Évolution géopolitique du territoire israélo-palestinien

Cette page fournit une brève description et diverses cartes sur l'évolution géopolique du territoire israélo-palestinien, de l'époque du roi Salomon jusqu'à aujourd'hui. Nous avons simplement réuni et abrégé ce qui se trouve sur le web, en particulier sur les pages de Wikipedia.


10e siècle avant notre ère

  • Pour les Juifs, le roi David (règne de 1010 à 970 av. notre ère), qui succéda à Saül, premier monarque, est le roi par excellence et deviendra le modèle du messie attendu. Il agrandira constamment le territoire juif qui atteindra son apogée avec son fils Salomon (972 à 933 av. notre ère). L'ensemble du peuple juif est constitué de douze tribus.

  • On remarquera (carte 1) que le royaume de Salomon occupe le territoire des douze tribus constituant les Israélites, ainsi que la Jordanie actuelle, la Syrie jusqu'au fleuve Euphrate, et une partie du Liban.

  • Le nom "Israël" désigne d'abord le surnom de Jacob, fils d'Isaac et petit-fils d'Abraham, et en est venu à être appliqué à tous ses descendants. Il ne désigne pas un territoire, mais un peuple.

  • Le nom "Palestine" est une latinisation par les Romains de la tribu des Philistins qui occupaient le territoire maritime sud couvrant les villes de Gaza, Ashquelon et Ashdod (voir la carte 1). D'après Amos 9, 5, cette tribu serait arrivée au début de l'époque du fer de Kaphtor, peut-être situé sur l'île de Crète. La Bible nous apprend que les Juifs étaient en conflit avec les Philistins et nous raconte l'histoire du combat entre Goliath et le jeune David. Mais il n'y a aucun lien ethnique entre les Philistins et les Palestiniens modernes.

  • Pour fins de comparaison, nous avons inclus sur la carte 1 les territoires de Cisjordanie, de Gaza et du Golan.

Carte 1

Extension géographique du royaume de Salomon


1ier siècle de notre ère

La carte 2 présente la Palestine au temps de Jésus (1ier siècle). Depuis l'an 63 av. notre ère, avec la victoire du général Pompée, tout le territoire est sous domination romaine. À partir de l'an 4 de notre ère, un préfet romain, demeurant à Césarée, avait l'autorité sur la Judée et la Samarie, tandis que la Galilée et la Pérée relevaient d'un Juif sous autorité romaine, le roi Hérode Antipas, et l'Iturée et la Gaulanitide relevaient de son demi-frère, Hérode Philippe. Enfin, Salomé, de la famille d'Hérode, hérite de la région d'Ashdod, au sud, sur le bord de la Méditerrannée. Tout le reste du territoire était administré par le légat romain de Syrie, incluant le territoire couvert aujourd'hui par la bande de Gaza.

Les Juifs sont surtout concentrés du côté ouest du fleuve Jourdain, en particulier en Judée au sud, et en Galilée au nord, tandis que la Samarie était aussi juive, mais considérée comme hérétique par la majorité, car ayant comme lieu de culte un temple sur le mont Garizim, plutôt que celui de Jérusalem. Quant à la Décapole (litt. deka polis = dix villes), elle était surtout peuplée de gens de langue grecque.

Pour fins de comparaison, nous avons superposé sur cette carte du 1ier siècle les territoires palestiniens d'aujourd'hui (couleur turquoise) et le Golan (couleur brune). Pour fins de comparaison également, disons que le territoire occupé majoritairement par les Juifs est constituée de la Judée, de la Samarie, de la Galilée, de l'Iturée, de la Gaulanitide, et de la Pérée.

Carte 2

Palestine au temps de Jésus


Du 1ier au 3e siècle de notre ère: les révoltes juives

La révolte juive de 66-70

En l'an 66, un groupe juif, appelé "Zélotes", suscitèrent une révolte contre l'autorité romaine, après des rumeurs que le temple aurait été profané. La majorité des chrétiens juifs semblent avoir refusé de se joindre aux rebelles et plusieurs se seraient exilés dans la ville jordanienne de Pella. Les Romains intervinrent sous la direction de Domitien et de son fils Titus. Et en l'an 70, le temple de Jérusalem fut détruit et la ville saccagée. Selon l'historien juif Josèphe, 1 100 000 Juifs auraient péri et 97 000 auraient été emmenés captifs. Et en guise de représailles, tous les Juifs de l'empire furent soumis à un impôt spécial, le fiscus judaicus.

La révolte juive de 132-135

Environ soixante ans plus, en l'an 132, une nouvelle révolte éclata sous la direction de Shimon bar Kokhba pour protester contre le plan de l'empereur Hadrien (Aelius Adrianus) de rebâtir Jérusalem comme une ville romaine et de lui donner un nouveau nom: Aelia Capitolina. La bataille est féroce et les Romains sont obligés d'envoyer douze légions. Ils finissent par infliger aux Juifs une défaite amère en l'an 135. Par la suite, Jérusalem est rasée, interdite aux Juifs, et une nouvelle ville romaine, Aelia Capitolina, est bâtie sur son site. Hadrien renommera la province romaine de Judée qui devient Syrie-Palestine, pour la distinguer de la Syrie, et utilisera le nom des Philistins, les ennemis traditionnels des Juifs, pour constituer le nouveau nom de Palestine, afin d'humilier la population juive et d'effacer un pan de leur histoire.

Aelia Capitolina

Alors que la ville de Jérusalem avait probablement un population de 200 000 habitants au temps de Jésus, Aelia Capitolina était maintenant une simple colonie militaire avec environ 4 000 résidents. Les Juifs étaient non seulement bannis de la ville, mais également de ses environs. Et sur l'emplacement où des chrétiens avaient coutume de vénérer le tombeau de Jésus, Hadrien fit construire un temple à Vénus.

La carte 3 présente les diverses provinces romaines au début du 3e siècle. Les diverses divisions juives (Judée, Samarie, Galilée, etc.) ont disparu pour faire place à la Syrie-Palestine.

Carte 3

Provinces romaines en l'an 210


Du 4e au 7e siècle de notre ère: la période byzantine

La réorganisation du territoire

L'empire romain connaît une réorganisation géopolitique. En effet, les provinces sont regroupées en ensembles régionaux appelés diocèses (carte 4). La Syrie-Palestine a été intégrée au diocèse d'Orient, qui regroupait les provinces du Proche-Orient. Au 4e siècle, la Palestine et les régions voisines furent réorganisées en provinces : Palaestina Prima, Palaestina Secunda et Palaestina Tertia ou Palaestina Salutaris (voir la carte 5). La Palaestina Prima, dont la capitale était Césarée, englobait les parties centrales de la Palestine, y compris la plaine côtière, la Judée et la Samarie. La Palaestina Secunda avait pour capitale Scythopolis et comprenait le nord de la Transjordanie, la basse vallée de Jezréel, la Galilée et la région du Golan. La Palaestina Tertia, dont la capitale était Pétra, comprenait le Néguev, le sud de la Transjordanie et certaines parties du Sinaï.

L'empereur Constantin

Avec les victoires de Constantin et le début de son règne (306-337) commence l'ère de l'empire byzantin, dont la capitale est Constantinople. Non seulement il met fin aux persécutions chrétiennes, mais le nouvel empereur commandite un certain nombre d'initiatives religieuses, comme le concile de Nicée (325) pour mettre fin à des disputes théologiques, la construction en Palestine I d'un certain nombre de monuments religieux dont il confia la responsabilité à sa mère, Hélène: c'est ainsi que fut érigé l'église de Saint-Sépulcre à Jérusalem, sur les lieux où l'empereur Hadrien avait érigé un temple à Vénus et où Jésus aurait été crucifié et enseveli, l'église de la Nativité à Bethléem, sur les lieux où on croyait que Jésus était né; l'église du Pater Noster sur le mont de l'Ascension; tout cela fit de Aelia Capitolina (Jérusalem) un grand centre chrétien. On croit qu'environ 170 monastères religieux furent construits lors de cette période. Notons que les Juifs sont toujours interdits dans la cité et les environs, même si on en trouve un certain nombre à la campagne.

L'empereur Théodose

C'est l'empereur romain Théodose I (379-395) qui, en 380, émit l'édit de Thessalonique adressé à Constantinople et qui dit entre autres ceci:

"Nous ordonnons aux adeptes de cette loi d'adopter le nom de chrétiens catholiques ; mais quant aux autres, puisque, selon notre jugement, ce sont des fous insensés, nous décrétons qu'ils seront marqués du nom ignominieux d'hérétiques et qu'ils ne devront pas oser donner à leurs conventicules le nom d'églises."

Cet édit se trouve à dire que seule la religion chrétienne est acceptable dans l'empire. De fait, Théodose fera la guerre au paganisme et détruira plusieurs de leurs temples, sans néanmoins forcer les païens et les Juifs à se convertir au christianisme. À sa mort en 395, l'empire romain sera définitivement divisé en deux, chacun de ses fils héritant d'une partie, l'un de la partie occidentale avec Rome comme capitale et parlant latin, et l'autre de la partie orientale, avec Constantinople comme capitale et parlant grec; la partie occidentale s'écroulera en 476 avec l'arrivée des tribus barbares, et la partie orientale en 1473 avec l'arrivée de l'empire Ottoman.

La Palestine de l'empire byzantin

Notons que l'époque byzantine fut une période de grande prospérité et d'épanouissement culturel en Palestine. De nouvelles terres furent cultivées, l'urbanisation s'intensifia et de nombreuses villes atteignirent leur pic démographique. Les villes se dotèrent progressivement de nouvelles basiliques civiques, de rues bordées de portiques pouvant accueillir des boutiques, et la construction d'églises et d'autres édifices religieux stimula leur économie. La population totale de la Palestine aurait dépassé un million et demi d'habitants, son niveau le plus élevé jusqu'au 20e siècle.

Les Samaritains

Ceci dit, des tensions existent entre certains groupes, en particulier autour des Samaritains, une sorte de secte juive (au temps de Jésus, ils préféraient leur temple sur le mont Garizim à celui de Jérusalem, et ils avaient leur propre version de la Bible), regroupée dans la région de Samarie, au centre de la Palestine I. À la suite du massacre et de l'expulsion de beaucoup de Juifs par les Romains lors de la révolte de l'an 135, ils purent prendre toute leur place et réorganisèrent la partie centrale du pays et implantèrent leurs institutions et leur liturgie. Mais cela entra en conflit avec le christianisme de l'empire byzantin qui emprisonna son leader en l'an 362. La communauté chrétienne de Sichem (Samarie) entra également en conflit demandant aux Samaritains de se convertir au christianisme. Devant leur refus, on en tuant plusieurs et on convertit leurs synagogues en églises. Ces conflits durèrent plus de 200 ans, les Juifs se joignant parfois à leurs frères Samaritains, tout cela causant la destruction parfois d'églises, parfois de synagogues.

La démographie

Quelle était la population juive au 7e siècle? Comme les Juifs avaient été exclus de Jérusalem et des environs, on les trouvait plus au nord, en particulier en Galilée, dont Tibériade était le centre religieux. Selon certains historiens, la population juive pouvait s'établir à environ 200 000 personnes, soit environ 10% ou 15% de la population totale, réparties en 43 colonies. Mais si on ajoutait le groupe des Samaritains, on pouvait atteindre 50% de la population totale.

La percée de l'empire Perse des Sassanides

La première partie du 7e siècle est marquée d'abord par diverses révoltes juives contre l'empire byzantin qui avait été développée par une forte propagande anti-juive, puis par l'avancée de l'empire perse (Iran) des Sassanides, un empire fondé en 224 de notre ère, et la guerre Byzance-Sassanides qui durera 26 ans (602-628). Comme les Juifs se sentent opprimés par les Byzantins, ils se joindront aux Perses par l'intermédiaire d'environ 20 000 rebelles qui aideront leur expansion dans le diocèse byzantin d'Orient. C'est ainsi qu'après la conquête de Palaestina II, ils arrivent ensemble pour la conquête de Palaestina I et de Jérusalem qui tombe en 614. Les Perses donne alors le contrôle de la ville à un leader juif (Néhémie ben Hushiel). Dès lors, un plan est ébauché pour reconstruire le temple et déterminer qui sera le prochain grand prêtre. Puis, après avoir détruit des églises, on entreprend de chasser les chrétiens de la ville. C'est la révolte. Néhémie ben Hushiel, son conseil ainsi que beaucoup de Juifs sont tués, et les survivants s'enfuient à Césarée. Mais les forces perses reviennent pour faire le siège de la ville: environ 20 000 chrétiens auraient été massacrés et un grand nombre emmené comme prisonnier en Mésopotamie. Ce n'est qu'en l'an 630 que l'empereur byzantin reprendra le contrôle de Jérusalem, massacrant au passage un grand nombre de Juifs et interdisant toute colonie juive dans un rayon de 5 kilomètres autour de Jérusalem.

