La conception matthéenne de la foi: Mt 14, 22-33*

Andreas Dettwiler, « La conception matthéenne de la foi (à l'exemple de Matthieu 14, 22-33) », in Études théologiques et religieuses, 73e année - 1998/3 – p. 333 à 347


 

La version matthéenne du récit de la marche
de Jésus sur les eaux constitue un petit chef-d'œuvre de réflexion sur
le phénomène de la foi. Plusieurs approches synchroniques et diachroniques
permettent à Andreas Dettwiler de décrire le parcours de la foi, à
valeur paradigmatique, proposé par Mt 14. Le fondement christologique,
la confiance, la crise et finalement la restructuration de la foi dans
l'acte de la prière en constituent les étapes principales, qui montrent
combien l'acte de foi, dans son ensemble, est déterminé par la
christologie matthéenne de l'Emmanuel.

II est des questions qui sont aujourd'hui d'actualité et qui, demain, seront déjà oubliées. Ce sont des questions de peu d'importance. Mais il y a aussi des questions aussi simples que fondamentales et qui, pour cette raison, doivent être exposées et étudiées toujours à nouveau. Une de ces questions, du moins du point de vue chrétien, est celle de la foi. A quoi ou à qui la foi s’adresse-t-elle ? Quel est son fondement ? Quels en sont les éléments constitutifs ? Quelle est la compréhension de Dieu et de l'homme qui s'articule en elle ? La question de la foi est de première importance car elle exprime ta question de la vie humaine dans sa totalité. La foi ne comprend pas seulement certains aspects de la vie humaine, mais la vie en tant que telle. La question de la foi et celle de la vie authentique sont étroitement liées.

Quand on jette un regard sur le Nouveau Testament, on s'aperçoit très vile que le phénomène de la foi est pensé et développé de façons fort diverses. Les écrits néotestamentaires, en effet, témoignent d'une pluralité certaine dans leur manière de concevoir la foi. A mon avis, une compréhension intéressante de la foi est présentée par l'Évangile de Matthieu. Son intérêt réside notamment en ce qu'elle ne distingue pas simplement entre foi et incrédulité, mais en ce qu'elle réfléchit également à des aspects tels que le doute et la crainte à l'intérieur de la foi. De cette manière, elle rend compte de façon impressionnante de l'ambiguïté de cette expérience humaine où foi et doute sont intimement liés.

J'essaierai de cerner la conception matthéenne de la foi en analysant de plus près un seul récit, celui de la marche de Jésus et Pierre sur les eaux, récit qui se trouve au chapitre 14 de l’Évangile de Matthieu. Cette manière de faire n'est certes pas sans risques. Mais j'espère ainsi pouvoir montrer la force de conviction qui se dégage des récits évangéliques traitant de la foi.

Ma démarche tient dans les éléments suivants. Dans un premier temps, je situerai le texte dans son contexte littéraire. Ensuite, j'analyserai la structure et la dynamique narrative et théologique du texte. Une troisième approche tentera de comprendre le texte comme résultat d'une restructuration de la tradition. Quatrièmement, je traiterai de la dimension symbolique du texte. Enfin, dans une cinquième et dernière approche, j'esquisserai, à partir de notre texte de référence, une brève phénoménologie de la foi matthéenne.

I. Première approche : le contexte littéraire de Mc 14, 22-33[1]

Quel est le contexte littéraire de Mt 14, 22-33 et quelle est la fonction de ce texte dans son contexte ? Trois observations me semblent devoir être mentionnées.

  1. Il convient, tout d'abord, de prendre acte du fait que notre texte est partie intégrante du récit matthéen de l'histoire de Jésus. Tous les acteurs intervenant dans notre récit ont déjà été introduits dans la narration et ont déjà acquis une relative épaisseur. Nous savons, par exemple, depuis les premiers chapitres que le héros du récit, c'est-à-dire Jésus, a été qualifié du titre de Fils de Dieu, que ce Jésus a appelé des disciples à le suivre et qu'il a eu des contacts suivis avec les foules. De plus, les motifs du bateau, du vent et des vagues, mais aussi le concept matthéen si important du peu de foi (oligopistia) des disciples nous sont déjà familiers (cf le récit de la tempête apaisée en Mt 8, 23-27). Dans le déroulement ultérieur du récit, ce sera avant tout la figure de Pierre qui sera développée. Enfin, nous verrons dans le récit matthéen de la Passion que le même Jésus qui, dans le récit de la marche sur les eaux, nous est présenté comme étant un être divin et souverain, ira jusqu'à la croix par obéissance à son Père. Et là, il n'aura rien à opposer aux sarcasmes de ses ennemis, le sommant de descendre de la croix pour qu'ils puissent croire en lui comme Fils de Dieu (Mt 27, 42-43).

  2. Le contexte proche de Mt 14, c'est-à-dire Mt 12-16, est marqué par la radicalisation du conflit entre Jésus et Israël et, parallèlement, par la formation toujours plus visible de la communauté des disciples[2]. Au début du chapitre 14, nous apprenons l'exécution de Jean-Baptiste par Hérode ; un chapitre plus tard déjà (en Mt 15, 1-20), nous voyons Jésus engagé dans une controverse serrée avec des Pharisiens et des scribes, à propos du commandement rituel du lavement des mains. Dans cette atmosphère toujours plus sombre, Jésus s'approche des foules et des disciples en tant que thaumaturge compatissant et souverain. Le contraste ne saurait être plus grand : ici, la lu-mière et l'obscurité, la mort et la vie sont très proches les unes des autres. Même l'existence des disciples est une existence menacée par la mort : ces derniers, exposés au vent, ne sont pas capables, dans un premier temps, de percevoir la proximité salvatrice de Jésus ; Pierre ensuite va échouer dans sa marche vers Jésus.

