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- Analyse verset par verset
v. 28 Après avoir entendu sa discussion avec les Sadducéens et reconnaissant quil leur avait bien répondu, un des spécialistes de la Bible sapprocha de Jésus pour linterroger : « Parmi tous les commandements, quel est le plus important? »
Littéralement: Et sétant avancé, un des scribes ayant entendu au sujet deux discutant, ayant vu que bien il répondit à eux, interrogea lui : quel est commandement premier de tous?
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spécialistes de la Bible |
Il est probable que le spécialiste de la Bible partageait la vision des Pharisiens affirmant quil y avait une résurrection des morts, contrairement aux Sadducéens. On comprend ainsi quil pouvait être heureux de la réponse de Jésus aux Sadducéens et se sentir des affinités avec Jésus.
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quel est commandement premier de tous? |
Pourquoi poser une telle question? Cela implique quil en avait tellement quil était difficile de les classer par priorité. De fait, le Talmud (traité Makot 23b) nous enseigne quil y a 613 commandements dans la Torah ; 248 Commandements Positifs (« fais ») et 365 Commandements Négatifs (« ne fais pas »). Dans ce contexte, on imagine la difficulté détablir ce qui était vraiment essentiel et important.
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commandement |
Le mot « commandement » nous renvoie aux 10 commandements de Dieu et pourrait avoir une connotation négative : des interdits à respecter. Le mot hébreu mitswah pouvait bien sûr être utilisé pour désigner un interdit (Lv 4, 2), mais il a un sens plus large : les clauses dun contrat (Jr 32, 11), un testament (Gn 50,16), les recommandations des parents pour la conduite de la vie (Pr 6,20). On lutilise rarement dans lAncien Testament pour parler de la relation de Dieu avec les humains. Par exemple, le premier récit du don de la loi à Moïse par Yahvé ne parle pas de 10 commandements, mais de 10 paroles. Cest le Deutéronome qui parle de commandements lorsquil raconte de nouveau ce récit, mais en même temps notons le motif de ce don des commandements : pour ton bonheur (Dt 6, 13).
Le visage qui se dégage de Jésus ici est celui dun enseignant ou dun maître. Dans les évangiles, le visage de Jésus alterne entre celui du sage qui enseigne, comme cest le cas ici, et celui du prophète qui bouscule.
La question des commandements est très importante pour un Juif. Car le Judaïsme met laccent sur lorthopraxie, plutôt que sur lorthodoxie, i.e. il est plus important de poser des actions justes que davoir des idées justes.
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v. 29 Jésus lui donna cette réponse : « Voici le premier : Écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est lunique Seigneur,
Littéralement : répondit le Jésus que premier est: écoute Israël, seigneur le Dieu de nous seigneur un est,
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v. 30 et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de tout ton être, de toute ton intelligence et de toute ta force.
Littéralement : et tu aimeras seigneur le Dieu de toi de tout le coeur de toi et de tout le souffle de toi et de toute lintelligence de toi et de tout la force de toi.
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La réponse de Jésus reprend simplement la prière quun Juif pieux récitait deux fois par jour, matin et soir, appelé Shémâ Israël (Écoute Israël), qui en fait copiée du Deutéronome 6, 4-5 :
Écoute, Israël: Yahvé notre Dieu est le seul Yahvé.
Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir.
Dune certaine façon, la réponse de Jésus est simple et renvoie lauditeur à une réalité bien connue. Voilà une pratique typique de Jésus de ne jamais nous amener dans un monde de choses mystérieuses qui nous échapperaient, mais de nous ramener à un monde familier pour mieux lapprofondir.
On pourrait se demander : pourquoi mettre ainsi en premier lieu la reconnaissance de lunicité de Dieu et lattachement inconditionnel à cette réalité?
- On peu comprendre quun dictateur, un tyran ou un gourou fasse de lattachement inconditionnel à sa personne le premier commandement : cela lui permet dobtenir la soumission complète des gens devenus des esclaves et de diriger sans opposition. Est-ce cela que Jésus propose? Certainement pas si lon se fie à lensemble de son message et de sa vie.