Carte 4

Diocèses romains en l'an 300

Voici le détail des provinces (en rose) dans le diocèse d'Orient. Le points rouges signalent la capitale d'une province. Le territoire traditionnel juif est découpé en trois provinces: Palestina I, Palestina II et Palestina III Salutaris. On notera que Hierosolyma (Jérusalem) se situe dans la province de Palaestina I dont la capitale est Césarée maritime.

Carte 5

Provinces romaines d'Orient en l'an 300


De 635 à 1095: la période des califats musulmans

La prise de Jérusalem

Mahomet (570 - 632) initia en 629 la confrontation militaire avec l'empire byzantin. Mais c'est sous la direction du calife Umad, 2e successeur de Mahomet, que les forces islamiques conquirent le centre de la Syrie en 634, puis entrèrent en Palestine en 635, en commençant par le nord, prenant Haifa, Tibériade, Naplouse, Jaffa, et Gaza. La Palestine était entre les mains des musulmans, sauf Jérusalem, Césarée et Ashquelon. C'est seulement à la fin de l'an 636 que la ville de Jérusalem subit un long siège de l'armée musulmane et se rendit en avril 637. Pour les Juifs, ce fut un soulagement, car ils purent retourner prier sur le mont du temple (où se trouve le mur des lamentations). En effet, sous le régime islamique, les chrétiens, les Juifs et les samaritains étaient protégés en tant que monothéistes abrahamiques ou « peuples du Livre » et autorisés à pratiquer leur religion en paix. Les musulmans ont également levé l'interdiction séculaire imposée par les Romains aux Juifs à Jérusalem. Notons que la fonction publique byzantine a été maintenue jusqu'à ce qu'un nouveau système puisse être mis en place ; par conséquent, le grec est resté la langue administrative dans les nouveaux territoires musulmans pendant plus de 50 ans après les conquêtes.

La réorganisation du territoire

Les musulmans organisèrent le territoire des diocèses byzantins d'Orient (Syrie) en districts militaires, ou provinces (voir la carte 6). Les territoires traditionels juifs de la Palaestina Prima et de la Palaestina Secunda devinrent les provinces de Filastin au sud, et al-Urdunn au nord. La ville nouvellement fondée de al-Ramla devint la capitale administrative et la ville la plus importante de la province de Filastin, tandis que dans la province de al-Urduun Tabariyyah (Tibériade) remplaça Scythopolis comme capitale de la province.

Le califat rashidun

Tout au long de ce califat rashidun (632-661) dont le centre était d'abord Medina, en Arabie (632-656), puis Koufa, en Irak (656-661), la Palestine figurait parmi les provinces les plus prospères et les plus fertiles du califat. La richesse de la Palestine provenait de sa situation stratégique en tant que plaque tournante du commerce international, de l'afflux de pèlerins, de ses excellents produits agricoles et d'un certain nombre d'artisanats locaux. Les produits fabriqués ou commercialisés en Palestine comprenaient des matériaux de construction provenant de carrières de marbre et de pierre blanche, des épices, des savons, de l'huile d'olive, du sucre, de l'indigo, des sels de la mer Morte et de la soie. Les Juifs palestiniens étaient des verriers experts dont les produits étaient connus en Europe sous le nom de « verre juif ». La Palestine était également réputée pour sa production de livres et son travail de copiste. Bien que la Palestine fût sous contrôle musulman, l'affection du monde chrétien pour la Terre Sainte continuait de croître. Les rois chrétiens faisaient de généreux dons aux lieux saints de Jérusalem et contribuaient à faciliter le trafic toujours croissant des pèlerins. Mentionnons enfin que sous le calife Omar, la ville de Jérusalem fut renommée en 638 Bayt al-Maqdis (« Maison du Sanctuaire »), en référence au mont du temple.

Le califat omeyyade

Mais quand le calife Othman fut assasiné en 656 et remplacé par le calife Ali, une guerre civile éclata jusqu'à l'apparition en 661 de la dynastie omeyyade (661-750), provenant d'un clan de La Mecque et qui déménagea la capitale du califat de Koufa, en Irak, à Damas, en Syrie. Ce califat fut inauguré à Bayt al-Maqdis (Jérusalem) en raison de sa signification religieuse et de sa place centrale sur la route qui mène de la Syrie jusqu'en Égypte. C'est sous ce califat que fut construit sur l'esplanade de l'ancien temple juif le fameux "Dome de la Roche" (691-692), la plus ancienne pièce d'architecture islamique encore existente, ainsi que la mosquée al-Aqsa (vers 705), tout près, sur la même esplanade. Mais, dans la deuxième partie du 8e siècle, des tribus palestiniennes commencèrent à se révolter contre ce califat. En 650, un descendant d'un oncle de Mahomet, Abû al-Abbâs As-Saffah, imposa la paix avec sa victoire sur le dernier calife de la dynastie omeyade, pour inauguer un nouveau califat, le califat abbasside.

Le califat abbasside

Le califat abbasside déménage la capitale à Bagdad. Ce déménagement eut comme conséquence de déclasser Jérusalem qui devint une ville secondaire, n'étant plus une plaque tournante. Au cours de la fin du 8e siècle, on observe dans les deux provinces de al'Urdunn et Filastin plusieiurs affrontements entre des tribus arabes du nord et ceux du sud, auxquels se joignent les Bédouins, créant une situation anarchique. Des villes comme Gaza, Ashquelon et Bayt Jibrin (Héron) sont détruites, des monastères sont attaqués et dévalisés, et plusieurs moines tués.

N.B. En rose on trouve le nom des diverses provinces. Le point rouge dans une province désigne la capitale.

Carte 6

Califat abbasside - 9e siècle

Le califat ikshidid

Vers la fin du 9e s., les califes de la dynastie abbasside commencent à perdre le contrôle des provinces du bassin méditerranéen. En 868, l'officier d'origine turque Ahmad ibn Touloun, envoyé de Bagdad comme gouverneur de l'Égypte, s'y comporte bientôt comme monarque autonome et fonde la dynastie d'émirs indépendants des Toulounides. En 878, il s'empare de la Palestine et de la Syrie, met fin à la persécution chrétienne et amorce la reconstruction d'églises. Mais en 906, les Abbassides reprennent contrôle de la Palestine. Leur contrôle durera jusqu'en 939, date à laquelle ils accordèrent à Muhammad ibn Tughj al-Ikhshid, gouverneur d'Égypte et de Palestine, le contrôle autonome de son domaine. Ce dernier fonda la dynastie des Ikshidid, dont le règne fut marqué par des actes de persécution contre les chrétiens, parfois avec l'aide des Juifs locaux. En 937, l'église du Saint-Sépulcre fut incendiée et pillée, et en 966, de graves émeutes antichrétiennes éclatèrent à Jérusalem.

Le califat fatimide

Pendant ce temps, un courant musulman chiite, qui se réclame de la fille de Mohamed, Fatima, et de son mari, Ali, installé en Afrique du Nord, y fonde un état fatimide. En 969, ce courant fonde la dynastie fatimide en s'emparant de la Palestine. Son arrivée marqua le début de six décennies de guerres quasi ininterrompues et extrêmement destructrices en Palestine entre eux et leurs nombreux ennemis, les Byzantins, les Qarmatiens, les tribus bédouines, et même des luttes intestines entre les factions berbères et turques au sein de l'armée fatimide. En même temps, les Bédouins jouissaient d'un pouvoir presque illimité en Palestine entre 997 et 1010. Leurs pillages et leurs nombreuses atrocités ont lourdement pesé sur l'ensemble du territoire.

En 1009, dans un élan de persécution religieuse, le calife-iman fatimide Al-Hakim ordonna la démolition de toutes les églises et synagogues de l'empire, y compris l'église du Saint-Sépulcre. La nouvelle de cette démolition choqua et indigna l'Europe chrétienne, qui en attribua la responsabilité aux Juifs. Al-Hakim obligea également les Chrétiens et les Juifs à porter un vêtement distinctif. Son successeur autorisa la reconstruction du Saint-Sépulcre, mais la répression contre les non-musulmans se poursuivit.


De 1095 à 1291: la période des Croisés

L'empire seldjoukide

Au 11e siècle, l'empire musulman turc seldjoukide envahit l'Asie occidentale, et tant les Byzantins que les califats subirent des pertes territoriales. Bagdad tomba en 1055 et la Palestine en 1071-1073. Ainsi, la période de calme relatif prit fin et la Palestine redevint le théâtre de l'anarchie, de guerres internes entre les Turcs eux-mêmes et entre eux et leurs ennemis. Le règne turc fut marqué par les massacres, le vandalisme et les difficultés économiques. En 1077, après un soulèvement, les Seldjoukides massacrèrent les habitants de Jérusalem et anéantirent Gaza, Ramla et Jaffa. Finalement, en 1098, les Fatimides reprirent Jérusalem aux Seldjoukides. À ces malheurs pour la région de Palestine, s'ajoutent trois tremblements de terre destructeurs en 1015, 1033 et 1068.

La première croisade

La première croisade est initiée en 1095 après un appel à l'aide de l'empereur byzantin Alexis 1ier et soutenue par le pape Urbain II qui encourage un pélerinage armée à Jérusalem. C'est ainsi qu'en 1099, les Croisés prirent Jérusalem. En cours de route, ils conquirent au fur et à mesure toute la côte méditerranéenne orientale, depuis l'actuelle Turquie au nord jusqu'au Sinaï au sud. Des États croisés furent organisés dans les territoires conquis: le comté d'Édesse, la principauté d'Antioche, le royaume de Jérusalem et le comté de Tripoli (voir la carte 7). Godefroy de Bouillon fut le premier roi du royaume de Jérusalem, et Arnoul de Chocques le premier patriarche latin. Au cours des décennies qui suivent, diverses escarmouches et combats ont lieu dans plusieurs lieux du Proche-Orient entre divers groupes croisés et les Seldjoukides, avec des victoires et des défaites de chaque côté.

N.B. Les territoires accompagnés de la croix rouge des Croisés désignent ce qui relève de leur autorité.

Carte 7

Le Proche-Orient vers l'an 1135

 

La deuxième croisade

La deuxième croisade fut initiée en 1047, après la prise du comté d'Édesse en 1044 par les forces seldjoukides menées par Zengi; elle était sous la direction des rois Louis VII de France et Conrad III d'Allemagne, soutenus par le pape Eugène III. Arrivés au Proche-Orients, les croisés ne connurent que des échecs. Devant la situation, le pape Eugène III réorienta la croisade vers les péninsule ibérique contre les Maures, où elle connut un plus grand succès. Mais, pendant ce temps, le clan de Zengi, appelé les Zengides, continue ses compagnes militaires au Proche-Orient, sous la direction de Nur-ad-Din. Ce dernier s'empare d'une partie de la principauté d'Antioche en 1149, de Damas en 1154, puis battit les Templiers à Banias, sur le plateau du Golan, en 1157. Mais la scène des combats se déplace en Égypte, quand Almaric, roi de Jérusalem, entreprit une série de quatre invasions de l'Égypte entre 1163 et 1169, profitant des faiblesses des Fatimides. Mais devant l'avancée de Nur-ad-Din, les Fatimides et les croisés décident de s'associer pour affronter l'ennemi. Plusieurs affrontements ont lieu dans des villes du nord d'Égypte. Nur-ad-Din remporta une victoire décisive en 1169 avec l'aide de son oncle, Saladin, qui fut nommé vizir d'Égypte. À partir de ce moment, Saladin, qui est à l'origine de la dynastie ayyoubide, dynastie kurde qui tient son nom de son père Najm al-Din Ayyub, poursuit le travail de reconquérir la "Terre Sainte", et c'est ainsi qu'il arrive le 2 septembre 1187 aux portes de la ville de Jérusalem qu'il assiège. La ville tombe deux semaines plus tard. Jérusalem était à nouveau aux mains des musulmans. De nombreux habitants du royaume s'enfuirent à Tyr. Enfin, avec le siège de Safed, au nord du lac de Galilée, en 1188, Saladin complète sa reconquête de la "Terre Sainte" (carte 8).

Carte 8

Le Proche-Orient vers l'an 1190

 

La troisième croisade

Peu de temps après avoir appris la nouvelle de la chute de Jérusalem, le pape Urbain III mourut. Son successeur, Grégoire VIII, lança l'appel pour une 3e croisade. Celle-ci fut menée par l'allemand Frédéric Barberouse et l'anglais Richard I, dit "coeur de lion". Malheureusement, Frédéric se noya en Arménie Cilicie, avant d'atteindre la "Terre Sainte". Quant à Richard I il réussit à s'emparer de la cité d'Acre en 1191 et fut victorieux jusqu'à la cité de Jaffa, mais échoua à s'emparer de Jérusalem. Le 2 septembre 1192, Richard et Saladin signèrent le traité de Jaffa, qui stipulait que Jérusalem resterait sous contrôle musulman, tout en autorisant les pèlerins et les commerçants chrétiens non armés à visiter librement la ville. De plus, les chrétiens gardaient la possession de cette étroite bande côtière allant d'Acre à Jaffa, appelé le royaume chrétien de Jérusalem. Ce traité mit fin à la troisième croisade.

