|
- Analyse de la structure du récit
Le texte proposé pour la liturgie commence au v. 11, mais pour bien comprendre ce récit il faut commencer au v. 10. Sa structure est très simple.
Introduction : contexte et lieu géographique
-v.10 Les disciples reviennent de mission et Jésus organise avec eux une forme de retraite dans un lieu désert près de la ville de Bethsaïda.
- Jésus enseigne et guérit
-v.11a Les foules sont à sa recherche et le trouve
-v.11b Jésus accueille les foules en donnant un enseignement sur le monde de Dieu
-v.11c Jésus guérit ceux qui en ont besoin
- Jésus nourrit le soir la foule par lintermédiaire des disciples
- Présentation du problème par les Douze
-v.12 Cest le soir et lendroit est désert, et les gens ont besoin de manger
- Solution proposée par Jésus
-v.13a Que les Douze nourrissent eux-mêmes la foule
- Objection des Douze
-v.13b Nous navons pas ce quil faut pour nourrir la foule
-v.14a Il y a 5 000 personnes
- Action de Jésus
- v.14b Jésus demande aux Douze de faire asseoir la foule par groupe de cinquante
- v.15 Action complétée par les Douze
- v.16 Jésus bénit les pains et les poissons, les rompt, les donne aux Douze pour quils les offrent à la foule
- Résultat
- v.17a La foule est complètement rassasiée
- v.17b On emporte 12 paniers de nourriture qui restait
- Il est important de commencer lanalyse de la structure du récit au v.10 avec le retour de mission des Douze. Car ce sont eux, les Douze, qui sont au centre du récit. Avez-vous remarqué quil y a aucune parole provenant de la foule? Elle nest là que pour permettre aux Douze de poursuivre leur mission. Le v.10 mentionne que les Douze reviennent de mission, et devant le problème posé par une foule qui a faim, Jésus répond aux Douze de résoudre le problème, et finalement ce sont eux qui feront asseoir la foule et distribueront la nourriture. Bref, la mission des Douze se prolonge avec notre récit.
- Il y a un lien entre A (Jésus enseigne et guérit) et B (Jésus nourrit la foule). B est le prolongement de A : Jésus nourrit la foule de diverses manières, par son enseignement, ses guérisons et de la nourriture physique. Le chemin est tracé pour les Douze qui sont appelés à prolonger cette action.
- On se réfère habituellement à ce récit en parlant de miracle de la multiplication des pains. Pourtant on ne retrouve pas les cinq étapes habituelles dun récit de miracle : 1) un requérant qui présentation son problème; 2) attitude de foi; 3) parole de Jésus; 4) confirmation dun résultat extraordinaire; 5) réaction de lauditoire. Dans notre récit nous navons pas les étapes 1, 2 et 5 : il ny a pas de requérant qui présente à Jésus son problème et lui demande dagir, il ny a aucune expression dune attitude de foi de la part des Douze ou de la foule, et de manière surprenante, personne nest impressionné à la fin devant les résultats extraordinaires, pas même les Douze.
- Analyse du contexte
Il nest pas facile de délimiter le contexte plus large du récit. Bien souvent, on utilise des indications de temps. Dans notre cas, nous utiliserons lexpression « Or, un jour » de Luc 8, 22, pour marquer le début du contexte large, et lexpression « Or, comme arrivait le temps » de Luc 9, 51 pour en marquer la fin et le début dun autre. Examinons donc ce contexte très large en parcourant la séquence des récits.