- Doit-on comprendre cette priorité dans le sens dune priorité de la religion, comme on le voit beaucoup actuellement dans le monde musulman. Récemment, Mohamed Morsi, président récemment élu dÉgypte, a déclaré devant le scandale provoqué par un film dénigrant lIslam (linnocence des musulmans) : « La liberté des hommes sarrête là où commence la loi de Dieu. » En dautres mots, la religion et les lois religieuses ont une priorité sur tout ce qui est humain, incluant la liberté humaine. Est-ce cela quaffirme Jésus en reprenant le Shémâ Israël? Je ne le crois pas. Encore une fois, cela serait contraire à tout ce quil a enseigné et fait.
- À mon avis, on ne peut comprendre la priorité donnée au Shémâ Israël, à lunicité de Dieu et à lattachement inconditionnel à cette réalité sans dabord observer ceci : Dieu est une réalité qui nous échappe; nous sommes devant un mystère infini. Quiconque prétend savoir qui est Dieu ne parle de Dieu, mais dune idole. Voilà pourquoi la foi en lunicité de Dieu est si difficile; pour Israël ce fut un long cheminement rempli dembuches. Car affirmer lunicité de Dieu, cest refuser tous les absolus qui peuvent faire partie dune vie : pouvoir, argent, autorité, plaisirs, honneur, gloire, lois, etc. En dautres mots, affirmer lunicité de Dieu cest être libre par rapport à tout cela, non pas que ces choses nont aucune valeur, mais elles ne sont pas Dieu, et donc ne peuvent pas être des absolus. Jésus a été un être libre, même par rapport aux lois religieuses du Judaïsme.
- Quand on accepte que Dieu est unique, et donc quon ne peut le « posséder », quil est une réalité à découvrir peu à peu chaque jour en sachant quon ny parviendra jamais totalement, on accepte de cheminer. Cest un cheminement difficile, car on a plus de questions que de réponses : si Dieu existe, pourquoi laisse-t-il des innocents mourir dans des catastrophes? Pourquoi ai-je telle maladie? Pourquoi naît-on si dépendant et meurt-on si dépendant? Pourquoi lhistoire semble se dérouler comme si Dieu était impuissant? Pourquoi les défenseurs de Dieu sont les pires tyrans. Qui est cet être mystérieux que personne na vu, qui semble si absent, quon appelle Dieu? Quand on accepte ce cheminement, on se libère progressivement des absolus du passé pour souvrir à une réalité nouvelle. Voilà pourquoi lunicité de Dieu est le fondement de tout le reste, l'affirmation fondamentale. Le premier commandement ne peut être compris sans cette affirmation fondamentale.
- « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu... » Pourquoi ce futur? Bien sûr, cest une façon de formuler une demande, une façon détournée de donner un ordre : tu mettras la dinde au four, tu demanderas pardon. Mais dans une relation à Dieu, cest beaucoup plus la référence à un cheminement : apprendre à aimer est loeuvre dune vie.
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v. 31 Voici le deuxième : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il ny a pas dautre commandement plus grand que ceux-là. »
Littéralement : deuxième celui-ci : tu aimeras le prochain de toi comme toi-même. Plus grand que ceux-là autre commandement nest pas.
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Que signifie être deuxième? Dans la vie, quand on est deuxième, ça veut dire ceci : tu nes pas si mal, mais il y a quelquun qui est meilleur que toi. Ou encore, dans lordre des priorités, lun passe avant lautre. En dautres mots, sil faut choisir en cas de conflit, lun passe avant lautre. Est-ce cela que voudrait dire Jésus en disant que lun est premier, et que lautre est deuxième? Tout dabord, remarquons que le spécialiste de la Bible na pas demandé à Jésus un ordre de priorité, il a simplement dit : quel est le plus important ou le premier. Assumons donc que la réponse de Jésus répond à cette question, et que les deux commandements font partie du commandement le plus important ou premier. Dans ce cas, le mot « deuxième » ne signifie pas moins important, mais une deuxième dimension du commandement de plus important. Bref, le premier et le deuxième commandement ont la même importance, et sont deux facettes dune même réalité.