La quatrième croisade

La quatrième croisade (1202-1204), appelée par le pape Innocent III, n'alla pas plus loin que Constantinople où les croisés pillèrent la ville. La cinquième croisade (1217-1221), appelée par le paple Honorius III, avait pour but de s'emparer de Jérusalem, mais échoua. La sixième croisade (1228-1229) était une expédition militaire pour reprendre Jérusalem. Cette croisade est menée par Frédéric II, empereur du Saint-Empire romain germanique, avec l'appui du pape Grégoire IX. Il en résultat aucun combat notable, mais simplement le traité de Jaffa en février 1229 avec al-Kamil, 4e successeur de Saladin dans la dynastie ayyoubide: ce dernier cédait Jérusalem qui revenait sous domination chrétienne, à l'exception de certains lieux saints musulmans, de même que Bethléem et Nazareth qui rejoignaient le royaume de Jérusalem réduit à une mince bande de terre le long de la Méditerrannée, de Beyrouth, Tyr, Sidon, Acre jusqu'à Ashquelon, avec Acre comme capitale, et acceptait une trêve de dix ans.

La dynastie ayyoubide

Mais en juillet 1244, les Khwarezmiens, une dynastie de l'ancien royaume iranien de Khwarezm, font alliance avec la dynastie ayyoubide d'Égypte et envahissent la Palestine, sacagent et pillent Jérusalem, massacrent la communauté chrétienne. Ces événements amènent Louis IX de France, soutenu par le paple Innocent IV, à entreprendre la septième croisade (1248-1254). Son objectif était de reconquérir la "Terre Sainte", en attaquant d'abord l'Égypte, lieu fort de la dynastie ayyoubide. Après des victoires préliminaires dans les villes du nord d'Égypte, les armées de Louis IX subissent finalement un échec retentissant lors de la bataille de Fariskur en 1254, le roi étant fait prisonnier et libéré moyennant une forte rançon. Pendant ce temps, un mois après cette bataille, le sultan vainqueur al-Muazzam Turanshah est assassiné par ses mamelouks, un groupe formé de mercenaires, de soldats esclaves et d'esclaves affranchis non arabes, d'origines ethniques diverses (principalement turques, caucasiennes, d'Europe orientale et du Sud-Est). Ils prennent le contrôle du sultanat d'Égypte, forçant la dynastie ayyoubide à se retirer à Damas.

La dynastie mamelouk

La dynastie mamelouk (voir la carte 9) allait contribuer à la disparition des états croisés à la fin du 13e siècle. Le comté de Tripoli, déjà un vassal de l'empire mongol en pleine expansion des Ilkhans en 1260, subit l'assaut du sultant mamelouk Qalawun en mars 1289 alors qu'il craignait que l'arrivée récente de marchands génois allaient mettre en péril le commerce des marchands d'Alexandrie. Il leva un siège sur la ville et utilisa des catapultes. La ville fut prise le 26 avril. La population de la ville fut massacrée. Les femmes et les enfants furent réduits en esclavage, et 1 200 prisonniers furent envoyés à Alexandrie pour travailler dans le nouvel arsenal du sultan. Deux ans plus tard, Acre, le dernier avant-poste important des croisés en "Terre Sainte", fut également prise lors du siège d'Acre en 1291. De nombreux historiens considèrent cet événement comme marquant la fin des croisades.

Carte 9

Le Proche-Orient vers l'an 1260

La démographie

Disons un mot sur la population sémite au cour de cette période. Benjamin de Tudèle estimait la population juive totale de 14 villes du royaume à 1 200 personnes. Cette population s'est battue du côté des musulmans contre les Croisés lors des guerres de 1099 à Jérusalem et 1100 à Haifa. Selon lui également, qui a voyagé à travers le royaume vers 1170, on trouvait également des Samaritains, environ 1 000 à Naplouse, 200 à Césarée et 300 à Ashquelon. On pouvait donc considérer la population samaritaine de l'époque plus importante que la population juive, peut-être pour la seule fois dans l'histoire.


De 1250 à 1517: la période des Mamelouks

Des initiatives pour éviter le retour des Croisés

Les Mamelouks, poursuivant la politique de la dynastie précédente des Ayyoubides, prirent la décision stratégique de détruire la zone côtière et de ravager de nombreuses villes, de Tyr au nord à Gaza au sud. Les ports furent détruits et divers matériaux furent déversés pour les rendre inutilisables. L'objectif était d'empêcher les attaques venues de la mer, compte tenu de la crainte du retour des Croisés. Cela eut un effet à long terme sur ces régions, qui restèrent peu peuplées pendant des siècles. En partie à cause des nombreux conflits, des tremblements de terre et de la peste noire qui ont frappé la région à cette époque, la population aurait diminué pour atteindre environ 200 000 habitants.

La période bahrite

Sous le règne du sultanat mamelouk, pour la période appelée bahrite (1250-1382), le territoire était divisé en wilaya (district), subdivisé en sanjaks. La Palestine faisait partie du wilaya de Damas et était divisée en trois sanjaks plus petits dont les capitales étaient Jérusalem, Gaza et Safed (au nord du lac de Galilée). Le début du 14e siècle est considéré comme le zénith de l'empire mamelouk où un traité de paix mit un terme aux combats des Mamelouks contre les mongols des Ilkhans.

La période bourjite

Mais une suite de guerres intestines entre factions de l'armée et un affaiblissement économique amena les principales villes de Palestine et de Syrie à se révolter à la suite de la mort d'al-Ashraf Sha'ban. La révolte fut réprimée et un coup d'État fut organisé par Barquq au Caire en 1382, fondant la dynastie mamelouke des Bourjites (1382-1517), d'origine caucasienne et georgienne. Pendant un certain temps, cette dynastie, après avoir consolidé son pouvoir, aura des visées expansionistes en complétant la conquête de Chypre en 1426. Mais ces ambitions allaient être frênées par d'autres puissances.

La montée de l'empire ottoman

Il y a d'abord la république de Venise qui s'empara de Chypre en 1489. Puis, il y eut les marchands portuguais qui, depuis le voyage de Vasco da Gama en 1498, mirent en péril de commerce mamelouk avec l'Asie. Mais, il y a eu surtout la montée de l'empire ottoman (voir carte 10), ou empire turc, qui, depuis la prise de Constantinople en 1453 par Memet II, mettant ainsi fin à l'empire byzantin, continuait son expansion en infligeant une défaite à la dynastie iranienne séféfide en 1514, puis en s'attaquant à la dynastie mamelouk près d'Alep en 1516. La victoire fut d'autant plus rapide que les Ottomans utilisaient la nouvelle technologie de la poudre à canon, une technologie boudée par les conservateurs de l'armée mamelouk. C'est ainsi que les Ottomans n'eurent à livrer que quelques petites batailles dans la vallée du Jourdain et à Khan Younis, sur la route menant à la capitale mamelouk en Égypte. L'année 1517 marque la fin de l'empire mamelouk.

Carte 10

Empire Ottoman en l'an 1481

De 1517 à 1917: la période ottomane

L'organisation administrative ottomane

Après la conquête ottomane en 1517, le territoire fut divisé en quatre districts et rattaché administrativement à la province de Damas, sous l'autorité d'Istanboul. Au début de l'ère ottomane, on estimait à 1 000 le nombre de familles juives vivant dans le pays, principalement à Jérusalem, Naplouse (Sichem), Hébron, Gaza, Safed (Tzfat) et dans les villages de Galilée. La communauté était composée de descendants de Juifs qui n'avaient jamais quitté le pays ainsi que d'immigrants venus d'Afrique du Nord et d'Europe.

Les Ottomans conservèrent l'organisation administrative et politique laissée par les Mamelouks en Palestine. La Grande Syrie est devenue un eyalet (province) gouverné depuis Damas, tandis que la région palestinienne qui s'y trouvait était divisée en cinq sanjaks (districts provinciaux) : Safed, Naplouse, Jérusalem, Lajjun et Gaza. Les sanjaks étaient eux-mêmes subdivisés en sous-districts appelés nawahi. Pendant une grande partie du 16e siècle, les Ottomans gouvernèrent l'eyalet de Damas de manière centralisée, la Sublime Porte (gouvernement impérial) basée à Istanboul jouant un rôle crucial dans le maintien de l'ordre public et de la sécurité intérieure, la collecte des impôts et la régulation de l'économie, des affaires religieuses et du bien-être social. La plupart de la population palestinienne, estimée à environ 200 000 personnes au début de la domination ottomane, vivait dans des villages. Les plus grandes villes étaient Gaza, Safed (au nord du lac de Galilée) et Jérusalem, chacune comptant environ 5 000 à 6 000 habitants.

Le nom « Palestine » n'était plus utilisé comme nom officiel d'une unité administrative sous les Ottomans, car ceux-ci donnaient généralement aux provinces le nom de leur capitale. Néanmoins, l'ancien nom est resté populaire et semi-officiel, et de nombreux exemples de son utilisation aux 16e, 17e et 18e siècles ont survécu; en fait, ce terme était considéré comme un nom alternatif pour Arazi-i Muqaddas (en turc ottoman, « la Terre Sainte »). Certains juristes utilisaient le terme « Filastin » dans des fatwas (édits religieux) sans le définir, bien que certains de ces fatwas suggèrent qu'ils correspondaient plus ou moins aux frontières du Jund Filastin. On peut dire que Jérusalem est toujours considérée comme la capitale de la Palestine, bien qu'elle ait beaucoup perdu de sa grandeur d'antan.

Le règne de grandes familles

À la fin du 16e siècle, la domination ottomane directe sur l'eyalet de Damas s'affaiblit, en partie à cause de révoltes et d'autres insurrections anatoliennes, et on assiste à une sorte de décentralisation. En conséquence, une nouvelle élite dirigeante émergea en Palestine, composée des dynasties de trois grandes familles, Ridwan, Farrukh et Turabay, dont les membres occupèrent les fonctions de gouverneurs des sanjaks de Gaza, Naplouse, Jérusalem et Lajjun entre la fin du 16e siècle et la fin du 17e siècle. Les liens entre les familles se sont renforcés grâce à des mariages, des relations commerciales, une coopération politique et militaire, créant une dynastie élargie qui régnait sur une grande partie de la Palestine. Quand en 1622, l'émir (prince) druze du Mont-Liban, Fakhr-al-Din II, prit le contrôle du sandjak de Safed au nord de la Galilée et monta une armée pour prendre le contrôle de la plaine côtière de Palestine et de Jérusalem, les trois grandes familles mirent sur pied une armée, obtinrent le soutien des Bédouins et de la Sublime porte et mirent en déroute les forces druzes. Une fois éliminée la menace druze, la Sublime Porte chercha à mettre fin à la dynastie des trois familles. Outre ses inquiétudes concernant leur consolidation croissante du pouvoir en Palestine, la Sublime Porte était frustrée par la baisse substantielle des revenus provenant de la caravane annuelle du pélerinage du Hadj (à La Mecque), souvent commandée par un gouverneur issu de l'une des trois familles. En 1657, les autorités ottomanes lancèrent une expédition militaire en Palestine afin de réaffirmer le contrôle impérial sur la région. Même si le règne d'une des trois familles, les Ridwan, se poursuivit à Gaza jusqu'en 1690, c'était néanmoins la fin d'une dynastie.

Carte 11

L'empire Ottoman en l'an 1683

Un mouvement de centralisation

On amorce alors un mouvement de centralisation en remplaçant la dynastie des trois familles par des gouverneurs nommés par le gouvernement ottoman, mais l'initiative ne fut pas des plus heureuses. Les gouverneurs nommés ignorèrent l'exploitation croissante de la population par les janissaires (l'élite de l'infanterie de l'armée ottomane). Les plaintes officielles adressées à la Sublime Porte à propos de ces derniers groupes explosèrent parmi les musulmans, les chrétiens et les juifs. De nombreux paysans abandonnèrent leurs villages pour échapper à l'exploitation, les citadins se plaignirent de la saisie de leurs biens et les oulémas (classe savante musulmane) se plaignirent du mépris des janissaires pour la justice et le caractère sacré des lieux de culte musulmans, y compris le mont du Temple. En 1703, un soulèvement, connu sous le nom de révolte de Naqib al-Ashraf, eut lieu à Jérusalem, mené par le chef des familles ashraf, Muhammad ibn Mustafa al-Husayni, et soutenu par les notables de la ville. La maison du chef du gouvernement de Jérusalem, symbole de l'autorité impériale, fut saccagée et son traducteur tué par les rebelles. La révellion fut réprimé en 1705.

