John P. Meier, Un certain juif, Jésus. Les données de l'histoire,
v.4, ch. 35 : Jésus et les lois de pureté,
pp 342-477, selon la version anglaise

(Résumé détaillé)


Jésus a-t-il pris position face aux lois de pureté rituelle du Judaïsme?


Sommaire

La réponse à cette question est claire : non. Jésus ne semble pas s’être du tout intéressé aux questions de pureté rituelle. Voyons d’abord de quoi il s’agit.

Quand on parle d’impureté dans le monde juif, on ne parle pas nécessairement de péché. On parle plutôt d’être dans un état qui fait injure à la sainteté de Dieu. Pour baliser ces états, le Judaïsme a établi un certains nombre de règles qu’un esprit moderne peut répartir en quatre catégories : l’impureté rituelle, reliée aux grands cycles de la vie (naissance, maladie, vie sexuelle, mort); l’impureté morale qui désigne certains péchés haineux comme le meurtre, des fautes sexuelles sérieuses (l’inceste, l’homosexualité, la bestialité), et l’idolâtrie; l’impureté généalogique contractée dans un mariage mixte; l’impureté alimentaire entraînée par la manducation d’animaux prohibés.

Les évangiles parlent rarement d’impureté. Un seul passage est vraiment explicite : Marc 7, 1-23. Mais une analyse détaillée démontre que ce texte ne peut remonter au Jésus historique. Tout d’abord, on perçoit la main de Marc dans le grand nombre de parenthèses, de généralisations et d’affirmations universelles, et dans son style littéraire typique. Ensuite, la citation d’Isaïe qu’on y trouve est empruntée à la traduction grecque de l’Ancien Testament, impensable chez Jésus. De plus, la maxime du v. 15 (Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme) est inimaginable dans la bouche de Jésus, car il attaquerait de front la pureté alimentaire, ce qui est au coeur de l’identité juive, et donc l’aurait immédiatement ostracisé parmi tout le peuple, alors qu’on note aucune réaction de l’auditoire dans notre texte. À cela il faut ajouter le fait que les premiers chrétiens semblent ignorer totalement cette parole de Jésus, si bien que saint Paul résoudra les discussions sur les règles alimentaires en faisant appel à sa théologie du salut. Enfin, le problème des mains non lavées qui introduit tout le récit est un faux problème, car il n’existe à l’époque de Jésus aucune règle sur le sujet. Marc 7, 1-23 est une collection de différents textes chrétiens autour du thème de la pureté et cousus ensemble par Marc pour soutenir la position de l’Église face aux Judéo-chrétiens.

À part ce texte, on ne trouve pratiquement rien sur le sujet, en tout cas aucun texte qui nous éclairerait sur la position de Jésus face à la pureté rituelle. S’il en ainsi, on peut présumer que le sujet ne l’intéressait tout simplement pas.


Jésus et les lois de pureté

  1. Les lois de pureté dans le Pentateuque et au-delà

    Selon le Pentateuque les lois sur la pureté déterminent que certaines actions ou personnes ou choses sont pures (tāhôr) ou impures (tāmē’). Et enfreindre ces lois est considéré comme une abomination (tô’ēbâ, šeqeṣ). Et on ne fait pas d’abord référence ici à un objet physique ou à une métaphore, mais bien à une réalité morale comme dans le cas d’un meurtre, d’inceste ou d’idolâtrie qui faisait vraiment sentir ses effets chez les Israélites. Dans l’Ancien Testament, tous ces préceptes de pureté étaient perçus globalement, mais il est légitime pour un esprit moderne de distinguer quatre catégories d’impureté : rituelle, morale, généalogique et alimentaire.

    1. L’impureté rituelle

      Notons tout de suite que l’impureté rituelle n’est pas péché ou mal. Elle concerne les événements de la vie humaine normale comme la naissance, la maladie, les activités sexuelles et la mort. Ces événements représentent des changements majeurs dans la condition humaine et impliquent le passage d’un seuil qui apparaît mystérieux. Dans un univers symbolique comme celui de l’Ancien Testament, ils sont typiques de la faiblesse humaine, de sa condition charnelle et mortelle, et en cela doivent être séparés de la sainteté de Dieu, source de toute vie, et du lieu où il habite, le temple. Nous sommes devant deux univers opposés. Tout comme les produits chimiques et les réacteurs nucléaires, qui nous sont pourtant utiles, seraient dangereux sans une séparation et une protection adéquate, ainsi en est-il des réalités humaines liées à notre condition mortelle et charnelle. L’impureté rituelle était considérée hautement contagieuse.

      Pourtant, il y a des moments où il faut accepter d’être dans un état d’impureté rituelle, par exemple lorsqu’il faut préparer le corps d’un parent pour les funérailles; il s’agit d’une obligation morale. Il en va de même pour un couple qui a le devoir d’être fécond. Cela les mettra temporairement dans un était d’impureté rituelle. On ne parle pas du tout de péché. Mais l’important est de procéder aux rites de purification avec des ablutions d’eau avant d’entrer en contact avec les objets et les lieux sacrés.

    2. L’impureté morale

      Avec l’impureté morale, nous sommes sur un tout autre registre, car elle désigne certains péchés haineux comme le meurtre, des fautes sexuelles sérieuses (l’inceste, l’homosexualité, la bestialité), et l’idolâtrie. Ces actions sont si horribles qu’on les appelle : abominations. À l’inverse de l’impureté rituelle, l’impureté morale peut être évitée, car elle ne fait pas partie du cycle normal de la vie. Et pour cette raison, elle est vraiment un péché, une rébellion contre la volonté de Dieu telle qu’exprimée dans la Tora. Par contre, elle n’est pas contagieuse au point de rendre impures d’autres personnes comme dans la pureté rituelle. Mais elle rend impure non seulement la personne qui a perpétré l’action, mais également toute la terre d’Israël (Lv 18, 25). Pour redresser la situation, il faut éliminer la personne impure du peuple de Dieu (l’exécution, le bannissement ou une mort prématurée sans progéniture) et éliminer l’impureté dans le temple par le sacrifice d’expiation, en particulier celui du Yom Kippur.

    3. L’impureté généalogique

      Ce type d’impureté n’a jamais été enchâssé dans le Pentateuque et est apparu après l’exil à Babylone (6e siècle av. J.C.), à l’époque d’Esdras et de Néhémie (5e et 4e siècle av. J.C.). Elle interdit les mariages mixtes des Juifs (une semence sainte) avec les Gentils (Esd 9, 2). Cette vision du livre d’Esdras a été repris par certains écrits comme le Livre des Jubilées.

    4. L’impureté alimentaire

      Il faut mettre cette impureté dans une catégorie à part : d’une part, elle n’appartient pas à la pureté rituelle qui fait partie d’événements inévitables de la vie, comme la naissance et la mort, alors que les prescriptions alimentaires relèvent d’un choix libre; mais d’autre part, même si on pourrait l’associer à l’impureté morale, il n’existe aucun mécanisme de purification dans un cas de transgression, tant on assumait que l’interdiction serait observée sans exception.