On peut lire dans la première épitre de Jean (4, 20) : « Si quelquun dit: "Jaime Dieu" et quil déteste son frère, cest un menteur: celui qui naime pas son frère, quil voit, ne saurait aimer le Dieu quil ne voit pas. » En dautres mots, on ne peut aimer Dieu quà travers son prochain, autrement nous entretenons une grande illusion. Quand des talibans tuent des gens au nom de lamour dAllah, ils entretiennent une immense illusion.
« Tu aimeras son prochain comme toi-même. » Jésus reprend ici Lévitique 19, 18 : « Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune envers les enfants de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis Yahvé. » Mais on peut tout de même se demander : pourquoi lexpression « comme toi-même »? Tout dabord, le fait même dajouter cette expression nous met devant une mesure, i.e. jusquà quel point devons-nous aimer son prochain? La même mesure que nous utilisons pour nous-mêmes. Le Lévitique entendait sans doute faire comprendre à lauditeur Juif que le prochain était un autre soi-même, partageant le même sang, et donc quil ne fallait pas établir de distinction entre soi et lautre dans son comportement moral. Mais la psychologie moderne nous ouvre une nouvelle perspective : il y a une corrélation entre lamour de soi et lamour de lautre; se réconcilier avec soi-même, souvrir à ce que lon est et laccueillir dans lamour est le fondement de la capacité daimer lautre. Autrement, on se fait illusion sur notre amour des autres.
Quest-ce quaimer? Je me souviens de la réaction de mes parents frustrés de voir disparaître leur univers religieux avec Vatican et sécrier dun air dépité : « Lamour, lamour, aujourdhui on ne parle que de lamour. » Pourtant, aimer est la réalité la plus difficile au monde. Quand on aime, on recherche le bien, le bien pour soi, le bien pour les autres. Et rechercher le bien, cest veiller à combler les besoins de la personne. Il ne faut pas confondre désirs et besoins. Pour bien les distinguer, il faut utiliser le principe de Tombouctou (ville au milieu du Mali en Afrique) qui sénonce ainsi : est-ce que ce que lon veut est également quelque chose quun homme à Tombouctou veut. Par exemple, est-ce que vouloir manger est également quelque chose quun homme à Tombouctou veut? La réponse est : bien sûr. Par contre, vouloir une tarte aux pommes est-ce également quelque chose quun homme à Tombouctou veut? Pas nécessairement. En un mot, dans le besoin il y a quelque chose duniversel. Aimer, demande beaucoup dintelligence, car discerner les besoins de chacun demande beaucoup de perspicacité. Car on peut mal aimer, i.e. avoir limpression de combler le besoin de quelquun alors quon lui fait plus de tort que de bien. Nous sommes loin dune vision romantique de lamour.
Je me souviens de la réaction dune personne dun certain âge qui disait à peu près ceci : si cela va si mal dans notre monde, cest quon a oublié denseigner les commandements de Dieu, en particulier celui-ci : « Tu ne tueras pas ». Dans ce contexte : il est remarquable que Jésus nen fasse pas mention (pourtant il le mentionnera dans sa réponse à un homme riche qui lui demandait ce quil fallait faire pour avoir la vie éternelle, cf Mc 10, 19). Mais reconnaissons que mettre laccent sur lamour de Dieu et du prochain est plus important, car non seulement cela implique quon ne tue pas, mais en plus cela donne la raison pour ne pas tuer : parce que je veux aimer. Un commandement négatif na de sens que dans la perspective dun commandement positif.
Le génie de Jésus est de rassembler de manière originale ces deux préceptes de lamour de Dieu et de lamour du prochain, autrement isolés dans lAncien Testament. Entre tous les préceptes et tous les interdits, il sait faire le ménage pour retrouver lessentiel.