  3. Si nous examinons notre passage d'encore un peu plus près, nous constatons que la marche sur les eaux est étroitement liée à la péricope précédente, à savoir à la multiplication des pains (Mt 14, 13-21). Dans les deux récits, Jésus se retire, le soir est déjà venu et les disciples se trouvent dans une situation critique. De plus, dans les deux péricopes, Jésus intervient de façon miraculeuse. Cette intervention se caractérise, dans les deux cas, par le dépassement d'une menace matérielle : dans le premier récit, le manque de la nourriture : dans le second, les éléments menaçants du vent et des eaux. Dans les deux cas, il y va alors du dépassement d'une situation sans issue pour les disciples, grâce à la présence salvatrice de Jésus. On peut néanmoins d'emblée repérer une évolution significative entre le récit de la multiplication des pains et celui de la marche sur les eaux : au début de la marche sur les eaux, Jésus sépare les foules des disciples. Le cercle autour de Jésus devient plus petit, si bien que la marche sur les eaux est un récit entièrement concentre sur les disciples, un récit qui va, en particulier, exprimer la solitude désespérée des disciples et, simultanément, le dépassement de cette solitude grâce à la proximité libératrice de Jésus.

II. Deuxième approche : le texte comme unité structurée

  1. La structure du texte

    La péricope est impressionnante de cohérence. Dans l'ensemble, elle se caractérise par un déroulement dramatique clair et par une présentation sans ambiguïté des acteurs du récit. Elle peut être divisée en quatre parties.

    La première (v. 22-23) est une transition, c'est-à-dire à la fois la conclusion du récit précédent et l'introduction au récit suivant.

    La deuxième partie (v. 24-27) raconte une épiphanie de Jésus devant les disciples sur le lac. Elle met tout d'abord en scène le motif de la situation de détresse (v. 24). Suit la venue de Jésus (v. 25) qui est précisée de façon temporelle et modale : la scène se déroule à la quatrième veille de la nuit, c'est-à-dire entre 3 et 6 heures du matin ; Jésus marche sur les eaux. La scène suivante (v. 26) décrit la réaction des disciples, une réaction placée sous le sceau du malentendu et marquée par la crainte. Avec le v. 27, la deuxième partie du récit atteint son point culminant : l'autorévélation de Jésus, liée à une parole de consolation.

    La troisième partie (v. 28-31) décrit la marche de Pierre sur les eaux. Cette partie comprend premièrement une demande inattendue de Pierre (v. 28), deuxièmement l'exaucement de cette demande par Jésus (v. 29a), troisièmement la marche de Pierre sur les eaux (v. 29b), quatrièmement la situation de détresse, liée à l'appel sous forme de prière de Pierre (v. 30), et cinquièmement le sauvetage opéré par Jésus, suivi de la réprimande adressée au disciple (v. 31). Comme la précédente, cette partie s'achève par un discours direct, formulé par Jésus.

    La quatrième partie (V. 32-33) constitue la conclusion du récit. Tout d'abord il est fait mention de la constatation du miracle (la tempête est apaisée !), mais un peu accessoirement et assez tardivement : suivent les topoi typiques d'un récit de miracle, c'est-à-dire l'admiration, concrétisée par une proskynèse, et l'acclamation. Cette dernière, formulée en discours direct, constitue à la fois l'apogée et la conclusion narrative et idéologique du récit.

    Si nous jetons un coup d'œil sur l'ensemble du récit, nous constatons qu'il comprend deux moments ; les deux parties du milieu, c'est-à-dire l'épiphanie (v. 24-27) et la marche de Pierre sur les eaux (v. 28-31), sont dans un rapport frappant de correspondance. La marche de Pierre sur les eaux n'est rien d'autre qu'un deuxième récit qui, à la fois, est déterminé par le premier et le développe. De ce fait, il acquiert un poids très spécifique. Les éléments suivants méritent d'être soulignés : d'un point de vue narratif et théologique, l'épiphanie de Jésus conditionne la séquence subséquente dans la mesure où Pierre, en percevant l'identité de Jésus, est devenu capable de lui demander de s'approcher de lui (v. 28) : de même que Jésus marcha sur la mer, ainsi Pierre est-il autorisé à agir de façon similaire ; de même que les disciples furent exposés au vent et aux vagues, semblablement Pierre échoue-t-il en voyant le vent ; de même que les disciples crièrent de peur, ainsi Pierre panique-t-il et crie-t-il — non pourtant parce qu'il confondrait Jésus avec un fantôme, mais parce qu'il coule ; de même, enfin, que Jésus s'adresse directement aux disciples et leur offre une nouvelle vie par sa parole consolatrice, ainsi agit-il à l'égard de Pierre en lui ouvrant une nouvelle vie. Bref, les renvois sont clairs. La conclusion s'impose d'elle-même : Pierre, ici, est un personnage paradigmatique. Il doit être compris comme le disciple par excellence[3].

