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Etty Hillesum - Luc 14, 26

(Les écrits d’Etty Hillesum. Journaux et lettres 1941-1943. Édition intégrale. Paris: Seuil, 2008, 1081 p.)


26 "Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple.


Lettre à Han Wegerif et autres. Fragment. Westerbork, sans date [postérieur au 18 août 1943] . (extrait)
[...] Mais enfin, je ne peux tout de même pas dire cela à ces jeunes femmes qui ont avec elles un bébé, et qu’un train de marchandises conduira probablement tout droit en enfer. Et on me rétorquerait encore : « Tu peux parler, toi, tu n’as pas d’enfant. » Mais cela n’a vraiment rien à voir.

II y a une parole où je puise sans cesse de nouvelles forces. Je la cite de mémoire : « Si vous m’aimez, vous devez quitter vos parents. » Hier soir, luttant une fois de plus pour ne pas me laisser consumer de pitié pour mes parents, une pitié qui me paralyserait totalement si j’y cédais, je l’ai traduite aussi en ces termes : on ne doit pas se noyer dans le chagrin et l’inquiétude que l’on éprouve pour sa famille, au point de ne plus être capable d’attention ni d’amour pour son prochain. L’idée s’impose de plus en plus clairement à moi que l’amour du prochain, de tout être humain rencontré, de toute « image de Dieu », devrait s’élever bien au-dessus de l’amour des parents par le sang. Comprenez-moi bien, je vous en prie. Je sais que l’on prétend que c’est un sentiment contre nature... mais je m’aperçois que j’ai trop de mal à en parler, alors qu’il est si simple à vivre. –

p. 898-899