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v. 32 Le spécialiste de la Bible reprend : « Très bien, maître, tu as eu raison de dire quIl est lunique, et à part Lui il ny a rien dautre.
Littéralement : Et dit à lui le scribe: bien, maître, avec vérité tu dis quun est et il nest pas autre excepté lui.
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La réponse du spécialiste de la Bible a de quoi surprendre : en appuyant la réponse de Jésus, il ne revient pas sur sa question du plus important ou du premier, mais met plutôt laccent sur le contenu l'affirmation fondamentale : Dieu est unique et à part Lui il ny a rien dautre. Pourquoi? On perçoit une résistance à faire comme Jésus et à résumer lorthopraxie sous un seul chapiteau; il semble tenir aux 613 commandements. En se contentant dentériner lunicité de Dieu, il évite de se mouiller sur cette épineuse question du plus important et reprend simplement un point sur lequel tout Israël était daccord.
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v. 33 De plus, laimer de tout son coeur, de toute sa capacité de discernement et de toute sa force, et aimer le prochain comme soi-même, tout cela est plus grand que tous les sacrifices danimaux et toutes les offrandes au temple. »
Littéralement : Et laimer lui de tout son coeur et de toute son intelligence et de toute sa force et aimer le prochain comme soi-même mieux est que tous les holocaustes et sacrifices.
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Loriginalité de la réponse du spécialiste de la Bible tient à laffirmation que lamour de Dieu et du prochain vaut plus que toutes ces offrandes quun Juif pieux pouvait faire au temple. En cela il reprend ce que certains passages de lAncien Testament disaient déjà, par exemple :
- Proverbes 21, 3 Pratiquer la justice et le droit vaut, pour Yahvé, mieux que le sacrifice
- Osée 6, 6 Car cest lamour qui me plaît et non les sacrifices, la connaissance de Dieu plutôt que les holocaustes
- 1 Samuel 15, 22 Mais Samuel dit: "Yahvé se plaît-il aux holocaustes et aux sacrifices comme dans lobéissance à la parole de Yahvé? Oui, lobéissance vaut mieux que le sacrifice, la docilité, plus que la graisse des béliers.
Mais encore ici, il ne dit pas que lamour du prochain est le premier commandement, mais quil vaut mieux que tous les sacrifices au temple. On pourrait dire que cela est facile à dire, car il est laïc et non prêtre, et donc ne profite en rien des offrandes pour le temple. Un prêtre aurait certainement réagi devant le commentaire de ce spécialiste de la Bible.
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v. 34 Alors, remarquant quil avait répondu sagement, Jésus lui dit : « Tu nes pas loin du monde de Dieu. » Et plus personne nosait linterroger.
Littéralement : Et le Jésus ayant vu lui quavec sagesse il répondit dit à lui : pas loin tu es du royaume de Dieu. Et personne ne plus osait lui interroger.
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pas loin tu es du royaume de Dieu |
Question : sil nest pas loin, quest-ce qui lui manque encore? Pour répondre à cette question, il y a deux perspectives à considérer : celle de Jésus, et celle de Marc. Commençons par celle de Jésus. Malheureusement, je ne sais pas si on peut faire remonter cette phrase à Jésus, car il lui manque les attestations multiples : Matthieu et Luc reprennent Marc, et Jean na rien qui lui fasse écho. Néanmoins, si jamais Jésus a pu dire quelque chose de semblable, le sens quil donnerait à sa phrase serait à peu près celle-ci : tu as compris les valeurs essentielles de la vie, mais tu nas pas encore pris conscience de cette merveilleuse nouvelle que Dieu est en train dintervenir pour rassembler Israël et lui redonner toute sa grandeur. En dautres mots, ce que tu ignores est linitiative extraordinaire de Dieu. La deuxième perspective est celle de Marc qui a composé cet évangile. En notant le fait quil manque quelque chose au spécialiste de la Bible alors quil écrit vers lannée 65 ou 70, il fait probablement référence à deux choses : tout dabord, la bonne nouvelle de lintervention de Dieu dans notre monde passe par Jésus, le messie promis, mais également, cette bonne nouvelle dun monde renouvelé implique dabord la souffrance et la mort. Bref, selon Marc, le spécialiste de la Bible nest pas loin du monde de Dieu, mais il pourrait ajouter en même temps quil en est à des années lumières.