- Jésus apaise une tempête (Luc 8, 22-25)
- Les disciples et Jésus passent en barque du côté ouest du lac de Galilée à son côté est
- Un tourbillon de vent sabat sur la barque et la menace
- Les disciples réveillent Jésus pour linformer du danger
- Jésus menace le vent et les vagues sapaisent
- Jésus leur reproche leur manque de foi et les disciples sinterrogent sur lidentité de Jésus
- Exorcisme de Jésus en pays païen (Luc 8, 26-39)
- Un homme possédé de démons vient à leur rencontre quand ils descendent de la barque au pays des Gergéséniens
- Négociations de lhomme et ses démons avec Jésus au moment où celui-ci fait lexorcisme : les démons ne veulent pas retourner dans labîme mais préfèrent entrer dans les porcs
- Les démons entrent dans les porcs, qui eux se précipitent du haut de lescarpement dans le lac et sy noient
- Saisie par la crainte, la population demande à Jésus de séloigner deux
- Jésus et les disciples remontent en barque et sen retournent
- Lancien possédé veut suivre Jésus, mais celui-ci lui propose plutôt de retourner chez lui pour rendre témoignage
- Guérison dune femme et ressuscitation de la fille de Jaïre (Luc 8, 40-56)
- À son retour, un chef de synagogue, Jaïre, supplie Jésus de venir chez lui guérir sa fille unique de douze ans qui est mourante
- En route vers la maison de Jaïre, une femme, souffrant dhémorragies depuis douze ans, touche par derrière à la frange de son vêtement et est instantanément guérie
- Jésus demande qui la touché et la femme avoue en tremblant son geste et sa guérison
- Jésus lui dit que cest la foi qui la sauvé
- En arrivant chez Jaïre, on linforme que la fille est morte et que tout est inutile, mais Jésus invite Jaïre à la foi, entre dans la maison avec Pierre, Jean et Jacques et ressuscite la jeune fille
- Les parents sont bouleversés, mais Jésus les invite au silence
- Mission des Douze (Luc 9, 1-6)
- Jésus envoie les Douze proclamer le Règne de Dieu (monde de Dieu) et guérir les maladies
- Il leur demande de partir sans provision ou argent et avec le minimum de vêtement, et de compter sur lhospitalité des gens
- Interrogation dHérode Antipas sur lidentité de Jésus (Luc 9, 7-9)
- Devant lévénement Jésus, Hérode est perplexe et se pose des questions sur son identité
- Jésus nourrit la foule (Luc 9, 10-17)
- De retour de mission, les Douze et Jésus se retirent sans dans un lieu désert autour de la ville de Bethsaïda, dans la partie orientale du lac
- Alors quil est tard et que la foule doit manger, Jésus propose aux Douze de nourrir eux-mêmes la foule
- Jésus prend les 5 pains et les 2 poissons, les bénit et les rompt, et demande aux Douze de les offrir à la foule qui sen trouve rassasiée
- Profession de foi de Pierre et première annonce de sa passion (Luc 9, 18-22)
- Dans un moment de prière Jésus interroge ses disciples sur son identité
- Pierre répond quil est le messie de Dieu
- Jésus demande aux disciples de garder le secret et annonce quil devra souffrir et mourir avant de ressusciter
- La condition du disciple (Luc 9, 23-27)
- Le disciple est celui qui prend sa croix chaque pour suivre Jésus et accepte de perdre sa vie
- Le disciple na jamais honte de Jésus et de ses paroles
- Lexpérience dun Jésus transfiguré (Luc 9, 28-36)
- Huit jours plus tard, Pierre, Jean et Jacques accompagnent Jésus dans sa prière sur une montagne
- Pendant la prière, les disciples font lexpérience dun Jésus transfiguré et accompagné de Moïse et Élie, discutant de sa passion et mort prochaine
- Pierre veut prolonger lexpérience, quand une nuée les recouvre et une voix leur dit découter celui qui est le Fils aimé et lélu de Dieu
- Les disciples garderont silence par la suite sur cette expérience
- Un exorcisme de Jésus (Luc 9, 37-43)
- Descendus de la montagne le jour suivant, une foule les attend et surtout un homme demande à Jésus de guérir son fils possédé que ses disciples nont pas réussi à guérir
- Après reproché aux gens leur manque de foi, Jésus fait lexorcisme
- Les gens sont frappés par la grandeur de Dieu
- Deuxième annonce de sa passion (Luc 9, 44-45)
- Alors que les gens sémerveillent des actions de Jésus, celui-ci avertit ses disciples quil se fera arrêter
- Attitude du vrai disciple : sidentifier au plus petit (Luc 9, 46-48)
- Aux disciples qui se demandent qui est le plus grand, Jésus répond en sidentifiant à un enfant et en demandant de laccueillir, car le plus grand est celui qui est le plus petit
- Attitude du vrai disciple : ne pas empêcher le bien fait par les autres (Luc 9, 49-50)
- À Jean qui a voulu empêcher quelquun en dehors du groupe de faire exorcismes, Jésus répond que quiconque nest pas un adversaire est en fait un partenaire
- Faisons quelques commentaires. Lune des sources utilisée par Luc est lévangile de Marc. Quand on compare la séquence des récits dans les deux évangiles, on note que les récits de Marc, dans le contexte que nous avons établi, sont présentés par Luc dans le même ordre :
- Le récit de la (A) tempête apaisée suit lenseignement de Jésus sur les paraboles, puis viennent (B) lexorcisme au pays des Gergéséniens, (C) la guérison de la fille de Jaïre et de lhémorroïsse, (D) lenvoie en mission des Douze, (E) linterrogation dHérode Antipas sur lidentité de Jésus, (F) la multiplication des pains, (G) la profession de foi de Pierre et 1ière annonce de la passion, (H) lenseignement sur la condition du disciple, (I) le récit de la transfiguration, (J) un exorcisme de Jésus, (K) une 2e annonce de sa passion, lenseignement sur lattitude du vrai disciple qui (L) sidentifie aux plus petits et (M) nempêchent pas les autres dagir même sils ne sont pas du groupe.
