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Sommaire
Ce nest quà la fin du 19e siècle que sont apparues des études critiques sur le récit de la passion, en particulier du récit de la séance du Sanhédrin. On a alors commencé à mettre en doute sa valeur historique, ce qui a entraîné un vif débat. Aujourdhui trois positions se démarquent : 1) la séance du Sanhédrin nest quune copie du procès devant Pilate, 2) la séance du Sanhédrin combine deux récits différents, 3) le récit actuel est une glose sur un récit préévangélique.
Comme il ny a pas de consensus dans la façon de reconstituer le récit préévangélique, il vaut mieux partir des récits évangéliques et de retrouver les faits indiscutables quils ont en commun. De là se dégage une tradition qui contient une séance du Sanhédrin et une accusation concernant le temple, linterrogatoire par le grand prêtre avant sa remise aux autorités romaines, la question de sa messianité et de son identité comme fils de Dieu, à laquelle se rattache la question du blasphème. Il faut en déduire que Jésus était connu depuis longtemps, avant même sa dernière semaine à Jérusalem, et avait déjà suscité lhostilité des autorités juives, surtout par sa prédication et ses actions dans lenceinte du temple. Son sort avait été déterminé par une séance du Sanhédrin qui nétait pas un procès au sens technique et où Jésus nétait pas présent. Son arrestation a lieu au Mont des oliviers à laide de Judas. Un interrogatoire suit au palais du grand prêtre avant sa remise aux autorités romaines. Les discussions sur sa messianité et son statut de fils de Dieu est le reflet des controverses chrétiennes avec les juifs autour de lan 40 ou 50. Le fait dadmettre une telle séquence préévangélique permet de mieux comprendre le travail de Marc qui a cousu ensemble des récits différents, afin de proposer un récit catéchétique facile à comprendre et que les gens pourraient mémoriser.
- Le développement des études érudites et les approches courantes
- Les facteurs communs dans les évangiles
- La méthode
- Les faits communs qui sont indiscutables
- Proposition sur la séquence dun évangile préexistant
- La valeur de cette proposition
- Le développement des études érudites et les approches courantes
- Ce sont dabord les historiens juifs qui ont commencé à mettre en doute le portrait que donne Marc du procès devant le Sanhédrin. Mais le premier traitement complet et critique provint de W. Brandt, en 1893, avec son livre : Die evangelische Geschichte und der Ursprung des Christenthums (Lhistoire des évangiles et les origines du christianisme). Les études allemandes prirent alors deux directions : les unes trouvant chez Marc le noyau historique de base, les autres le trouvant chez Luc. Mais cest en 1931 que survint un développement majeur avec H. Lietzmann, Der Prozess Jesu (Le procès de Jésus). Selon lui, Marc 14, 55-64 (les faux témoins qui se contredisent, laccusation de destruction du temple, lexpression de foi dans la bouche du grand prêtre, la question du blasphème) nest pas historique, mais plutôt une insertion de lévangéliste. Il y a bien eu un procès romain, mais les chrétiens ont ajouté un procès religieux, car ils considéraient que lenjeu était avant tout religieux.
- Comme on peut limaginer, un débat très vif sen suivit. Certains (Goguel) ont argumenté que laccusation de destruction du temple ne peut être une invention chrétienne, tout comme laffirmation sur la messianité qui est trop élémentaire, et que le procès juif se justifierait par le besoin de Pilate davoir des appuis. Dautres (Dibelius) ont proposé lidée que Marc a utilisé un récit préexistant, mais qui navait pas de valeur historique. Le débat sest poursuivit après la dernière guerre avec la remarque (Burkill) que Marc 15, 1 (Et aussitôt, le matin, les grands prêtres préparèrent un conseil avec les anciens, les scribes, et tout le Sanhédrin; puis, après avoir ligoté Jésus, ils lemmenèrent et le livrèrent à Pilate) semble ignorer le procès qui vient davoir lieu; Marc y apparaît comme un rédacteur incompétent qui ne voit pas ses contractions. Tout cela a provoqué beaucoup de réactions de la part de biblistes qui ont cherché à démontrer la valeur historique du récit (Blizler, K. Schubert).
- Aujourdhui on tend à séloigner du débat sur lhistoricité pour se concentrer sur les techniques de composition de Marc. Voici les trois positions les plus importantes sur le procès devant le Sanhédrin.
- Une composition à partir du procès devant Pilate
Il y a une grande similarité entre les deux procès (14, 55-64 et 15, 2-5) : les accusations de témoins externes, la présence dun interrogateur principal qui pose des questions semblables et reçoit des réponses semblables. Cependant il faut être prudent dans les conclusions quon peut en tirer, puisquon peut établir un parallèle semblable avec le reniement de Pierre.
- La combinaison de deux récits
On aurait deux récits (les faux témoins et la destruction du temple : 14, 57-59; linterrogatoire du grand prêtre : 61b-62) qui auraient été combinés, doù limpression de duplication. Mais les tenants de cette position échouent à bien évaluer les techniques de composition propres à Marc, comme sil avait trouvé tout faits ces deux récits et se serait contenter de prolonger ces thèmes dans le reste de lévangile.
- Une glose ou commentaire provenant dun récit antérieur
La difficulté de cette position est détablir quest-ce qui vient de la tradition antérieure et quest-ce qui a été ajouté par lévangiles. Sur ce point, il y a beaucoup de théories, les unes plus complexes que les autres, et aucun consensus. Nommons quelques biblistes : Pesch, Benoit et Boismard, Donahue, Gnilka, Lürhrmann.
