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- Analyse verset par verset
v. 10 Les foules interrogeaient Jean en lui demandant : « Que devons-nous faire? »
Littéralement: Et interrogeaient lui les foules disant: quoi donc nous fassions?
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Quand des gens posent la question : « Que devons-nous faire? », ils indiquent leur désir de changer de vie, de se convertir. Jean a suscité ce mouvement de conversion, et le gens demandent comment être conséquent avec cette conversion. Notons que nous sommes au niveau moral : tout est centré sur lagir.
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v. 11 Sa réponse était de leur dire ceci : « Qui a deux tuniques, quil partage avec celui qui nen a pas, et que celui qui a de la nourriture fasse de même. »
Littéralement : Mais répondant il disait à eux: celui ayant deux tuniques, quil partage avec qui nayant pas, et qui ayant nourriture pareillement quil fasse.
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La réponse de Jean reprend lappel à la compassion quon trouve dans le Judaïsme.
- Isaïe 58, 7 : « Ce qui plaît à Dieu... nest-ce pas partager ton pain avec laffamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair? »
- Ézéchiel 18, 5 : « Quiconque est juste... donne son pain à qui a faim et couvre dun vêtement celui qui est nu... »
Jean ninvente rien ou ne propose rien de nouveau, mais seulement le retour aux grandes valeurs du Judaïsme.
La réponse de Jean rejoint également les grands thèmes de Luc : le souci des pauvres (4, 18; 6, 20; 7, 22; 14, 13; 16, 20), la compassion (10, 30 : la parabole du bon Samaritain), le partage (12, 16 : la parabole du riche insensé; 19, 1 : lhistoire de Zachée)
Lhistorien Juif Flavius Josèphe confirme que Jean Baptiste a offert un enseignement moral aux gens qui lécoutaient, un peu à la manière des prophètes de lAncien Testament. Plus particulier, il note ceci en parlant de sa mort aux mains dHérode :
[117] En effet, Hérode lavait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et quil excitât simplement les Juifs à recevoir le baptême, pourvu quils pratiquent la vertu, soient justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu. Car cest à cette condition, selon Jean, que Dieu considérerait le baptême comme agréable, cest-à-dire sils sen servaient non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, dans la mesure où leur âme avait été préalablement purifié par la justice. (Antiquités Judaïques, xviii, 5, 2)
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v. 12 Des douaniers vinrent à lui pour se faire baptiser et lui demander : « Maître, que devons-nous faire? »
Littéralement : Mais vinrent aussi des péagers pour être baptisés et ils dirent envers lui : maître, quoi nous fassions?
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Après sa réponse générale adressée à tout le monde, Jean se tourne vers des groupes particuliers, comme ces douaniers ou publicains. Cela signifie quen plus de lappel à la compassion et au partage, ces douaniers reçoivent un appel relié spécifiquement à leur type de travail.
Les douaniers étaient détestés et mal vus par les Juifs, car ils collaboraient avec les conquérants romains et païens à qui revenait largent perçu. La mention de leur présence parmi les baptisés montre lampleur de linfluence de Jean Baptiste et, pour Luc qui nous donne ce récit, leur bonne volonté.
Puisque Jean Baptiste baptisait dans la région du fleuve Jourdain, une zone frontière avec la Pérée (Jordanie actuelle), on comprend la présence de ces douaniers pour prélever des taxes aux visiteurs ou aux citoyens revenants au pays.
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v. 13 Et lui leur répondit : « Ne prélevez rien de plus que ce quon vous a prescrit. »
Littéralement : Mais lui dit envers eux: rien de plus, par rapport à ce qui a été prescrit à vous, exécutez.
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Lappel de Jean Baptiste nous indique que des douaniers ne se gênaient pas pour demander des « extra », et donc profiter de leur rôle pour senrichir, ce quon appelle aujourdhui de la corruption. Ainsi, Jean ne leur demande pas darrêter leur travail, mais de le faire avec honnêteté et intégrité, en évitant toute cupidité. Il ne sagit pas du tout dune invitation à la compassion ou à la générosité, mais simplement à démontrer du professionnalisme dans leur travail.