    Dans les milieux savants, on a beaucoup cherché à expliquer l’origine de toutes ces lois et ces pratiques. Chaque théorie a sa valeur et ses limites. Il vaut mieux simplement reconnaître que, pour un Juif, cela fait partie de l’univers dans lequel il était né, qu’il représentait sa façon d’exprimer son appartenance à Dieu et à son peuple, qu’il était la façon de distinguer le Dieu saint de tous ces autres dieux païens, ainsi que le peuple qu’il avait choisi et mis à part. Ces lois deviendront d’une grande importance lors de l’assaut de la culture gréco-romaine.

    Il faut cependant reconnaître que ces règles de pureté étaient l’objet de chauds débats dans le Judaïsme palestinien à l’époque de Jésus. Dans la Diaspora, Philo d’Alexandrie distinguait clairement deux types d’impureté, accordant moins d’importance à l’impureté rituelle qu’à l’impureté morale. À l’inverse, les Qumrâniens combinaient les deux types, si bien que l’impureté morale était aussi contagieuse que l’impureté rituelle. Cela diffère totalement de l’approche rabbinique qu’on retrouve dans la Mishna (200-220) et chez les rabbins par la suite qui auront tendance à tout compartimenter. Et après la destruction du temple de Jérusalem en l’an 70, beaucoup de règles tomberont en désuétude.

    Au moment où Jésus circule sur les routes de Palestine, on assiste à l’affrontement de tendances diverses face aux règles de pureté. Certains ont tendance à appliquer les règles à de nouveaux aspects de la vie quotidienne, alors que d’autres veulent les adapter ou les réduire. Par exemple, Josèphe nous raconte le cas de prêtres à Jérusalem qui sont plus stricts sur les règles de pureté alimentaire que ce qu’exigent les Écritures. Chez les Pharisiens, on note des différends entre eux quant à certaines règles alimentaires, même si on se montre tolérant vis-à-vis des autres groupes.

    Quand on se tourne vers les évangiles, les passages qui traitent d’impureté rituelle ou de règles alimentaires sont très rares, et un seul texte se prête vraiment à une analyse détaillée : Marc 7, 1-13.

  2. Jésus et la pureté en Marc 7, 1-23

    1 Les Pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se rassemblent auprès de lui, 2 et voyant quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées -- 3 les Pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé les bras jusqu’au coude, conformément à la tradition des anciens, 4 et ils ne mangent pas au retour de la place publique avant de s’être aspergés d’eau, et il y a beaucoup d’autres pratiques qu’ils observent par tradition: lavages de coupes, de cruches et de plats d’airain --, 5 donc les Pharisiens et les scribes l’interrogent: "Pourquoi tes disciples ne se comportent-ils pas suivant la tradition des anciens, mais prennent-ils leur repas avec des mains impures?"

    6 Il leur dit: "Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites, ainsi qu’il est écrit:

    Ce peuple m’honore des lèvres; mais leur coeur est loin de moi. 7 Vain est le culte qu’ils me rendent, les doctrines qu’ils enseignent ne sont que préceptes humains.
    8 Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes." 9 Et il leur disait: "Vous annulez bel et bien le commandement de Dieu pour observer votre tradition. 10 En effet, Moïse a dit: Rends tes devoirs à ton père et à ta mère, et: Que celui qui maudit son père ou sa mère, soit puni de mort. 11 Mais vous, vous dites: Si un homme dit à son père ou à sa mère: Je déclare korbān (c’est-à-dire offrande sacrée) les biens dont j’aurais pu t’assister, 12 vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour sa mère 13 et vous annulez ainsi la parole de Dieu par la tradition que vous vous êtes transmise. Et vous faites bien d’autres choses du même genre."

    14 Et ayant appelé de nouveau la foule près de lui, il leur disait: "Écoutez-moi tous et comprenez! 15 Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme. 16 Si quelqu’un a des oreilles pour entendre, qu’il entende!"

    17 Quand il fut entré dans la maison, à l’écart de la foule, ses disciples l’interrogeaient sur la parabole. 18 Et il leur dit: "Vous aussi, vous êtes à ce point sans intelligence? Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui pénètre du dehors dans l’homme ne peut le souiller, 19 parce que cela ne pénètre pas dans le coeur, mais dans le ventre, puis s’en va aux lieux d’aisance" (ainsi il déclarait purs tous les aliments). 20 Il disait: "Ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme. 21 Car c’est du dedans, du coeur des hommes, que sortent les desseins pervers: débauches, vols, meurtres, 22 adultères, cupidités, méchancetés, ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison. 23 Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans et souillent l’homme."

    1. La structure de Marc 7, 1-23

      1. Les indicateurs majeurs de la structure littéraire en Marc 7, 1-23

        Au v. 1 apparaissent soudainement les Pharisiens et les scribes, alors qu’ils étaient complètement disparus du paysage depuis le ch. 3. Leur arrivée signale l’accroissement de l’opposition à Jésus. Jésus répond en deux parties à leur irritation de voir ses disciples manger sans s’être lavés les mains, d’abord en citant le prophète Isaïe (Is 29, 13), puis la loi mosaïque (Ex 20, 12); dans les deux cas Jésus leur reproche de s’attacher à la tradition des hommes plutôt qu’au commandement de Dieu.

        Au v. 14 les Pharisiens et les scribes disparaissent aussi soudainement qu’ils sont apparus, sans exprimer de réaction aux paroles de Jésus. L’auditoire change et avec l’interpellation de la foule par Jésus on commence une nouvelle scène. Mais comme Jésus demeure au même endroit, Marc maintient ainsi avec les vv. 14-16 un certain lien avec ce qui précède. Par contre, comme Jésus explicitera aux vv. 17-23 le sens de la maxime énoncée au v. 15 (Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme), ce dernier est relié à ce qui suit. Voilà pourquoi les vv. 14-16 jouent le rôle de pivot dans l’ensemble 7-23, reliant ce qui précède et ce qui suit.

        Avec les disciples qui se mettent à interroger Jésus, alors qu’ils étaient restés silencieux jusqu’ici, le v. 17 introduit une nouvelle section qui vise à clarifier la maxime énoncée au v. 15. Au v. 18 Jésus commence son explication de la première partie de la maxime (ce qui pénètre en l’homme), et au v. 20 son explication de la deuxième partie de la maxime (ce qui sort de l’homme).

        On perçoit maintenant la composition soignée de Marc qui relie deux récits différents avec une maxime qui sert de suture.