  2. La dynamique narrative et théologique du texte (du point de vue de la distance et de la proximité)

    Pour saisir encore plus précisément la dynamique du récit, il convient de l'analyser du point de vue de la tension entre distance et proximité.

    Le récit commence par la mise en place d’une double distance : d'une part, la distance entre Jésus et les foules et, par là, la distance entre les foules et les disciples ; et, d'autre part, la distance entre Jésus et ses disciples. Cette séparation est soulignée par des catégories spatiales et temporelles. Il est très significatif de voir que la solitude de Jésus et celle des disciples sont qualitativement différente : Jésus, en haut, sur la montagne, lieu classique de rencontre avec Dieu, se livre à Dieu dans la prière, tandis que les disciples, en bas, sur la mer, sont livrés au vent et aux vagues. Jésus cherche la proximité de Dieu : les disciples, par contre, sont tourmentés par les éléments qui menacent leur vie. Leur solitude est imprégnée par la mort ; celle de Jésus, par contre, est marquée par la vie. Le thème central de l'épiphanie de Jésus dans les v. 24-27 est celui du dépassement de cette distance initiale, mais exclusivement par Jésus : Jésus bat en brèche la solitude des disciples en s'approchant d'eux, en s'immisçant dans leur situation dangereuse. Mais cette proximité provoque tout d'abord une réaction d'incompréhension de la part des disciples ; ils pensent être confrontés à un être fantomatique (un fantasma), un être qu'ils ne peuvent en aucune manière intégrer dans leur horizon de compréhension. Cependant, Jésus surmonte également cette distance faite d’incompréhension, en déclarant son identité et en révélant sa condition divine (v. 27).

    La séquence centrée sur Pierre (v. 28-31) poursuit ce mouvement dialectique entre distance el proximité. La demande de Pierre au v. 28 doit être comprise comme étant une réponse emplie de foi : « Seigneur, si c'est toi... »[4]. Pierre connaît l'identité de celui qui leur est apparu (« kyrie »). Après que Jésus a cherché à se rapprocher des disciples, c'est maintenant Pierre qui cherche la proximité de son Kyrios. Mais le contenu de la demande souligne sans équivoque que cette proximité de Pierre avec Jésus ne saurait résulter d'une initiative propre à Pierre : la marche de Pierre sur les eaux est exclusivement rendue possible par la parole de Jésus (« Seigneur, si c'est toi, ordonne que je vienne vers toi ! »). La suite de la scène accentue le fait que cette foi de Pierre est une foi qui tombe en crise, une foi qui n'est pas capable de maintenir la proximité avec Jésus : « mais en voyant le vent... » (v. 30). L'évidence des éléments de mort est plus forte que l'évidence de la parole du Kyrios ; Pierre s'éloigne de Jésus : il coule. Cependant Jésus n'abandonne pas son disciple à la mort, mais il le ramène à lui. Une fois de plus, il surmonte la distance, une distance que Pierre a recréée de façon coupable. A deux, Jésus et Pierre se rapprochent alors des autres disciples en remontant dans le bateau. Tout à la fin du récit, pour la première fois, le groupe des disciples va s'approcher de façon spirituelle de Jésus en exprimant la vraie identité de leur Maître au travers d'une confession de foi (v. 33). La tension dramatique entre distance et proximité, qui structurait l'ensemble du récit, trouve ici son accomplissement.

III. Troisième approche (analyse diachronique): le texte comme restructuration de la tradition

Jusqu'ici, le texte a été lu et interprété exclusivement comme unité structurée, et ce, sous sa forme littéraire finale. Mais le texte n'est plus seulement une unité structurée, il est aussi le résultat d'une restructuration de la tradition. Ce phénomène est théologiquement riche de sens. Il attire notre attention sur le fait que Matthieu a certes conservé la tradition, mais en la réinterprétant, l'évangéliste a modifié la tradition en se référant aux expériences vécues par sa communauté et à sa propre conception théologique ; il a repris et développé la potentialité de sens de la tradition, tout en la dotant d'accents tout à fait originaux.

  1. De Marc à Matthieu

    Le récit de la marche sur les eaux est attesté par Marc, Matthieu et Jean. Dans ce qui suit, j'esquisserai très brièvement ma conception de la genèse littéraire de la version matthéenne, sans pourtant pouvoir justifier ma position de façon détaillée, ni analyser la nature de la relation existant entre la tradition synoptique et la tradition johannique.

    Selon la théorie des deux sources, Mc constitue la source écrite de Mt. Cette hypothèse est également plausible pour ce qui est de notre péricope. Quasiment toutes les différences de la version matthéenne par rapport a la version marcienne peuvent être assez facilement expliquées par le projet littéraire et théologique de Mt[5]. Ce qui d'emblée saute aux yeux, c'est le fait que Mt a changé de façon fondamentale la partie finale de la version marcienne : d’une part, il a inséré entre l’épiphanie et la fin du récit la séquence de la marche de Pierre sur les eaux (v. 28-31 de la version matthéenne) ; d'autre part, il a profondément modifié le dernier verset du récit marcien. Je reviendrai sur ce point. La partie propre à Mt (v. 28-31) émane vraisemblablement du travail rédactionnel de Mt[6]. Il se pourrait néanmoins que Mt ait connu et travaillé une tradition orale sur Pierre (voir Jean 21, 7-8)[7].

