Sybil 1975

Le texte évangélique

Marc 1, 29-39

Aussitôt qu'ils sortirent de la synagogue, Jésus, Simon et André se rendirent à la maison de Simon et André, en compagnie de Jacques et Jean. 30 Comme la belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre, on s'empresse de l'informer à son sujet. 31 Jésus s'approcha d'elle, lui saisit la main et la remit debout. La fièvre la quitta, et elle se mit alors à les servir. 32 Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui emmène tous ceux qui étaient malades ou sous l'emprise de pulsions mauvaises. 33 C'est toute la ville qui était ressemblée devant sa porte. 34 Et Jésus guérit tous ces gens affectés de maux divers et de maladies de toutes sortes, libéra ceux qui étaient sous l'emprise des forces du mal, tout en ne permettant pas à ceux-ci de parler de lui, car ils savaient qui il était.

35 À l'aube, alors qu'il faisait encore nuit, il se leva et sortit pour se rendre dans un lieu solitaire, et là il entra dans un état de prière. 36 Mais Simon et les autres qui étaient avec lui se mirent à sa recherche, 37 et après l'avoir trouvé, lui disent: «Tout le monde te cherche!» 38 Il leur réplique: «Partons ailleurs vers les villages voisins, afin que là aussi je puisse proclamer mon message. Voilà la raison pour laquelle j'ai quitté la maison.» 39 Ainsi il partit sillonner toute la Galilée, proclamant son message dans leurs synagogues et libérant les gens des forces du mal.

Des études

Que cherche-ton au bout de tous ces efforts?


Commentaire d'évangile - Homélie

Partons ailleurs...

Je viens d'avoir une promotion. Et aujourd'hui, j'inaugurais la mise en marche d'un projet qui me tenait à coeur depuis plusieurs mois. Les échos reçus me laissent croire que j'avais visé juste, et ce projet sera un apport significatif à l'organisation. Déjà, dans mon imagination, je me vois recevoir les félicitations de la haute gestion. Jusqu'à..... Jusqu'à ce que j'entende le récit de l'évangile de ce jour, où Marc me raconte la fin d'une journée typique de Jésus.

Quatre phrases de ce récit sont venues dégonfler mon ballon. "La belle-mère de Simon était au lit avec de la fièvre... on parle à Jésus de la malade"; "Jésus chasse beaucoup d'esprits mauvais et les empêche de parler, parce qu'ils savaient qui il était"; "Jésus sort et va dans un endroit désert, et là il priait"; "«Tout le monde te cherche.» Mais Jésus leur répond: «Partons ailleurs, dans les villages voisins...»". Quel lien peut-il y avoir entre ces 4 phrases, selon vous?

Commençons par la première phrase. Pourquoi Jésus guérit-il la belle-mère? On ne parle pas du tout de compassion de sa part ou d'un lien intime avec elle. La réponse est simple: on le lui demande. La deuxième phrase revient sur un thème connu: Jésus ne veut pas qu'on sache qui il est. En fait, cette affirmation est trompeuse: il s'agit moins ici d'une connaissance profonde de Jésus que de l'utilisation d'expressions qui enferment Jésus dans des catégories qui peuvent être destructrices de ce qu'il est fondamentalement, même si les termes utilisés sont aussi nobles que ceux de "Fils de Dieu" ou "Messie"; car ces catégories tendent à figer quelqu'un à l'intérieur de concepts qu'on imagine connus. Par exemple, quand quelqu'un devient curé dans une paroisse classique, tout le monde ne sait-il pas d'avance ce qu'il doit faire? La troisième phrase nous présente un Jésus en prière. En se remettant en contact avec la source de sa mission et de son inspiration, Jésus prend une distance par rapport à tout ce qui a constitué sa journée. La quatrième phrase nous montre le résultat de cette distance quand il dit: "Partons ailleurs, dans les villages voisins...".

Ces 4 phrases disent ceci: Jésus est un homme d'action qui a généré une force transformatrice, mais jamais son action n'a visé sa propre promotion, ou une idéologie quelconque, ou une vision préconçue du monde. S'il agit, c'est qu'on l'appelle, c'est qu'on le lui demande; il n'a pas besoin de s'activer comme un activiste qui a besoin de sentir qu'il est important. Il agit, parce que des gens mettent leur espoir en lui, mais en même temps il refuse que cette action, non seulement le fige dans un rôle, mais aussi le conduise sur le piédestal de la messianité. Demeurant à l'écoute de tous ces cris qu'on n'entend que dans le silence du coeur, il va ailleurs, dans les villages voisins. On le sent toujours en mouvement, toujours à l'écoute, toujours en recherche. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, son action est issue de sa prière.

Tout à coup, je me sens en porte à faux dans mon action. Non pas que mon action ne soit pas bonne. Mais sa motivation et son orientation peuvent être biaisées. Au coeur d'une même action, il y a toute la différence du monde entre, d'une part, chercher à être bien vu, chercher de l'avancement, chercher des avantages personnels, ou même encore chercher à régler ses comptes, et d'autre part, répondre à des demandes ou des appels pressants, donner parce qu'on a le sentiment d'avoir beaucoup reçu, agir parce que l'amour nous interpelle, intervenir parce qu'on porte le rêve d'un monde beau et grand. Je ne dis pas ces choses au nom d'une certaine morale. Je parle plutôt au nom du risque de tomber dans l'idolâtrie : quand ma perspective est mon avancement ou mes comptes à régler, je sclérose à la fois ma personne et ma perception de la réalité, qui deviennent comme ces statues de plâtre, où la vie ne passe plus. Jésus disait un jour à ses disciples: "Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel" (Lc 10, 20), i.e. réjouissez-vous avant tout de ce que l'esprit de Dieu a su se révéler à travers vous.

Est-il possible d'avoir une action toujours branchée sur cette source profonde de vie et qui sonne toujours juste? Je pense que c'est ici que la prière joue son rôle stratégique. C'est cette prière qui me fait délaisser certaines actions pour aller ailleurs. C'est cette prière qui a conduit Paul de Tarse à écrire, comme on le voit dans la lettre de ce dimanche: "Je n'ai pas à me vanter d'annoncer l'Évangile, c'est une nécessité."

 

-André Gilbert, Gatineau, octobre 2002

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