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v. 14 Des militaires linterrogeaient également avec ces mots: « Et nous, que devons-nous faire? » Il leur dit : « Ne molestez et ne calomniez personne, et contentez-vous de votre solde. »
Littéralement : Mais ils interrogeaient lui aussi ceux faisant leur service militaire disant : quoi nous fassions aussi nous? Et il dit à eux : rien que vous nextorquiez ni diffamiez et soyez satisfaits des salaires de vous..
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Qui sont ces militaires? Ils peuvent être romains au service du préfet envoyé de Rome, ou Juifs au service dHérode. Quoi quil en soit, ils ne représentent pas une catégorie bien vue dans les milieux religieux. Encore ici, Luc tient à nous montrer leur bonne volonté et linfluence de la prédication de Jean Baptiste.
Pourquoi Jean leur demande-t-il déviter de molester les gens ou de les calomnier? On peut comprendre que les militaires sont dans une situation de pouvoir, et ils peuvent abuser de ce pouvoir, soit par la violence faite aux gens, soit en les accusant injustement. Cette situation rappelle celle des policiers dans nos sociétés modernes. Encore une fois, Jean exige le respect et lintégrité dans lexercice de leur travail, bref à démontrer leur professionnalisme, rien de plus.
Encore une fois, notons que Jean Baptiste baptisait dans la région du fleuve Jourdain, une zone frontière avec la Pérée (Jordanie actuelle), et donc on comprend la présence des militaires pour protéger les frontières.
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v. 15 Comme le peuple était dans lattente et que tout le monde débattait dans son coeur si Jean ne serait pas le messie,
Littéralement : Mais étant attendant le peuple et résonnant tous dans les coeurs deux au sujet de Jean, de peur que lui quil soit le messie.
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Luc semble dire quil y avait dans le Judaïsme de lépoque une attente généralisée dun messie. De fait, dans limaginaire des gens religieux comme les pharisiens, on associait la venue du messie avec lapproche de la fin des temps. Et Jean Baptiste appartient à ce mouvement eschatologique qui annonce la fin des temps pour bientôt et auquel Jésus lui-même appartient. Donc, il ne faut pas être surpris de voir les gens discuter du messie dans un tel contexte. À Qumran on entretenait lidée dun messie prêtre ou dun messie davidique qui serait le leader dIsraël à la fin des temps.
On pourrait se demander : doù vient ce mouvement eschatologique (fin des temps) et apocalyptique (Dieu se révèle)? Pourquoi sest-il intensifié vers le 2e siècle av. J.-C. sous le prophète Daniel pour ensuite satténuer vers la fin du premier siècle de lère chrétienne? Il apparaît habituellement dans un contexte de tensions politico-religieuses et de perte de liberté. Cest ce qui se passe en Palestine avec larrivée des Grecs et la persécution dAntiochus IV Épiphane au 2e siècle av. J.-C., suivie par loccupation romaine : on a limpression que tout son monde sécroule, quon est sans pouvoir, que seule une intervention directe de Dieu pourra dénouer la situation, et que la seule façon de vraiment communiquer dans la communauté est de le faire en secret et dans un langage codé, en attendant larrivée dun messie envoyé par Dieu qui dénouera ce drame et ouvrira la porte à la fin des temps.
À la fois Jean Baptiste et Jésus prêcheront que la fin du monde est sur le point darriver. Tous les deux prêcheront que Dieu est sur le point dintervenir, la différence étant que, pour Jésus, cette intervention étant déjà commencée par les guérisons quil opérait. Par contre, autant il est clair que Jean Baptiste attendait le messie, autant la position de Jésus sur le sujet est plus obscure : bien sûr les évangiles racontent que ses disciples, en particulier Pierre, proclament quil est le messie ou Christ (Matthieu 16, 16-20), mais lanalyse critique de ces passages portent lempreinte de la théologie de lévangéliste après Pâques alors quil écrit vers lan 80, et donc ne reflètent pas le Jésus historique.
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v. 16 Jean prit la parole pour dire : « Moi, certes, je vous baptise dans leau, mais celui qui est plus fort que moi sen vient, celui dont, moi, je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales. Lui, il vous baptisera dans lEsprit Saint et le feu.
Littéralement : Il répondit disant à tous le Jean : moi certes dans leau je baptise vous. Mais il vient le plus fort que moi, celui dont je ne suis pas capable de détacher la courroie des sandales de lui. Lui vous baptisera en esprit saint et en feu.
