![]() Sybil 2008 |
Le texte évangélique
Matthieu 13, 1-23 1 Un jour, après avoir quitté la maison, Jésus s’assis sur le bord du lac de Galilée. 2 Alors des foules nombreuses se rassemblent autour de lui, au point qu’il est forcé de monter dans une barque pour être assis, alors que toute la foule est debout sur la rive. 3 Il se mit donc à leur raconter plusieurs paraboles. « Il était une fois un agriculteur qui se mit à semer. 4 Alors qu’il était à l’œuvre, une partie de sa semence est tombée sur le bord du chemin, et les oiseaux eurent vite fait de la dévorer. 5 Une autre partie de la semence tomba sur un sol pierreux avec peu de terre, et elle crû rapidement faute de profondeur de terre. 6 Après le lever du soleil, elle fut brûlée par la chaleur et se dessécha, faute de racine. 7 Puis, une autre partie de la semence est tombée dans les épines qui montèrent et l’étouffèrent. 8 Enfin, une autre partie de la semence est tombée dans de la bonne terre et se mit à être très féconde, multipliant son fruit par cent, ou soixante, ou trente. 9 Que celui qui entend ce que je dis y donne suite. » 10 Alors les disciples viennent auprès de Jésus pour lui demander : « Pourquoi parles-tu ainsi aux gens de manière énigmatique en paraboles? » 11 Jésus leur répond : « Parce que vous avez reçu le don de percevoir le mystère du royaume des cieux à l’œuvre, alors que tous ces gens sont restés fermés à ce don. 12 Car dans la mesure où on s’ouvre à ce don, on reçoit toujours plus. À l’inverse, qui se ferme à ce don perdra le peu qu’il a pu recevoir. 13 Voilà pourquoi tout est devenu une énigme quand je leur parle en paraboles, si bien que malgré les images que je leur présente ils ne voient rien, et malgré mes paroles ils n’entendent et ne comprennent rien. 14 Ils se trouvent à réaliser la prophétie d’Isaïe qui disait : 'Vous aurez beau entendre ce qui est raconté, mais vous ne comprendrez rien; vous aurez beau regarder, mais vous ne verrez rien. 15 Car le cœur de ce peuple est devenu un mur, ils sont devenus durs d’oreille, leurs yeux se sont fermés, afin d’être sûrs de ne pas voir avec leurs yeux et de ne pas entendre avec leurs oreilles, et ainsi d’être sûrs de ne pas comprendre avec leur cœur et d’être obligés de changer d’idée, ce qui m’aurait permis de les guérir.' 16 Mais bravo pour vos yeux et vos oreilles qui savent voir et entendre. 17 Car vraiment je vous l’assure, il y a beaucoup de prophètes et d’êtres droits de l’Ancien Testament qui auraient aimé voir ce que vous voyez et entendre ce que vous entendez, mais ils ne l’ont pas pu. 18 Voici ce qu’il faut comprendre de la parabole du semeur. 19 Le premier cas, celui de la semence sur le bord du chemin, désigne la personne qui, même si elle entend la parole sur le royaume, elle ne comprend rien, et alors les forces du mal arrachent tout ce qui a été semé. 20 Le deuxième cas, celui de la semence sur un sol pierreux, désigne la personne qui entend bien la parole et l’accueille avec joie. 21 Mais c’est une personne superficielle sans convictions réelle, une personne du moment, si bien que lorsque vient les difficultés de la vie et l’opposition, elle abandonne tout. 22 Le troisième cas, celui de la semence dans les épines, désigne la personne qui entend bien la parole, mais les soucis de la vie et l’illusion des richesses étouffent cette parole qui devient stérile. 23 Le quatrième cas, celui de la semence dans la bonne terre, désigne la personne qui, à la fois entend bien la parole et la comprend, et dès lors, sans surprise, donne un rendement multiplié par cent, pour l’un, par soixante, pour un autre, par trente, pour un autre encore. |
Des études |
![]() Où va le chemin du monde? |
Commentaire d'évangile" - Homélie Qu’est-ce qui se passe vraiment dans le monde? Hans Rosling est un médecin suédois, professeur en santé publique, qui a exercé la médecine partout dans le monde, mais s’est surtout fait connaître par sa croisade contre l’ignorance sur le progrès réels dans le monde. Par exemple, on maintient l’image des années 60 d’un monde où la majorité des gens appartiennent au milieu en développement, avec familles nombreuses et un taux élevé de mortalité infantile, face à une minorité de gens appartenant au milieu développé, avec familles réduites et un taux très bas de mortalité infantile. Mais les chiffres de l’ONU montrent qu’aujourd’hui la majorité des gens appartiennent au milieu développé. De même, si on aborde la question de l’éducation des filles, même dans les pays pauvres 60% des filles ont complété aujourd’hui leur cours primaire. On arrive à des conclusions semblables concernant les pays à bas revenus où l’espérance de vie est d’environ 62 ans et le revenu de 1$ par jour: aujourd’hui seulement 9% de la population appartient à ce groupe. De fait, la proportion de la population vivant dans l’extrême pauvreté a été réduite de moitié en vingt ans. C’est d’autant plus remarquable qu’en l’an 1800, 85% de l’humanité vivait dans l’extrême pauvreté. On pourrait ajouter un grand nombre de faits sur les progrès accomplis : la disparition