![]() Sybil 1998 |
Le texte évangélique
Jean 14, 1-12 1 Ne soyez pas bouleversés. Faites confiance à Dieu, et faites-moi aussi confiance. 2 Dans le domaine de mon père, on trouve différentes demeures. Autrement, vous aurais-je dit que je m'en vais vous préparer une place? 3 Après être allé vous la préparer, je reviens de nouveau et alors je vous emmènerai avec moi, pour que là où je suis, vous y soyez également. Quant au lieu où je vais, vous en connaissez le chemin. 5 Thomas lui dit: «Maître, nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous en connaître le chemin? 6 Jésus lui répond: «Je suis à la fois le chemin, la vérité et la vie. Personne ne peut cheminer vers le Père, sinon en passant par moi. 7 Si vous m'avez vraiment connu, alors vous serez en mesure de connaître également mon Père. Mais, à partir de maintenant vous le connaissez, et même vous l'avez vu. 8 Philippe lui dit: «Maître, indique-nous où se trouve le Père, et ce sera suffisant pour nous.» Jésus lui répond: «Depuis tout le temps que je suis avec vous, tu n'as pas encore fait ma connaissance, Philippe? Celui qui m'a vu, a également vu le Père. Comment peux-tu dire: «Indique-nous où se trouve le Père. 10 Ne crois-tu pas que je suis uni au Père, et que le Père est uni à moi? Les paroles que je prononce ne viennent pas de moi-même. C'est le Père, qui m'habite, qui est à la source de ses propres actions. 11 Croyez-moi! Je suis uni au Père et le Père est uni à moi. Si ça vous pose problème, fiez-vous au moins aux actions elles-mêmes. Vraiment, je vous l'assure, celui qui croit en moi posera les mêmes actions que moi, et même il en posera de plus grandes, parce que je m'en retourne auprès du Père.» |
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Commentaire d'évangile - Homélie Le faux chemin de l'intégrisme Les événements du 11 septembre ont mis à l'avant-scène le problème de l'intégrisme. En particulier, sous nos yeux horrifiés, on voyait le chemin de mort où il conduisait. Pourtant, l'intégrisme est depuis toujours au milieu de nous. L'intégrisme racial a existé aux États-Unis et en Allemagne : on n'était vraiment homme que si on était blanc et de race aryenne. L'intégrisme religieux est toujours rampant. Il y a plusieurs années, j'ai été témoin dans mon milieu immédiat de l'influence des Bérets Blancs et des disciples de Mgr Lefebvre. À tous ces intégrismes, il y a une note commune: il n'existe qu'une seule façon d'être vraiment homme, comme il n'existe qu'une seule façon d'aller vers Dieu: c'est d'être musulman, ou c'est d'être catholique, ou c'est de suivre les règles ecclésiastiques d'autrefois, ou c'est de faire telle ou telle prière, telle ou telle pratique. Et cette rigidité devient un chemin de mort. Pourtant, quand on est sensible aux événements et ouvert à la vérité des choses, on se rend bien compte que la vie ne suit pas un parcourt linéaire. Je regarde mes deux filles qui essaient de s'intégrer dans la société actuelle: que c'est compliqué! On essaie une voie, puis une autre. Je vois des gens qui décrochent de leur enseignement secondaire, font des expériences de travail, puis reviennent à l'école. Je suis parfois dérouté par tous ces multiples chemins avec leurs méandres et leurs détours. Mais, en toute vérité, j'ai aussi mes propres détours. Dans tout ce contexte, c'est l'évangile de ce jour qui m'ouvre les perspectives les plus grandes et les plus émouvantes: "Dans le domaine de mon père, on trouve différentes demeures. Autrement, vous aurais-je dit que je m'en vais vous préparer une place?" N'oublions pas que, quelques instants auparavant, Jésus a annoncé à Pierre qu'il le trahirait. Cette trahison fait maintenant partie de sa biographie. Et pourtant, ce parcours le conduira tout de même sur un chemin de vie, vers cette demeure promise. Cette multiplicité des demeures ouvre la voie à la multiplicité des parcours, au mien, au tien, comme à celui de cette multitude qui habite notre planète. Il n'est pas évident d'ouvrir son esprit à des perspectives si larges. Les musulmans disent: "Le parcours, c'est le Coran". Les Juifs disent: "Le parcours, c'est la Tora". Les chrétiens disent: "Le parcours, c'est le Nouveau Testament". Que dit donc Jésus? Il dit: "Je suis le chemin, la vérité, la vie". Je souligne ici 2 mots : "Je" et "suis". Le "je" est une personne, non un texte figé dans le temps. Une personne est mouvement et vie. Il est aussi une direction. Mais une direction ouvre la place à plusieurs chemins dans le même sens, il ouvre la place à l'évolution et à la conversion. Vous-même, quand vous pensez à Jésus, vous pensez probablement à amour, à compassion, à appel, que sais-je? Mais ces termes prennent aujourd'hui une connotation différente de celle d'hier, et ils en auront une différente demain, parce que vous ne vivrez pas la même chose. Le fait d'être lié affectivement à une personne, non à un texte, donne la motivation nécessaire pour se mettre en marche. Un Musulman ne pourrait-il vivre quelque chose de semblable avec Allah à travers Mahomet, tout comme un Juif avec Yahvé à travers Moïse? Le "suis" renvoie à un éternel présent. Il ne s'agit plus du Jésus du passé, qui a circulé sur les routes de Palestine. Il s'agit bel et bien de celui qui est présentement vivant, auquel j'ai accès, dans la mesure où je crois. En rapport avec cette réflexion, je me suis posé une question: "Quand je regarde l'ensemble de ma vie, quel est le moment le plus intéressant?" Mon premier travail? Non. Mon premier amour? Même pas. Le moment le plus intéressant de ma vie, c'est le moment présent, et j'espère pouvoir dire dans 5 ou 10 ans, si je suis encore vivant, c'est encore le moment présent. Car le moment présent est le seul sur lequel j'ai prise. Le passé est déjà vécu, et l'avenir m'échappe en partie. Aussi quand Philippe pose à Jésus la question: "Seigneur, indique-nous où se trouve le père, et ce sera suffisant pour nous", celui-ci répond: "Depuis tout le temps que je suis avec vous, tu n'as pas encore fait ma connaissance, Philippe?" Pourquoi chercher Dieu dans le ciel d'un futur ou d'un passé lointain? Je crois au plus profond de moi que la vie débouche sur des dimensions inimaginables, mais ces dimensions inimaginables sont déjà enracinées dans mon présent, dans la mesure où je suis capable de m'y ouvrir. Malheureusement, les diverses formes d'intégrisme se sont refermées sur des textes morts et un passé qu'on idéalise. À la question: "Quel est le moment le plus intéressant?", on répond: l'époque de David, l'époque de Mahomet, l'apogée du 12e siècle, l'époque de Pie XII, la période où il n'y avait pas tous ces étrangers et ces immigrants. Pâques a d'abord été la victoire sur la mort venue d'un monde sclérosé sur le texte de la loi et une vision de la société et du temple, elle est pour nous l'espoir d'une victoire sur toute mort venue de l'intégrisme tant religieux que civil.
-André Gilbert, Gatineau, janvier 2002 |
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