Sybil 2000

Le texte évangélique

Marc 1, 1-8

1 Commencement de la bonne nouvelle de Jésus messie et Fils de Dieu. 2 Comme il est écrit dans le livre du prophète Isaïe :

Voici que j'envoie mon messager devant toi
Afin qu'il trace ton chemin.
3 Il est une voix qui crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
Rendez droits ses sentiers.

4 Jean le Baptiste apparaît dans le désert et annonçant tout haut un baptême de réorientation de sa vie afin d'être libéré de ses égarements. 5. Des foules arrivaient de toute la région de Judée et de Jérusalem pour aller vers lui et se faisaient baptiser par lui dans le fleuve Jourdain en avouant leurs égarements. 6 Jean était vêtu d'une peau de chameau et d'une ceinture de cuir aux reins, se nourrissant de sauterelles et de miel sauvage. 7 Et il disait à voix haute : « Après moi vient quelqu'un de plus fort que moi, dont je ne suis même pas digne, après m'être penché, de détacher les courroies de ses sandales. 8 Moi, c'est avec de l'eau que je vous ai baptisé, lui c'est avec l'Esprit Saint qu'il vous baptisera. »

Des études

Qui est le plus fort? Qui vaincra?


Commentaire d'évangile - Homélie

Quelle bonne nouvelle?

Au Proche Orient et au Nord de l'Afrique, il y a toute une génération qui vit dans l'attente : attente d'une bonne éducation, attente d'un bon emploi, attente d'être capable de quitter le giron familial pour se marier, et plus que tout, attente de cette liberté qui lui permettra de participer à un vote libre, à la vie politique, et ainsi, peut-être, de changer le monde. Et elle s'impatiente. Pour cette génération, quelle serait l'annonce d'une bonne nouvelle? Probablement, la liberté, et avec elle des conditions économiques qui l'intègrerait à la richesse collective, tant culturelle que matérielle. Or, Marc amorce justement son évangile en disant qu'il a une bonne nouvelle à communiquer. Est-ce cette bonne nouvelle qu'attend depuis si longtemps notre génération?

Car le mot évangile est la traduction du mot grec composé : eu-aggelion, qui signifie bonne nouvelle ou annonce. Et Marc écrit : « Commencement de la bonne nouvelle de Jésus messie (ou Christ, i.e. l'oint) et Fils de Dieu. » Si on comprend bien Marc, la bonne nouvelle provient de l'existence de Jésus qui est le messie promis et le Fils de Dieu. Est-ce qu'une telle proclamation réjouirait notre génération qui est dans l'attente? Probablement pas. Et soyons nous-mêmes vrais : l'annonce d'un travail, de la naissance d'un enfant, d'une promotion, d'un amour ou du retour d'un grand ami suscite beaucoup plus d'émotion que l'annonce que vient nous faire Marc. Pourquoi?

Tout d'abord, repensons à notre contexte religieux d'il y a quelques années. Quel était le sens de la présence de Jésus? Voici ce que répondait l'ancien petit catéchisme du Québec : « Jésus-Christ nous a rachetés de la damnation éternelle, à laquelle nous étions tous engagés par la désobéissance d'Adam, notre premier père. » Ainsi, la mauvaise nouvelle était que, sans le savoir, nous étions voués à l'enfer après notre mort; la bonne nouvelle était que Jésus nous en avait rachetés par les mérites de ses souffrances et sa mort, et qu'ainsi nous pouvions espérer aller au ciel. Vous aurez remarqué que, tant du côté de la damnation que du côté du salut, tout se passe après cette vie. Or, quand l'évangéliste Marc parle de bonne nouvelle, c'est pour aujourd'hui, pour maintenant, non pas seulement pour l'après-vie.

Quelle est donc cette bonne nouvelle? Marc répond : « Chut! C'est un secret. » Voilà pourquoi son récit commence avec celui qu'on appelle un précurseur, Jean Baptiste, quelqu'un dont le rôle est de préparer les gens à comprendre l'attitude de Jésus et son message. Car il faut une certaine évolution du coeur pour s'ouvrir à ce que Jésus propose. Ainsi Jean Baptiste proclame-t-il un baptême de réorientation de sa vie. En d'autres mots, si le but de votre vie est le maximum d'argent ou de pouvoir ou de plaisirs, alors Jésus n'a rien à vous apporter et vous ne comprendrez rien de ce qu'il dit. Pas de bonne nouvelle pour vous! Mais on peut reconnaître qu'une partie de cette génération, qui vit dans l'attente, s'est déjà engagée dans ce baptême de réorientation de sa vie. Pourtant, tout cela est encore insuffisant pour comprendre Jésus.

Jean Baptiste dit : « Après moi vient quelqu'un de plus fort que moi... lui c'est avec l'Esprit Saint qu'il vous baptisera. » Qu'est-ce donc que ce baptême dans l'Esprit Saint? L'Esprit Saint, c'est l'amour même de Dieu répandu dans nos coeurs. Cet amour est différent des autres, car il est sans condition et il est sans limite. C'est cet amour qui a accompagné Jésus tout au long de sa vie et qui l'a amené à remettre des gens debout et à les guérir. Aujourd'hui, deux milles ans plus tard, si nous nous ouvrons à cette même parole, c'est que le même amour nous habite : nous sommes les fils et les filles de Dieu. Ainsi, nous ne sommes jamais seuls : nous sommes habités par une présence qui nous donne force et vie. Voilà notre grandeur, voilà notre identité, voilà une nouvelle extraordinaire. Cependant, même avec cette compréhension des choses, nous n'avons pas encore totalement saisi le secret dont veut parler Marc.

Pour comprendre vraiment ce secret, il faut être capable de s'ouvrir à ce qui a constitué les derniers moments de la vie de Jésus, ses humiliations, sa solitude, son rejet, ses souffrances et sa mort. Pourquoi? Nous voilà devant le mystère même de l'existence de ce monde. Mais néanmoins, nous pouvons dire ceci : Jésus est demeuré fidèle à l'amour jusqu'au bout malgré la haine et la souffrance, et cet amour a été une source de vie si féconde qu'elle est vraiment en mesure de transformer le monde, et qu'elle ne mourra jamais. C'est ce qu'ont fini par comprendre ses disciples après sa résurrection. Leur bonne nouvelle? Ni la haine, ni la souffrance, ni la mort ne pourra empêcher la victoire finale de cet amour.

Nous tous, avec cette génération qui veut changer le monde, nous voudrions un messie qui vient avec force et transforme les choses en un temps record. C'est ici que nous avons beaucoup à apprendre de l'enfant, du bébé. Comme grand-père, je m'étonne que ma petite fille prenne tant de temps à faire ce que je sais faire. Elle est minuscule, elle est fragile, elle a mal à ses dents qui poussent. Pourtant, imperceptiblement c'est elle qui me transforme. Oui, l'amour vaincra. Mais par un autre chemin que celui que nous voudrions. Notre foi va-t-elle jusque-là?

 

-André Gilbert, Gatineau, août 2011

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