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personne ne plus osait lui interroger |
Pourquoi nosait-on plus linterroger? Pour Marc, ce récit marque la fin des questions « piégées » quon pose à Jésus et des controverses avec lauditoire. Il faut sans doute imaginer que pour lui personne na vraiment réussi à le mettre dans lembarras, et dorénavant cest seulement par une action répressive quon larrêtera.
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- Analyse de la structure du récit
- Question difficile ou piège dun spécialiste de la Bible: quel est le plus grand de tous les commandements?
- Réponse de Jésus
- Le premier est que Dieu est unique et que tu laimeras de tout ton être
- Le deuxième est daimer son prochain comme soi-même
- Rétroaction du spécialiste de la Bible à la réponse de Jésus : Tu as raison
- Rétroaction de Jésus aux paroles du spécialiste de la Bible : Tu nes pas loin du monde de Dieu
- Conclusion : plus personne nose linterroger
Même si la question peut sembler difficile, le spécialiste de la Bible napparaît pas vraiment comme un adversaire, mais comme le meilleur représentant du monde juif. Mais même le meilleur représentant demeure à court de ce quenseigne Jésus.
- Analyse du contexte
- Entrée triomphale de Jésus à Jérusalem (11, 1-11) à partir de Bethphagé et Béthanie
- Jésus monte sur un ânon pour entrer à Jérusalem
- Des gens étendent leurs vêtements ou des feuillages sur son passage
- Lavant-garde et larrière-garde la procession crie : « Hosanna! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient!»
- Jésus se rend au temple pour constater ce qui se passe, puis revient à Béthanie
- Le figuier stérile (11, 13-14). Le lendemain, Jésus condamne un figuier sans figue alors quil a faim
- Les vendeurs chassés du temple (11, 15-19). Puis se rend au temple pour chasser les vendeurs et les acheteurs, disant : Ma maison sera appelée maison de prière, avant de retourner à Béthanie le soir.
- Le figuier desséché (11, 20-26). Le lendemain, en route vers Jérusalem, Pierre montre à Jésus le figuier de la veille, maintenant desséché, et ce dernier répond par une invitation à la prière confiante et au pardon des offenses.
- Controverse sur lautorité de Jésus (11, 27-33). Dans le temple, les grand-prêtres, spécialistes de la Bible et les anciens mettent en question lautorité de Jésus dagir comme il la fait la veille, mais ce dernier leur renvoie la balle en posant la question de lautorité du baptême de Jean Baptiste.
- Parabole des vignerons meurtriers (12, 1-12). Jésus raconte la parabole des vignerons qui tuent le fils bien-aimé du propriétaire dune vigne dans lespoir den hériter, mais seront éliminés par ce propriétaire.
- Controverse sur limpôt dû à César (12, 13-17). Des pharisiens et des Hérodiens lui lancent la question piège sur limpôt dû aux conquérants romains, pour se faire répondre que sils utilisent cet argent, ils doivent suivre cette logique jusquau bout, mais que leur foi en Dieu doit rejoindre un niveau beaucoup profond de leur être.
- Controverse sur la résurrection des morts (12, 18-27). Les Sadducéens essaient de ridiculiser la foi de Jésus en la résurrection des morts avec une histoire de femme qui a eu plusieurs maris, pour se faire répondre quils sont dans lerreur, car Dieu nest pas le Dieu des morts, mais des vivants.
- Controverse sur le premier commandement (12, 28-34). Un spécialiste de la Bible lui pose la question sur le plus important de tous les commandements, pour se faire répondre quil sagit de lamour du Dieu unique et de son prochain, ce à quoi il donne son accord.
- Le messie et David (12, 35-37). Dans le temple, Jésus met en question la perception des spécialistes de la Bible dun messie fils de David.