      2. Les liens verbaux et thématiques

        1. Les connexions entre les deux moitiés de notre passage

          Il y a d’abord la personne de Jésus qui occupe toute la scène. Le seul discours direct à part celui de Jésus provient des Pharisiens et des scribes au v. 5. Il y a aussi le mot clé « koinos » (commun, profane, impur) et le verbe « koinoô » (profaner, souiller) qui, ensemble, apparaissent 7 fois dans ce passage. Enfin, il y a le mot : être humain (anthropos). Au tout début, il est associé aux Juifs dont les traditions s’opposent à Dieu et comporte un sens négatif et polémique. Par la suite, le sens s’élargit pour faire sauter les barrières ethniques et religieuses pour décrire l’être humain en général. Ce mouvement exprime la pensée de Jésus qui rejette le cadre de ces règles alimentaires juives. De toute évidence, ce ne sont pas les mots du Jésus historique que nous entendons ici, mais bien ceux de Marc qui reflète la division qui existe entre les chrétiens et les Juifs.

        2. Les connexions au sein des unités et des sous-unités.

          Ces connexions sont assurées par des mots clés.

          • Pharisiens (vv 1, 3, 5): ils constituent la colle de l’ensemble des 5 premiers versets (1-5), pour ensuite disparaître.

          • Tradition : le mot soude ensemble la première partie (1-13) où on passe de la « tradition des anciens » (3 et 5), à la « tradition des hommes » (8), puis à « votre tradition » (9 et 13), ces 2 derniers versets faisant inclusion à la deuxième réponse de Jésus. Ce mot soutient une polémique théologique.

          • Précepte / Commandement (vv 7, 8, 9) : ces mots ficellent ensemble les deux répliques de Jésus.

          • Annuler : les deux phrases « Vous annulez bel et bien le commandement de Dieu » (9) et « et vous annulez ainsi la parole de Dieu » (13) forment une inclusion autour de la deuxième réplique de Jésus, emballant clairement la première partie de la péricope et la concluant.

          • Manger (vv 2, 3, 4, 5) : le mot aide à maintenir ensemble la première sous-unité de la première partie.

          Ce ne sont là que quelques exemples montrant combien Marc, ou les auteurs pré-Marciens, a travaillé fort pour souder en un tout cohérent des éléments disparates de la tradition. Nous sommes donc devant une composition chrétienne à plusieurs niveaux, et non devant une vidéo de l’an 28.

    2. La traduction structurée de Marc 7, 1-23

      La première partie (7, 1-13) : La critique de Jésus de la tradition des anciens

      Unité 1 (1-5) : La question de manger avec des mains impures [mise en scène]

      1. Les Pharisiens et quelques scribes venus de Jérusalem se rassemblent auprès de lui,
      2. et voyant quelques-uns de ses disciples PRENDRE LEUR REPAS avec des mains IMPURES,
        c’est-à-dire non lavées -- [parenthèse]

        [parenthèse explicative]
      3. les Pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne MANGENT pas sans s’être lavé les mains jusqu’au coude, conformément à la TRADITION des anciens,
      4. et ils ne MANGENT pas au retour de la place publique avant de s’être aspergés d’eau, et il y a beaucoup d’autres pratiques qu’ils observent par TRADITION: lavages de coupes, de cruches et de plats d’airain --,

        [accusation en 2 parties sous forme de 2 questions]
      5. donc les Pharisiens et les scribes l’interrogent: "Pourquoi tes disciples ne se comportent-ils pas suivant la TRADITION des anciens, mais prennent-ils leur REPAS avec des mains IMPURES?"

      Unité 2 (6-13) : Les deux répliques de Jésus, d’abord à partir des Prophètes, puis de la Loi

      Première sous-unité (6-8) : Réplique citant Is 29, 13

      1. Il leur dit: "Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites,
        ainsi qu’il est écrit: [accusation]
        Ce peuple m’honore des lèvres; [citation de l’AT]
        mais leur COEUR est loin de moi
      2. Vain est le culte qu’ils me rendent, les doctrines qu’ils enseignent ne sont que préceptes HUMAINS.
      3. Vous mettez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la TRADITION DES HOMMES." [accusation]

      Deuxième sous-unité (9-13) : Réplique citant Ex 20, 12 et Ex 21, 17 (LXX 21, 16)

      1. Et il leur disait:
        "Vous annulez bel et bien le commandement de Dieu [accusation]
        pour observer votre TRADITION.
      2. En effet, Moïse a dit:
        Rends tes devoirs à ton père et à ta mère, et: [citation de l’AT]
        Que celui qui maudit son père ou sa mère, soit puni de mort.
      3. Mais vous, vous dites:
        Si un HOMME dit à son père ou à sa mère: Je déclare korbān (c’est-à-dire offrande sacrée) les biens dont j’aurais pu t’assister,
      4. vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour sa mère [accusation]
      5. et vous annulez ainsi la parole de Dieu par la TRADITION que vous vous êtes transmise.
        Et vous faites bien d’autres choses du même genre." [conclusion généralisante]

      Le pivot (7, 14-15) : Jésus enseigne sa maxime sur ce qui souille

      1. Et ayant appelé de nouveau la foule près de lui,
        il leur disait:
        "Écoutez-moi tous et comprenez!
      2. Il n’est rien d’extérieur à L’HOMME
        qui, pénétrant en lui, [première partie de la maxime]
        puisse le SOUILLER,
        mais ce qui sort de L’HOMME, [deuxième partie de la maxime]
        voilà ce qui SOUILLE L’HOMME.

      La deuxième partie (7, 17-23) : Jésus explique à ces disciples sa maxime sur ce qui souille

      Unité 1 (17-18a) : La question des disciples et le reproche de Jésus

      1. Quand il fut entré dans la maison, à l’écart de la foule, [mise en scène]
        ses disciples l’interrogeaient sur la maxime. [question]
      2. Et il leur dit [questions rhétorique en guise de réponse]
        1. "Vous aussi, vous êtes à ce point sans intelligence?
          Ne comprenez-vous pas que

      Unité 2 (18b-19) : Explication de la première partie de la maxime : rien d’extérieur ne souille

        1. rien de ce qui pénètre du dehors dans L’HOMME
          ne peut le SOUILLER, [première moitié]

      1. parce que cela ne pénètre pas dans le COEUR,
        mais dans le ventre, [raison : la digestion]
        puis s’en va aux lieux d’aisance"
        (ainsi il déclarait purs tous les aliments). [parenthèse]

      Unité 3 (20-23) : Explication de la deuxième partie de la maxime : ce qui vient de l’intérieur souille

      1. Il disait:
        "Ce qui sort de L’HOMME, [deuxième moitié]
        voilà ce qui SOUILLE L’HOMME.
      2. Car c’est du dedans, du COEUR des HOMMES,
        que sortent les desseins pervers: [raison : les vices]
        débauches, vols, meurtres, [v 22a] adultères, cupidités, méchancetés,

        [v 22b] ruse, impudicité, envie, diffamation, orgueil, déraison.

      1. Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans
        et SOUILLENT L’HOMME." [conclusion généralisante]

    3. L’identification de la (des) main(s) (des) de l’auteur(s) chrétien(s)

      Notre analyse de la structure du récit a repéré un travail rédactionnel intense, peu importe que cela vienne d’un ou plusieurs auteurs, avec la touche finale de Marc. On note trois types majeurs d’activité rédactionnelle.