de l’esclavage légale, la réduction drastique des morts sur les champs de bataille, dans des désastres naturels ou dans des pandémies, la quasi-disparition du travail des enfants. Beaucoup de choses autrefois tolérées, comme la pédophilie et le harcèlement sexuel, ne le sont plus aujourd’hui. Bien sûr, cela n’enlève pas les nouveaux défis, comme le changement climatique. Mais on a tendance à oublier le chemin parcouru. Il me semble essentiel de prendre conscience de ce progrès pour entrer dans l’évangile de ce jour. On connaît sans doute très bien la parabole du semeur où la semence tombe dans quatre milieux différents : le bord du chemin où les oiseaux viennent la dévorer; le sol pierreux où elle se dessèche faute de terre; les épines qui finissent par l’étouffer; la bonne terre où son fruit se multiplie. Pour Jésus, cette parabole exprimait sa foi au succès de sa mission : tout comme une semence ne donne aucun résultat dans beaucoup de cas, et qu’il suffit d’un peu de bonne terre pour que les résultats soient extraordinaires, ainsi Jésus était convaincu que, malgré l’opposition et le rejet, sa prédication donnerait des résultats extraordinaires. Les premières communautés ont voulu actualiser cette parabole pour leur situation particulière alors que leurs missionnaires sillonnaient le monde méditerranéen et formaient partout de petites communautés : ils ont vu dans la situation de la semence sur le bord du chemin un référence aux gens qui n’ont rien compris au message chrétien et ont laissé le paganisme guider leur vie; dans le sol pierreux, ils ont vu une référence aux gens superficiels qui ont tendance à suivre les modes et, à la moindre opposition, abandonnent tout; dans le milieu épineux, ils ont vu une référence aux gens déchirés entre la foi en la valeur réelle du message chrétien et l’attrait des richesses et des préoccupations mondaines; enfin, dans le milieu de la bonne terre, ils ont vu une référence aux membres engagés de la communauté, chacun selon ses charismes. Si Matthieu a repris ici ce que lui offrait l’évangile de Marc, il a senti le besoin d’étoffer ce passage par un recours à la prophétie d’Isaïe où Dieu reproche à son peuple de ne rien voir et de ne rien comprendre, car son cœur est fermé, ses oreilles bouchées, ses yeux clos. Pourquoi? Quel est l’enjeu ici dans le contexte d’une parole semée? Il faut élargir ici la notion de parole? Car toute la réalité de l’univers, et pas seulement l’évangile, peut être une parole à qui sait voir, écouter et comprendre. La parole d’Isaïe présentée par Matthieu appartient à une période où Israël connait une période de prospérité, de luxe, et où apparaît une classe de propriétaires qui s’accaparent des terres et où les pauvres sont écrasés. Pour beaucoup de gens, tout cela est normal, mais le prophète y voit l’injustice. Pour Matthieu, beaucoup de gens ne saisissent pas ce que représente Jésus. On notera que dans son interprétation de la parabole du semeur, le mot « comprendre » revient plusieurs fois. Qu’est-ce qu’on ne comprend pas? Jésus représente une vision du monde, pensons à ses béatitudes, et une foi qu’un monde nouveau est en train d’advenir. Quand il envoie ses disciples en mission, que leur dit-il? « Guérissez les gens et proclamez que le règne de Dieu s’est approché ». Les gens qui discréditent Isaïe ou Jésus, disent : « Voyons donc, il faut être réaliste, et nous savons comment le monde fonctionne, il a toujours été comme ça, et sera toujours comme ça ». Pourquoi cette réaction? Tout d’abord, il est très difficile d’observer les progrès de l’humanité, car ces changements se font lentement, parfois sur plusieurs siècles, ce qui échappe aux observations d’une vie. Rappelons-nous de l’affirmation de Hans Rosling qu’en l’an 1800 85% de l’humanité vivait dans l’extrême pauvreté, alors que la proportion aujourd’hui de 9%. C’est une observation sur 200 ans. Peu importe les diverses convictions religieuses, le dynamisme du royaume est à l’œuvre dans de nombreux cœurs, et toute transformation en profondeur prend du temps. Il y a une deuxième raison qui empêche de voir le dynamisme du royaume à l’œuvre : on n’a aucune idée de ce que sera son état final. Quand quelqu’un comme Amy Coney Barrett, juge à la cour suprême des États-Unis, affirme vouloir implanter le royaume de Dieu, en particulier en luttant contre l’avortement, elle se trompe totalement. Ce plan n’existe nulle part, et ne peut se réduire à des règles. Jésus a simplement répondu à l’amour qui l’habitait, et cela la conduit sur la route qui fut la sienne, sans qu’il y ait un scénario écrit d’avance et un plan de route : il a fait confiance au mystère à la source de ce monde, qu’il appelait son Père, pour que par sa vie le royaume progresse. Et cette confiance devait être très grande, car la parabole parle de rendement multiplié jusqu’à cent. À nous d’avoir la même confiance, et d’oser croire que nous contribuons nous aussi, à notre façon, à la venue du royaume.
-André Gilbert, Gatineau, mai 2023 |
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