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Pourquoi Jean posait-il ce geste du baptême deau? La-t-il emprunté à quelquun? Les Juifs connaissaient le geste des ablutions deau, signe de purification. On connaît lhistoire de Naamân le lépreux que le prophète Élisée envoie se baigner sept fois dans le Jourdain pour être guéri (2 Rois 5, 10). Il est possible que Jean Baptiste ait été influence par les Esséniens de Qumran non loin de lendroit où il baptisait et qui pratiquaient des ablutions fréquentes pour des raisons de pureté rituelle. Cependant son geste avait trois différences fondamentales :
- On ne posait ce geste quune seule fois
- Il ne visait pas la pureté rituelle, mais exprimait un désir de conversion
- On ne pouvait se donner soi-même le baptême, mais on le recevait par lintermédiaire dun autre, nommément Jean Baptiste ou un de ses disciples
Jean annonce un plus fort que lui. De qui parle-t-il? Pour lévangile Luc alors quil écrit vers lan 80 et pour nous aujourdhui, il sagit bien sûr de Jésus. Mais si nous nous plaçons vers lan 27 ou 28, au plus fort de la prédication du baptiste, il est tout probable que Jean ne le savait pas lui-même. Il imaginait peut-être une figure eschatologique, comme on le faisait à Qumran où on entretenait lidée de leaders dIsraël à la fin des temps, i.e. un messie prêtre ou un messie davidique. Mais il ne sagissait certainement pas de Jésus comme on le constate dans cette scène où, en prison, il est obligé denvoyer ses disciples senquérir sil est vraiment celui qui doit venir (Matthieu 11, 2).
Pourquoi Jean annonce-t-il un plus fort que lui? Il est probable que dans ce drame de la fin des temps, il ne se voyait pas apte à être lacteur du dernier acte. Ce dernier acte avait deux aspects, le salut par le don de cet Esprit de Dieu annoncé par lAncien Testament pour ceux qui auront accepté le baptême de conversion, et la destruction par le feu sacré qui consumera les récalcitrants. Tout cela était hors du pouvoir du baptiste qui nétait que le messager.
Quelle est ce baptême dans lEsprit Saint? LAncien Testament, la littérature intertestamentaire et Qumran parlent de la promesse de lEsprit pour les derniers temps : Après cela, je répandrai mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, et vos jeunes gens des visions. Même sur les esclaves, hommes et femmes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit (Joël 3, 1-2). Ainsi, Dieu répandra une part de son être dans le coeur les gens, et ceux-ci seront transformés au point de voir les choses à Sa manière. Voilà que Jean Baptiste rappelle cette promesse de Dieu au moment où il annonce la fin des temps. Dans la façon dont Luc reprend ce thème de lAncien Testament, on ne peut sempêcher dy voir une allusion à la Pentecôte où lEsprit a été répandu sous forme de langues de feu, début de la communauté chrétienne.
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v. 17 Il a en main la pelle à vanner pour nettoyer son aire et recueillir le blé dans sa grange. Et quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne séteint pas. »
Littéralement : Celui pour, la vanneuse dans la main de lui, nettoyer laire de lui et rassembler le blé vers la grange de lui, mais la paille se consumera entièrement au feu inextinguible.
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Lidée dune intervention de Dieu qui signale la fin des temps ou Jour du Seigneur est apparue très tôt dans lhistoire dIsraël :
- Malheur à ceux qui soupirent après le jour de Yahvé! Que sera-t-il pour vous, le jour de Yahvé? Il sera ténèbres, et non lumière (Amos 5, 18, 8e siècle av. J.-C.).
- Hurlez car il est proche, le jour de Yahvé, il arrive comme une dévastation de Shaddaï (Isaïe 13, 6, 8e siècle av. J.-C.).
- Il est proche, le jour de Yahvé, formidable! Il est proche, il vient en toute hâte! O clameur amère du jour de Yahvé: cest maintenant un preux qui pousse le cri de guerre! Jour de fureur, ce jour-là! jour de détresse et de tribulation, jour de désolation et de dévastation, jour dobscurité et de sombres nuages, jour de nuées et de ténèbres (Sophonie 1, 14-15, 7e siècle av. J.-C.).