      1. Les parenthèses explicatives

        C’est l’évangéliste Jean qui se signale surtout par l’insertion de parenthèses. Mais Marc en introduit un certain nombre à l’attention de son auditoire tout au long de son évangile, et ici à 3 reprises.

        1. (v. 2) « des mains impures, c’est-à-dire non lavées – »
        2. (vv. 3-5) « les Pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé les bras jusqu’au coude, conformément à la tradition des anciens, et ils ne mangent pas au retour de la place publique avant de s’être aspergés d’eau, et il y a beaucoup d’autres pratiques qu’ils observent par tradition: lavages de coupes, de cruches et de plats d’airain --, »
        3. (v. 11) « Je déclare korbān (c’est-à-dire offrande sacrée) »

      2. Les généralisations et les affirmations universelles

        Le fait que ces généralisations surviennent lorsqu’on parle des opposants insinue leur tendance polémique.

        1. (v. 3) « les Pharisiens, en effet, et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé les bras jusqu’au coude ». Cette affirmation n’est pas exacte, car les Pharisiens avaient des positions différentes des autres Juifs, dont certains étaient plus stricts.

        2. (v. 4) « et il y a beaucoup d’autres pratiques qu’ils observent par tradition ».

        3. (v. 13) « Et vous faites bien d’autres choses du même genre. » À travers la bouche de Jésus, c’est la voix du rédacteur qui résonne.

        4. (v. 19) « (ainsi il déclarait purs tous les aliments). » Marc généralise la maxime de Jésus sur ce que mange l’homme.

        5. (v. 23) Après avoir nommé six vices au pluriel, puis six au singulier, le Jésus de Marc conclut avec une autre généralisation : « Toutes ces mauvaises choses sortent du dedans ».

      3. Les structures littéraires typiques de Marc

        1. Les patterns d’une parole publique de Jésus, suivie d’une question des disciples en privé, d’un reproche de Jésus et finalement de l’explication finale. On a eu cette structure par exemple au ch. 4 avec la parabole de la semence. On l’a de nouveau alors que les disciples, une fois à la maison (v. 17), interrogent Jésus, se font reprocher leur inintelligence (v. 18) pour recevoir enfin l’explication de la maxime (v. 19).

        2. Le placement soigné des récits de disputes à travers l’évangile. On a d’abord un cycle des controverses en Galilée avec les scribes, puis les Pharisiens, aux ch. 2 et 3. On a également un cycle des controverses à Jérusalem, d’abord avec les scribes, puis avec les Pharisiens aux ch. 11 et 12. Au milieu, jouant le rôle de pivot, nous avons le cycle des controverses du ch. 7 où Pharisiens et scribes interviennent en même temps.

        3. La tendance de Marc à ficeler ensemble une série de verbes de parole qui jouent le rôle de point de ponctuation et établissent la structure. Bien souvent, sans le mentionner, Jésus est le sujet du verbe.
          v. 5 donc les Pharisiens et les scribes l’interrogent
          v. 6 Il leur dit
          v. 9 Et il leur disait:
          v. 10 En effet, Moïse a dit:
          v. 11 Mais vous, vous dites:
          v. 14 Et ...il leur disait:
          v. 17 ses disciples l’interrogeaient
          v. 18 Et il leur dit
          v. 20 Il disait:

        4. Le style binaire chez Marc tant les macros que dans les micros structures.
          • (vv. 3, 5) « Les Pharisiens et les Juifs »; « Les Pharisiens et les Scribes »; « tes disciples ne se comportent-ils pas... mais prennent-ils leur repas »

          • Les 2 sous-unités (6-8) et (9-13) constituent la réponse de Jésus, réunis ensemble par l’expression « commandement de Dieu » et la répétition du mot « tradition ». Jésus répond de manière antithétique : « Moïse a dit... mais vous dites » et fait appel à deux passages de l’Exode et aux personnes du père et de la mère.

          • On retrouve le rythme binaire dans le groupe pivot (14-15), introduit d’abord par : « Écoutez-moi tous et comprenez », suivi de la maxime antithétique en deux temps qui répète deux fois le verbe souiller : « Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme. »

          • La seconde partie de la péricope (17-23) contient deux adresses de Jésus à ses disciples (18 et 20) qui reprennent les deux parties de la maxime. Et sa réponse utilise deux fois le verbe « pénétrer » (18-19) et deux fois le verbe « sortir » (20-21). Quant à la liste des vices, elle se divise en 2 parties, avec une liste au singulier, et une autre au pluriel. Enfin, la péricope se termine avec deux demi-phrases avec un verbe chacune.

      Quand on voit des signes si clairs de composition chrétienne, on peut se demander : est-il encore possible de détecter du matériel qui remonte au Jésus historique? Commençons notre analyse par la portion où Jésus prend la parole.

    4. À la recherche du Jésus historique dans les sous-unités de Marc 7, 6-23

      1. Les versets 6-8 : la première réplique de Jésus, une citation d’Isaïe 29, 13

        Jésus commence par une citation d’Isaïe 29, 13. Ce qui est remarquable ici, c’est qu’au lieu de citer la version hébraïque comme il aurait été normal, il cite la version grecque de la Septante (connu sous le sigle LXX). Cela pourrait s’avérer bénin si les différences entre les deux versions n’étaient pas notoires et que pour arriver à ses fins il avait besoin de la version grecque. Comparons.

        Version hébraïque, traduction Bible de Jérusalem Version LXX, selon le Codex Vaticanus (B); le texte entre parenthèse [] n’apparaît pas dans les codices Sinaïticus (ﬡ), Alexandrinus (A) et Marchalianus (Q); traduction P. Giguet

        Version LXX, translittération
        13 Le Seigneur a dit:
        Parce que ce peuple est près de moi en paroles
        et me glorifie de ses lèvres,

        mais que son coeur est loin de moi
        et que sa crainte n’est qu’un commandement humain, une leçon apprise,

        13 Et le Seigneur a dit :
        Ce peuple s’approche de moi [en parole, et]
        il m’honore des lèvres;

        mais son coeur est loin de moi.
        Ils m’honorent en vain,
        enseignant la science et les maximes des hommes.

        13 Kai eipe Kyrios;
        engizei moi ho laos houtos [en tō stomati autou kai]
        en tois cheilesin autōn timōsi me,

        hē de kardia autōn porrō apechei ap emou; matēn de sebontai me
        didaskontes entalmata anthrōpōn kai didaskalias.

        14 eh bien! voici que je vais continuer à étonner ce peuple par des prodiges et des merveilles; la sagesse des sages se perdra et l’intelligence des intelligents s’envolera. 14 A cause de cela, voilà que je vais encore transporter ce peuple; je les transporterai, et je perdrai la sagesse des sages, et je tromperai la prudence des prudents. 14 dia touto idou egō prosthēsō tou metatethēnai ton laon touton kai metathēsō autous kai apolō tēn sophian tōn sophōn kai tēn synesin tōn synetōn krypsō.