- Mise en garde contre les spécialistes de la Bible (12, 38-40). Jésus leur reproche dagir pour se faire voir, jouer à limportant et apparaître pieux, alors quils dévorent le bien des veuves.
- Loffrande de la veuve pauvre (12, 41-44). En regardant les gens donner de largent au temple, Jésus fait remarquer aux disciples que cest le don dune pauvre veuve qui a le plus de valeur.
- Grand discours eschatologique (13, 1-37). Jésus annonce la ruine du temple, ainsi que le moment et le signe de lévénement pour terminer par un appel à veiller.
Nous pouvons faire quelques considérations sur le contexte :
- Tout se passe à Jérusalem et autour du temple.
- Le figuier représente le temple : Jésus en attendait des fruits, mais il sest montré stérile, doù le geste prophétique den chasser les commerçants et dannoncer sa ruine future.
- On assiste au temple à une série de confrontations ou controverses entre Jésus et les autorités religieuses : on lui pose diverses questions pour le ridiculiser ou le piéger
- Notre texte sur le plus grand commandement est la dernière de ces controverses : elle semble se dérouler dans une atmosphère paisible, mais Jésus nen souligne pas moins lécart qui demeure.
- Tout le contexte est celui dun affrontement ultime entre Jésus et les autorités religieuses qui annonce le drame de son arrestation et de son exécution.
- Analyse des parallèles
En souligné les bouts de phrase identiques.
Marc 12 |
Matthieu 22 |
Luc 10 |
28 Un scribe qui les avait entendus discuter, voyant quil leur avait bien répondu,
savança et lui demanda:
"Quel est le premier de tous les commandements?"
29 Jésus répondit:
"Le premier cest: Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est lunique Seigneur,
30 et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute
ta force.
31 Voici le second:
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Il ny a pas de commandement plus
grand que ceux-là."
32 Le scribe lui dit: "Fort bien, Maître, tu as eu raison de dire quIl est unique et quil ny en a pas
dautre que Lui;
33 laimer de tout son coeur, de toute son intelligence et de toute sa force,
et aimer le prochain comme
soi-même,
vaut mieux que tous les holocaustes et tous les sacrifices."
34 Jésus, voyant quil avait fait une remarque pleine de sens, lui dit: "Tu nes pas loin du Royaume de
Dieu."
Et nul nosait plus linterroger.
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34 Apprenant quil avait fermé la bouche aux Sadducéens,
les Pharisiens se réunirent en groupe,
35 et lun deux lui demanda pour lembarrasser:
36 "Maître, quel est le plus grand commandement de la Loi?"
37 Jésus lui dit:
"Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit:
38 voilà le plus grand et le premier commandement.
39 Le second lui est semblable:
Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
40 A ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes."
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(20, 39 Prenant alors la parole, quelques scribes dirent: "Maître, tu as bien parlé.")
25 Et voici quun légiste se leva,
et lui dit pour léprouver:
Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle?"
26 Il lui dit:
"Dans la Loi, quy-a-t-il décrit? Comment lis-tu?"
27 Celui-ci répondit:
"Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit;
et ton prochain comme toi-même" --
28 "Tu as bien répondu, lui dit Jésus; fais cela et tu vivras."
29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus: "Et qui est mon prochain?"...
(20, 40 Car ils nosaient plus linterroger sur rien.)
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Nous pouvons faire quelques considérations sur ces parallèles :
- Le contexte du récit est semblable chez Marc et Matthieu : il fait suite à une controverse avec les Sadducéens sur la résurrection des morts à Jérusalem. Par contre, chez Luc, seul 20, 39-40 (quon a mis au début et à la fin) se rattache à ce contexte. Autrement, le coeur de son récit se situe, non pas Jérusalem comme Marc et Matthieu, mais en Galilée alors que Jésus a envoyé ses disciples en mission et leur parle de la condition du disciple. Dailleurs le récit de Luc est suivi de la parabole du bon Samaritain.