  2. Bilan littéraire et théologique

    - La modification du genre littéraire

    Du point de vue formiste, la version marcienne (Mc 6, 45-52) est une forme mixte entre épiphanie et récit de délivrance[8]. Mais il faut souligner que l'aspect de l’épiphanie l'emporte très clairement sur celui de la délivrance ; ce n'est pas la délivrance des disciples, mais plutôt la question de l'identité divine du thaumaturge qui est au centre du récit. Deux, voire trois traits narratifs soulignent celte intention centrale. Certes, les disciples sont exposés au vent qui leur est contraire ; mais ils ne sont pas effrayés du fait de ces circonstances défavorables, mais bien parce qu'ils voient un « fantôme ». Certes, le miracle de la tempête apaisée aura lieu ; mais comparé au récit de Mc 4, 35-41 il a un statut différent : l'apaisement du vent a presqu'un rôle accessoire ; contrairement à Mc 4, 39, Jésus ne prononce pas de parole de menace quasiment exorcisante contre les éléments de la nature ; il n'est même pas dit explicitement que Jésus a accompli ce miracle.

    En revanche, toujours du point de vue formiste, la version matthéenne est plus complexe. Certes, il s'agit toujours d'une épiphanie avec un accent sotériologique. Mais l'insertion de la séquence relative à Pierre provoque un déplacement du centre de gravité du récit. D'un point de vue formiste, nous avons désormais affaire à un récit de délivrance. La situation de détresse, puis l'acte de délivrance sont décrits de façon détaillée. On peut donc dire que, par rapport à la version marcienne, la dimension « miracle de délivrance » a été renforcée. Mais en même temps, il ne faut pas négliger le fait que la séquence a un caractère fortement paradigmatique. Chez Mt, épiphanie et récit de la délivrance sont mis au service de la thématique de l’être-disciple.

    - L'accentuation de la portée symbolique

    Comme dans le récit de la tempête apaisée (Mt 8, 23-27), Mt a renforcé par rapport à Mc l'aspect paradigmatique et symbolique du récit. Quelques traits narratifs de la version matthéenne illustrent ce renforcement symbolique. Premièrement, chez Mt, ce ne sont plus les disciples, mais le bateau qui est mis en danger (Mt 14, 24). Nous sommes ainsi renvoyés à Mt 8, 23-27, un récit que Mt a très clairement interprété comme paradigme de la suivance. Selon toute vraisemblance, en Mt 8, le bateau devient le symbole de l'Église postpascale, une Église en bulle atoutes sortes de détresses[9]. Deuxièmement - comme je l'ai déjà brièvement noté - le passage propre à Mt, c'est-à-dire la marche de Pierre sur les eaux, a un caractère fortement paradigmatique. Tant la forme dialoguée du passage, que l'utilisation du langage psalmique vétérotestamentaire, que la proskynèse finale du v. 33 sont hautement significatives. Notons que sous l'angle de la logique narrative, la scène n'est pas sans problèmes, car la proskynèse simultanée de tous les disciples dans un petit bateau n'est pas sans risques ! Le caractère ecclésiologique de la petite scène est alors évident.

    - L’accentuation de la thématique de la foi

    Les deux aspects qui je viens de signaler — la modification du genre littéraire et l'approfondissement de la portée symbolique du récit — résultent de l'accentuation de la thématique de la foi. C'est dans cette accentuation que se révèle l'intention centrale de Mt, et c'est ce qui explique la recension fortement modifiée du texte marcien. Deux éléments méritent d'être soulignés. Premièrement, la séquence relative à Pierre (v. 28-31) n’est rien d'autre qu'un enseignement théologique sur la foi, un enseignement théologique sous forme narrative bien sûr. Deuxièmement, la profonde modification matthéenne de la fin du récit marcien fait apparaître une nouvelle conception de la foi. Chez Mc, les disciples sont décrits comme frappés d'une totale incompréhension : « En effet, ils n'avaient rien compris à l'affaire des pains, [mais] leur cœur était endurci » (Mc 6, 52). Chez Mt, par contre, les disciples deviennent des hommes qui comprennent ; en effet, ils se prosternent devant Jésus et disent : « Vraiment, tu es Fils de Dieu ! » (Mt 14, 33). Comme la recherche exégétique l'a souvent souligné, chez Mc, le motif de l'incompré-hension des disciples a une fonction spécifique. Les disciples marciens ne comprennent pas la véritable identité de Jésus de son vivant. Ce ne sera que face au Crucifié que la véritable identité de Jésus comme Fils de Dieu sera révélée et formulée (Mc 15, 39). Mt, par contre, décrit les disciples comme étant ceux qui comprennent[10]. Les disciples comprennent ce que Jésus leur enseigne (voir par exemple Mt 13, 51). L’enseignement de Jésus vise à la compréhension des disciples. Ces derniers comprennent non seulement son enseignement, mais encore son identité divine. Pourtant, Mt n'idéalise pas les disciples. Notre péricope, par exemple, décrit les disciples — et en particulier leur représentant Pierre — comme étant habités par la crainte, le doute et I’échec. Le motif marcien de l’incompréhension des disciples est donc soumis chez Mt à une recontextualisation qui se caractérise par deux aspects : d'une part, le motif de l'incompréhension est détaché de son contexte premier — la théologie de la croix — mais, d'autre part, il est repris et réinterprété à l'aide des motifs de la crainte et de l’échec. Pour Matthieu, les disciples sont devenus le paradigme de la vie dans la foi propre à une communauté postpascale.