        Dans la version hébraïque, Isaïe énonce un oracle de jugement qui comporte deux parties : d’abord il accuse le peuple d’avoir un culte routinier sans véritable engagement du coeur, ensuite il annonce le verdict de Dieu qui punira son peuple superficiel en renversant cette religion créée par les bureaucrates de Jérusalem.

        Alors que le v. 13 dans la version hébraïque commence par une proposition subordonnée (« Parce que ce peuple... »), et donc dépend du v. 14 (« eh bien! voici que je vais...) pour la proposition principale, dans la version LXX (« Ce peuple s’approche de moi... ») le v. 13 est totalement indépendant du v. 14. C’est cette forme que copie Marc : « Ce peuple m’honore des lèvres; mais leur coeur est loin de moi. »

        Marc va encore plus loin. Non seulement il copie la forme courte (telle qu’attestée dans les codices Sinaïticus (ﬡ), Alexandrinus (A) et Marchalianus (Q)), mais il l’abrège encore plus en éliminant « s’approche de moi » pour ne garder que : « Ce peuple m’honore des lèvres ». De plus, alors que le texte hébreu se contentait de parler de culte routinier, la LXX introduit une nouvelle idée, celle d’un enseignement des hommes qui s’oppose implicitement à celui de Dieu tel qu’exprimé dans la Tora; ainsi Isaïe dénoncerait un groupe social qui donnerait un enseignement en contraction avec celle de Dieu. Marc saute sur cette idée pour identifier ce groupe social aux Pharisiens et aux scribes. Mais pour accentuer l’antithèse, il modifie l’ordre des mots de la LXX à la fin du v. 13 en déplaçant le mot « doctrine » (didaskalias) de la fin du verset pour le mettre tout de suite après « enseignant », afin de l’avoir en apposition à « précepte des hommes », accentuant le contraste.

        Translittération de LXX Translittération de Marc Traduction littérale de LXX Traduction littérale de Marc
        didaskontes
        entalmata
        anthrōpōn
        kai didaskalias.
        didaskontes
        didaskalias
        entalmata
        anthrōpōn
        enseignant
        des préceptes
        des hommes
        et des doctrines
        enseignant
        des doctrines
        préceptes
        des hommes

        Ainsi, l’utilisation de ce passage d’Isaïe permet au Jésus de Marc de répondre aux reproches des Pharisiens et des scribes sur le non respect de la tradition des anciens par ses disciples et d’associer cette tradition à des préceptes humains, tels que dénoncés par Dieu. Mais c’est seulement la version grecque de la LXX qui permet une telle réponse, car la version hébraïque ne contient pas cette dénonciation de gens qui enseignent de simples préceptes humains. On voit tout de suite le problème à faire remonter cette réponse au Jésus historique.

        Le problème se complique davantage quand on note que la version LXX d’Isaïe 29, 13 est également utilisée par l’épitre aux Colossiens (2, 21-22). L’auteur de l’épitre attaque l’enseignement de certains membres de la communauté chrétienne qui propagent des règles de pureté et divers tabous. Tout comme Marc, il rejette un tel enseignement qui ne repose que sur des vues humaines, et non sur la foi chrétienne. Tout comme Marc, il modifie le texte d’Isaïe, mais de manière différente, en repoussant à la fin le mot « homme » pour écrire : « selon les préceptes et doctrines des hommes » (kata ta entalmata kai didaskalias tōn anthrōpōn). Qu’est-ce que tout cela veut dire? L’épitre aux Colossiens ne dépend pas de Marc sur le plan littéraire. Mais il reflète le fait que la version grecque de d’Isaïe 29, 13 a circulé dans les première communautés chrétiennes comme argument pour justifier le rejet des règles de pureté concernant le toucher, le goûter et la consommation de nourriture.

        En conclusion, il est pratiquement impossible de faire remonter cette réponse de Jésus en Marc au Jésus historique. Ce serait invraisemblable que Jésus, qui parle araméen et comprend peut-être l’hébreu biblique, ait recours à une version grecque de la Bible pour confondre des Pharisiens et des scribes qui connaissent bien leur Bible hébraïque. De plus, comme l’utilisation de la version grecque d’Isaïe 29, 13 pour lutter contre les règles de pureté était connue dans les milieux chrétiens, il est probable que nous sommes devant une composition chrétienne s’appuyant sur l’activité d’un scribe chrétien.

      2. Les versets 9-13 : la seconde réplique de Jésus, une citation d’Exode 20, 12 et 21, 17

        Dans le contexte de ce débat avec les scribes et Pharisiens, cette unité des versets 9-13 est étroitement soudée à l’unité précédente, où Jésus traitait ses interlocuteurs d’hypocrites, car il donne maintenant un exemple justifiant ses attaques, i.e. la pratique de la consécration de ses biens à Dieu (appelée korbān), soustrayant l’individu par le fait même du devoir d’aider ses parents dans le besoin. Ensemble, ces deux unités créent une progression dramatique qui atteint son point culminant au v. 9 : alors qu’on parlait de tradition des anciens au début, Jésus parle maintenant de tradition des hommes, et enfin de « leur » tradition par laquelle ils ont non seulement usurper la place des commandements de Dieu, mais les ont carrément annulés. Ainsi, en raison même de sa place dans l’ensemble de la péricope, les versets 9-13 sont dépendants de l’unité qui précède. Or, nous venons de dire que cette dernière ne remonte pas au Jésus historique. Il faut donc conclure logiquement que ces versets, du moins dans leur forme et leur cadre actuels, ne remontent pas au Jésus historique.

        Toutefois, si on isole ces versets du cadre dans lequel le rédacteur évangélique l’a inséré, en admettant qu’ils ont pu circuler de manière indépendante, on peut se poser la question: ces versets peuvent-ils remonter au Jésus historique? La réponse est : probablement oui, pour les raisons qui suivent.

        La question du korbān, i.e. le voeu de réserver à Dieu certains dons, était abordée largement au tournant de l’ère moderne dans le monde juif. Par exemple, à Qumran le Document de Damas, même s’il n’utilise pas le mot, fustige le subterfuge de vouer de la nourriture pour un usage sacré pour s’éviter d’aider son voisin (CD, 16, 14-20). Alors que les Esséniens utilisent Michée 7, 2 (« Tous sont aux aguets pour verser le sang, ils traquent chacun son frère au filet ») pour justifier leur attitude, Jésus fait appel par contre aux exigences sociales et plus fondamentales du Décalogue, en opposition à certaines institutions spécifiques, comme le korbān, ou encore ces lettres de divorce, comme nous l’avons vu dans la question du divorce.

        Des archéologues ont trouvé un ossuaire au sud de Jérusalem (Jebel Hallet et-Tûri) qui date de l’époque de Jésus et contenant une inscription araméenne qui dit ceci : « Tout ce qu’un homme peut utiliser à son profit dans cet ossuaire est une offrande (korbān) à Dieu par celui qui s’y trouve ».