La règne de Zahir al-Umar

Curieusement, les officiers gouvernementaux responsables du mouvement de centralisation furent à l'origine de l'émergence de clans qui allèrent prendre le contrôle de la Palestine. Il y eut d'abord la famille Nimr, qui s'installa à Naplouse et, contrairement à l'intention de la Sublime Porte, commença à former ses propres bases de pouvoir locales dans l'arrière-pays rural de la ville à partir des terres qui leur avaient été attribuées. Vers la fin du 18e siècle, elle fut rapidement suivie par les familles Jarrar et Tuqan qui, comme les Nimr, venaient d'autres régions de la Syrie ottomane. Mais il y a eu surtout la famille Zaydani qui devint une force redoutable dans le nord de la Palestine. Au départ, ses chefs furent nommés percepteurs d'impôts et agents locaux chargés de faire respecter la loi. En 1730, le chef de la famille Zaydani, Zahir al-Umar, fut directement nommé comme gouverneur de Tibériade, qu'il fortifia rapidement, ainsi que d'autres bastions tels que Deir Hanna, Arraba et Nazareth. Entre cette date et 1750, Zahir avait consolidé son contrôle sur toute la Galilée (voir la carte 12). Il transféra son quartier général dans le village portuaire d'Acre, qu'il rénova et fortifia à nouveau. Associées à une amélioration significative de la sécurité générale et de la justice sociale, les politiques économiques de Zahir le rendirent populaire auprès des habitants locaux. Zahir encouragea également l'immigration en Palestine et son règne attira un grand nombre de Juifs et de chrétiens melkites et grecs orthodoxes de toute la Syrie ottomane, revitalisant ainsi l'économie de la région. Zahir fonda l'actuelle Haïfa en 1769. Puis, s'alliant aux forces égyptiennes et russes, il envahit Sidon et Damas. En 1774, le règne de Zahir s'étendait de Gaza à Beyrouth et comprenait la majeure partie de la Palestine. L'année suivante, cependant, une coalition de forces ottomanes sous la direction de Jazzar Pacha l'assiégea et le tua dans son quartier général d'Acre.

Carte 12

Territoire autonome de Zahir al-Umar en 1744

La règne de Jazzar Pacha

Pour le remercier de sa contribution à l'élimination de Zahir, les autorités ottomanes nommèrent Jazzar Pacha comme gouverneur de Sidon. Contrairement à Zahir, né en Galilée, Jazzar était un produit de l'État ottoman et un acteur de la centralisation ottomane, mais il poursuivait également ses propres objectifs, étendant son influence dans toute la moitié sud de la Syrie ottomane. Jazzar prit le contrôle du monopole du coton de Zahir et renforça encore les fortifications d'Acre, où il était basé. Il finança son règne grâce aux revenus générés par le commerce du coton, ainsi que par les impôts, les péages et l'extorsion. Mais, en février 1799, Napoléon Bonaparte entra en Palestine après avoir conquis l'Égypte dans le cadre de sa campagne contre les Ottomans, alliés de son ennemi, l'Empire britannique. Il occupa Gaza et se déplaça vers le nord le long de la plaine côtière palestinienne, s'emparant de Jaffa, où ses forces massacrèrent quelque 3 000 soldats ottomans qui s'étaient rendus et de nombreux civils. Ses forces s'emparèrent ensuite de Haïfa et l'utilisèrent comme base pour assiéger Acre. Napoléon fit appel au soutien des Juifs pour s'emparer de Jérusalem. Il souhaitait ainsi s'attirer les faveurs de Haim Farhi, le vizir juif au service de Jazzar et dont la famille de commerçants et banquiers à Damas était prospère. Mais il fut combattu par les chefs des villes du Mont-Naplouse, Jénine et Sanur. Les Français furent néanmoins vainqueurs en Galilée, mais ne parvinrent pas à conquérir Acre, et cette défaite face aux forces de Jazzar, soutenues par les Britanniques, contraignit Napoléon à se retirer de Palestine en mai, après avoir subi de lourdes pertes. La victoire de Jazzar renforça considérablement son prestige. Les Ottomans poursuivirent les Français en Égypte en 1800, en utilisant Gaza comme point de départ.

La règne de Sulayman Pacha

Jazzar mourut en 1804 et fut remplacé au poste de gouverneur de Sidon par son fidèle mamelouk Sulayman Pacha al-Adil. Sous la direction de vizir juif Farhi, Sulayman entreprit une politique visant à assouplir les monopoles de ses prédécesseurs sur le commerce du coton, de l'huile d'olive et des céréales. Cependant, il fit également d'Acre la seule ville portuaire du Levant autorisée à exporter ces cultures commerciales. Il adopta une politique de décentralisation consistant à ne pas s'immiscer dans les affaires de ses vice-gouverneurs. En 1810, Sulayman fut nommé à l'Eyalet de Damas, ce qui lui donna le contrôle de la majeure partie de la Syrie ottomane. Il réussit également à faire annexer les districts de Lattaquié, Tripoli et Gaza à l'Eyalet de Sidon. Il se révéla un bon médiateur quand, en 1818, il obtint une paix temporaire lors d'une guerre civile entre plusieurs grandes familles.

La règne d'Abdullah Pacha

Sulayman fut remplacé en 1820 par Abdullah Pacha, préparé à cette fonction par le vizir juif Farhi. Cependant, Abdullah fit exécuter Farhi moins d'un an après son accession au poste, à la suite d'une lutte de pouvoir. En 1830, l'eyalet de Sidon se vit attribuer les districtts de Naplouse, Jérusalem et Hébron, réunissant ainsi toute la Palestine sous une seule province. Le règne d'Abdullah fut marqué par la baisse des revenus provenant du commerce du coton, les efforts pour réaffirmer les monopoles d'Acre et la pauvreté en Palestine. Néanmoins, sous Abdullah, Acre resta la principale force en Syrie ottomane en raison de l'instabilité à Damas et de la préoccupation des Ottomans pour la guerre en Grèce.

Le règne de Muhamad Ali

En octobre 1831, Muhammad Ali d'Égypte envoya son armée modernisée, commandée par son fils Ibrahim Pacha, dans une campagne visant à annexer la Syrie ottomane, y compris la Palestine. L'entrée en Palestine des forces d'Ibrahim Pacha ne rencontra aucune résistance de la part des habitants locaux, ni des chefs ruraux des hauts plateaux centraux. Acre, où demeurait Abdullah Pacha, fut assiégée et finit par se rendre en mai 1832. Cette domination égyptienne entraîna d'importantes réformes politiques et administratives en Palestine et en Syrie ottomane en général, et représenta un changement radical par rapport au régime semi-autonome qui existait alors. Ainsi toute la Syrie fut placée sous une seule administration et on procéda à la création de conseils consultatifs, basés dans les grandes villes et composés de chefs religieux, de riches marchands et de dirigeants urbains. Ibrahim instaura également la conscription des paysans, afin d'établir un régime centralisé et une armée moderne.

La conscription et le désarmement étaient très impopulaires parmi les paysans et leurs dirigeants, qui refusaient d'appliquer les ordres. Les nouvelles politiques fiscales menaçaient également le rôle des notables urbains et des chefs ruraux en tant que percepteurs d'impôt, tandis que les mesures efficaces de maintien de l'ordre prises par l'Égypte menaçaient les moyens de subsistance des tribus bédouines qui tiraient leurs revenus de l'extorsion des marchands et des voyageurs. Les divers groupes sociaux et politiques hostiles aux réformes égyptiennes dans toute la Palestine se regroupèrent en une coalition. C'est cette coalition qui lança ce qui fut connu sous le nom de révolte paysanne de mai 1834. En juin, les forces rebelles avaient conquis la majeure partie de la Palestine, y compris Jérusalem. Muhammad Ali arriva alors en Palestine et réussit à négocier une trève. Mais, pendant la trêve, de nombreux chefs religieux et politiques de Jérusalem et d'autres villes furent arrêtés, exilés ou exécutés. Se sentant trahis, les rebelles reprirent le combat. Les forces égyptiennes lancèrent alors une campagne pour vaincre les rebelles au Mont-Naplouse, détruisant 16 villages avant de s'emparer de Naplouse elle-même le 15 juillet. Les chefs rebelles furent exécutés.

À la suite de ces événements, la Grande-Bretagne envoya la marine bombarder Beyrouth et une force expéditionnaire anglo-ottomane débarqua, provoquant des soulèvements locaux contre les occupants égyptiens. L'armée égyptienne se retira en Égypte. Muhammad Ali signa le traité de 1841. La Grande-Bretagne rendit le contrôle du Levant aux Ottomans et put ainsi accroître les droits extraterritoriaux dont jouissaient diverses nations européennes depuis des siècles en vertu des capitulations de l'Empire ottoman, si bien que les nombreuses nationalités de l'Empire ottoman formaient un État dans l'État.

La Palestine

À partir de 1840, le terme « Palestine » était couramment utilisé soit pour désigner les juridictions consulaires des puissances occidentales, soit pour désigner une région qui s'étendait généralement du sud au nord, de Rafah (au sud-est de Gaza) au fleuve Litani (aujourd'hui au Liban). La frontière occidentale était la mer, et la frontière orientale était le lieu mal défini où commençait le désert syrien. Dans diverses sources européennes, la frontière orientale était située entre le Jourdain et le territoire légèrement à l'est d'Amman. Le désert du Néguev n'était pas inclus. Les consuls étaient à l'origine des magistrats qui jugeaient les affaires impliquant leurs propres citoyens sur des territoires étrangers. Alors que les juridictions des États laïques d'Europe étaient devenues territoriales, les Ottomans perpétuèrent le système juridique hérité de l'Empire byzantin. Dans de nombreux domaines, la loi était personnelle et non territoriale, et chaque citoyen emportait avec lui la loi de son pays où qu'il aille. La loi capitulaire s'appliquait aux étrangers en Palestine. Seuls les tribunaux consulaires de l'État des étrangers concernés étaient compétents pour les juger. Cela valait non seulement pour les affaires relatives au statut personnel, mais aussi pour les affaires pénales et commerciales. Ainsi, les puissances occidentales avaient leurs propres tribunaux, policiers, colonies, écoles, systèmes postaux, institutions religieuses et prisons. Les consuls étendaient également leur protection aux grandes communautés de protégés juifs qui s'étaient installés en Palestine.

Les communautés musulmane, chrétienne et juive de Palestine étaient autorisées à exercer leur juridiction sur leurs propres membres conformément aux chartes qui leur avaient été accordées. Pendant des siècles, les juifs et les chrétiens avaient joui d'une grande autonomie communautaire en matière de culte, de juridiction sur le statut personnel, d'impôts et de gestion de leurs écoles et institutions caritatives. Au 19e siècle, ces droits ont été officiellement reconnus dans le cadre des réformes du Tanzimat (réorganisation administrative terminée en 1876) et lorsque les communautés furent placées sous la protection du droit public européen.

Carte 13

Districts ottomans de 1517 à 1917

La réorganisation administrative

Lors de la réorganisation de 1873, qui établit les frontières administratives qui restèrent en place jusqu'en 1914, la Palestine fut divisée en trois grandes unités administratives. La partie nord, au-dessus d'une ligne reliant Jaffa au nord de Jéricho et au Jourdain, fut attribuée au vilayet de Beyrouth (frontières colorées en rose), subdivisé en sanjaks (districts) d'Acre, Beyrouth et Naplouse (Balqa). La partie sud, de Jaffa vers le sud, faisait partie du sanjak de Jérusalem, un district spécial sous l'autorité directe d'Istanboul. Ses frontières sud étaient floues, mais s'étendaient jusqu'à l'est de la péninsule du Sinaï et au nord du désert du Néguev. La majeure partie du centre et du sud du Néguev fut attribuée au vilayet du Hedjaz, qui comprenait également la péninsule du Sinaï et la partie occidentale de l'Arabie.

Les Ottomans considéraient « Filistin » comme un terme abstrait désignant la « Terre Sainte », et non comme un terme appliqué de manière cohérente à une zone clairement définie. Parmi le public arabe instruit, Filastin était un concept courant, désignant soit l'ensemble de la « Terre Sainte », soit le seul sandjak de Jérusalem, soit simplement la région autour de Ramlah. La publication du quotidien Falastin (Palestine) à partir de 1911 est un exemple de la popularité croissante de ce concept.

Carte 14

L'empire Ottoman en 1914

Le sionisme

La montée du sionisme, mouvement national du peuple juif, a débuté en Europe au 19e siècle dans le but de recréer un État juif en Palestine et de restituer la patrie originelle du peuple juif, et de réduire le plus possible la présence arabe palestinienne. Ce mouvement aurait été fondé par Théodore Herzl avec son pamphlet « Der Judenstaat » (l'État juif), une mouvement en réaction à l'antisémitisme et embarquant dans le mouvement intellectuel et laïc des "Lumières" chez les Juifs fustigeant le conservatisme religieux. La fin du 19e siècle a vu le début de l'immigration sioniste. Une première vague migratoire, provenant principalement d'Europe de l'Est et du Yémen, eut lieu en 1881-1882 et s'est poursuivie jusqu'en 1903, amenant environ 25 000 Juifs. En 1891, un groupe de notables de Jérusalem envoya une pétition au gouvernement ottoman central à Istanboul pour demander l'arrêt de l'immigration juive et de la vente de terres aux Juifs. La deuxième vague eut lieu entre 1904 et 1914, période durant laquelle environ 35 000 Juifs immigrèrent, principalement de Russie et de Pologne.