- Car le jour est proche, il est proche le jour de Yahvé; ce sera un jour chargé de nuages, ce sera le temps des nations. Lépée viendra en Égypte, langoisse au pays de Kush, quand les morts tomberont en Égypte, quand on emportera ses richesses et que ses fondements seront renversés (Ézéchiel 30, 4-5, 6e siècle av. J.-C.).
- En ce jour-là - oracle de Yahvé - je frapperai tous les chevaux de confusion, et leurs cavaliers de folie. Et je frapperai de cécité tous les peuples. (Mais sur la maison de Juda jouvrirai les yeux.) Alors les chefs de Juda diront en leur coeur: "La force pour les habitants de Jérusalem est en Yahvé Sabaot, leur Dieu." En ce jour-là, je ferai des chefs de Juda comme un brasier allumé dans un tas de bois, comme une torche allumée dans une gerbe. Ils dévoreront à droite et à gauche tous les peuples alentour. Et Jérusalem sera encore habitée en son lieu (à Jérusalem) (Zacharie 12, 4-6, 6e siècle av. J.-C.).
- « Que les nations sébranlent et quelles montent à la vallée de Josaphat! Car là je siègerai pour juger toutes les nations à la ronde. Lancez la faucille : la moisson est mûre; venez, foulez : le pressoir est comble; les cuves débordent, tant leur méchanceté est grande! ...Le soleil et la lune sassombrissent, les étoiles perdent leur éclat... Mais Yahvé sera pour son peuple un refuge... Jérusalem sera un lieu saint, les étrangers ny passeront plus! » (Joël 4, 12-17, 5e siècle av. J.-C.)
- Jécoutai sans comprendre. Puis je dis: "Mon Seigneur, quel sera cet achèvement?" Il dit: "Va, Daniel; ces paroles sont closes et scellées jusquau temps de la Fin... Pour toi, va, prends ton repos; et tu te lèveras pour ta part à la fin des jours. (Daniel 12, 8-13, 2e siècle av. J.-C.).
On peut se poser la question : comment Israël a-t-il développé cette idée dune histoire qui aura un jour une fin, plutôt quune vision cyclique de la vie où les événements se répètent en boucle infinie à la manière des saisons, comme on le voit par exemple en Égypte? Il est possible que lexpérience dun Dieu qui intervient dans la vie dun peuple pour le sauver dune mort certaine, comme le raconte le récit de la sortie dÉgypte, ou encore le retour dexil de Babylone, bref lexpérience dun Dieu maître de lhistoire ait amené les prophètes à imaginer quil y aura un jour une intervention définitive de Dieu pour éliminer le mal et remettre la création dans son ordre originel. Les premiers textes de lAncien Testament cités plus haut nous présentent la figure de Yahvé sous les traits dun guerrier furieux de constater létat de son peuple. Par la suite, la pensée suniversalise et le Jour de Seigneur signifie la victoire dIsraël sur ses ennemis. Et avec Daniel, ce jugement final de Dieu coïncide avec la fin de laventure humaine. Si le monde a eu un commencement, il devrait avoir une fin.
Pour décrire le jugement de Dieu, Jean utilise limage familière du paysan qui, après avoir récolté son blé, en fait le vannage pour séparer la balle de la céréale en le projetant en lair avec une pelle, si bien que la bale et toutes les impuretés partent au vent et que seul le blé retombe immédiatement au sol. Ce jugement de Dieu sépare donc les bons des méchants. Mais Jean met laccent sur lactivité qui suit, i.e. une activité de nettoyage : le blé est récupéré pour être précieusement conservé dans un grenier ou une grange, tandis que la balle ou la paille devenue inutile est détruite par le feu. Limage suggère que Dieu conservera en vie les gens fidèles, et éliminera les infidèles. Dans certains milieux juifs, seuls les croyants fidèles connaîtront la résurrection des morts. Quant aux autres, cest la mort éternelle. Dailleurs limage du feu est très souvent associée à la destruction dans lAncien Testament:
- Yahvé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu venant de Yahvé (Genèse 19, 24)
- Or le peuple élevait une lamentation mauvaise aux oreilles de Yahvé, et Yahvé lentendit. Sa colère senflamma et le feu de Yahvé salluma chez eux: il dévorait une extrémité du camp (Nombres 10, 36)
- Cette oeuvre de péché que vous aviez fabriquée, ce veau, je le pris, je le brûlai au feu, je le broyai, je le réduisis en fine poussière, et jen jetai la poussière au torrent qui descend de la montagne (Deutéronome 9, 21).