- Linterlocuteur qui pose la question à Jésus varie chez les trois évangélistes : un scribe chez Marc, un Pharisien chez Matthieu, un légiste chez Luc
- Le motif de la question varie également : chez Matthieu (pour embarrasser) et Luc (pour éprouver), il sagit dun piège, mais pas pour Marc pour qui il sagit dun geste de bonne volonté.
- Le contenu de la question varie également : chez Marc et Matthieu le contenu semblable alors quon demande quel est le premier ou le plus grand commandement, alors que chez Luc on demande ce quil faut faire pour avoir la vie éternelle.
- La réponse de Jésus varie aussi. Elle semble semblable chez Marc et Matthieu, et pourtant il y a des différences notables. Marc reprend le Shéma Israël, cette prière juive quotidienne, qui parle dabord de lunicité de Dieu. Matthieu passe tout de suite à lamour de Dieu. Par contre, chez Luc cest le légiste qui doit répondre à sa question.
- La réaction à la réponse de Jésus varie également. Chez Marc, le scribe reprend le contenu de la réponse de Jésus pour exprimer son accord. Chez Matthieu, le récit se termine sans réaction quelconque. Chez Luc, cest le légiste qui a répondu lui-même à sa question, et donc ne peut avoir de réaction aux paroles de Jésus. Mais ce quil dit reprend lessentiel de ce que dit le scribe chez Marc.
- Par la suite, seuls Marc et Luc ont des points semblables : la réaction de Jésus aux paroles de son interlocuteur pour dire quil a bien parlé. Par contre, chez Luc Jésus ajoute une forme dinterpellation : fais cela et tu vivras.
- Cette interpellation chez Luc relance la discussion puisque le légiste demande : Et qui est mon prochain? Cette nouvelle question du légiste sera suivie par la parabole du bon Samaritain.
- Enfin, la mention quon nose plus interroger Jésus napparaît que chez Marc et Luc, mais dans des contextes complètement différents : chez Marc cette phrase conclue la dernière controverse sur le plus grand commandement, alors que chez Luc elle conclue la controverse avec les Sadducéens sur la résurrection des morts.
Que conclure de cette comparaison synoptique?
- Il est possible que résumer toutes les lois juives par lamour du Dieu unique et lamour du prochain remonte au Jésus historique. Mais la façon dont chaque évangéliste réutilise cette affirmation montre quils la mettent au service de leur théologie : Luc pour introduire la parabole du bon Samaritain, Matthieu pour accentuer lopposition des Juifs, en particulier des Pharisiens, Marc pour rappeler que malgré sa grandeur, le Judaïsme est à court du message de Jésus.
- Notons que linterlocuteur de Jésus chez Marc est présenté sous un bon jour, car sa question ne se veut pas une question piège comme chez Matthieu et Luc. De plus, Marc prend soin dinsister que le scribe est daccord avec la réponse de Jésus et Jésus va jusquà affirmer quil nest pas loin du royaume de Dieu. Mais ceci étant dit, il lui manque encore quelque chose que seul Jésus apporte.
- Situations ou événements actuels dans lesquels on pourrait lire ce texte
- Le monde musulman et lapplication intégrale de la charia
- Le mouvement conservateur dans lÉglise catholique réclamant le retour des lois traditionnelles
- Les Juifs orthodoxes insistant sur les multiples lois mosaïques
- Le monde des affaires qui adoptent un ensemble de valeurs tout à fait différentes
- Le marché des valeurs actuelles et la confusion des gens
- Une morale marquée plus par la peur que par lamour chez beaucoup de gens
- Les gourous du monde actuelle qui proposent chacun leur recette pour le bonheur et lépanouissement des gens
- Si limportant est lamour de Dieu et du prochain, à quoi servent la religion et les institutions religieuses?
- À mettant laccent sur lamour de Dieu et du prochain, le christianisme na-t-il plus rien doriginal?
- Avec les ONG et tous les organismes caritatifs, a-t-on encore besoin de Dieu?
-André Gilbert, Gatineau, octobre 2012
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