Une structure de l'évangile selon Matthieu Établir quel plan Matthieu avait en tête en composant son évangile relève de la conjecture. Tout d’abord, en avait-il un précis? De manière générale, il suit la séquence de Marc qui commence en Galilée où se déroule la presque totalité du ministère de Jésus, et se termine à Jérusalem dans un affrontement final avec les autorités juives, là où il subira un procès juif et romain et mourra crucifié. Mais Matthieu nous donne un certain nombre d’indices qui nous permettent de faire un certain découpage. Il y a d’abord les deux premiers chapitres du récit de l’enfance de Jésus qui représentent de manière anticipée ce que sera la vie de Jésus, fils de David, l’Emmanuel, i.e. Dieu avec nous, rejeté par les Juifs à travers la figure d’Hérode qui veut le tuer, reçu par les païens à travers la figure des mages d’Orient, revivant le destin du peuple élu à travers le séjour en Égypte. On peut considérer ces deux chapitres comme un prologue à l’évangile. Au ch. 3, à travers la prédication de Jean Baptiste, nous avons une introduction à Jésus qui est revêtu de l’Esprit Saint, prêt pour sa mission. La section qui s’étend du ch. 4 au ch. 27 peut être divisée assez clairement en deux sections distinctes en utilisant la situation de Jean Baptiste. En 4, 12, Matthieu écrit : « Ayant appris que Jean avait été livré, Jésus se retira en Galilée. Puis, abandonnant Nazara, il vint habiter à Capharnaüm ». La mise en prison de Jean-Baptiste est l’occasion pour Jésus de voler de ses propres ailes, d’amorcer sa prédication, de se choisir des disciples. Cette première section semble se terminer en 13, 58 alors que Jésus prêche dans sa patrie et que l’évangéliste conclut : « Et là, il ne fit pas beaucoup de miracles, parce qu’ils ne croyaient pas ». En 14, 1, l’évangéliste annonce une nouvelle section avec la formule : « En ce temps-là » et décrivant la mort de Jean-Baptise, figure du sort qui attend Jésus. Et de fait, cette deuxième section est marquée par l’ombre des souffrances (16, 21 « À partir de ce moment, Jésus christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup... ») et de la mort qui attendent Jésus avec les trois annonces de la passion. C’est une section centrée dans un premier temps sur les disciples et sur l’ouverture des païens à travers la figure de la Cananéenne, avant l’affrontement final avec les autorités juives. La première section (4, 1 – 13, 58) met d’abord l’accent la mission de Jésus avec sa préparation à travers l’épreuve du désert (4, 1-11), sa prédication initiale (4, 12-17) et le choix des premiers disciples (4, 18-22), que termine un sommaire (4, 23-25). Puis vient la présentation de son programme sur la montagne, et de son action qui accompagne sa parole à travers le regroupement de dix miracles (5, 1 – 9, 38) : Jésus se montre puissant en parole et en action. Et il délègue cette mission aux disciples qui devront faire la même chose (10, 1 – 11, 1). Tout cela déclenche une période où il faut prendre position par rapport à sa personne et à son enseignement, où il faut savoir reconnaître les signes (11, 2 – 13, 58). La deuxième section (14, 1 – 27, 66) est marquée par l’ombre de la mort de Jésus, amorcée par la mort de Jean baptiste lui-même. La première section s’est terminée sur un constat d’échec, alors Jésus se concentre maintenant sur ses disciples, les prépare à sa disparition. Les symboles eucharistiques affleurent avec les deux multiplications des pains (ch. 14 et 15), l’arrivée des païens est annoncée avec le récit de la Cananéenne (ch. 15), et la perspective de sa mort prochaine qui scande toute cette section, tout comme de sa résurrection à travers le récit de la transfiguration (ch. 17). C’est l’occasion pour Jésus d’expliquer comment les disciples devront vivre ensemble (ch. 18). Puis, c’est la confrontation finale où on lui tend constamment des pièges et où Jésus dénonce l’hypocrisie des Pharisiens (ch. 21 – 23). Enfin, Jésus offre un dernier discours concernant la venue du Fils de l’homme et quels seront les critères du jugement, i.e. la compassion (ch. 24 – 25), avant de garder un silence presque complet lors de son procès juif et de son procès romain (ch. 26 – 27). La conclusion du ch. 28 est centrée sur l’expérience de la résurrection de Jésus et l’envoi en mission des disciples vers le monde entier. L’une des caractéristiques de l’évangile selon Matthieu est de nous présenter cinq discours ou catéchèses bien délimités : l’enseignement sur la montagne (de 5, 1 « À la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui... il les enseignait » à 7, 28-29 « Or, quand Jésus eut achevé ces instructions... »); l’enseignement sur la mission (de 10, 1 « Ayant fait venir ses douze disciples... Jésus les envoya en mission avec les instructions suivantes... » à 11, 1 « Or, quand Jésus eut achevé de donner ces instructions à ses douze disciples... »); l’enseignement en paraboles (de 13, 1 « En ce jour-là, Jésus sortit de la maison et s’assit au bord de la mer... il leur dit beaucoup de choses en paraboles... » à 13, 51-52 « Avez-vous compris tout cela?... »); l’enseignement sur la vie fraternelle (de 18, 1 « À cette heure-là, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent : "Qui donc est le plus grand dans le Royaume des cieux? " » à 19, 1 « Or, quand Jésus eut achevé ces instructions... »); l’enseignement eschatologique (de 24, 3 « Comme il était assis, au mont des Oliviers, les disciples s’avancèrent à l’écart, et lui dirent : "Dis-nous quand cela arrivera"... » à 26, 1 « Or, quand Jésus eut achevé toutes ses instruction »). Toutes ces considérations sur un plan possible de l’évangile selon Matthieu peuvent être représentées par le tableau suivant.
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