- Il est donc clair que Luc copie Marc, même sil modifie souvent ce quil utilise. Cependant, tout aussi révélatrice est la liste des récits de Marc que Luc na pas cru bon dinclure dans son évangile. La voici :
- Cette comparaison des contextes de Luc et Marc révèle un autre point très important. Alors que la section Mc 4, 35 9, 50, utilisée par Luc, contient neuf changements géographiques entre lest et louest du lac de Galilée, Luc limite ces changements à trois : après lenseignement de Jésus en paraboles sur le côté ouest du lac, on se rend sur la rive ouest (tempête apaisée) au pays des Géraséniens où Jésus fait un exorcisme, puis on revient sur la rive occidentale où il ressuscite la fille de Jaïre et guérit lhémorroïsse, puis envoie les Douze en mission, et enfin, au retour de mission on se retire sur la rive nord du lac, près de Bethsaïda, et cest là quaura lieu le récit de la multiplication des pains. Dès lors, chez Luc, il ny aura plus de mention dun retour quelconque sur la rive occidentale du lac jusquà la fin de son évangile. Et cest ainsi que le récit de la multiplication des pains chez Marc a lieu sur la rive occidentale du lac, le même récit chez Luc a lieu sur la rive orientale du lac. Voici la carte des déplacements de Jésus selon Luc et Marc.
Les déplacements de Jésus selon Luc |
Les déplacements de Jésus selon Marc pour la même période |
 |
 |
0. Jésus parle en paraboles à Capharnaüm (Lc 8, 4-21)
1. Jésus apaise la tempête en se rendant à Gérasa (Lc 8, 22-39)
2. Retour à Capharnaüm pour guérir la fille de Jaïre et lhémorroïsse (Lc 8, 40 - 9, 6)
3. Retrait dans un lieu désert près de Bethsaïda (multiplication des pains: 5 pains et 2 poissons pour nourrir 5,000 personnes) (Lc 9, 10-50) |
0. Jésus parle en paraboles à Capharnaüm (Mc 4, 1-34)
1. Jésus apaise la tempête en se rendant à Gérasa (Mc 4, 35 - 5,20)
2. Retour à Capharnaüm pour guérir la fille de Jaïre et lhémorroïsse (Mc 5, 21-43)
3. Jésus se rend dans sa patrie, à Nazareth (Mc 6, 1-13)
4. Retrait dans un lieu désert sur la rive ouest (1ière multiplication des pains: 5 pains et 2 poissons pour nourrir 5,000 personnes) (Mc 6, 31-44)
5. Jésus marche sur leau pour rejoindre des disciples en route vers Bethsaïde (Mc 6, 45-52)
6. En arrivant à Bethsaïde, on se retrouve mystérieusement à Gennésareth (Mc 6, 53 - 7, 23)
7. Jésus se rend dans la région de Tyr (guérison de la fille dune païenne) (Mc 7, 24-30)
8. Retour dans la région du lac de Galilée en passant par la Décapole (2e multiplication des pains: 7 pains pour nourrir 4,000 personnes)(Mc 7, 31 - 8, 9)
9. Jésus monte en barque et se rend dans la région de Dalmanoutha, ville inconnue (Mc 8, 10-21)
10. Il se rend avec ses disciples à Bethsaïde (Mc 8, 22-26)
11. En route vers Césarée de Philippe, Pierre professe sa foi en Jésus messie (Mc 8, 27 - 9, 29)
12. Jésus traverse la Galilée et revient à Capharnaüm (Mc 9, 30-50)
|
- Enfin, examinons lorganisation de la séquence des récits de Luc dans le contexte que nous découpé.
