Sybil 1999

Le texte évangélique

Marc 6, 30-34

30 Les apôtres se rassemblent auprès de Jésus, et ils lui rapportèrent tout ce qu'ils avaient accompli et tout ce qu'ils avaient enseigné. 31 Jésus leur dit: « Vous autres, venez et retirez-vous dans un endroit désert, reposez-vous un peu. » En effet les gens qui arrivaient et repartaient étaient si nombreux qu'ils n'avaient même pas la chance de manger. 32 Alors ils partirent en barque pour se retirer dans un endroit désert. 33 Mais les gens les virent s'éloigner et plusieurs comprirent ce qui se passait, et, se déplaçant à pied, ils accoururent de toutes les villes vers cet endroit et les précédèrent. 34 En débarquant, Jésus vit une foule immense, et fut pris de compassion pour tous ces gens qui étaient comme des brebis privées d'un berger; alors il commença à leur enseigner beaucoup de choses.

Des études

Bien connaître son jardin avant de se faire le jardinier des autres


Commentaire d'évangile - Homélie

Comment montrer le nord?

On rapportait récemment qu'une femme musulmane, élue députée aux élections législatives palestiniennes, défendait la polygamie. Selon elle, l'amour est fait de sacrifices, et son sacrifice à elle est de partager son mari avec une autre femme si jeune qu'elle pourrait être sa fille. Beaucoup d'entre nous pouvons être abasourdis devant une telle vision de l'amour et de telles pratiques. Par contre, chez nous, à l'autre bout du spectre, on trouve le club des échangistes où des gens, libres de toutes contraintes, cherchent à donner un peu de piquant à leur vie de couple. Comment donner une direction vraiment libératrice à sa vie? C'est dans ce contexte que j'entends l'évangile de ce jour: « Jésus vit une foule immense, et fut pris de compassion pour toutes ces gens qui étaient comme des brebis privées d'un berger; alors il commença à leur enseigner beaucoup de choses. »

Cette parole que nous venons de citer se situe dans un contexte où Jésus a envoyé ses disciples en mission, où il les a invités à prêcher et à guérir les gens. Être envoyé en mission, c'est être appelé à donner, tant sur le plan de l'esprit que sur le plan physique. Mais que signifie exactement donner? Comment peut-on donner? Comment peut-on enseigner à des gens qui sont déroutés et qui sont en recherche, qui ont soif d'amour et de lumière? Regardons de plus près notre récit.

Les apôtres qui avaient été envoyés en mission se regroupent autour de Jésus. Que fait donc celui-ci? Il leur dit: « Vous autres, venez et retirez-vous dans un endroit désert, reposez-vous un peu. » C'est ainsi qu'ils vont s'isoler pour se retrouver entre eux. Pourquoi? La réponse est simple: on ne peut se donner que si on a pris d'abord le temps de se trouver soi-même.

La symbolique de la barque et du lieu désert nous renvoie à notre propre cheminement, à ce long voyage où nous avons accepté d'entrer en nous-mêmes, à la découverte de qui nous sommes vraiment. On ne peut amorcer ce voyage sans nous "reposer", i.e. sans prendre ses distances par rapport à ce monde qui nous assaille, qui nous dit: "Va à droite, va à gauche!" Ce monde qui nous assaille inclut tant les interdits religieux que les idées à la mode. Ce long voyage vers soi-même est essentiel, car on ne peut donner ce qu'on n'a pas, on ne peut montrer le nord si on ne l'a pas soi-même trouvé pour soi-même. Si on n'accepte pas ce voyage, on ne fera que répéter notre surmoi individuel, familial ou collectif, on ne véhiculera sans arrêt que des principes rigides ou des idées du jour. On pourra endoctriner ou culpabiliser, sans jamais vraiment libérer qui que ce soit.

Notre récit ne présente pas ce voyage comme un voyage seul, mais un voyage avec d'autres, autour de Jésus, celui qui se présente comme le bon berger. La fraternité, la chaleur et le soutien des autres sont essentiels dans ce voyage. J'ai besoin de leurs yeux, j'ai besoin de leur écho, j'ai besoin de leur patience comme j'ai besoin de leur tendresse. Comme chrétien, j'ai aussi besoin de savoir que j'ai été précédé par quelqu'un qui a cheminé pendant plus de trente ans dans son patelin de Galilée avant de prendre publiquement la parole, et que ce Jésus de Nazareth m'accompagne désormais.

Que se passe-t-il dans ce lieu désert où Jésus a conduit ses apôtres? C'est là qu'ils retrouvent la foule. Quand j'ai pu prendre la route de mon être et ai décidé d'aller jusqu'au bout, je suis capable de rencontrer les autres, je suis capable de les voir et de comprendre profondément ce qu'ils vivent: « Jésus vit une foule immense, dit l'évangile, et fut pris de compassion. » Quand j'ai pu apprivoiser mon identité, quand je peux dire où est le nord pour moi, je suis en mesure de guider les autres: « Jésus, nous dit l'évangile, se mit à enseigner longuement ces gens qui étaient comme des brebis sans bergers. » Quand j'ai pu me trouver, je peux donner: c'est ainsi que notre récit est suivi de cette scène où Jésus et ses apôtres nourrissent 5 milles personnes.

Dans mon milieu de travail, je retrouve des musulmans aussi bien que des bouddhistes, des chrétiens, pratiquants comme non pratiquants. Je suis appelé à les aider à trouver leur propre nord, selon le lieu où ils se trouvent. Cependant, au point de départ, je dois trouver un lieu où je peux plonger mes racines, que ce soit la vie de couple ou ma communauté. Suis-je capable de trouver un tel lieu?

 

-André Gilbert, Gatineau, avril 2006

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