IV. Quatrième approche : Le caractère symbolique et fictif du récit

Notre analyse a montré que le récit matthéen de la marche sur les eaux comporte de nombreuses connotations symboliques. Quelles sont alors les procédures méthodologiques permettant de déterminer la symbolique de ce récit ? Pour l'essentiel, j'en vois trois.

Premièrement, il faut être attentif aux traits sémantiques et narratifs du récit qui renvoient à une dimension symbolique. J'en donne deux exemples : Du point de vue sémantique, l'utilisation du verbe basanizein (« tourmenter ») au v. 24 est inattendue. A l'audition de ce verbe, l'homme antique ne pense pas d'abord à un bateau menacé par des vagues, mais à des tortures et des souffrances de toutes sortes infligées à des hommes. Du point de vue narratif — comme je l'ai déjà montré — la proskynèse des disciples au v. 33 suggère d'emblée le passage au registre symbolique.

En deuxième lieu, il faut signaler certains renvois intratextuels qui appellent une lecture symbolique. Un tel renvoi, faisant écho à un élément antérieur de la narration matthéenne, est donné avec le motif du bateau, un motif qui a déjà été interprété de façon symbolique en Mt 8 ; j'ai déjà souligné ce point.

Troisièmement, le sens symbolique peut être généré par des renvois intertextuels, c'est-à-dire par des renvois de notre récit à d'autres écrits, antérieurs au premier Évangile. Le recours au langage des Psaumes vétérotestamentaires est ici particulièrement important et significatif. Quelques exemples — d'ailleurs connus — suffiront à le montrer[11] : les motifs des vagues, du vent, des eaux et de la mer possèdent déjà de très fortes connotations symboliques dans le psautier (Ps 32, 6 ; 42, 8 ; 65, 8, etc.) ; ils suggèrent tous la dimension de menace, de détresse et de chaos, soit au niveau matériel, soit au niveau spirituel. L'indication temporelle de la quatrième veille de la nuit, quant à elle, évoque, d'une part, la nuit comme sphère de menace et d'insécurité ; elle renvoie, d'autre part au fait que la nuit va bientôt être passée et qu'un nouveau jour va se lever. Dans l'Ancien Testament, le lever du jour est le temps de l’intervention salvatrice de Dieu (Ps 46, 6 : « Dieu secourt au tournant du matin » ; Es 17, 14) ; dans le Nouveau Testament, le temps de la résurrection de Jésus (cf Mt 28, 1) De plus, le cri-prière de Pierre au v. 30 « Seigneur, sauve-moi ! » — reprend incontestablement le langage orant du psautier (cf par ex. Ps 69, 2-3 : « Sauve-moi, ô Dieu, car les eaux me sont entrées jusqu'à l'âme. J'enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis entré dans l'abîme des eaux et le flot me submerge »).

Il est alors évident que ce petit récit de la marche sur les eaux symbolise des expériences postpascales. D'une part, il reflète des expériences de foi de la communauté matthéenne ; d'autre part, il veut lui-même évoquer la foi et aider à la clarifier. Il le fait en dépeignant la condition du disciple après Pâques, plus précisément en développant les éléments importants de celle foi. Il le fait aussi en se servant du moyen de la fiction. Il est clair, en effet, que, théologiquement, ce récit présuppose la foi postpascale confessant en Jésus le Ressuscité ; référé à notre conception de la vérité historique, notre passage ne raconte donc pas un fait historique brut. Je mentionne brièvement les indices plaidant en faveur de la non-historicité du récit[12]. Premièrement, la marche sur les eaux n'est attestée que faiblement dans le Nouveau Testament. Ni le « Sondergut » de Mt, ni celui de Lc, ni la source Q n'en témoignent. De plus, il faut remarquer que, contrairement aux exorcismes et thérapies de Jésus, le récit n’a laissé de trace ni dans la tradition des logia de Jésus, ni dans les sommaires (Mc 1, 32-34; 3, 7-12; 6, 53-56). Deuxièmement, l'image de Jésus, esquissée dans le récit de la marche sur les eaux, s'insère très bien dans le développement de la christologie postpascale. Jésus est décrit comme un être qui a la compétence propre à un être divin de marcher sur les eaux, de sauver des personnes qui sont en train de couler et d’apaiser des tempêtes. Ses disciples le confessent comme « Fils de Dieu » (Mt 14, 33) — un titre christologique postpascal (cf par ex. Rm 1, 3-4). Mais comment interpréter de façon positive ce résultat historique négatif ? En recourant à la fiction, ce petit récit évangélique veut ouvrir la voie à une compréhension nouvelle et plus approfondie de la véritable identité de Jésus, et à celle de la nature de la foi. A sa manière, il constitue une réinterprétation pascale de Jésus et de la foi. Par là-même, il permet de comprendre que le travail d'anamnèse recourt toujours à nouveau à des éléments fictifs et à l'imaginaire, si du moins il ne veut pas se limiter à simplement énumérer, de façon quasi mécanique, des faits bruts historiques, mais qu'il s'attache à en déployer le sens. La signification du passé — dans notre cas, la signification de la personne de Jésus — ne peut, finalement, jamais être portée au langage par le seul travail de la reconstruction historique, il est le fruit de la rétrospective créative et imaginative du passé. L'auteur du récit de la marche sur les eaux a bien saisi cette nécessité.