- Tout dabord, le récit de la tempête apaisée marque le début dune nouvelle séquence de récits avec lexpression « Or, il advint un jour », alors que Marc tient plutôt à garder un lien avec ce qui précède avec lexpression « Ce jour-là, le soir venu ».
- Le récit de la tempête apaisée est suivi du récit de trois interventions de Jésus : un exorcisme (au pays des Géraséniens), une ressuscitation (la fille de Jaïre), une guérison (lhémorroïsse). Puis cest lenvoie des Douze en mission où Jésus leur donne puissance sur les démons et la maladie, et leur demande de proclamer le Royaume de Dieu et de faire des guérisons : en dautres mots, Jésus leur demande de poursuivre son travail.
- Puis cest le récit de la multiplication des pains où les disciples sont invités à nourrir eux-mêmes la foule. Cette scène est suivie par le récit de la confession de Pierre qui représente à la fois un sommet dans la reconnaissance de lidentité de Jésus et la foi des disciples, et lannonce du début de la fin avec la mention de la mort de Jésus. En situant le récit de la multiplication des pains en sandwich entre lenvoie en mission et la confession de Pierre, Luc nous situe plus fortement dans « laprès Jésus de Nazareth »: nous sommes après Pâques, Jésus est ressuscité et les disciples ont pris la relève. Dailleurs, par la suite, les deux thèmes que sont le vrai disciple et la mort prochaine de Jésus dominent la séquence.
- Lc 9, 50 marque non seulement la fin du contexte que nous avons découpé, mais cest ici que Luc cesse dutiliser le texte de Marc et sa séquence, et cela jusquau moment où Jésus arrive près de Jéricho, avant dentrer à Jérusalem où il sera arrêté. Cette longue séquence qui sétend jusquà Lc 18, 14 contient surtout du matériel propre à Luc et quelques passages tirés de la source Q. Elle est centrée sur un enseignement destiné aux disciples, dans un contexte où Jésus est en marche vers Jérusalem, lieu de sa mort.
- Que conclure de cette analyse du contexte du récit de la multiplication des pains? Luc a clairement voulu mettre laccent sur les Douze et leur rôle. Jésus a cessé de faire de guérisons avec Lc 8, 56, et envoie les Douze en mission avec la même capacité de faire des guérisons (Lc 9, 1). La scène de la multiplication des pains nest là que pour poursuivre cette description de leur rôle (« Donnez-leur vous-même à manger »), même sils ne pourront laccomplir quavec la présence de Jésus. Laccent sur les Douze se poursuit après cette scène avec lexpression de la foi de Pierre en Jésus : les Douze et tous les disciples ne pourront accomplir leur mission quen ayant la même foi. Ainsi, cette scène de la multiplication des pains ne se comprend que dans le contexte de la mission du disciple qui a la capacité de faire la même chose que Jésus, dans la mesure où il est habité par la même foi que Pierre.
- Analyse des parallèles
En souligné les bouts de phrase identiques et en italique les bouts différents. En rouge, les passages communs à Luc et Matthieu, et parfois également Jean. En bleu, les passages communs à Marc et Matthieu dans la 2e multiplication des pains.