        L’historien juif Josèphe (env. 37-100) aborde la question du korbān dans ses Antiquités judaïques : « Ceux qui se déclarent eux-mêmes korbān à Dieu - cela signifie doron (don) en grec -, quand ils veulent se libérer de cette obligation, doivent payer de l’argent aux prêtres : pour une femme, c’est trente sicles, pour un homme, cinquante. » (4.4.4) Il le fait également dans d’autres oeuvres comme Contre Apion (1.22). Le philosophe juif Philon d’Alexandrie, tout en n’utilisant jamais le mot korbān, affirme dans Hypothetica (7.3) que quiconque invoque le nom de Dieu sur certaines possessions et les déclare dédiés à Dieu doit s’abstenir immédiatement de les utiliser.

        L’utilisation du mot et la pratique du korbān se poursuit dans la Mishna, en particulier son traité Nedarim (les voeux). On y dénote entre autres un débat enflammé chez les rabbins sur ce qui peut justifier une annulation d’un voeu fait au détriment de son père ou de sa mère, en particulier en ce qui concerne la nourriture. La tendance est à une vision très stricte du voeu.

        Bref, on peut conclure avec un fort taux de probabilité que la question du korbān était chaudement débattue pendant la période qui s’étend du 2e siècle av. J.C. (Document de Damas) au 2e siècle de l’ère moderne (Mishna), et à plus forte raison à l’époque de Jésus, avant l’an 70 de notre ère à laquelle fut composé l’évangile de Marc. Donc, si on applique le critère de cohérence, les vv. 9-13 pourraient remonter au Jésus historique. L’idée d’un juif chrétien araméen qui aurait inventé ce récit ne tient pas la route : les premiers chrétiens n’avaient aucun intérêt dans cette question liée au korbān. En appliquant maintenant le critère de discontinuité, on peut conclure que cette scène n’est pas une invention chrétienne.

        Ainsi, Jésus aurait vraiment abordé la question du korbān et rejeté une application stricte de ce voeu. Malheureusement, on ne sait plus qui était à l’origine son auditoire. Il est fort possible qu’il s’agisse d’un groupe de Pharisiens qui avait une approche très stricte de cette institution et refusait toute annulation du voeu, peu importe les conséquences. Engagé dans une telle discussion, Jésus aurait inévitablement fait appel aux Écritures juives pour appuyer son point.

      3. Les versets 14-23 : la maxime sur la souillure et son explication

        Il d’abord s’attarder aux versets 14-15 qui jouent un rôle de pivot comme nous l’a révélé l’analyse de la structure du récit. Si le v. 15 et sa maxime n’est pas authentique, tout le reste, qui essaie d’expliquer cette maxime, ne remonte pas au Jésus historique par le fait même.

        1. Le pivot des versets 14-15

          1. Les biblistes reconnaissent pour la plupart que le v. 14 est une introduction de Marc lui-même avec une de ses formules typiques : « Et ayant appelé de nouveau la foule près de lui ».

          2. Même si la maxime du v. 15 serait pensable dans la bouche du Juif Jésus, dans les faits elle est peu probable pour une série de raisons.

            • Tout d’abord, la formulation de la maxime en Marc a quelque chose de radical : « Il n’est rien (grec : ouden) d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse (dynatai) le souiller, mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui souille l’homme ». La première partie de la maxime avec « rien » et « puisse » est plus forte que la deuxième partie, et est vraiment globale. En attaquant de front le Lévitique et le Deutéronome, Jésus se trouve à rejeter les prohibitions alimentaires. Or, il est invraisemblable que par une seule parole le Juif Jésus aurait annulé ce qui constitue le coeur de l’identité juive et le distingue des Gentils qui, au 1ier siècle de notre ère, menaçait sa culture. Il aurait immédiatement perdu toute crédibilité auprès du peuple en tant que prophète envoyé auprès d’Israël. De plus, nous n’observons aucune réaction de la part de son auditoire devant une affirmation si énorme. Et par la suite, l’évangile continue de nous parler de l’engouement des foules pour sa prédication. Il y a une incohérence.

            • Si Jésus avait vraiment prononcé cette maxime, cela signifierait que lui et ses disciples ne respectaient pas intégralement les prohibitions alimentaires dans leur vie quotidienne, par exemple en se permettant de manger du porc. En effet, quand Jésus prend ses distances plutôt par rapport au jeûne (Marc 2, 18-19), il ne s’agit pas seulement d’une théorie mais d’une pratique dans la vie quotidienne, et cela a soulevé des questions chez les Juifs, car les disciples de Jean Baptiste et les Pharisiens pratiquaient le jeûne. Or, jamais les évangiles ne mentionneront chez Jésus ou ses disciples un écart par rapport aux prohibitions alimentaires. Le v. 15 est donc quelque chose de totalement isolé.

            • Enfin, si Jésus avait posé un geste si radical d’attaquer les prohibitions alimentaires juives, comment se fait-il que ce geste a été totalement oublié par la suite? En effet, la question de l’intégration des Gentils dans la communauté chrétienne en majorité d’origine juive se posera assez tôt : doit-on soumettre ces Gentils à l’obligation des règles alimentaires? Or que fait saint Paul? Il tranche en disant que les Gentils ne sont pas soumis aux règles alimentaires parce que la mort-résurrection du Christ et le don de l’Esprit les a libérés de l’observance de la loi mosaïque (voir Galates 2, 15 – 4, 7; Romains 2, 1 – 8, 39). Pourquoi Paul n’a-t-il pas simplement fait appel à la parole de Jésus sur le sujet, comme il l’a fait sur la question du divorce (1 Corinthiens 7, 10-11), sur la pratique eucharistique (11, 23-26) et sur le soutien économique du missionnaire (9, 14)? De même, dans les Actes des Apôtres (Actes 15, 1-29), Luc nous raconte ce qu’on a l’habitude d’appeler le concile de Jérusalem où Pierre, Jacques, Paul, entre autres, doivent affronter la pressions de chrétiens qui veulent imposer les règles juives aux nouveaux arrivants. Comment trancheront-ils le débat? Par exemple, Pierre évoquera sa vision d’un drap avec tous les animaux de la terre et de l’appel de l’Esprit à manger même ce qu’un Juif considère comme impur, car devant Dieu rien n’est souillé (voir Actes 10, 1-17). Il aurait été plus simple de faire appel à l’autorité d’une parole de Jésus. Une conclusion s’impose : une telle parole n’a jamais existé.

            Certains biblistes ont essayé de trouver une solution en affirmant que c’est Matthieu (15, 11) qui reflète le mieux la source originelle que Marc aurait modifié. En effet, Matthieu a une version beaucoup moins radicale : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme; mais ce qui sort de sa bouche, voilà ce qui souille l’homme ». Comme on le constate, l’accent chez Matthieu est sur la deuxième partie de la maxime. Mais affirmer la priorité de Matthieu sur Marc revient à nier tous les acquis de la critique rédactionnelle.