- Oui, un feu a jailli de ma colère, il brûlera jusquaux profondeurs du shéol; il dévorera la terre et ce quelle produit, il embrasera la base des montagnes (Deutéronome 32, 22).
- Enfin celui qui sera désigné par le sort en ce qui concerne lanathème sera livré au feu, lui et tout ce qui lui appartient, pour avoir transgressé lalliance avec Yahvé et avoir commis une infamie en Israël. (Josué 7, 15)
- La lumière dIsraël deviendra un feu et son Saint une flamme, elle brûlera et consumera ses épines et ses ronces en un jour (Isaïe 10, 17)
- Quand sèchent les branches on les brise, des femmes viennent et y mettent le feu. Or ce peuple nest pas intelligent, aussi son créateur naura pas pitié de lui, celui qui la modelé ne lui fera pas grâce. Et il arrivera quen ce jour-là, Yahvé fera le battage, depuis le cours du Fleuve jusquau torrent dÉgypte, et vous, vous serez glanés un à un, enfants dIsraël (Isaïe 27, 11).
- Vous concevez du foin, vous enfantez de la paille, mon souffle, comme un feu, vous dévorera (Isaïe 33, 11).
Quel est ce feu qui ne séteint pas? Il était coutume à lépoque comme aujourdhui davoir des dépotoirs publics. Le feu y était constamment maintenu et ainsi on pouvait en tout temps jeter des choses pour quelles soient consumées. Nallons pas associer ce feu à lidée de lenfer, lieu de souffrances terribles et de damnation, développée dans le christianisme médiéval ou à la Renaissance: cette idée est absente du Judaïsme et des évangiles.
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v. 18 Par plusieurs autres exhortations, il annonçait la bonne nouvelle au peuple.
Littéralement : Plusieurs choses donc aussi autres exhortant il évangélisait le peuple
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Après avoir parlé de jugement et de destruction par le feu, on peut sétonner que Luc nous parle de lannonce dune bonne nouvelle. Mais en fait, pour lui laccent est sur la venue du plus fort que Jean et qui baptisera dans lEsprit Saint. Et pour son auditoire chrétien, cette venue sidentifie à Jésus. De plus, dans son récit de lenfance de Jésus, Luc a tenu à mettre en parallèle Jean Baptiste et Jésus. Cette approche se poursuit ici en montrant que tous les deux ont annoncé la bonne nouvelle. Cest une façon habile de montrer la continuité entre lAncien Testament, représenté par Jean, et le Nouveau Testament, représenté par Jésus.
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- Analyse de la structure du récit
- Questions sur les suites à donner au baptême de Jean
- De manière générale, partage avec les autres si on est dans labondance
- Pour les douaniers, demeurer professionnel
- Pour les militaires, demeurer professionnel
- Question du peuple sur lidentité du baptiste : est-il le messie promis?
- Réponse de Jean : annonce dun plus fort que lui qui offrira un baptême dans lEsprit Saint et exercera un véritable jugement
- Conclusion du narrateur : un exemple dannonce de bonne nouvelle chez Jean
- Analyse du contexte
- Jean réalise la prophétie dIsaïe en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés (3, 1-6)
- Jean proclame quil ne suffit pas dêtre Juif pour éviter le jugement qui sen vient, mais il faut vraiment changer de vie (3, 7-9)
- Jean spécifie ce quimplique la conversion (3, 10-14)
- Jean précise quil nest pas le messie et quun plus fort que lui baptisera dans lEsprit Saint et établira le jugement (3, 15-18)
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- Hérode Antipas emprisonne Jean Baptiste (3, 19-20)
- Jésus en prière reçoit lEsprit Saint et la confirmation dêtre aimé de Dieu (3, 21-22)
- Généalogie de Jésus (3, 23-38)
- LEsprit conduit Jésus au désert où il tenté par le diable au désert (4, 1-13)
- LEsprit conduit Jésus en Galilée où il enseigne et voit sa réputation grandir (4, 14-15)
Nous pouvons faire quelques considérations sur le contexte :
- Notre passage opère une transition de Jean Baptiste à Jésus : Jean nest là que pour préparer le chemin pour Jésus en invitant les gens à la conversion et à attendre quelquun qui sera vraiment en mesure de donner lEsprit Saint.