Mc 6, 32-44 |
Mt 14, 13-21 |
Lc 9, 10b-17 |
Jn 6, 1-13 |
Mc 8, 1-10 |
Mt 15, 32-39 |
Introduction: situation géographique |
32 Ils (Jésus et les apôtres) partirent donc dans la barque vers un lieu désert, à lécart. |
13 Layant appris (la mort de Jean Baptiste), Jésus se retira en barque dans un lieu désert, à lécart; |
Les (apôtres) prenant alors avec lui, il séloigna à lécart, vers une ville appelée Bethsaïde. |
1 Après cela, Jésus sen alla de lautre côté de la mer de Galilée ou de Tibériade. |
|
|
Action de la foule |
33 Les voyant séloigner, beaucoup comprirent, et de toutes les villes on accourut là-bas, à pied, et on les devança. |
ce quapprenant, foules partirent à sa suite, venant à pied des villes. |
11 Mais les foules, ayant compris, partirent à sa suite. |
2 Une grande foule le suivait, à la vue des signes quil opérait sur les malades. |
|
|
Attitude de Jésus et des disciples |
34 En débarquant, il vit une foule nombreuse et il en eut pitié, parce quils étaient comme des brebis qui nont pas de berger, et il se mit à les enseigner longuement.
35 Lheure étant déjà très avancée, ses disciples sapprochèrent et lui dirent: "Lendroit est désert et
lheure est déjà très avancée;
36 renvoie-les afin quils aillent dans les fermes et les villages dalentour sacheter de quoi manger."
|
14 En débarquant, il vit une foule nombreuse et il en eut pitié; et il guérit leurs infirmes.
15 Le soir venu, les disciples sapprochèrent et lui dirent: "Lendroit est désert et lheure est déjà
passée; renvoie donc les foules afin quelles aillent dans les villages sacheter de la nourriture."
|
Il leur fit bon accueil, leur parla du Royaume de Dieu et rendit la santé à ceux qui avaient besoin de guérison.
12 Le jour commença à baisser. Sapprochant, les Douze lui dirent: "Renvoie la foule, afin quils aillent
dans les villages et fermes dalentour pour y trouver logis et provisions, car nous sommes ici dans un endroit désert.
|
3 Jésus gravit la montagne et là, il sassit avec ses disciples.
4 Or la Pâque, la fête des Juifs, était proche.
5 Levant alors les yeux et voyant quune grande foule venait à lui, Jésus dit à Philippe: "Où achèterons-nous
des pains pour que mangent ces gens?
6 Il disait cela pour le mettre à lépreuve, car lui-même savait ce quil allait faire.
|
1 En ces jours-là, comme il y avait de nouveau une foule nombreuse et quils navaient pas de quoi
manger, il appela à lui ses disciples et leur dit:
2 "Jai pitié de la foule, car voilà déjà trois jours quils restent auprès de moi et ils nont pas de quoi
manger.
3 Si je les renvoie à jeun chez eux, ils vont défaillir en route, et il y en a parmi eux qui sont venus de
loin."
|
32 Jésus, cependant, appela à lui ses disciples et leur dit: "Jai pitié de la foule, car voilà déjà trois
jours quils restent auprès de moi et ils nont pas de quoi manger. Les renvoyer à jeun, je ne le veux pas: ils
pourraient défaillir en route."
|
Demande de Jésus |
37 Il leur répondit: "Donnez-leur vous-mêmes à manger. |
16 Mais Jésus leur dit: "Il nest pas besoin quelles y aillent; donnez-leur vous-mêmes à manger -- |
13 Mais il leur dit: "Donnez-leur vous-mêmes à manger." |
|
|
|
Objection des disciples |
Ils lui disent: "Faudra-t-il que nous allions acheter des pains pour deux cents deniers, afin de leur donner à manger? |
17 "Mais, lui disent-ils, nous navons ici que cinq pains et deux poissons. |
Ils dirent: "Nous navons pas plus de cinq pains
et de deux poissons. A moins peut-être daller nous-mêmes acheter de la nourriture pour tout ce peuple. 14 Car il y avait bien 5.000 hommes. |
7 Philippe lui répondit: "Deux cents deniers de pain ne suffisent pas pour que chacun en reçoive un petit morceau. |
4 Ses disciples lui répondirent: "Où prendre de quoi rassasier de pains ces gens, ici, dans un désert? |
Les disciples lui disent: "Où prendrons-nous, dans un désert, assez de pains pour rassasier une telle foule? |
Enquête sur les provisions |
