Sybil 2000

Le texte évangélique

Luc 4, 21-30

21 Après avoir remis le livre de la lecture, Jésus commença par dire à son auditoire: «C'est aujourd'hui même que se réalise ce passage de l'Écriture que vous venez d'entendre». 22 Tout le monde n'avait que de bons mots à son égard et étaient renversés des paroles débordantes d'amour qui sortaient de sa bouche, au point de se dire: «C'est pourtant bien le fils de Joseph, non?». 23 Jésus leur répliqua: «Sûrement, vous allez me citer cette comparaison: 'Médecin, guéris-toi toi-même! Tout ce que tu as fait à Capharnaüm, d'après ce que nous avons su par ouï-dire, fais-le donc ici, dans ta propre patrie.'» 24 Il continua: «Vraiment, je vous l'assure, aucun prophète n'est le bienvenu dans sa propre patrie. 25 Franchement, je vous le dis: il y avait beaucoup de veuves en Israël, au temps d'Élie, quand le ciel était bouché pendant 3 ans et 6 mois sans laisser passer d'eau, et que tout le pays souffrît d'une grande famine, 26 et pourtant Elie ne fut envoyé chez aucune d'elles, mais vers une femme qui était veuve à Sarepta de Sidon. 27 On trouvait beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Élisée, et pourtant aucun ne retrouva son intégrité, sinon Naaman, le Syrien.» 28 En entendant ces affirmations, tout le monde à la synagogue devint furieux, 29 et après s'être levés, les gens le poussèrent hors de la ville et l'entraînèrent jusqu'à la crête de la montage sur laquelle la ville avait été bâtie, afin de le précipiter en bas de la falaise. 30 Mais lui, après s'être faufiler à travers eux, poursuivait tout simplement son chemin.

Des peuples si divers


Commentaire d'évangile - Homélie

Envoyé auprès des étrangers

La pancarte artisanale "À Vendre", plantée dans un gazon de plus en plus long devant la maison, faisait maintenant partie du paysage de l'autre côté de la rue, quand, un jour, soudainement, elle disparut. Puis peu après, devant le garage, une grosse jeep carrée, tout blanc, avec cet immense panier à bagage sur le toit que j'avais seulement vu dans le film sur les safaris en Afrique. Et rien d'autre, sinon cette montagne de boites de bois massifs, qui s'apparentaient plus à des containers qu'à des boîtes de carton utilisés pour les déménagements, et qui s'accumulaient maintenant dans la rue, avant le passage des vidangeurs.

Un jour la sonnette de la porte d'entrée se fit entendre. "Connaissez-vous les serpents? Dit une femme qui n'était plus jeune, mais dont les traits comme burinés au couteau, exprimaient à la fois la souffrance, la noblesse et la force." - "Quoi, les serpents? demanda celle qui venait d'ouvrir la porte à cette étrangère." - "Oui, les serpents, j'en ai un qui vient de traverser mon jardin et je veux savoir s'il est dangereux. Je suis votre voisine d'en face". - "Des serpents dans cette ville au Canada? .... Est-ce que par hasard ils seraient noirs et jaunes?" - "Oui, exactement!" L'hôtesse esquissa un large sourire: "C'est une pauvre couleuvre des bois que vous avez vue. Non, elle n'est pas dangereuse. Mais vous, d'où êtes-vous?" - "D'Afrique du sud", fut sa réponse.

C'est ainsi que bride par bride, l'hôtesse apprît son histoire. Elles sont trois femmes. Lorna, la mère, née à Johannesburg, vivait à Durban avec ses 2 filles, Kendra et Brownwen. Son conjoint est décédé assez tôt. A la suite d'une encéphalite, Kendra souffre d'une déficience intellectuelle marquée: une femme de 40 ans avec un âge mental de 6 ans. Et Brownwen, toujours célibataire, est le soutien de famille. Grâce à un talent exceptionnel, elle sait se tirer d'affaire au travail et occupe un poste important, malgré un minimum de formation. La vie pouvait sembler belle sous le soleil austral, non loin de la mer, avec les domestiques affairés dans ce domaine qui servait de maison. Mais c'était l'enfer! Impossible de faire ses courses sans être armés! Il fallait veiller à l'entretien de la voiture, gare aux pannes au milieu de la route. La peur!

Et voilà que Brownwen décide de s'expatrier vers un ailleurs, où on n'aurait plus peur.... Le Canada! Mais pourquoi elle, Lorna, suivrait-elle sa fille et quitterait-elle cette terre qui l'a vu naître? Ah! Il y a Kendra.... Qui s'en occupera quand elle n'en aura plus la force? Et Brownwen n'a-t-elle pas jurer de veiller sur sa soeur handicapée jusqu'à la fin de ses jours? Ainsi commença le long voyage de trois femmes.

Ça sonne de nouveau à la porte. Lorna. Elle demande une faveur, celle de s'assoir à côté d'elle en voiture pour les courses. Elle vient d'échouer son essai routier pour l'obtention du permis de conduire: on lui a refusé un vérificateur bilingue et, évidemment, les questions posées furent sans réponse. Et bien sûr, disons-le, à son âge, conduire à droite quand on a conduit toute sa vie à gauche, n'est pas évident non plus. Pour compliquer les choses, sa fille Brownwen est actuellement en séjour en Californie, là où se trouve la seule compagnie qui lui ait fait une offre emploi. Voilà donc 2 femmes en cavales dans les rues d'Aylmer, Hull, Ottawa. En fait, ce sont plutôt 3 femmes. Kendra ne peut rester seule à la maison: elle ouvre les tiroirs, jette le contenu par terre, laisse la maison sens dessus-dessous.

Cette fois c'est le téléphone. Lorna. Inutile de venir pour les courses. La voiture est à plat, morte. La batterie? Oui. Y a-t-il des câbles? Oui. On rapproche les deux voitures. Kendra, ne comprend trop se qui se passe, mais panique en sentant la nervosité des 2 femmes ouvrant le capot des voitures. Qui sait comment placer les câbles? Mais la sud africaine en a vu d'autres. Une première voiture démarre, et soudainement l'autre. Les yeux de Kendra s'illuminent, un large sourire triomphal se dessine, les deux poings s'agitent avec le pouce dressé au ciel: "On l'a! On l'a!"

Puis elle se tourne vers l'hôtesse avec cette tonalité de la voix qu'ont tous les enfants: "Tu sais, j'aurai bientôt 41 ans! Veux-tu venir à ma fête?"

Le récit de cette histoire réelle est une façon de paraphraser l’évangile : Jésus dit que la bonne nouvelle fait en quelque sorte mieux son chemin ailleurs que dans sa patrie, car elle requiert une ouverture du coeur que seuls souvent des étrangers sont capables d’avoir.

 

-André Gilbert, Gatineau, octobre 2000

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