La première guerre mondiale

La période 1914-1918 est considérée comme le théâtre de la première guerre mondiale. L'Empire ottoman entra dans cette guerre aux côtés des Empires centraux et de l'Empire allemand qui connurent la défaite. La participation ottomane à la guerre débuta par l'attaque surprise conjointe germano-ottomane sur la côte de la mer Noire de l'Empire russe, le 29 octobre 1914. À la suite de cette attaque, l'Empire russe (2 novembre 1914) et ses alliés, la France (5 novembre 1914) et l'Empire britannique (5 novembre 1914), déclarèrent la guerre à l'Empire ottoman. Le 5 novembre 1914 également, le gouvernement britannique changea le statut du khédivat d'Égypte et de Chypre, qui étaient de jure des territoires ottomans avant la guerre, pour en faire des protectorats britanniques. En 1915, le gouvernement ottoman et les tribus kurdes de la région commencèrent l'extermination de la population arménienne, entraînant la mort de près de 1,5 million d'Arméniens lors de ce qui est considéré comme le génocide arménien. En 1916, la révolte arabe, débutée en 1916 avec le soutien des Britanniques, renverse la situation face aux Ottomans sur le front du Moyen-Orient: l'objectif des nationalistes arabes était de créer un seul État arabe unifié et indépendant s'étendant d'Alep, en Syrie, à Aden, au Yémen, que les Britanniques promettaient de reconnaître. C'est ainsi que la rébellion réussit à expulser la présence militaire ottomane d'une grande partie du Hedjaz (sud est de l'Arabie) et de la Transjordanie. Elle finit par prendre également Damas et instaura une monarchie éphémère.

L'accord Sykes-Picot et la déclaration Balfour

En vertu de l'accord secret Sykes-Picot de 1916, il était prévu que la majeure partie de la Palestine, une fois conquise à l'Empire ottoman, deviendrait une zone internationale ne relevant pas du contrôle colonial direct de la France ou de la Grande-Bretagne. Peu après, le ministre britannique des Affaires étrangères Arthur Balfour publia la déclaration Balfour, qui promettait d'établir un « foyer national juif » en Palestine, contredisant par le fait même la promesse anglaise de 1915-1916, qui contenait un engagement à former un État arabe uni en échange de la Grande Révolte arabe contre l'Empire ottoman. Cet engagement fut également violé par la partition ultérieure de la région en mandats britanniques et français de la Société des Nations en vertu de l'accord secret Sykes-Picot de mai 1916, qui devint la véritable pierre angulaire de la géopolitique structurant toute la région. De même, la déclaration Balfour fut considérée par les nationalistes juifs comme la pierre angulaire d'une future patrie juive.

Le 9 décembre 1917, la force expéditionnaire britannique d'Égypte, commandée par Edmund Allenby, s'empara de Jérusalem. Puis, en septembre 1918, elle remporta la victoire contre les forces turques à Megiddo, au nord de la Palestine, et occupa par la suite l'ensemble du Levant. Le 31 octobre 1918, la Turquie capitulait.


De 1920 à 1948: le mandat britannique

L'idée d'un foyer national juif

À la suite de la Première Guerre mondiale et de l'occupation de la région par les Britanniques, les principales puissances alliées et associées rédigèrent un mandat sur l'administration des territoires du Moyen-Orient par les Britanniques et les Français, à être approuvé par la Société des Nations. La Grande-Bretagne administrerait la Palestine au nom de la Société des Nations. Le préambule du mandat déclarait :

Considérant que les principales puissances alliées ont également convenu que le mandataire serait chargé de mettre en œuvre la déclaration faite initialement le 2 novembre 1917, par le gouvernement de Sa Majesté britannique et adoptée par lesdites puissances, en faveur de la création en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif, étant clairement entendu que rien ne devrait être fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives existantes en Palestine, ou aux droits et au statut politique dont jouissent les Juifs dans tout autre pays. »

Carte 15

Le mandat britannique de 1922

La perspective du mandat britannique suscita de l'insatisfaction chez plusieurs. Il y avait d'abord les Arabes, déçus que les Britanniques n'aient pas tenu promesse d'une grande réunification arabe. Mais il y avait aussi les Chrétiens. En 1919, le pape Benoît IV, s'adressant à un consistoire de cardinaux, s'inquiétait de voir les "lieux saints" de Palestine tomber aux mains des "infidèles" (Juifs et Arabes), et en 1921 il adressa un « aide-mémoire » au Conseil de la Société des Nations demandant que les droits des catholiques sur les lieux saints soient reconnus et respectés et notait que si la plus grande partie de la Palestine était donnée au peuple juif, cela porterait un coup sévère à l'attachement religieux des Catholiques à cette terre. En avril 1920, de violentes émeutes arabes contre les Juifs éclatèrent à Jérusalem, des émeutes provenant des tensions suscitées par la perspective de l'immigration sioniste. Malgré tout, le 24 juillet 1922, la Société des Nations alla de l'avant en approuvant les termes du mandat britannique sur la Palestine et la Transjordanie. Le 16 septembre, la Société approuva également un mémorandum de Lord Balfour sur un foyer national juif, précisant les mesures à prendre pour soutenir l'immigration juive tout en excluant la Transjordanie (partie est du Jourdain) de ce foyer national.

C'est ainsi que les Britanniques facilitèrent la colonisation sioniste de la Palestine. Lors du recensement effectué en 1922, la population de la Palestine était de 763 550 habitants, dont 89 % d'Arabes et 11 % de Juifs. En 1933, alors que Hitler était maintenant chancelier d'Allemagne et qu'un sentiment antisémite se répandait dans tout le pays, un accord, appelé "Accord Haavara", fut conclu entre le 3e Reich et la Fédération sioniste pour faciliter l'émigration des Juifs allemands, ce qui permit en 1935 à 62 000 Juifs d'entrer en Palestine. Tout cela eut un impact sur l'économie. Entre 1922 et 1947, le taux de croissance annuel du secteur juif de l'économie était de 13,2 %, principalement grâce à l'immigration et aux capitaux étrangers, tandis que celui du secteur arabe était de 6,5 %. En 1936, le secteur juif avait éclipsé le secteur arabe, et les Juifs gagnaient 2,6 fois plus que les Arabes. De plus, en 1932, le taux d'alphabétisation était de 86 % pour les Juifs contre 22 % pour les Arabes, bien que l'alphabétisation des Arabes augmentait régulièrement.

La révolte arabe et la commission Peel

Le bouleversement social que connaissait la Palestine provoqua la révolte Arabe de 1936-1939. Le mouvement visait à obtenir l'indépendance vis-à-vis de la domination coloniale britannique et à mettre fin au soutien britannique au sionisme, notamment à l'immigration juive et à la vente de terres aux Juifs. Devant cette révolte qui commança par une grève générale, le gouvernement britannique créa en 1937 la "Commission Peel" pour se pencher sur cette question. Cette commission conclut avec une proposition de partition du territoire en deux états, arabe et juif (voir la carte 16). Les dirigeants arabes s'opposèrent à ce projet, proposant plutôt la création d'un état palestinien indépendant, « avec la protection de tous les droits légitimes des Juifs et des autres minorités et la sauvegarde des intérêts britanniques raisonnables ». Les dirigeants sionistes se sont montrés ouverts au principe de la partition du territoire, mais opposés au plan tel que proposé, tout en souhaitant poursuivre l'étude d'un règlement pacifique dans le cadre d'une Palestine non divisée. Hésitant devant le rapport de la Commission Peel, le gouvernement britannique créa en 1938 la "Commission Woodhead" pour examiner ce rapport et faire des recommandations. Cette nouvelle commission rejeta le plan Peel principalement au motif qu'il ne pouvait être mis en œuvre sans un transfert forcé massif d'Arabes. Dès lors, le gouvernement britannique opta pour réprimer sévèrement la révolte arabe en déployant 100 000 soldats: ce fut des emprisonnements sans inculpation ni procès, des couvre-feux, des flagellations,des démolitions de maisons et des punitions collectives contre les villages et les familles.

Carte 16

1937 - Proposition de répartition de la commission Peel

La révolte de 1936-1939 fut un désastre pour les Palestiniens. En raison de la répression britannique, les Palestiniens se retrouvèrent sans leadership local, la plupart de leurs dirigeants ayant fui le pays ou ayant été déportés par les autorités. Les luttes intestines entre familles rivales aggravèrent les divisions au sein de la société palestinienne, causant des dommages irréparables, tandis que les sionistes se mobilisaient et que la coopération entre les Britanniques et les sionistes s'intensifiait.

La seconde guerre mondiale

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, la population juive se rangea du côté de la Grande-Bretagne. Les Arabes palestiniens n'étaient pas unanimes quant à leur position vis-à-vis des belligérants. Un certain nombre de dirigeants et de personnalités publiques considéraient la victoire de l'Axe comme un dénouement probable et un moyen de récupérer la Palestine aux mains des sionistes et des Britanniques. Environ 6 000 Arabes palestiniens et 30 000 Juifs palestiniens rejoignirent les forces britanniques. En 1942, devant les craintes suscitées par l'avancée de Rommel en Afrique du nord et la perspective qu'il puisse conquérir la Palestine, l'armée britannique autorisa la création du Palmach (litt. "phalange de frappe"), une unité régulière juive hautement entraînée appartenant à la Haganah (litt. "la défense", une force paramilitaire juive créée au début du mandat britannique en 1920 pour protéger les sionistes). En 1944, Menahem Begin prit la tête de l'Irgoun (une force paramilitaire sioniste, une ramification de la Haganah), déterminé à forcer le gouvernement britannique à retirer complètement ses troupes de Palestine. Mais l'Agence juive pour Israël, la direction opérationnelle de l'Organisation sioniste mondiale, s'opposa à son action.

Avec la fin de la 2e guerre mondiale, l'armée britannique allait se retrouver dans une situation de crise jusqu'à la fin de son mandat en Palestine le 15 mai 1948. Tout d'abord, elle était confrontée aux organisations paramilitaires juives, comme le Irgoun, la Hagana et le Lehi (une organisation sioniste paramilitaire crée en 1942 pour l'expulsion des Britanniques) qui lançaient des attaques contre des installations stratégiques et contre les forces et les fonctionnaires britanniques, si bien que l'opinion publique anglaise exigeait le retour au pays des "boys". Mais surtout, elle vit une crise financière. Maintenir plus de 100 000 hommes en Palestine pesait lourdement sur l'économie britannique. À cela il faut ajouter le retard du Congrès américain d'octroyer un prêt pour éviter la faillite, retard justifié par le refus britannique de tenir la promesse faite à Truman d'autoriser 100 000 survivants de l'Holocauste à émigrer en Palestine. Au début de l'année 1947, le gouvernement britannique annonça son intention de mettre fin au mandat et demanda à l'Assemblée générale des Nations unies de formuler des recommandations concernant l'avenir du pays.


De 1947 à 1949: les conflits arabo-juifs

Plan de partition en deux états par l'ONU

Le 29 novembre 1947, l'Assemblée générale des Nations unies, par 33 voix contre 13 et 10 abstentions, adopta la résolution 181 (II) recommandant une partition avec Union économique de la Palestine mandataire après la fin du mandat britannique. Le plan prévoyait la partition de la Palestine en un « État arabe indépendant aux côtés d'un État juif, et un régime international spécial pour la ville de Jérusalem » (voir la carte 17). Jérusalem devait englober Bethléem. Le plan visait à résoudre les objectifs et revendications contradictoires de deux mouvements concurrents : le nationalisme palestinien et le nationalisme juif sous la forme du sionisme. Les organisations juives collaborèrent avec le Comité spécial des Nations Unies sur la Palestine (CSNUP) pendant les délibérations, tandis que les dirigeants arabes palestiniens le boycottèrent. Les détracteurs du plan considéraient la proposition comme pro-sioniste, car elle attribuait la plupart des terres à l'État juif alors que les Arabes palestiniens étaient deux fois plus nombreux que la population juive. Les dirigeants sionistes, en particulier David Ben Gourion, considéraient l'acceptation du plan comme une étape tactique et un tremplin vers une future expansion territoriale sur toute la Palestine. À la fin, les dirigeants sionistes acceptèrent le plan, tandis que les dirigeants arabes palestiniens le rejetèrent et que tous les États musulmans et arabes indépendants votèrent contre.

Carte 17

1947 - Plan de répartition de l'ONU

La résolution de l'ONU fut le catalyseur d'une guerre civile à grande échelle qui commença dès le lendemain, le 30 novembre 1947. Les communautés juive et arabe de Palestine s'affrontèrent (cette dernière étant soutenue par l'Armée de libération arabe) tandis que les Britanniques, qui avaient l'obligation de maintenir l'ordre, se tinrent en retrait, n'intervenant qu'occasionnellement. L'offensive des forces du Yishuv (litt. colonie, désignant les Juifs présents en Palestine depuis le 19e siècle) en avril-mai 1948 vainquit les forces arabes et la société arabe palestinienne s'effondra. Au moment de la signature de l'armistice, quelque 700 000 Palestiniens pris dans la tourmente avaient fui ou avaient été chassés de leurs foyers. Cet événement est aujourd'hui connu par les Palestiniens sous le nom de Nakba (la catastrophe).