- Bref, Jean Baptiste na de valeur quen relation avec Jésus quil annonce.
- Analyse des parallèles
Rappelons que, selon la théorie la plus acceptée dans le monde biblique, Marc aurait été le premier à publier son évangile, Matthieu et Luc auraient réutilisé une bonne part de l'oeuvre de Marc dans leur évangile, tout en intégrant une autre source, connue des deux et appelée « source Q », ainsi que d'autres sources qui leur sont propres, et enfin Jean aurait publié plus tard un évangile indépendant, sans connaître Marc, Matthieu et Luc, même s'il semble avoir eu accès à des sources semblables.
Dans ce contexte, l'étude des parallèles nous permet de mieux cerner ce qui est spécifique à chaque évangéliste. Voici notre convention : on a souligné les passages de Marc repris par l'un ou l'autre ses autres évangélistes; on a mis en bleu ce qui est commun à Matthieu et Luc seulement. En rouge, les paroles de Jean que l'on retrouve également sous la plume des autres évangélistes, probablement en raison du fait que les différentes sources ont des points communs.
Marc 1 | Matthieu 3 | Luc 3 | Jean 1 |
| | 10 Et les foules l’interrogeaient, en disant: « Que nous faut-il donc faire? » | |
| | 11 Il leur répondait: « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. » | |
| | 12 Des publicains aussi vinrent se faire baptiser et lui dirent: « Maître, que nous faut-il faire? » | |
| | 13 Il leur dit: « N’exigez rien au-delà de ce qui vous est prescrit. » | |
| | 14 Des soldats aussi l’interrogeaient, en disant: « Et nous, que nous faut-il faire? » Il leur dit: « Ne molestez personne, n’extorquez rien, et contentez-vous de votre solde. » | |
| | | 24 Et ils avaient été envoyés par les Pharisiens. |
| | | 25 Ils l’interrogèrent et lui dirent : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le oint, ni Élie, ni le prophète? » |
| | 15 Comme le peuple était dans l’attente et que tous se demandaient en leur coeur, au sujet de Jean, s’il n’était pas le oint, | |
7-8 Et il proclamait disant: « Il vient le plus fort que moi derrière moi, dont je ne suis pas capable, en me courbant, de délier la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec l’eau, puis, lui vous baptisera dans un esprit saint. » | 11 « Moi certes, je vous baptise dans l’eau en vue du repentir; puis, le venant derrière moi est plus fort que moi, dont je ne suis pas capable d’enlever les sandales; lui il vous baptisera dans un esprit saint et du feu. | 16 il répondit disant à tous le Jean : « Moi certe avec l’eau je vous baptise, puis, il vient le plus fort que moi, dont je ne suis pas capable de délier la courroie de ses sandales; lui il vous baptisera dans un esprit saint et du feu. | 26-27 il leur répondit le Jean disant : « Moi, je baptise dans l’eau. Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, le venant derrière moi, dont moi je ne suis pas digne que soit déliée de lui la courroie de sandale. » |
| 12 duquel la pelle à vanner dans sa main et il nettoiera son aire et il recueillera son blé dans le grenier; puis, des bales, il consumera au feu inextinguible. » | 17 duquel la pelle à vanner dans sa main pour nettoyer son aire et recueillir le blé dans son grenier; puis, des bales, il consumera au feu inextinguible. » | |
| | 18 Et par bien d’autres exhortations encore il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle. | |
| | | 28 Ces chose à Béthanie survinrent de l’autre côté du Jourdain, où Jean baptisait. |
Nous pouvons faire quelques considérations sur ces parallèles :
- Les versets 10-14 de Luc lui sont uniques et proviennent probablement dune source particulière. Ses exhortations morales sont typiques de celle quon attend dun prophète et ne font que refléter les grandes valeurs du judaïsme.
