Sybil 2002

Le texte évangélique

Jean 20, 19-31

19 Or le même jour, le premier de la semaine, alors que le soir était venu et que les portes avaient été fermées, là où s'étaient réfugiés les disciples par peur des Juifs, Jésus se rendit présent, debout, au milieu d'eux et leur dit: "Que la paix soit en vous!" 20 Et tout en disant cela, il leur montra ses mains et son côté. Voyant ainsi le Seigneur, les disciples furent pleins de joie. 21 Alors il leur dit de nouveau: "Que la paix soit en vous; de la même façon que le Père m'a envoyé en mission, moi aussi je vous envoie." 22 Et tout en disant cela, il souffla sur eux avec ces mots: "Recevez l'Esprit Saint. 23 S'il vous arrive de libérer quelqu'un de ses égarements, ceux-ci seront vraiment éliminés de sa vie devant Dieu. Par contre, s'il vous arrive de le laisser avec ses égarements, ceux-ci resteront avec lui devant Dieu."

24 Or, Thomas, un du groupe des Douze, celui que les gens appellent Didyme, n'était pas avec eux, quand Jésus fit sentir sa présence. 25 Alors les autres disciples lui dirent: "Nous avons vu le Seigneur!" Mais il leur dit: "À moins que je ne vois moi-même dans ses mains la marque des clous et que je ne mette le doigt dans la marque des clous et que je ne mette la main sur le côté de sa poitrine, je ne me mettrai pas à croire."

26 Voici que huit jours plus tard ses disciples se retrouvaient à l'intérieur du même endroit, avec Thomas cette fois. Jésus se rend présent alors que les portes sont fermées, debout, au milieu d'eux et leur dit: "Que la paix soit en vous!" 27 Ensuite, il s'adresse à Thomas: "Mets ton doigt ici et regarde mes mains, avance aussi ta main et pose-la sur le côté de ma poitrine, et cesse d'être incroyant, mais deviens un homme de foi." 28 Thomas réagit en disant: "Mon Seigneur et mon Dieu". 29 Jésus lui dit: "Toi, tu es devenu croyant parce que tu m'as vu. Quant à ceux qui sont devenus croyants sans avoir vu, qu'ils continuent, ils sont sur le chemin du bonheur."

30 Jésus a produit devant ses disciples encore beaucoup d'autres actions révélatrices de la présence de Dieu qui n'ont pas été consignés dans ce livre. 31 Mais ceux-là l'ont été afin que vous croyez que Jésus est le messie, le Fils de Dieu, et que par votre foi vous possédiez la vraie vie grâce à lui.

Des études

Ne crains pas, je suis là


Commentaire d'évangile - Homélie

Le difficile chemin de la paix

La liturgie d'aujourd'hui proclame cette parole de Jean: "Ce samedi soir là, au cours de la rencontre hebdomadaire de la communauté, alors que les disciples vivaient encore cloîtrés par peur des Juifs, ils font l'expérience d'une présence qui leur apporte une paix profonde. Quand cette paix donna naissance à la foi en celui qu'on avait crucifié et était mort, ils vécurent une joie indicible. Mais en même temps, ils reçoivent la mission de sortir de leur torpeur et d'amener les autres à la même foi, à la même paix, à la même joie, et par là à se libérer du monde des égarements et de la mort, afin de connaître ce qu'est la vie véritable. Ce cheminement de foi n'est pas évident, comme le montre Thomas, car il s'agit de la foi en un crucifié, i.e. de la découverte de la paix et de la joie par de là les souffrances et la mort."

Amis lecteurs, ce récit me pose un défi considérable tant du côté de sa compréhension et que de son appel à la foi. Il faut tout d'abord s'arracher à une lecture superficielle et de premier niveau, comme si l'évangéliste cherchait à me donner un reportage sur les capacités de Jésus ressuscité de traverser les murs, d'entendre les conversations de tout le monde, y compris celui de Thomas, et à me rappeler qu'il a donné aux 11 disciples immédiats le pouvoir d'entendre les confessions et de pardonner les péchés. Ce récit, comme l'exprime sa finale, s'adresse à nous tous, gens de tous les âges, afin que nous ayons la vie. Dans la mesure où il est tremplin d'une d'expérience de foi, le contenu du récit ne peut renvoyer simplement à une réalité passée, mais bien à des éléments présents qui me sont accessibles et que j'ai à découvrir. Voilà justement un défi considérable.

Nous savons qu'il existe une distinction entre la vie physique et la vie pleine d'une personne authentique: certains sont vivants, mais le coeur est mort, alors que d'autres, malgré une santé précaire, respirent le bonheur à plein nez. Quand Jésus parle de vie, je sais qu'il ne s'agit pas simplement de la vie physique, puisque lui-même est mort à cette vie physique.

Il existe aussi une distinction entre la paix dont parle les gens qui veulent "qu'on leur fiche la paix", i.e. qu'on ne les dérange pas, comme si la paix était absence de soucis, et la paix profonde manifestée par des gens au coeur de l'adversité, des soucis et de l'inconu, par exemple au moment de mourir. Jésus a dit à ses disciples: "Je vous laisse ma paix" (14, 27), et pourtant il a dû affronter l'incompréhension, les souffrances et la mort.

Il existe également une distinction entre la joie proclamée à la télévision par quelqu'un qui tient une bouteille de Coca Cola, et la joie profonde de quelqu'un qui a rencontré l'amour de sa vie. J'imagine que Jean donne un écho fidèle de la vie de Jésus quand il lui prête cette parole: "Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète".

Maintenant la grande question: "Où peut-on faire l'expérience de cette paix et de cette joie, et par là trouver la vie que les soucis, la souffrance et la mort physique ne peuvent atteindre? En fouillant dans ma propre expérience, il me revient un souvenir d'enfance: la nuit, alors que je commençais à succomber au sommeil, mon père avait l'habitude d'entrer doucement dans l'obscurité de la chambre pour s'assurer que le lit était bien bordée. Je me rappelle encore du sentiment de paix que je ressentais: quelqu'un veillait sur moi, j'étais protégé. De manière évidente, ce sentiment a marqué ma personnalité et les chemins de ma vie. Pourtant, vient un jour où tout cela est insuffisant pour faire face à certaines situations. Je ne peux expliquer dans le détail comment s'est fait le passage de ce sentiment né de l'enfance à ma foi actuelle en Quelqu'un qui veille sur moi et me protège en toutes situations, ou plutôt comment se fait chaque jour ce passage. Mais il reste que, sans cette perception d'être protégé et aimé, un être humain ne peut grandir à sa pleine dimension. Sans cette perception, il est difficile d'être libéré de tous ses esclavages, ses révoltes, ses rancoeurs, bref de ses péchés.

L'évangéliste me dit: "C'est Jésus de Nazareth qui m'a fait découvrir cette dimension du monde habitée par un Père aimant". Je sais que quelqu'un comme le Dalaï Lama, dont j'admire la paix et la joie, trouve autrement cette force sereine qui l'ouvre sur l'avenir. Ce qui m'apparaît fondamental toutefois, c'est que cette perception se fasse en intégrant toutes nos souffrances, toutes nos peurs, toutes nos guerres, tous nos morts, car notre foi est en la résurrection des morts, non en une vie sans mort. La foi en l'avenir se fait sans le contrôler: l'Esprit est comme le vent, tu entends sa voix, mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va. Voilà la difficulté que rencontre Thomas, et qui est peut-être la nôtre.

 

-André Gilbert, Gatineau, janvier 2001

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