            • Tout le chapitre 15 de Matthieu affiche la tendance typique de Matthieu de réécrire Marc. Par exemple, il abrège et resserre les récits de Marc qui ont tendance à s’étendre un peu trop.
            • Il élimine certaines parenthèses de Marc qui sont non seulement erronées, mais offensantes pour un Juif (voir Marc 7, 2-4 sur les Juifs qui se lavent au retour du marché).
            • Il élimine les généralisations de Marc dans un contexte polémique, comme celui de dire qu’il y a beaucoup d’autres pratiques que les Juifs font par tradition (Marc 7, 4).
            • Par contre, Matthieu accentue le rôle de Pierre (15, 15).
            • Il accentue la polémique avec les Pharisiens (15, 12).
            • Il adoucit ou élimine des affirmations concernant la Loi susceptible de scandaliser un Juif pieux, comme ce commentaire de Marc que Jésus aurait déclaré purs tous les aliments (Marc 7, 19).
            • Au v. 20 il termine sa version de récit de Marc en mettant accent sur les mains non lavés, créant une inclusion avec le v. 2 sur la question des mains non lavés, détournant l’attention des règles alimentaires.

            En conclusion, il faut reconnaître que la maxime de Marc 7, 15 est une création chrétienne reflétant l’enseignement et la pratique de l’Église vers l’an 70, et visant peut-être des groupes de résistants dans des cercles judéo-chrétiens. Nous avons déjà un écho de cet enseignement chez Paul vers l’an 58 quand il écrit aux Romains : « Je le sais, j’en suis certain dans le Seigneur Jésus, rien n’est impur (koinon) en soi ». Ce vocabulaire sur l’impur (koinon) est le même qu’en Marc 7, 1-23. On notera que l’évangile de Marc s’adressait probablement d’abord à l’Église de Rome. Ainsi, il est possible que cette maxime sur la pureté des aliments que Marc met dans la bouche de Jésus reflète le même enseignement et la même prise de position chrétienne dont Paul a été le premier à faire écho dans sa lettre aux Romains.

        2. Les versets 17-23

          Comme ces versets sont une explication de la maxime du v.15, et que nous avons reconnu qu’elle ne remonte pas à Jésus, il faut logiquement conclure qu’eux aussi ne remontent pas à Jésus. Pour appuyer cette conclusion, nous pouvons ajouter que cet ensemble affiche les traits du vocabulaire, de la structure et de la théologie de Marc.

          • Nous avons une structure type de Marc où, après une affirmation énigmatique de Jésus (la maxime), Jésus donne une explication en privé (à la maison) à ses disciples, non sans avoir au préalable reprocher leur manque d’intelligence (voir par exemple la parabole de la semence en Marc 4);
          • L’explication de la maxime comporte deux parties que Marc introduit toutes deux à sa manière habituelle : « il leur dit (legei ) » (18); « Il disait (elegen ) » (20);
          • Les deux explications des vv. 18 et 20 reprennent le vocabulaire de la maxime que nous considérons comme inauthentique : extérieur à l’homme, pénétrer, souiller, ce qui sort de l’homme;
          • Enfin, la liste des vices au vv. 21-22 est unique dans les quatre évangiles et ne se retrouve que dans les épitres du Nouveau Testament.

    5. Les versets 1-5 : la question de manger avec les mains non lavées

      Ces versets servent d’introduction à tout l’ensemble des versets 6-23. Or, nous venons d’affirmer que cet ensemble ne remonte pas au Jésus historique, à l’exception peut-être de la discussion sur le korbān aux vv. 10-12. De plus, les vv. 1-5 portent sur la purification des mains et n’a rien à voir avec le problème de règles alimentaires qui suit. Il faut donc conclure également que cette introduction ne remonte pas au Jésus historique. À toutes ces raisons, on peut en ajouter d’autres qui tiennent du contenu même des vv. 1-5.

      1. Tout d’abord, affirmer que « tous les Juifs » pratiquent les rites reliés à la purification des mains est carrément faux; cela était tout au plus un trait de certains Pharisiens.

      2. On ne peut même pas affirmer que tous les Pharisiens pratiquaient ces rites de purification. Car il n’existe aucune loi dans le Pentateuque qui obligerait les gens ordinaires à se laver les mains avant de manger. Même la communauté rigoriste de Qumran ne pratiquait pas le lavement des mains avant le repas communautaire, mais plutôt l’immersion du corps dans l’eau.

      3. La première attestation sur la purification des mains se trouve dans la Mishna (l’an 200-220), traité Yadayim. Mais même dans la Mishna cette pratique semble récente, et on trouve par la suite diverses opinions dans la Tosefta et le Talmud de Jérusalem sur son caractère non obligatoire. Dans le Talmud de Babylone (t. Ber. 5 :27) les rabbins de la maison de Hillel rappellent à ceux de la maison de Shammaï que cette règle ne vient pas de la Tora. De fait, il est possible que cette pratique provienne de la Diaspora où on n’avait pas accès au temple de Jérusalem et à ses rituels de purification, le même milieu où furent écrits les évangiles de Marc et Matthieu.

      4. Les conclusions de certains biblistes qui ont essayé de récupérer la valeur historique de la question sur la purification des mains ne tient pas la route. On utilise des textes du 3e au 5e siècle (Mishna, Talmud de Jérusalem, Talmud de Babylone) pour les projeter au 1ier siècle. En particulier, la littérature rabbinique mentionne un groupe rigoriste de Pharisiens, les hăbūrōt. Malheureusement, aucun texte du Nouveau Testament et aucun document juif avant l’an 70 ne font allusion à ce groupe sectaire. Aussi, transformer les Pharisiens de Marc 7, 1-5 en hăbūrōt est totalement injustifié, d’autant plus qu’il serait incompréhensible de voir ces hăbūrōt s’en prendre aux disciples de Jésus plutôt qu’aux autres Pharisiens non convertis à leur pratique.

      5. D’autres biblistes essaient également de récupérer la valeur historique de la question sur la purification des mains en soutenant malgré tout que la maxime du verset 15 (Il n’est rien d’extérieur à l’homme qui, pénétrant en lui, puisse le souiller, mais...) apporte la réponse de Jésus à cette question. Oublions un instant que nous avons déjà déclaré non historique cette maxime. Le Lévitique et le Deutéronome distinguent clairement l’impureté rituelle de l’impureté morale. Or, les lois interdisant l’utilisation de certains animaux comme nourriture se situent dans une classe à part dans les règles de pureté rituelle. En effet, la pureté rituelle entend gérer le cycle normal de la naissance, de la sexualité, de la maladie et de la mort. Mais en considérant comme une « abomination » la manducation d’animaux prohibés et en l’interdisant complètement, les règles d’impureté alimentaire se rapprochent de l’impureté morale, au même titre que le meurtre, l’inceste et l’idolâtrie. Cette perception s’est poursuivie dans le Judaïsme, si bien que la Mishna place la purification des mains dans le 6e ordre avec la purification rituelle, le traité Taharot (puretés), mais place les règles alimentaires dans le 5e ordre, le traité Qodašin (les choses saintes). Comment Jésus aurait-il été si ignorant de cette distinction qu’on trouve dans le Pentateuque et dans tout le Judaïsme? Bref, la maxime du v. 15 n’est pas une réponse à la question initiale sur le lavage des mains, en plus de ne pas être historique. Et l’ensemble de Marc 7, 1-23 n’est qu’une collection de traditions chrétiennes que Marc a cousue ensemble pour soutenir sa théologie.