- V.15 est également unique à Luc et est probablement rédactionnel, i.e. est une composition personnelle: beaucoup de leaders ou prophètes au premier siècle se verront affublés du titre de messie, et donc on peut comprendre que certains aient pu donner ce titre à Jean Baptiste. Luc résume à sa manière une époque.
- Mt 3, 11-12 et Lc 3, 16-17 sont presquidentiques et proviennent vraisemblablement dune source commune aux deux quon appelle Source Q. Cette source affirme quatre points : 1) Jean baptisait dans leau dans un geste de repentir; 2) il attendait quelquun de plus fort que lui pour mener le drame final à son dénouement; 3) cet autre personnage serait en mesure daccomplir la promesse du don de lEsprit; 4) cet autre personnage exercera le jugement final
- Les quatre évangélistes connaissaient la distinction entre le baptême deau et baptême de lEsprit Saint et le fait que le baptiste attendait un être plus fort ou plus grand que lui pour le jugement final. Mais Jean ajoute des éléments de sa théologie où il reprend certains thèmes favoris : celui de lenvoi (Jean Baptiste a été envoyé par Dieu tout comme Jésus), celui de la connaissance (au milieu de vous quelquun que vous ne connaissez pas) et de lhabitation (lEsprit descendre et demeurer en lui).
- Enfin, Luc termine ce passage avec une conclusion qui lui est unique et qui fait de Jean Baptiste un annonceur de bonne nouvelle, tout comme Jésus : tout comme il la fait pour les récits de lenfance (ch. 1 et 2), ce parallélisme entre Jean Baptiste et Jésus montre que lAncien et le Nouveau Testament constituent une même histoire dont Jésus est la clé de voute.
- Comment expliquer les similitudes entre Jean et les autres évangélistes? La réflexion chrétienne pour situer Jean-Baptiste dans la mission de Jésus a été si intense qu'elle s'est retrouvée dans plusieurs traditions, celle qu'a utilisé Marc, la source Q, et la tradition que Jean avait en main; or il est normal de trouver des points communs dans toutes ces traditions qui provenaient peut-être à l'origine d'un tronc commun.
- Intention de l'auteur en écrivant ce passage
- Sur le plan historique, nous savons que cest Jean Baptiste qui a éveillé en quelque sorte Jésus à sa vocation et, pendant quelque temps, Jésus fut son disciple (voir Meier sur le sujet) et ce nest quaprès lemprisonnement du baptiste que Jésus en pris son envol et attiré à lui quelques uns de ses disciples. Jean sest posé beaucoup de questions sur lidentité de Jésus et il ne semble pas avoir résolu cette question avant de mourir. Dailleurs les Actes des Apôtres (Ac 19, 3) racontent quà peu près 20 ans plus tard, à Éphèse, il y a encore des disciples de Jean Baptiste qui ignorent totalement ce baptême dans lEsprit Saint de Jésus. Quest-ce que cela signifie? La présentation de Jean Baptiste que nous avons à travers les évangiles ne cherche pas à donner le mot à mot de ses échanges avec Jésus, mais est le fruit de la réflexion chrétienne plusieurs années plus tard pour situer le baptiste dans lévénement Jésus et laction de Dieu. Alors que Jean Baptiste se voyait probablement comme le précurseur de lintervention finale de Dieu dans le monde, les chrétiens lon perçu comme le précurseur de Jésus.
- Pourtant, à part sa finale du v. 18, Luc ne semble pas avoir inventé de toute pièce le contenu de ce passage : aux vv. 10-14, il reprend un récit qui lui vient dune source propre, et aux vv. 11-17 il reprend la source Q. Le fait même de coller ensemble ces deux récits différents dit quelque chose de son intention : la prédication de Jean et la conversion morale à laquelle il invite son auditoire est vraiment une étape obligée pour accéder à la foi en Jésus. Mais en même temps, Jean nest quune étape dans lhistoire sainte dont Jésus est vraiment le pivot.
- Si javais à résumer la pensée de Luc alors quil sadresse à sa communauté chrétienne, peut-être celle de Corinthe, je dirais ceci : « Mes chers Corinthiens, ne pensez pas accéder à ce que propose Jésus sans dabord changer de vie en embrassant ce que le Judaïsme offre de meilleur, mais en même temps Jésus vous fera entrer dans un monde vraiment différent. »
- Situations ou événements actuels dans lesquels on pourrait lire ce texte
Ce passage offre plusieurs angles de lecture, et donc plusieurs cadres pour regarder lactualité.