V. Cinquième approche : une brève phénoménologie de la foi matthéenne, à l'exemple de Mt 14, 22-33

Comment décrire de façon plus détaillée ce chemin de la foi qui nous est présenté dans le récit matthéen de la marche sur les eaux ? Quels sont ses éléments constitutifs ? C'est à cette question que j'aimerais réfléchir dans cette dernière partie de caractère plus systématique.

  1. Le fondement de la foi

    II est théologiquement fondamental que la séquence centrée sur Pierre et qui développe la thématique de la foi soit précédée par l'épiphanie de Jésus devant ses disciples. L'activité de Jésus précède la foi des disciples et la rend possible. Quant à l'activité précédente de Jésus, deux points sont théologiquement importants. D'une part, c'est la parole de Jésus au v. 27 qui rend possible la clarification nécessaire, et non pas l'apparition de Jésus comme telle. Sans parole clarifiante, Jésus reste un « fantôme »! D'autre part, c'est Jésus seul qui permet de découvrir son identité authentique, et non pas Les disciples. Seule l’autorévélation de Jésus — un acte qui, en même temps, crée une nouvelle vie (« n'ayez pas peur ! ») — rend possible ce que nous appelons la foi. Seule cette autorévélation de Jésus fait naître à la foi et mène à la suivance[13]. Dans ce contexte, la foi est comprise comme une réponse. Elle n'est pas un acte humain fondé en lui-même, mais un acte conditionné par l'expérience de la présence salvatrice de Jésus. Elle n'est pas à elle-même son propre commencement ; elle est au contraire une réponse à une expérience première de la grâce, de la présence de Dieu dans la personne de Jésus. L'Évangile de Matthieu a exprimé cet aspect fondamental, entre autres, en commençant et finissant son récit par la présentation de Jésus comme l’« Emmanuel », comme le « Dieu avec nous » dont la dernière parole adressée aux disciples sera : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps » (Mt 28, 20).

  2. La confiance de la foi

    De plus, d'après Mt - comme d'ailleurs d'après la tradition synoptique dans son ensemble -, la foi est une confiance active en la toute-puissance miraculeuse de Jésus[14]. Comme son Kyrios, Pierre est capable de marcher sur les eaux — une compétence qui, selon la compréhension antique, était réservée aux êtres divins[15]. Selon cette image, la foi implique une sorte de participation à la toute-puissance de Jésus. La marche de Pierre sur les eaux est une illustration suggestive de la promesse du Christ matthéen selon laquelle la foi est capable de tout, que rien n’est impossible aux croyants (Mt 17, 20 ; 21, 21). Mais — et ceci est souligné dans notre récit de façon tout aussi impressionnante — celte foi qui transgresse toutes les limites n'est, en définitive, pas un acte dont l'homme serait maître, ni un acte témoignant d'un héroïsme extraordinaire. Pierre demande à son Seigneur de lui ordonner (!) de venir à lui. La foi de Pierre s'exprime ici précisément dans le fait qu'il renonce à pouvoir marcher par lui-même sur les eaux, qu'il attend au contraire tout de la parole de Jésus. L'injonction de Jésus au v. 29 — « viens ! » — rend possible ce qu'elle demande. La foi de Pierre est alors une foi qui s'abandonne entièrement à la parole toute-puissante de Jésus ; Pierre attend tout de cette parole ; grâce à elle, il est capable de renoncer à toutes les sécurités. La foi est un acte d'audace suprême, un renoncement à tous les systèmes de sécurité offerts par le monde.

  3. La crise de la foi

    La séquence centrée sur Pierre ne souligne pas seulement le pouvoir d'une telle foi, mais en même temps aussi son impossibilité. Pierre échoue. Personne dans la tradition synoptique n'a réfléchi au problème du doute et du manque de foi de façon aussi explicite que le premier évangéliste[16]. Quels sont les résultats de sa réflexion ? Tout d'abord, le concept oligopistia — que nous traduisons habituellement par « peu de foi » ou « manque de foi » — n’est pas identique à celui d'incrédulité (en grec apistia). C'est la foule qui est incrédule, et non les disciples (cf 13, 58 ; [17, 17]). Mais il faut immédiatement ajouter que, dans l'Évangile de Matthieu, les disciples ne sont pas présentés comme des croyants, mais comme des hommes de peu de foi (oligopistoi). Fait surprenant : ce ne sont pas des disciples qui incarnent le paradigme de la foi, mais pratiquement toujours des gens du « dehors », comme par exemple le centurion de Capharnaüm (Mt 8, 10) ou la Cananéenne (Mt 15, 28).

    Le manque de foi (oligopistia), ensuite, n'est pas à comprendra comme une foi petite à laquelle s'opposerait une foi plus grande (cf Mt 17, 19-20 !). L’oligopistia doit plutôt être comprise comme l'expression de l'incrédulité au sein de la foi[17]. Ce qui distingue l'incrédulité des disciples de celle de la foule, c'est le fait que les disciples ont eu gracieusement accès à la compréhension de l'identité de Jésus. Dans l'Évangile de Matthieu, les disciples sont présentés comme ceux qui comprennent. Leur incompréhension initiale est surmontée par la présence de Jésus et par le développement de son enseignement. Mais les mêmes disciples qui comprennent ne sont pas capables de persévérer dans la foi lorsqu’ils sont confrontés à la réalité du monde.