Création de l'État d'Israël

Le 14 mai 1948, date qui correspondait à la fin du mandat britannique, David Ben Gourion signa le document déclarant la création d'un État juif, qui s'appelerait l'État d'Israël. Le lendemain matin, l'Égypte, la Jordanie, la Syrie et les forces expéditionnaires irakiennes entrèrent en Palestine, prenant le contrôle des zones arabes et attaquant les forces et les colonies israéliennes. Les Juifs, qui avaient opté jusqu'ici pour une stratégie défensive, changèrent de stratégie et suivirent le Plan Dalet (la lettre D de l'alphabet hébraïque). Ce plan, commandé par l'Agence juive et Ben Gourion et finalisé en mars 1948, prévoyait spécifiquement de prendre le contrôle des zones où vivaient des populations juives, y compris celles situées en dehors des frontières de l'État juif proposé par l'ONU; il s'agissait d'assiéger les villages arabes palestiniens, de bombarder les quartiers des villes, d'expulser de force leurs habitants, d'incendier les champs et les maisons et de faire exploser du TNT dans les décombres afin d'empêcher tout retour. Les dix mois de combats qui suivirent se déroulèrent principalement sur le territoire du mandat britannique, dans la péninsule du Sinaï et dans le sud du Liban, entrecoupés de plusieurs périodes de trêve. Les combats les plus intenses opposèrent les forces jordaniennes et israéliennes pour le contrôle de Jérusalem.

À la fin de la guerre, l'État d'Israël contrôlait l'ensemble du territoire que l'ONU avait proposé pour un État juif, ainsi que près de 60 % du territoire proposé pour un État arabe, y compris les régions de Jaffa, Lod et Ramla, la Haute Galilée, certaines parties du Néguev, la côte ouest jusqu'à la ville de Gaza et une large bande le long de la route Tel Aviv-Jérusalem (carte 18). Israël prit également le contrôle de Jérusalem-Ouest, qui devait à l'origine selon le plan de l'ONU faire partie d'une zone internationale pour Jérusalem et ses environs. La Jordanie prit le contrôle de Jérusalem-Est et de ce qui devint connu sous le nom de Cisjordanie, qu'elle annexa l'année suivante. Le territoire connu aujourd'hui sous le nom de bande de Gaza fut occupé par l'Égypte (voir la carte 18). Les pays arabes voisins signèrent des accords d'armistice en 1949 (le 24 février avec l'Égypte, le 23 mars avec le Liban, le 3 avril avec la Jordanie, le 20 juillet avec la Syrie) qui mirent fin à la guerre et reconnurent de facto les nouvelles frontières d'Israël. Au cours de cette phase, 350 000 Palestiniens arabes supplémentaires fuirent ou furent expulsés des zones conquises.

Carte 18

1949 - Carte lors de l'armistice

La création du Conseil national palestinien

Pendant ce temps, le jour même où l'État d'Israël a été proclamé en 1948, la Ligue arabe annonça qu'elle mettrait en place une administration civile arabe unique dans toute la Palestine. Ce gouvernement a été créé par la Ligue arabe le 22 septembre 1948, pendant la guerre israélo-arabe. Le Conseil national palestinien (CNP) se réunit à Gaza et déclara l'indépendance de la Palestine le 1er octobre 1948. Il fut rapidement reconnu par tous les membres de la Ligue arabe, à l'exception de la Jordanie qui avait l'ambition d'occuper toute la partie à l'ouest du fleuve Jourdain, en plus de la Cisjordanie. Bien que la juridiction du gouvernement ait été déclarée comme couvrant l'ensemble de l'ancienne Palestine mandataire avec Jérusalem comme capitale, sa juridiction effective était limitée à la bande de Gaza. Ce gouvernement était sous la protection officielle de l'Égypte, mais, d'un autre côté, il n'avait aucun rôle exécutif, mais plutôt un rôle principalement politique et symbolique. Son importance déclina progressivement, notamment en raison du transfert du siège du gouvernement de Gaza au Caire à la suite des incursions israéliennes à la fin de 1948.


De 1949 à 1967: le gouvernement israélien et l'expansion territoriale

La nouveau gouvernement israélien

Le Parlement, la Knesset, composé de 120 sièges, s'est d'abord réuni à Tel Aviv, puis s'est installé à Jérusalem après le cessez-le-feu de 1949. En janvier 1949, Israël organisa ses premières élections. David Ben Gourion, chef d'un parti travailliste-socialiste, fut nommé Premier ministre et forma une coalition (tous les gouvernements furent des coalitions, aucun parti n'ayant jamais obtenu la majorité à la Knesset).

Le 23 janvier 1950, la Knesset vota la motion déclarant Jérusalem comme capital de l'état d'Israël. La même année, la Knesset adopta la loi du retour, qui accordait à tous les Juifs et à ceux d'ascendance juive (grand-parent juif), ainsi qu'à leurs conjoints, le droit de s'installer en Israël et d'obtenir la citoyenneté. C'est ainsi que de 1948 à 1951, la population israélienne doubla en raison de l'immigration. Au total, 700 000 Juifs s'installèrent en Israël, quelque 300 000 provenant d'Asie (plus de 100 000 d'Irak) et d'Afrique du Nord dans le cadre de l'exode juif des pays arabes et musulmans. Les autres immigrants venaient d'Europe, dont plus de 270 000 d'Europe de l'Est, principalement de Roumanie et de Pologne. Presque tous les immigrants juifs pouvaient être considérés comme des réfugiés, mais seuls 136 000 d'entre eux, originaires d'Europe centrale, disposaient d'un certificat international, car ils faisaient partie des 250 000 Juifs enregistrés par les Alliés comme personnes déplacées après la Seconde Guerre mondiale et vivant dans des camps de personnes déplacées en Allemagne, en Autriche et en Italie. En 1958, la population israélienne s'établissait à 2 millions.

Cette immigration massive mis en mal les finances publiques, car beaucoup d'immigrants étaient des réfugiés sans argent vivant sous des tentes et des abris de fortune. La pression financière sur le nouvel État conduisit Ben Gourion à négocier un accord controversé de réparations avec l'Allemagne de l'Ouest. En 1952, Israël et l'Allemagne de l'Ouest signèrent un accord couvrant les 14 années suivantes où ce dernier verserait l'équivalent de 714 millions de dollars américains à Israël. De plus, depuis 1950, le gouvernement israélien avait lancé des obligations israéliennes à l'intention des Juifs américains et canadiens. En 1957, les ventes d'obligations représentaient 35 % du budget spécial de développement d'Israël. Les recettes provenant de ces sources ont été investies dans des projets de développement industriel et agricole, ce qui a permis à Israël de devenir économiquement autonome.

La crise du canal de Suez

En 1956, le président égyptien Nasser, de plus en plus pro-soviétique, annonça la nationalisation du canal de Suez (propriété française et britannique), qui était la principale source de devises étrangères de l'Égypte. L'Égypte bloqua également le golfe d'Aqaba, empêchant Israël d'accéder à la mer Rouge. Devant la situation, Israël, la France et la Grande-Bretagne élaborèrent un stratagème: Israël devait attaquer l'Égypte, puis la Grande-Bretagne et la France appelleraient les deux parties à se retirer, et devant le refus assuré de l'Égypte, ils envahiraient le pays pour prendre le contrôle du canal. Les forces israéliennes, commandées par le général Moshe Dayan, attaquèrent l'Égypte le 29 octobre 1956. Le plan allié se déroula comme prévu après le refus de Nasser de se retirer du conflit. Mais l'invasion anglo-française-israélienne le 5 novembre suscita un tollé à l'ONU, les États-Unis et l'URSS s'accordant pour une fois pour dénoncer les actions d'Israël, de la Grande-Bretagne et de la France. Une demande de cessez-le-feu fut acceptée à contrecour le 7 novembre. Nasser sortit vainqueur du conflit, mais toutefois l'armée israélienne comprit qu'elle n'avait pas besoin du soutien britannique ou français pour conquérir le Sinaï et qu'elle pouvait le faire en quelques jours. Les dirigeants politiques israéliens comprirent également qu'une opération militaire, pour être réussie, devait se rérouler à la vitesse de l'éclair, avant que la pression politique internationale puisse intervenir.

La guerre des Six jours

Le 17 mai 1967, la Syrie, l'Égypte et la Jordanie massèrent des troupes le long des frontières israéliennes, et l'Égypte ferma le détroit de Tiran (la pointe sud de la mer rouge) à la navigation israélienne. Nasser exigea que les forces de paix de l'ONU quitte le Sinaï, menaçant de déclencher une guerre totale. Le 26 mai, Nasser déclara : « La bataille sera générale et notre objectif fondamental sera de détruire Israël ». L'Égypte, la Syrie, la Jordanie et l'Irak signèrent des pactes de défense et les troupes irakiennes commencèrent à se déployer en Jordanie, en Syrie et en Égypte. L'Algérie annonça également qu'elle enverrait des troupes en Égypte. Pour Israël, la fermeture du détroit de Tiran était un casus belli. Le gouvernement mobilisa ses réserves civiles et créa une coalition d'unité nationale, incluant pour la première fois le parti de Menahem Begin. Moshe Dayan (chef d'état-major pendant la guerre du Sinaï) fut nommé ministre de la Défense. Le matin du 5 juin 1967, l'armée de l'air israélienne lança des attaques préventives qui détruisirent d'abord l'armée de l'air égyptienne, puis, plus tard dans la journée, les armées de l'air jordanienne et syrienne. Le 11 juin, les forces arabes étaient en déroute et toutes les parties acceptèrent le cessez-le-feu demandé par les résolutions 235 et 236 du Conseil de sécurité des Nations unies. Israël prit le contrôle de la péninsule du Sinaï, de la bande de Gaza, du plateau du Golan et de la rive ouest du Jourdain, anciennement contrôlée par la Jordanie. Jérusalem-Est fut annexée par Israël (voir la carte 19). Les résidents obtinrent le statut de résidents permanents et la possibilité de demander la citoyenneté israélienne. L'annexion ne fut pas reconnue sur le plan international.

Carte 19

1967 - Israël après la guerre des six jours

Après 1967, le bloc soviétique (à l'exception de la Roumanie) rompit ses relations avec Israël. Les purges antisémites encouragèrent les derniers Juifs de Pologne à s'installer en Israël. L'antisémitisme croissant en Union soviétique et l'enthousiasme suscité par la victoire de 1967 conduisit à une vague de demandes d'émigration vers Israël de la part des Juifs soviétiques, même si la plupart se sont vu refuser un visa de sortie. Mais en Israël, pour la première fois depuis la fin du mandat britannique, la victoire de la guerre des Six jours permit aux Juifs de visiter la vieille ville de Jérusalem et prier au Mur occidental (le site le plus sacré du judaïsme), auquel les Jordaniens leur avaient refusé l'accès en violation de l'accord d'armistice de 1949. À Hébron, les Juifs purent accéder à la grotte des Patriarches. Un troisième lieu saint juif, le tombeau de Rachel, à Bethléem, devint également accessible. Les champs pétrolifères du Sinaï permirent à Israël d'atteindre l'autosuffisance énergétique.


De 1967 à 1987: les diverses expressions du conflit arabo-israélien

Plusieurs attaques contre Israël

La période qui suivit la guerre des Six jours voit la multiplication d'actions belliqueuses exprimant la frustration arabe devant la situation politique. Au début de 1969, l'Égype multiplie le bombardement des positions israéliennes le long du canal de Suez. En représailles, les avions israéliens menèrent des frappes en profondeur en Égypte lors de la « guerre d'usure » de 1969-1970 et, en juillet 1970 abattirent cinq chasseurs soviétiques qui aidaient les Égyptiens dans le cadre de la guerre d'usure; en août 1970, un cessez-le-feu fut conclu.

Lors des Jeux olympiques de Munich en 1972, deux membres de l'équipe israélienne furent tués et neuf autres pris en otage par des terroristes palestiniens, alors qu'une tentative de sauvetage allemande ratée entraîna la mort des autres otages ainsi que de cinq des huit pirates de l'air.

Le 6 octobre 1973, alors qu'Israël célèbre la fête du Yom Kippour (litt. jour du Pardon), les armées syrienne et égyptienne lancèrent une attaque surprise bien planifiée contre les forces de défense israéliennes qui n'étaient pas préparées. Le petit contingent restant de la force blindée israélienne sur le Golan réussit à repousser les Syriens. Pendant ce temps en Égypte, bien que les forces arabes eurent conquis une bande de territoire dans le Sinaï, les forces israéliennes traversèrent le canal de Suez, piégeant la troisième armée égyptienne complètement isolée dans le Sinaï. La guerre coûta la vie à plus de 2 000 Israéliens, entraîna des dépenses militaires considérables pour les deux camps, ce qui incita toutes les parties à vouloir négocier. Grâce aux efforts diplomatiques intensifs du secrétaire d'État américain Henry Kissinger, un accord de désengagement des forces avec le gouvernement égyptien, puis avec le gouvernement syrien, fut signé le 31 mai 1974. Notons qu'en novembre 1974, l'OLP (Organisation de la Libération de la Palestine qui, fondée en 1964, visait à créer un État arabe sur l'ensemble du territoire de l'ancienne Palestine du mandat britannique, en préconisant la suppression d'Israël) obtint le statut d'observateur à l'ONU et Yasser Arafat prit la parole devant l'Assemblée générale.