- Les facteurs communs dans les évangiles
- La méthode
Comme la reconstruction dun évangile préexistant ne reçoit aucun consensus, il vaut mieux demeurer au niveau des évangiles actuels et travailler avec ce quils ont en commun. Cette méthode offrira un guide pour déterminer ce qui les a précédés. On reconnaît généralement que Marc et Jean sont indépendants et ne se connaissaient pas. Mais même en acceptant que Matthieu et Luc sont dépendants de Marc, on peut admettre quils pouvaient être conscients dune tradition préévangélique au moment où ils copiaient Marc.
- Les faits communs qui sont indiscutables
- Les quatre évangiles parlent dune session du sanhédrin et laccusation que Jésus causerait une destruction du temple a occupé une place importante. La seule différence est que pour Jean et Luc (voir le récit sur Étienne dans les Actes) Jésus nétait pas présent, et chez Marc cette accusation est apportée par dautres. La session se termine avec une décision de le mettre à mort.
- Dans les quatre évangiles Jésus est questionné par ses contemporains juifs sur sa messianité. Nulle part il la nie : la réponse est affirmative chez Marc, affirmative avec une nuance chez Matthieu, évasive chez Luc et Jean. Cette question est liée à celle de sa qualité de fils de Dieu, qui reçoit une réponse affirmative chez Marc, Jean et Luc, une réponse nuancée chez Matthieu. Les quatre évangiles contiennent une affirmation sur le fils de lhomme qui ajoute une dimension "glorifiée" aux titres de messie et de fils de Dieu. Et la réaction où on voit un blasphème autour de lun ou lautre de ces titres apparaît également dans les quatre évangiles.
- Les quatre évangiles parlent dun interrogatoire avec Jésus avant sa remise aux Romains. Chez Marc/Matthieu et Jean, elle est menée par le grand prêtre, chez Luc par le Sanhédrin au petit matin. De même, les quatre évangiles mentionnent un mauvais traitement que doit subir Jésus la nuit de son arrestation. Chez Marc/Matthieu et Jean, ils se produisent après son interrogatoire, avant chez Luc. Les synoptiques y joignent des moqueries sur Jésus prophète, qui sont absents chez Jean.
- Proposition sur la séquence dun évangile préexistant
Le fait de parler dune séquence dans le matériel préexistant, quauraient réarrangé les évangélistes selon leur propos théologique, nimplique pas quon est devant des événements historiques, mais plutôt devant des récits qui sont plus près des événements eux-mêmes que les récits évangéliques
- Daprès la tradition préévangélique, quand Jésus est venu à Jérusalem à la fin de la vie, il était déjà connu chez les Jérusalémites et déjà détesté par les autorités religieuses. Et ce fut sa prédication et son action dans lenceinte du temple, incluant son geste de purification et lallusion à sa destruction qui furent le catalyseur de lhostilité des autorités religieuses. Le récit de Marc où Jésus passe tout son ministère en Galilée et ne va à Jérusalem quà la fin de sa vie est une simplification; dailleurs, pour Jean et même Luc (voir 13, 34) Jésus est allé plusieurs fois à Jérusalem.
- Dans la dernière période de sa vie que Jésus passe à Jérusalem, une session du Sanhédrin est convoquée pour décider de son sort. On discute de la menace quil représente pour le temple, sans quil sagisse dun procès au sens technique. Une décision est prise de le mettre à mort, et donc on planifie de le remettre au gouverneur romain.
- Au moment où se forme la tradition préévangélique dans la décennie qui suit la résurrection de Jésus, le débat fait rage entre Juifs et Chrétiens sur la messianité de Jésus et son titre de fils de Dieu. Ce débat déteint sur le récit de passion en associant le titre de messie à celui de fils de Dieu, et en présentant un Jésus qui ne nie pas sa messianité et affirme être fils de Dieu, et cela conduirait à sa mort; car lassociation des deux titres à la personne de Jésus était perçue comme blasphématoire. Mais il ny a pas dunanimité pour déterminer si cela a fait lobjet de la discussion au sein du Sanhédrin ou appartient plutôt à latmosphère générale qui a amené le Sanhédrin à agir.
- Enfin, avec laide de Judas, on sest saisi de Jésus au Mont des oliviers et on la amené au palais du grand prêtre pour y être interrogé, avant dêtre remis aux Romains. On sest souvenu que les disciples nétaient pas là pour le soutenir, et que même Pierre la renié. Jésus devenait dès lors une figure solitaire et quil fut battu par ceux qui le gardaient captif.
- La valeur de cette proposition
- Cette proposition rend plus intelligible la façon dont les évangélistes ont refaçonné la tradition quils ont reçue. Jean a gardé la simplicité de linterrogatoire. Marc, suivi par Matthieu et en partie par Luc, a combiné avec linterrogatoire des échos dune session du Sanhédrin qui a eu lieu plus tôt et où sest décidé le sort de Jésus, entraînant par la suite son arrestation. Cette combinaison expliquerait les bizarreries du récit actuel comme laccusation concernant le sanctuaire qui apparaît à la 3e personne et à laquelle Jésus ne répond pas, ou encore comme laccusation de blasphème reliée aux titres de messie/fils de Dieu qui est au coeur de linterrogatoire, et qui napparaît plus dans le procès romain.
- Ces bizarreries sont apparues par le fait de mettre ensemble des incidents qui étaient séparés dans la tradition. Mais alors pourquoi Marc a-t-il fait cela? Cétait probablement pour lui une façon de simplifier les choses afin de soutenir son propos catéchétique. Ce point est tout à fait sa signature pour lensemble de son évangile. Pourquoi ne pas réunir des items disparates, mais qui ont un thème commun, afin de créer un effet dramatique que les chrétiens comprendront facilement, et retiendront dans leur mémoire. Cest ce quil avait déjà fait au début de son évangile en réunissant des guérisons et des controverses pour créer une journée typique de Jésus, ou encore en réunissant une partie des paraboles de Jésus.
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