  3. Les autres références possibles à la pureté rituelle dans les évangiles

    Étant donné qu’on interprète le reste des évangiles sur la pureté rituelle à la lumière de Marc 7, 1-23, en enlevant à ce dernier son caractère historique on se trouve également en rendre problématique tous les autres passages sur le sujet.

    1. « L’impureté corporelle » était considérée comme la plus virulente impureté rituelle, si bien que les Écrits rabbiniques la considéraient comme le père de toutes les impuretés. Ainsi, quelqu’un qui touchait à un corps mort ou marchait dans un cimetière était impur pour sept jours, et devait passer par les règles de purification les plus élaborées. Or, comme l’espérance de vie était limitée à l’époque, les gens devaient contracter régulièrement l’impureté rituelle, et étant donné la distance du temple de Jérusalem pour la purification, les gens ordinaires devaient passer des mois dans un état d’impureté.

      Les évangiles montrent très peu d’intérêt pour l’impureté rituelle. Pourtant, lors de ses constants voyages, Jésus a dû contracter cette impureté. Les évangiles nous racontent que Jésus a touché au corps mort de la fille de Jaïre (Mc 5, 41), qu’il s’est rendu au tombeau de Lazare, ou qu’il touche au cercueil de la fille de Jaïre. Jamais ils n’évoquent quelque problème que ce soit.

      Dans la même veine, on a une série de malédictions.

      Matthieu 23, 27-28 Luc 11, 44
      27 "Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis: au dehors ils ont belle apparence,
      mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture;
      44 Malheur à vous, qui êtes comme les tombeaux que rien ne signale
      28 vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité. et sur lesquels on marche sans le savoir!"

      Malgré le fait qu’il s’agisse dans les deux textes de malédiction et du contraste entre ce que les gens peuvent voir et la réalité des choses, Matthieu et Luc rapportent des paroles différentes qui pourraient remonter à Jésus. À part de nous confirmer que la Loi considère impurs les tombeaux et les corps morts, ces textes ne nous disent rien sur les convictions personnelles de Jésus.

      Matthieu 23, 25-26 Luc 11, 39-41
      25 "Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui purifiez l’extérieur de la coupe et de l’écuelle, quand l’intérieur en est rempli par rapine et intempérance! 39 Mais le Seigneur lui dit: "Vous voilà bien, vous, les Pharisiens! L’extérieur de la coupe et du plat, vous le purifiez, alors que votre intérieur à vous est plein de rapine et de méchanceté!
      26 Pharisien aveugle! purifie d’abord l’intérieur de la coupe et de l’écuelle, afin que l’extérieur aussi devienne pur. 40 Insensés! Celui qui a fait l’extérieur n’a-t-il pas fait aussi l’intérieur? 41 Donnez plutôt en aumône ce que vous avez, et alors tout sera pur pour vous.

      Les textes de Matthieu et Luc proviennent ici d’une même source, probablement la source Q, car on a une même structure littéraire antithétique, le même vocabulaire, et les différences de chacun peuvent s’expliquer par l’agenda théologique de chacun, comme celui de Luc sur l’aumône. Comme les deux textes remontent à une même source, nous n’avons pas l’argument d’attestations multiples pour les faire remonter au Jésus historique. De toute façon, cette source ne nous apprend rien sur la position de Jésus devant les règles de pureté rituelle.

    2. Il faut éliminer du cadre de notre recherche le récit de la femme avec des pertes de sang qui touche Jésus (Marc 5, 25-34), car la règle de la pureté rituelle concernait seulement les menstruations. D’ailleurs rien dans l’évangile ne laisse soupçonner un problème quelconque d’impureté.

    3. Les règles gouvernant les menstruations féminines (Lévitique 15, 19-24) prendront de l’importance avec le temps, en particulier à l’époque de Jésus, et survivront à la destruction du temple de Jérusalem, si bien qu’elles seront enchâssées dans tout un traité de la Mishna, Nida. Pourtant, les évangiles gardent un silence total sur le sujet. On sait que des femmes ont accompagné et soutenu Jésus tout au long de son ministère, et ont certainement connu leurs règles menstruelles. De même, tous ces hommes qui l’ont accompagné, célibataires ou éloignés de leur femme, ont certainement fait l’expérience d’éjaculation nocturne. Si l’évangile n’en parle pas, c’est que Jésus lui-même n’y voyait aucun intérêt, contrairement au Judaïsme intertestamentaire.

    4. Terminons par la question des maladies de la peau qu’on traduit communément et à tord par lèpre. Marc 1, 40-45 nous raconte que Jésus a touché le lépreux pour le guérir. Cependant, Lévitique 13-14 n’affirme pas qu’un lépreux touchant une personne la rend impure. À Qumran, plus particulièrement dans le Document de Damas, on demande même au prêtre d’examiner avec soin le corps, la barbe et les cheveux du lépreux, ce qui implique un contact physique. La première personne à parler d’impureté rituelle dans le cas du contact avec un lépreux est Josèphe dans un écrit tardif, Contre Apion (1, 31, 281). Ce n’est que par la suite que la loi rabbinique décrètera clairement que le contact avec un lépreux rend impur. En conclusion, il est probable que le contact avec un lépreux à l’époque de Jésus ne posait aucun problème. De plus, Marc 1, 40-45 ne nous apprend rien sur la position de Jésus sur les règles de pureté rituelle.

  4. Conclusions sur Jésus et la pureté rituelle

    1. L’ensemble de Marc 7, 1-23 ne provient pas du Jésus historique à l’exception de la parole sur le korbān, mais représente divers stages de la tradition judéo-chrétienne ainsi que l’oeuvre rédactionnelle de Marc. Ainsi, d’après l’information que nous avons, Jésus ne s’est jamais prononcé sur le lavement des mains ou les règles alimentaires.

    2. Ce silence prend une importance encore plus grande quand il s’étend à l’ensemble des traditions sur Jésus où la question des règles de pureté rituelle aurait pu se poser. Il suffit de penser aux contacts avec les corps morts, des tombeaux, de femmes avec leurs règles menstruelles ou des hommes connaissant des éjaculations de nuit, ou même de lépreux. Ce silence montre le désintérêt complet de Jésus pour la question, contrairement à ce qui se passera plus tard dans les premières communautés chrétiennes.

    3. Quelle conclusion tirer de tout cela? Quand on examine l’attitude de Jésus face à la loi mosaïque, on note ni un rejet complet ni une soumission totale. On cherchera en vain chez lui une approche systématique, comme chez un enseignement ou un rabbin. C’est une être religieux charismatique qui en appelle à sa connaissance intuitive et directe de la volonté de Dieu.

Prochain chapitre: Le commandement de l'amour de Dieu et du prochain, ainsi que des ennemis, provient-il de Jésus?

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