soit en l’an -6. Une autre mention chronologique est celle de Jn 8, 57 (« Tu n’as même pas cinquante ans et tu as vu Abraham ! », ce qui assume que nous sommes avant l’an 44. Luc, pour sa part, nous dit que Jésus avait environ 30 ans quand il commença son ministère (Lc 3, 23), et date ainsi le ministère de Jean-Baptiste : « L’an quinze du gouvernement de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays d’Iturée et de Trachonitide, et Lysanias tétrarque d’Abilène », ce qui nous situerait en Août/Septembre de l’an 28-29. Mais Jésus a commencé son ministère combien de temps après celui de Jean-Baptiste? Une autre indication chronologique nous vient de Jn 2, 20, où Jésus parle de destruction et de reconstruction du temple : « Alors ces Juifs lui dirent : "Il a fallu quarante-six ans pour construire ce temple et toi, tu le relèverais en trois jours ?" ». L’historien juif Josèphe nous donne deux dates différentes pour le début de ces travaux (voir Antiquités juives 15.11.1 : #380; et La Guerre juive 1.21.1 : #401), i.e. -23/-22 et -20/-19, deux dates que, si on ajoute 46 ans, nous donnent l’an 24/25 et 27/28 pour le ministère de Jésus. Certains biblistes se servent de ces indications pour soutenir la chronologie de Luc et placer le début du ministère de Jésus en l’an 28.

    Si on accepte cette date, il faut encore déterminer combien de temps a duré le ministère de Jésus. Les récits synoptiques ne nous offrent aucun moyen de le calculer. Jean, pour sa part, mentionne trois Pâque (Jn 2, 13; 6, 4; 11, 55). Il est difficile de déterminer si Jean entend nous donner des indications historiques. Si la réponse est oui, alors combien de temps s’est écoulé entre le début du ministère de Jésus et la première Pâque? La réponse à cette question donne au ministère de Jésus une durée soit de deux ans, soit de trois ans, et donc place la mort de Jésus sur une plage qui va de l’an 30 à l’an 33.

    Les connaissances astronomiques nous aident à apporter certaines précisions, car elles permettent de répondre à la question : quelles sont les années possibles où le 14 Nisan pouvait tomber un jeudi soir/vendredi? La détermination de cette date est basée sur le début de la première lune du printemps, et cela se fait de manière oculaire en Palestine, avec la possibilité de se tromper. De plus, en raison du besoin de synchronisation entre le calendrier lunaire et le calendrier solaire, on devait ajouter des mois intercalaires; mais on a aucune donnée historique de l’addition des mois intercalaires pour la période de l’an 27 à 30. C’est ainsi que les astronomes sont arrivés aux propositions suivantes sur le 14 Nisan :

    1. En l’année 27 il tombait un mercredi/jeudi avec une possibilité du jeudi/vendredi
    2. En l’année 30 il tombait un jeudi/vendredi, ou moins possiblement le mercredi/jeudi
    3. En l’année 33 il tombait un jeudi/vendredi.

    Si on exclut l’année 27 qui est peu probable tant sur le plan astronomique et des indications que nous avons sur le ministère de Jésus, nous nous retrouvons avec deux dates possibles : soit le 7 avril de l’an 30 ou le 3 avril de l’an 33. Si Jésus est mort en l’an 30, il avait environ 36 ans et son ministère a durée moins de deux ans. S’il est mort en l’an 36, il avait environ 40 ans et son ministère a duré à peu près quatre ans. Une majorité de biblistes optent pour une mort en l’an 30 et un ministère de moins de deux ans. Mais aucune donnée probante ne permet de trancher définitivement entre ces deux dates.