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John P. Meier, Un certain juif, Jésus. Les données de l'histoire, v.1, ch. 6 : Les critères : Comment décider si ça vient de Jésus, pp 167-195, selon la version anglaise
(Résumé détaillé)
Si les évangiles sont des récits catéchétiques, comment y extraire de l'information historique?
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Il existe un certain nombre de critères pour déterminer si un élément dun récit catéchétique contient quelque chose dhistorique et non pas une simple affirmation de foi des évangélistes. Meier distingue 5 critères principaux qui servent à juger de la valeur historique dun récit, et 5 critères secondaires qui ne sont valables quaprès avoir utilisé les critères principaux, ou encore ne sont pas valables en eux-mêmes
Critères principaux
- Le critère dembarras
Le premier critère concerne les éléments gênants du récit, i.e. des éléments que les chrétiens auraient eus intérêt à supprimer et ne cadrent pas avec leur catéchèse. Un premier exemple : le baptême de Jésus par Jean Baptiste, que les chrétiens considéraient comme inférieur. Si Marc le mentionne, Luc et Matthieu par contre évitent tout détail et Jean lélimine. Un deuxième exemple : lignorance par Jésus de lheure eschatologique où lunivers sera complètement bouleversé. Si Marc le mentionne, certaines versions de Matthieu lomettent, et Luc lignore. Lévangile de Jean affirme plutôt le contraire en disant que Jésus connait le présent et lavenir. Ainsi, un élément gênant a toutes les chances de ne pas avoir été créé par les chrétiens et dêtre historique. Toutefois, ce critère doit être manipulé avec soin, car les éléments gênants sont peu nombreux, et déterminer ce qui était également gênant à lépoque de Jésus, pas seulement pour notre époque, demande de lanalyse.
- Le critère de discontinuité
Le deuxième critère est celui dune discontinuité à la fois par rapport à la pensée juive et à la fois par rapport à la pensée des premiers chrétiens, et donc nous présenterait quelque chose qui ne peut venir que de Jésus lui-même. Quelques exemples : le rejet par Jésus du jeûne volontaire à lhonneur chez les Juifs et les chrétiens, sa position sur le divorce. Même sil nest pas facile de connaître le milieu du premiers siècle pour y faire ce type danalyse, il y a eu tellement de travaux sur cette époque quon peut être aujourdhui confiant daffirmer que, si un point des évangiles ne cadre ni avec le milieu juif ni avec le milieu chrétien, il a de bonnes chances de remonter à Jésus et de représenter une de ses caractéristiques.
- Le critère dattestations multiples
Le troisième critère est celui des attestations multiples : quand un élément se retrouve dans plus dune source littéraire indépendante (i.e. on considère comme source indépendante Marc, source Q utilisée par Luc et Matthieu, Jean, Paul) ou plus dun genre littéraire, il a toutes les chances dêtre historique. Un exemple : toutes les sources montrent Jésus proclamant le Royaume de Dieu, en incluant Paul qui naime pas beaucoup cette expression. Dautres exemples : la Cène avec les paroles sur le pain et le vin, ou encore lannonce de la destruction du temple. Par contre, ce critère nest pas infaillible et doit être utilisé avec les autres critères. Et il peut arriver quun élément qui se retrouve dans une seule source (comme le mot araméen Abba pour désigner Dieu) ait toutes les chances dêtre historique.
- Le critère de cohérence
Le quatrième critère de cohérence (ou conformité) peut être utilisé quand on a réussi à isoler avec les critères précédents des éléments qui semblent historiques : tous ces éléments doivent former un tout cohérent, tout en reconnaissant que notre logique occidentale a ses limites.
- Le critère du rejet de Jésus
Le cinquième critère est différent des autres et utilise le fait que Jésus a été rejeté par les autorités juives et romaine et a été mis à mort, et donc nous oblige à examiner les causes de ce rejet et de cette exécution. Jésus ne peut pas avoir été un simple poète rêveur. Ce fait impose donc un cadre pour déterminer le Jésus historique.
Critères secondaires ou insuffisants
- Les traces daraméen dans un récit.
Même si laraméen était la langue parlée par Jésus, il est inutile dessayer de reconstituer un texte araméen sous-jacent aux récits évangéliques. Tout dabord, les versions grecques actuelles varient beaucoup et rendent impossible cette reconstitution. Ensuite, les premiers chrétiens parlaient araméen, et donc ce fait nous empêche de déterminer si tel ou tel passage est de Jésus ou des premiers chrétiens.
- Lenvironnement palestinien du récit.
Le problème avec ce critère est que les coutumes palestiniennes ainsi que les pratiques légales, commerciales et agricoles de lépoque de Jésus ont continué dexister bien après sa mort et nous empêchent de distinguer ce qui est propre à Jésus et ce qui est propre aux premiers chrétiens. Par contre, à linverse, un environnement non palestinien montre clairement quun élément nappartient pas à Jésus.
- Le caractère coloré et concret du récit.
Le problème avec ce critère est quil est impossible de démêler ce qui appartient au fait historique et ce qui appartient au talent du narrateur. De plus, un détail coloré peut aussi bien remonter à une tradition orale. À linverse, labsence de traits colorés et concrets ne veut pas dire pour autant quun récit na pas de valeur historique.
- Le critère de lévolution de la tradition synoptique
Ce critère a été promu par le théologien allemand Bultmann. Selon ce critère, les récits évangéliques auraient tendance avec le temps à samplifier avec des détails concrets, des noms de personnages, des discours au style direct. Si une telle évolution a existé, il serait alors possible de remonter dans le temps au récit originel. Le problème avec ce critère est quil est basé sur une hypothèse impossible à démontrer et que, même si lhypothèse était vraie, elle nous mettrait simplement en face dun récit originel créé par un écrivain.
- Le critère de la présomption dêtre historique.
Selon ce critère, tout est historique à moins de prouver le contraire. Mais la question se pose : à qui revient le fardeau de la preuve, aux tenants de lhistoricité ou aux tenants de la non-historicité? De toute évidence, le fardeau de la preuve revient à quiconque veut prouver quoi que ce soit. Bref, des preuves toutes faites davance nexistent pas.
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