- Un premier angle est lidée même dun précurseur. Pour Luc et les premiers chrétiens, Jean Baptiste a constitué une étape importante dans lévénement Jésus, il a été en quelque sorte son annonciateur, même si sur le plan historique cela nest pas tout à fait exact. Daprès lhistoire et notre expérience, nous savons limportance des témoins qui nous ouvrent à des moments clés. Voici des situations contemporaines qui offrent un tel cadre de lecture.
- Nelson Mandela et lAfrique du Sud : nous avons ici quelquun qui a contribué à changer les mentalités et mettre fin à lapartheid; pourtant cest une révolution inachevée quand on regarde la situation actuelle avec ses inégalités et sa violence.
- On peut considérer quAbraham Lincoln comme un instrument de la fin de lesclavage. Pourtant tout ceci na été quune étape dans cette longue marche vers légalité où il faut ajouter des gens comme Rosa Parks et Martin Luther King.
- Chacun peut regarder sa vie et nommer des personnes déterminantes dans ce que nous sommes devenus.
- Si on regarde le premier siècle de la Palestine, lévénement Jésus aurait-il été possible sans lévénement Jean Baptiste? À linverse, sil ny avait eu que lévénement Jean Baptiste, quel aurait été la suite de lhistoire dIsraël et de lhumanité en général?
- Un angle de lecture est celui de la conversion morale (partager et demeurer professionnel) à laquelle Jean Baptiste invite son auditoire.
- Pourquoi invite-t-il les gens à cette conversion? Est-ce le principal critère à considérer face au jugement imminent de Dieu? En dautres mots, ceux qui partagent ou ne cèdent pas à la corruption passeront-il très bien le test du jugement de Dieu?
- Peut-on devenir chrétien sans passer par une conversion morale? En dautres mots, quelquun ne peut se prétendre chrétien sil ne partage pas ses biens, évite les pots-de-vin, ne moleste jamais, nabuse jamais de son pouvoir. À linverse, suffit-il de vivre ces valeurs morales pour être chrétien? Quest-ce qui manque alors? Pourquoi?
- Sur le plan moral, il y a-t-il en général une différence entre un chrétien et non chrétien, entre un être religieux et un autre non religieux?
- Aux yeux de Jean cette conversion morale semble insuffisante, car il doit annoncer une nouvelle intervention de Dieu qui dépasse ses capacités?
- Quand on regarde la corruption à tous les niveaux du secteur public, on se pose la question : pourquoi des gens cèdent-ils ainsi à la tentation de la corruption? Et donc ne peut-on pas dire que beaucoup de gens nont pas été capables dune conversion morale? Où ont-ils « manqué le bateau »?
- Un autre angle est celui de la question du Messie.
- Dans toutes nos sociétés, on est à la recherche dun messie qui nous sortira de la situation détestable où nous sommes; mais qui peut vraiment être messie? À quelle condition?
- Jean Baptiste semble dire quon ne peut jouer ce rôle de messie sans cette capacité de répandre lEsprit et de pouvoir opérer dans ce monde un jugement universel; a-t-il raison?
- Si Jésus est vraiment le Messie espéré, pourquoi ce monde qui est le nôtre nest-il pas un véritable paradis? Quest-ce qui na pas fonctionné?
- Un autre angle est celui du ménage à faire dans notre monde entre bons et méchants.
- Dans toutes nos sociétés, on voudrait pouvoir éradiquer le mal en éliminant tous les fauteurs de trouble : est-ce vraiment possible?
- Les États-Unis et, dans une certaine mesure, le Canada, ont augmenté les peines pour les gens reconnus coupables pour des infractions à la loi : est-ce la direction à suivre si on sinspire de lÉvangile?
- Peut-on éradiquer le mal sans en connaître la source profonde?
- Ne peut-on pas dire que des gens comme Néron et Hitler peuvent être associés à cette paille que le messie « brûlera au feu qui ne séteint pas »?
-André Gilbert, Gatineau, novembre 2012
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