En juillet 1976, des militants du FPLP (Front Populaire de la Libération de la Palestine) et des révolutionnaires allemands détournèrent un avion d'Air France et kidnappèrent les passagers juifs, faisant attérir l'avion en Ouganda. Le gouvernement israélien lança l'opération Entebbe, où des commandos israéliens tuèrent tous les pirates de l'air et 45 soldats ougandais, ainsi que 11 Ougandais, sauvant 102 des 105 otages.

En mars 1978, onze Palestiniens libanais armés atteignirent Israël à bord de bateaux et détournèrent un bus transportant des familles en excursion, tuant 38 personnes, dont 13 enfants. Les assaillants s'opposaient au processus de paix égypto-israélien. Trois jours plus tard, les forces israéliennes traversèrent la frontière libanaise et lancèrent l'opération Litani. Après l'adoption de la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies, appelant au retrait israélien et à la création de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), Israël retira ses troupes.

Le sommet de Camp David

Mais l'événement marquant de cette période fut l'élection d'Anouar el-Sadate, comme président d'Égypte en novembre 1977 et qui mit fin à 30 ans d'hostilité avec Israël en se rendant à Jérusalem à l'invitation du Premier ministre israélien Menahem Begin. La visite de deux jours de Sadate, qui comprenait un discours devant la Knesset, marqua un tournant dans l'histoire du conflit. En septembre 1978, le président américain Jimmy Carter invita le président Sadate et le Premier ministre Begin à le rejoindre à Camp David ; le 11 septembre, ils convinrent d'un cadre pour la paix entre Israël et l'Égypte, ainsi que d'une paix globale au Moyen-Orient. Ce cadre définissait les grands principes devant guider les négociations entre Israël et les États arabes. Il établissait également les lignes directrices d'un régime transitoire de pleine autonomie pour les Palestiniens résidant en Cisjordanie et à Gaza, ainsi que d'un traité de paix entre l'Égypte et Israël. Le traité fut signé le 26 mars 1979 par Begin et Sadate, Carter signant en tant que témoin. En vertu de ce traité, Israël rendit la péninsule du Sinaï à l'Égypte en avril 1982 (voir la carte 20). À la suite de cet accord, Israël et l'Égypte devinrent les deux plus grands bénéficiaires de l'aide militaire et financière américaine.

Carte 20

1982 - Après le traité de paix israélo-égyptien

Furieuse devant ce traité de paix, la Ligue arabe suspendit l'Égypte de l'organisation et transféra son siège du Caire à Tunis. Et Sadate fut assassiné en 1981 par des membres islamistes fondamentalistes de l'armée égyptienne qui s'opposaient à la paix avec Israël. Le conflit se déplaça alors du côté libanais qui était devenu la base de l'OLP. En juin 1982, à la suite de la tentative d'assassinat de l'ambassadeur israélien en Grande-Bretagne, l'armée isréalienne envahit la moitié sud du Liban pour en chasser l'OLP. Cette invasion, connue sous le nom de guerre du Liban de 1982, conduisit l'armée israélienne à occuper Beyrouth, la seule capitale arabe à avoir été occupée par Israël. Une partie de la population chiite et chrétienne du sud du Liban accueillit d'abord favorablement les Israéliens, car les forces de l'OLP les avaient maltraités, mais par la suite le ressentiment des Libanais à l'égard de l'occupation israélienne s'est accru avec le temps et les chiites se sont progressivement radicalisés sous l'influence de l'Iran. En août 1982, l'OLP retira ses forces du Liban (pour s'installer en Tunisie). Quant à l'armée israélienne, elle se retira partiellement du Liban en 1985. Ce retrait partiel n'a toutefois pas mis fin au conflit, car l'organisation chiite Hezbollah, installée au Liban, était devenue une menace croissante pour Israël.

Notons deux faits sur le plan démographique au cours de ces deux décennies. Tout d'abord, avec la révolution islamique d'Iran en 1979, 40 000 juifs iraniens émigrèrent en Israël. Et plus tôt, en 1968, Moshe Levinger dirigea un groupe de sionistes religieux qui créèrent la première colonie juive, une ville près d'Hébron appelée Kiryat Arba. Par la suite, en 1974, les partisans sionistes religieux des enseignements d'Abraham Isaac Kook formèrent le mouvement Gush Emunim (litt. le bloc des fidèles, un mouvement religieux ultra-nationaliste et fondamentaliste) et lancèrent une campagne organisée pour coloniser la Cisjordanie et la bande de Gaza. Menahem Begin, pendant tout le temps où il siégea à la Knesset, leur assura le soutien du gouvernement, jetant ainsi les bases d'un conflit intense avec la population palestinienne des territoires occupés.


De 1987 à aujourd'hui: les soulèvements palestiniens et les échecs de l'effort de paix

La première Intifada

L'expansion des colonies israéliennes et l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza provoquèrent la première Intifada (litt. soulèvement) en 1987, motivée par la frustration collective des Palestiniens face à cette occupation militaire qui approchait alors de ses vingt ans. L'Intifada débuta le 9 décembre 1987, lorsqu'un camion des Forces de défense israéliennes (FDI) entra en collision avec une voiture civile dans le camp de réfugiés de Jabalia, tuant quatre travailleurs palestiniens. Les Palestiniens y virent un geste délibéré. S'en suivirent des manifestations, des actes de désobéissance civile et des violences, l'érection de barricades, le lancement de pierres et de cocktails Molotov, des grèves générales, des boycotts des institutions de l'administration civile israélienne dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, un boycott économique consistant à refuser de travailler dans les colonies israéliennes sur des produits israéliens, à refuser de payer des impôts et à refuser de conduire des voitures palestiniennes immatriculées en Israël. Israël déploya quelque 80 000 soldats en réponse. En six ans (1988-1994), l'armée israélienne tua entre 1 162 et 1 204 Palestiniens. Du côté israélien, 100 civils et 60 soldats furent tués, souvent par des militants échappant au contrôle de l'Intifada, et plus de 1 400 civils israéliens et 1 700 soldats furent blessés. La violence intra-palestinienne marqua également l'Intifada, avec des exécutions massives d'environ 822 Palestiniens tués pour avoir prétendument collaboré avec Israël. Les violations des droits humains commises par les troupes israéliennes conduisirent un groupe d'Israéliens à créer B'Tselem (litt. image [de Dieu]), une organisation vouée à la sensibilisation et au respect des exigences en matière de droits humains en Israël.

Sur le plan démographique, notons qu'en mai 1991 15 000 juifs Éthiopiens émigrèrent en Israël, et en octobre de la même année, Mikhail Gorbachev autorisa enfin les Juifs russes à émigrer en Israël. Tout cela mis une pression financière sur le pays. Or, George H. W. Bush, alors président des États-Unis, qui cherchait à pacifier la région après la victoire alliée dans la guerre du golfe et avait organisé la conférence de Madrid (30 octobre - 1ier novembre 1991) réunissant les Libanais, les Jordaniens, les Syriens et les Palestiniens, demanda aux Isréaliens de s'y joindre, promettant un appui financier. Le conférence de Madrid établit les bases de l'accord d'Oslo qui allait suivre.

Les accords d'Oslo

En 1992, Yitzhak Rabin fut élu premier ministre en promettant de poursuivre la paix. C'est ainsi que des négociations secrètes commencèrent à Oslo. Rappelons qu'en 1978, les accords de "Camp David", signés par Anwar Sadate, Menahem Begin et Jimmy Carter, créaient un « Cadre pour la paix au Moyen-Orient » et prévoyaient l'autonomie pour les habitants locaux (palestiniens) de Cisjordanie et de Gaza. À l'époque, quelque 7 400 colons juifs vivaient en Cisjordanie (à l'exclusion de Jérusalem-Est) et 500 à Gaza, mais leur nombre en Cisjordanie augmentait rapidement. De plus, à l'époque, Israël considérant l'OLP comme une organisation terroriste et refusait de discuter avec le seul représentant du peuple palestinien. Israël préférait négocier avec l'Égypte et la Jordanie, ainsi qu'avec les représentants élus des habitants de Cisjordanie et de Gaza. Ainsi, de manière exceptionnelle, alors que l'objectif final à Camp David était un traité de paix entre Israël, l'Égypte et la Jordanie, les négociations d'Oslo se déroulaient directement entre Israël et l'OLP et visaient à conclure un traité de paix entre ces deux groupes.

Les accords d'Oslo se divisent en deux accords. Il y a d'abord Oslo I, signé le 13 septembre 1993 à Washington par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, avec Bill Clinton comme témoin, et prévoyant la création d'un gouvernement palestinien provisoire, l'Autorité nationale palestinienne (ANP); ainsi que le retrait des Forces de défense israéliennes de certaines parties de la bande de Gaza et de la Cisjordanie. Notons que cet arrangement temporaire durerait cinq ans, au terme duquel un accord permanent serait négocié (à partir de mai 1996 au plus tard). Les questions en suspens, telles que le statut de Jérusalem, les réfugiés palestiniens, les colonies israéliennes, la sécurité et les frontières, feraient partie des « négociations sur le statut permanent » pendant cette période. Puis, il y a eu Oslo II, signé le 28 septembre 1995 à Taba (dans le péninsule du Sinaï en Égypte) par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, avec Bill Clinton comme témoin, créant les zones A (zones urbaines), B (zones rurales) et C (colonies isréliennes, vallée du Jourdain, et les zones de communication entre les communautés palestiniennes) en Cisjordanie, l'Autorité palestinienne reçevant des pouvoirs et des responsabilités limités dans les zones A (les affaires civiles et de sécurité) et B (les affaires civiles). Cet accord visait à établir une Autorité palestinienne provisoire chargée de l'autonomie administrative du peuple palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, pour une période transitoire n'excédant pas cinq ans, en vue d'aboutir à un règlement permanent fondé sur les résolutions 242 (l'inadmissibilité de l'acquisition de territoires par la guerre et la nécessité d'oeuvrer pour une paix juste et durable au Moyen-Orient, dans laquelle tous les États de la région puissent vivre en sécurité) et 338 (appelant en 1973 à un cessez-le-feu dans la guerre du Yom Kippour) du Conseil de sécurité. Notons que dans cet accord, l'OLP éliminait de sa constitution l'article appelant à l'expulsion de tous les Juifs ayant émigré après 1917 et à l'élimination d'Israël, et reconnut dès lors le droit d'Israël à exister.

Sans surprise le Hamas ainsi que d'autres factions palestiniennes rejetèrent cet accord, qui fut suivi par des attentats-suicides contre Israël, ce qui amena la construction d'une barrière autour de Gaza pour empêcher ces attaques. Et le 4 novembre 1995, un opposant sioniste religieux d'extrême droite aux accords d'Oslo assassina le Premier ministre Yitzhak Rabin. Néanmoins, les accords d'Oslo permirent la création de l'Autorité palestinienne, le gouvernement qui allait exercer un contrôle civil partiel sur les enclaves palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza (jusqu'en 2006).

Carte 21

Territoire de l'Autorité palestinienne

L'Autorité palestinienne devait durer pendant une période transitoire de cinq ans, au cours de laquelle un accord permanent serait négocié. Cependant, la réalité sur le terrain a profondément déçu les deux parties quant au processus d'Oslo. La liberté de mouvement des Palestiniens se serait détériorée entre 1993 et 2000. Israéliens et Palestiniens se sont mutuellement reproché l'échec du processus de paix d'Oslo. Au cours des cinq années qui suivirent la signature, 405 Palestiniens et 256 Israéliens furent tués. Devant cette situation, Bill Clinton invita le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat, et le premier ministre israélien, Ehud Barak, à un sommet du 11 au 25 juillet 2000 à Camp David. Ce sommet fut un échec. Les points de désaccord concernaient d'abord le territoire, les Palestiniens réclamant 100% des territoires occupés, les Israéliens n'offrant que 73% de la Cisjordanie et 100% de Gaza. De plus, la Cisjordanie serait divisée en quatre cantons, séparés les uns des autres par le territoire israélien, ce qui, aux yeux des Palestiniens, la ferait ressembler au Bantoustan en Afrique du Sud. Mais le plus gros obstacle était le statut de Jérusalem-est, le lieu de l'esplanade du temple pour les Juifs, le lieu du Dôme de la roche et de la mosquée Al-Aqsa pour les musulmans: les deux groupes réclamaient la pleine souveraineté sur les lieux. Enfin, le litige concernait le droit de retour des Palestiniens qui avaient fui ou avaient été expulsés lors de la guerre de 1948, un nombre qui s'élevait à environ 725 000 à l'époque, mais qui représentait peut-être maintenant environ 4 millions de personnes.