    Celle foi problématique des disciples est finalement explicitée par le concept du doute : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » dit Jésus au v. 31. Comment le doute naît-il ? Le doute naît de la tension presque insoutenable entre la parole de Jésus et l'expérience de la réalité du monde. Grâce à la parole de Jésus, Pierre est devenu capable de marcher sur les eaux. En revanche, il n'est pas capable de s'en tenir à cette parole ; l'évidence du monde est plus forte que l'évidence de la parole de son Kyrios. Le doute n'est alors pas identique à l'attitude du sceptique, de celui qui n'a pas encore choisi la foi. Le doute naît plutôt au sein de l'acte de foi et constitue alors un élément qui lui est indissolublement lié. D'un point de vue herméneutique, il faut ici souligner deux éléments : d'une part, il est remarquable que le phénomène du doute soit, tout simplement, pris en compte et pensé, et ceci de telle manière qu'il n'est pas demandé de façon moraliste d'avoir une foi absolument pure, une foi qui ne serait pas affectée par le doute. Pour le formuler de façon un peu provocatrice : certes, Pierre échoue en n'étant pas capable d'assumer la tension entre la parole de Jésus et l'expérience de la réalité du monde. Mais c'est précisément ce Pierre-là qui va être sauvé ! D'autre part, le doute n'est pas non plus idéalisé, ni glorifié. Mt n'idéalise pas le phénomène du doute ; il n'y a pas de coquetterie théologique du doute. La foi, en dernier lieu, vise à surmonter le doute.

  4. La prière de la foi

    Notre petit récit insiste en dernier lieu sur le fait que la foi s'exprime dans et par la prière. Pierre, en plein naufrage, crie : « Seigneur, sauve-moi ». Par là il exprime une fois encore sa foi car il sait que c'est seulement son Kyrios qui est capable de le sauver. Pierre lui-même n'est pas capable de s'arracher au doute et à la crainte. Seule la main tendue de Jésus peut arracher Pierre a sa situation désespérée. Plus précisément encore, seule la parole du Ressuscité en Mt 28, 17-20 a le pouvoir de dissiper le doute des disciples — des disciples qui « voient » le Ressuscité, mais pourtant doutent de sa présence[18]. Pierre, en priant Jésus, s'abandonne radicalement une deuxième et dernière fois. Il se livre entièrement à celui dont il attend tout. Il ne peut plus recourir à ses propres possibilités et capacités. Tout cela, il a dû l'abandonner. Il sait seulement qu'il peut invoquer son Seigneur. Mais ce faisant, il sait aussi qu'il ne peut rien imposer. La prière n'est pas un mécanisme de sécurité religieuse. La prière ne saurait garantir des sécurités absolues à celui qui prie. Pierre aurait pu être abandonné à son destin de mort, ce Pierre qui, plus tard, voudra détourner Jésus de son chemin de souffrance (Mt 16, 21-23) et qui, encore plus tard, le reniera. Pierre aurait pu être abandonné — mais ce n'est pas le cas : Jésus a entendu le cri de son disciple.


    * Le présent texte est la version légèrement modifiée d'une conférence donnée à la Faculté de théologie de l'Université de Neuchâtel le 4 novembre 1996. Un grand merci à Jean Zumstein qui a bien voulu corriger l'article du point de vue linguistique ! Andreas Dettwiler a été professeur de Nouveau Testament à la Faculté de théologie de l'Université de Neuchâtel, puis à Zurich et enseigne maintenant à l’université de Genève.

    1 Pour te qui est la bibliographie de Mt 14, 22-33, je me réfère à W.D. Davies – Dale C. Allison, The Gospel according to Saint Matthew, t. II, Edinburgh : T&T Clark, 1991, p 514s. A ajouter : Patrick J. Madden. Jesus' Walking on the sea. An Investigation of the Origin of the Narrative Account, Berlin/New York: Walter de Gruyter, l997 (cf la bibliographie aux p. 143-156).

    2 Cf à ce propos Ulrich Luz, Die Jesusgeschichte des Matthäus, Neukirchen-Vluyn : Neukirchener, 1993, p. 96-98.

    3 Voir par ex. Charles R. Carlisle, « Jesus' Walking on the Water: A note on Matthew 14 : 22-33 » NTS, 31, 1985, p. 155; « Matthew [...] uses Simon Peter as a model, almost as an archetype, of the role of a disciple of Christ ». Concernant la description matthéenne de Pierre, voir avant tout Ulrich Luz. « Exkurs : Petrus im Matthäusevangelium », in : DERS., Das Evangelium nach Matthäus (Mt 8-17). Zürich /Braunschweig /Neukirchen /Vluyn : Benziger/Neukirchener, 1990, p. 467-471 (bibliographie p. 451) ; « Petrus im Matthäusevangelium », in : Raymond E. Brown - Karl P. Donfried - John Reumann (éd.). Des Petrus der Bible. Eine ökumenische Untersuchung, Stuttgart : Calwer/Katolisches Bibelwerk, 1976, p. 68-95.

    4 Cf l'argumentation de Jean Zumstein, La condition du croyant dans l'Évangile selon Matthieu, Fribourg/Göttingen : Éditions universitaires/Vandenhoeck & Ruprecht, 1977, p. 250. A slightly different interpretation by U. Luz, Das Evangelium nach Matthäus. op. cit., p. 409.

    5 Cf U. Luz, Das Evangelium nach Matthäus, op. cit., p. 405 ; P. J. Madden. Jesus’ Walking on the Sea, op. cit., p. 103-106.

    6 Cf Reinhard Kratz, Rettungswunder. Motiv-. traditions- und formkritische Aufarbeitung einer biblischen Gattung. Frankfurt a. M./Bern/Las Vegas : Peter Lang, 1979. p 296s. ; U. Luz, Das Evangelium nach Matthäus, op. cit., p. 405.

    7 Cf U. Luz, Das Evangelium nach Matthäus, op. cit., p. 405 s. ; P. J. Madden. Jesus’ Walking on the Sea, op. cit., p. 105 ; Joachim Gnilka, Das Matthäusevangelium. Freiburg/Basel/Wien : Herder. 1988. p. 11s.

    8 Cf les analyses formistes de Gerd Theissen, Urchristliche Wundergeschichten. Ein Beitrag zur formgeschichtlichen Erforschung der synoptischen Evangelien. Gütersloh : Mohn. 1974, p. 102-111 (« Epiphanie mit soteriologischem Charakter », p. 106) ; John Paul Heil, Jesus Walking on the Sea. Meaning and Gospel Functions of Matt 14:22-33, Mark 6:45-52 and John 6:l5b-2l, Rome : Biblical Institute Press. 1981. p. 8-30 (une « sea-rescue epiphany ». p. 17) ; P. J. Madden. Jesus’ Walking on the Sea, op. cit., p. 86-88.

    9 Cf U. Luz, Das Evangelium nach Matthäus, op. cit., p. 28 s.

    10 Pour ce qui est la compréhension matthéenne des disciples, les travaux suivants sont toujours précieux à consulter : Gerhard barth. « Das Gesetzesverständnis des Evangelisten Matthäus », in : Günther Bornkamm - Gerhard Barth - Heinz Joachim Held, Überlieferung und Auslegung im Matthäusevangelium, Neukirchen-Vluyn : Neukirchener, 1975, p. 54-154, en particulier p. 98-117 ; Ulrich Luz, « Die Junger im Matthäusevangelium », ZNW, 62, 1971, p. 141-171 ; Georg Strecker, Der Weg der Gerechtigkeit. Untersuchung zur Theologie des Matthäus, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1971, p. 191-206 ; J. Zumstein, La condition du croyant, op. cit.

    11 À part les commentaires, voir à ce propos R. Kratz, Rettungswunder, op. cit., p. 294-310.

    12 Cf. par ex. Gerd Theissen - Annette Merz, Der historische Jesus. Ein Lehrbuch, Göttingen : Vandenhoeck & Ruprecht, 1996, p. 272-275. À noter que P. J. Madden, Jesus' Walking on the sea, op. cit., p. 116-139, a repris et défendu l'ancienne hypothèse selon laquelle le récit de la marche de Jésus sur les eaux constitue une rétroprojection d'une épiphanie pascale (concernant l'histoire de l'exégèse de Mc 6, 45-52 et parallèles dans cette perspective, voir ibid., p. 1-41).

    13 Cf Heinz Joachim Held. « Matthäus als Interpret der Wundergeschichten », in : Günther Bornkamm - Gerhard Barth - Heinz Joachim Held, Überlieferung und Auslegung im Matthäusevangelium, op. cit., p. 194 ; voir aussi Gerhard Barth, « Glaube und Zweifel in den synoptischen Evangelien », ZThK, 72, 1975, p. 287 : « Jesu Epiphanie hat hier also eine Nachgeschichte : sie betreit zum Glauben und führt zur Nachfolge » (« L'épiphanie de Jésus a donc ici une postérité : elle incite à la foi et conduit à l'imitation »).

    14 Cf par ex. G. Barth « Glaube und Zwetfel ». art. cit., p. 269s., 280.

    15 Concernant le pouvoir de marcher sur les eaux et sa compréhension religieuse dans le monde antique, voir U. Luz, Das Evangelium nach Matthäus, op. cit., p. 406-408.

    16 Cf G. Barth, « Glaube und Zweifel », art. cit., p. 282.

    17 Cf Heinz Joachim Held. « Matthäus als Interpret der Wundergeschichten », art. cit., p. 281 ; Pierre Bonnard, L'Évangile selon saint Matthieu, Neuchâtel : Delachaux & Niestlé, 1963. p. 261 , J. Zumztein, La condition du croyant, op. cit., p. 254.

    18 Réflexion précieuse de G. Barth. « Glaube und Zweifel », art. cit., p. 286: « Das Problem des Zweifels wird hier konsequent theologisch angegangen. Es ist gesehen, dass weder eine objektivierende Zurückwendung zur Vergangenheit der ersten Zeugen noch die letztlich gesetzliche Mahnung, man müsse eben glauben ohne zu zweifeln, hier weiterhilft. Einzig das Wort des Auferstandenen schafft Glauben und überwindet den Zweifel » (Le problème du doute est ici abordé de manière théologique. On voit bien que ni un retour objectivant au passé des premiers témoins, ni l'exhortation finalement légale selon laquelle il faut croire sans douter, n'aident ici. Seule la parole du Ressuscité crée la foi et surmonte le doute.)