La deuxième Intifada

L'échec du sommet de camp David créa les conditions propices de la deuxième Intifada. Le 28 septembre 2000, le chef de l'opposition israélienne, Ariel Sharon, et une délégation du parti Likoud, escortés par des centaines de policiers antiémeutes israéliens, visitère le mont du Temple, largement considéré comme le troisième lieu saint de l'islam. Israël a toujours revendiqué sa souveraineté sur le mont et le reste de Jérusalem-Est depuis 1980, et tout le complexe est considéré comme le lieu le plus sacré du judaïsme. L'objectif déclaré de la visite de Sharon était d'affirmer le droit de tous les Israéliens à se rendre au Mont du Temple. Peu après le départ de Sharon, des manifestations de colère organisées par des Palestiniens de Jérusalem dégénérèrent en émeutes. Les forces de sécurité israéliennes réagirent avec une violence extrême, tuant plus de 100 manifestants palestiniens au cours des premières semaines. Ce fut le début d'une période de violence accrue en Palestine et en Israël. Ces violences, notamment des fusillades, des attentats-suicides et des opérations militaires, se poursuivirent pendant cinq ans jusqu'au sommet de Charm el-Cheikh (ville au sud de la péninsule du Sinaï) en 2005, qui mit fin aux hostilités. Au cours de cette deuxième Intifada, le Hezbollah accentua ses attaques à partir du sud du Liban, amenant une grande partie de l'opinion publique juive et des dirigeants politiques israéliens à perdre confiance dans l'Autorité palestinienne en tant que partenaire de paix.

Au milieu de cette deuxième Intifada, alors que le Hamas venait de perpétrer un attentat suicide le 27 mars 2002 à l'hôtel Park de Netanya, en Israël, qui tua trente civils et en blessa 140 et auquel répliqua l'armée israélienne en détruisant la qualité totalité de l'administration publique palestinienne, rétablissant le contrôle militaire en Cisjordanie, incluant les zones A et B relevant de l'Autorité palestinienne selon les accords d'Oslo, les États-Unis, sous la présidence de George W. Bush, l'Union Européenne, les Nations-Unis et la Russie formèrent un "Quatuor du Moyen-Orient" afin de sauver la paix. Ce Quatuor proposa une "feuille de route" dont le texte final fut publié le 30 avril 2003. Cette feuille de route proposait seulement des objectifs, sans entrer dans les détails et tout le processus devait se dérouler en trois phases. Les objectifs étaient: 1/ mettre fin à la violence ; 2/ cesser toute activité de colonisation ; 3/ réformer les institutions palestiniennes ; 4/ accepter le droit d'Israël à exister ; 5/ créer un État palestinien viable et souverain ; 6/ et parvenir à un règlement définitif de toutes les questions d'ici 2005. C'était la première fois qu'un président américain acceptait l'idée d'un état palestinien. Malheureusement, le processus s'est retrouvé dans une impasse dès le début de la phase I et le plan n'a jamais été mis en oeuvre. Mais cela n'empêcha pas Israël de mettre en pratique son plan de désengagement unilatéral de retirer tous ses colons et la majeure partie de sa présence militaire de la bande de Gaza en 2004, et de démanteler quatre colonies dans le nord de la Cisjordanie en septembre 2005.

En février 2005, la deuxième Intifada avait fait plus de 5 000 victimes palestiniennes et israéliennes et avait eu des répercussions considérables sur les économies et les sociétés des deux pays. Mahmoud Abbas, qui venait d'être élu président de l'Autorité palestinienne à la suite du décès de Yasser Arafat en nombre 2004, chercha immédiatement à mettre de l'ordre dans l'anarchie qui régnait sur les territoires palestiniens et à mettre fin aux attaques contre Israël. En signe de bonne volonté, Ariel Sharon, premier ministre israélien, changa d'attitude envers les négociations et ordonna une réduction significative des activités militaires israéliennes dans les territoires palestiniens, tout en prenant de nombreuses mesures pour aider les civils palestiniens. Ces mesures visant à instaurer la confiance, associées à une coordination renouvelée en matière de sécurité entre les deux parties et grâce au soutien des États-Unis, de la Jordanie et de l'Égypte, conduisirent à l'accord sur la tenue du sommet de Charm el-Cheikh (ville d'Égypte au sud de la péninsule du Sinaï). Le 8 février 2005, le sommet débuta par une série de réunions entre Sharon et Moubarak, le roi Abdallah et Mahmoud Abbas. Plus tard, tous les dirigeants, à l'exception du roi Abdallah, lurent des déclarations réaffirmant leur engagement à poursuivre les efforts visant à stabiliser la situation et réaffirmèrent leur attachement à la feuille de route pour le processus de paix. La deuxième Intifada était terminé.

Le Hamas au pouvoir

Mais alors que Sharon venait de quitter le Likoud pour former un nouveau parti appelé Kadima, qui acceptait que le processus de paix conduisant à la création d'un État palestinien et qu'il avait été rejoint par de nombreuses personnalités éminentes du Likoud et du Parti travailliste, des élections législative de l'Autorité palestinienne le 25 janvier 2006 conduisirent le Hamas au pouvoir en défaisant le Fatah de Mahmoud Abbas. Le résultat des élections choquèrent le monde entier et signifiait que le Hamas (acronyme arabe de "Mouvement de résistance islamique") allait prendre le contrôle de la plupart des institutions de l'Autorité palestinienne. Le Hamas tenta de former un gouvernement d'union nationale avec le Fatah, mais cette offre fut rejetée. Dans le même temps, Israël et les États-Unis imposèrent des sanctions à l'Autorité palestinienne afin de déstabiliser le gouvernement palestinien et de provoquer de nouvelles élections. Ces efforts échouèrent et conduisirent à une rupture entre le Hamas et le Fatah.

Les relations entre le Hamas et le Fatah se détériorèrent davantage lorsque le président palestinien Mahmoud Abbas tenta de dissoudre le gouvernement de coalition dirigé par le Hamas en juin 2007. Le Hamas contesta cette décision, la jugeant illégale, et des combats de rue éclatèrent entre les membres du Hamas et du Fatah, dans ce qui est devenu connu sous le nom de "bataille de Gaza" de 2007. Le Hamas en sortit victorieux et prit le contrôle total de la bande de Gaza. À partir de ce moment, la gouvernance des territoires palestiniens fut divisée entre le Hamas et le Fatah. Le Hamas, qualifié d'organisation terroriste islamiste par l'UE et plusieurs pays occidentaux, contrôlait Gaza, tandis que le Fatah contrôlait la Cisjordanie.

Sur le plan démographique, notons qu'en juillet 2009 environ 305 000 Israéliens vivaient dans 121 colonies en Cisjordanie, tandis que 2,4 millions de Palestiniens de Cisjordanie (selon les estimations palestiniennes) vivaient principalement dans quatre blocs centrés sur Hébron, Ramallah, Naplouse et Jéricho.

À partir de 2006 quand le Hamas gagna les élections, on assiste à une suite ininterrompue d'accrochages et d'attaques. En juin 2006, des militants palestiniens affiliés au Hamas menèrent un raid transfrontalier depuis Gaza vers Israël à travers un tunnel creusé dans le but d'attaquer Israël. Un soldat israélien, Gilad Shalit, fut capturé. Malgré les raids israéliens à grande échelle à Gaza, entrainant la mort de 500 Palestiniens et de 11 Israéliens, le soldat ne fut libéré que cinq ans plus tard moyennant la libération de 1 027 prisonniers. En 2010, devant le lancement incessant de roquettes à partir de la bande de Gaza, Israël mis en place un système avancé de défense aérienne mobile, appelé "Dôme de fer". Mais le 8 juillet 2014, après une escalade des lancements de roquettes, Israël lança l'opération connue sous le nom de "Guerre de Gaza 2014" et qui commença par des frappes aériennes, suivies par une invasion à grande échelle de l'armée israélienne dans le but de détruire le système de tunnels. Cette opération se termina le 26 août, après que 4 564 roquettes et obus de mortier eurent été lancés sur Israël, dont plus de 735 furent interceptés en vol et détruits par le système de défense antimissile israélien du Dôme de fer. Entre 2 125 et 2 310 Gazaouis furent tués pendant le conflit, tandis qu'entre 10 626 et 10 895 furent blessés (dont 3 374 enfants, desquels plus de 1 000 resteront handicapés à vie). L'ONU estima que plus de 7 000 maisons abritant 10 000 familles furent rasées, et que 89 000 autres maisons furent endommagées. Par la suite, une vague d'attaques isolées perpétrées par des Palestiniens eurent lieu en 2015 et 2016, notamment des agressions à l'arme blanche.

Notons quelques événements dignes de mention au cours de cette décennie. Le 23 septembre 2011, le président Mahmoud Abbas déposa, au nom de l'OLP, une demande d'adhésion de l'État de Palestine à l'Organisation des Nations unies. Mais finalement, après le blocage au Conseil de sécurité, c'est le statut d'État observateur non membre à l'ONU qui fut voté à l'Assemblée générale le 9 novembre 2012, ce qui lui permet de participer aux débats de l'Assemblée générale et d'améliorer ses chances d'adhérer à d'autres agences des Nations unies. D'autre part, le 6 décembre 2017, le président Donald Trump annonça la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d'Israël, suivie par la reconnaissance par les États-Unis du plateau du Golan comme faisant partie d'Israël le 25 mars 2019. Et à la fin de 2020, Israël normalisa ses relations avec quatre pays de la Ligue arabe : les Émirats arabes unis et Bahreïn en septembre (accord connu sous le nom d'Accords d'Abraham), le Soudan en octobre, et le Maroc en décembre.

La Guerre de Gaza

De 2019-2022 Israël traverse une crise politique avec cinq élections en quatre ans, où aucun parti politique ne réussit à maintenir une coalition stable. Puis, à suite des élections de 2022, Benjamin Netanyahu revint au poste de Premier ministre dans le cadre d'une coalition comprenant le Likoud (litt. "la consolidation", un parti politique fondé par Menahem Begin et Ariel Sharon), le Shas (acronyme d'un parti religieux orthodoxe et intégriste), le Judaïsme unifié de la Torah, le Parti sioniste religieux, Otzma Yehudit (litt. "le pouvoir juif", un parti d'extrême-droite ultra-nationaliste) et Noam (litt. "agréable", un parti d'extrême droite juif orthodoxe et sioniste), dans ce qui a été décrit comme le gouvernement le plus à droite de l'histoire du pays. Ce gouvernement entreprit des initiatives controversées, comme celle de la réforme du système judiciaire, qui suscita de grandes manifastation publiques, et des actions militaires telles que l'incursion à Jénine en juillet 2023, ce qui suscita une recrudescence de la violence politique palestinienne avec un nombre de morts qui est le plus élevé depuis 2005.

Tout cela nous mène au 7 octobre 2023, alors que le Hamas et d'autres groupes militants palestiniens lancèrent une attaque surprise contre Israël, au cours de laquelle 1 195 Israéliens et ressortissants étrangers, dont 815 civils, furent tués et 251 pris en otage dans le but déclaré de forcer Israël à libérer des prisonniers palestiniens. Une offensive israélienne suivit cette attaque, où plus de 62 000 Palestiniens furent tués à Gaza, dont près de la moitié sont des femmes et des enfants, et plus de 156 000 furent blessés. Une étude publiée dans The Lancet a estimé à 64 260 le nombre de décès dus à des blessures traumatiques en date de juin 2024, tout en soulignant que le nombre de morts pourrait être plus élevé si l'on inclut les décès « indirects ».

La guerre provoqua une crise humanitaire à Gaza. Le renforcement du blocus israélien priva la population des produits de première nécessité, provoquant une grave crise alimentaire, une malnutrition et une famine imminente, voire confirmée, en août 2025. Au début de l'année 2025, Israël avait causé des destructions sans précédent à Gaza et rendu une grande partie de la bande de Gaza inhabitable, rasant des villes entières et détruisant des hôpitaux (y compris des hôpitaux pour enfants), des sites religieux et culturels, des établissements d'enseignement, des terres agricoles et des cimetières. Des journalistes, des travailleurs de la santé, des travailleurs humanitaires et d'autres membres de la société civile de Gaza furent détenus, torturés et tués. La quasi-totalité des 2,3 millions de Palestiniens vivant dans la bande de Gaza furent déplacés de force. Malgré la pression internationale, le gouvernement israélien entend continuer cette guerre.

Quelle sera la suite? Quand on regarde tous les conflits palestiniens des soixante-quinze dernières années, les armistices ont été possibles soit par un changement de gouvernement, soit par l'intervention diplomatique d'un groupe de pays. Malheureusement, un armistice n'est pas une solution permamente. L'accord d'Oslo à proposé une voie de solution, mais pour l'instant aucun des groupes impliqués n'est intéressé à poursuivre cette voie, chacun voulant tout le territoire. Une véritable solution exigerait la mise sous tutelle des groupes radicaux, pour qui tout compris est totalement inacceptable.

Carte 22

2025 - La guerre de Gaza