38 Il leur dit: Combien de pains avez-vous? Allez voir." Sen étant informés, ils disent: "Cinq, et deux
poissons. |
Il dit:
18 "Apportez-les moi ici. |
|
8 Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit:
9 Il y a ici un enfant, qui a cinq pains dorge et deux poissons; mais quest-ce que cela pour tant de monde? |
5 Et il leur demandait: "Combien avez-vous de pains" - "Sept", dirent-ils. |
34 Jésus leur dit: "Combien de pains avez-vous" - "Sept, dirent-ils, et quelques petits poissons. |
Jésus organise la logistique |
39 Alors il leur ordonna de les faire tous sétendre par groupes de convives sur lherbe verte. 40 Et ils sallongèrent à terre par carrés de cent et de cinquante. |
19 Et, ayant donné lordre de faire étendre les foules sur lherbe, |
Mais il dit à ses disciples: "Faites-les sétendre par groupes dune
cinquantaine. 15 Ils agirent ainsi et les firent tous sétendre. |
10 Jésus leur dit: "Faites sétendre les gens." Il y avait beaucoup dherbe en ce lieu. Ils sétendirent donc, au nombre denviron 5.000 hommes. |
6 Et il ordonne à la foule de sétendre à terre; |
35 Alors il ordonna à la foule de sétendre à terre; |
Jésus rompt le pain et le fait distribuer |
41 Prenant alors les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux au ciel, il bénit et rompit les pains,
et il les donnait à ses disciples pour les leur servir. Il partagea aussi les deux poissons entre tous. |
il prit les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux au ciel, bénit, puis, rompant les pains, il les donna aux disciples, qui les donnèrent aux foules. |
16 Prenant alors les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux au ciel, les bénit, les rompit et il les donnait aux disciples pour les servir à la foule. |
11 Alors Jésus prit les pains et, ayant rendu grâces, il les distribua aux convives, de même aussi pour les poissons, autant quils en voulaient. |
et, prenant les sept pains, il rendit grâces, les rompit et il les donnait à ses disciples pour les servir, et ils les servirent à la foule. 7 Ils avaient encore quelques petits poissons; après les avoir bénis, il dit de les servir aussi.
|
36 puis il prit les sept pains et les poissons, rendit grâces, les rompit et il les donnait à ses disciples, qui les donnaient à la foule. |
Résultat de laction de Jésus |
42 Tous mangèrent et furent rassasiés; 43 et lon emporta les morceaux, plein douze couffins avec les restes des poissons. 44 Et ceux qui avaient mangé les pains étaient 5.000 hommes. |
20 Tous mangèrent et furent rassasiés, et lon emporta le reste des morceaux: douze pleins couffins! 21 Or ceux qui mangèrent étaient environ 5.000 hommes, sans compter les femmes et les enfants. |
17 Ils mangèrent et furent tous rassasiés, et ce quils avaient eu de reste fut emporté: douze couffins de
morceaux! |
12 Quand ils furent repus, il dit à ses disciples: "Rassemblez les morceaux en surplus, afin que rien ne
soit perdu. 13 Ils les rassemblèrent donc et remplirent douze couffins avec les morceaux qui, des cinq pains dorge, se trouvaient en surplus à ceux qui avaient mangé. |
8 Ils mangèrent et furent rassasiés, et lon emporta les restes des morceaux: sept corbeilles! 9 Or ils étaient environ 4.000. |
37 Tous mangèrent et furent rassasiés, et des morceaux qui restaient on ramassa sept pleines
corbeilles! 38 Or ceux qui mangèrent étaient 4.000 hommes, sans compter les femmes et les enfants. |
Énumérons ce que nous révèle lanalyse des parallèles, en suivant la séquence du découpage que nous avons fait.
Introduction: situation géographique
- Luc est le seul à préciser lendroit où aura lieu cet événement, i.e. Bethsaïde, qui se trouve sur la rive orientale du lac. Marc et Matthieu ne précisent pas ce lieu de retraite, mais daprès le contexte il sagit de la rive occidentale, non loin de Capharnaüm. Jean, quant à lui, ne précise pas lendroit, mais daprès le contexte il sagit de la rive orientale, tout comme Luc. Ainsi Luc et Jean sont daccord pour situer la scène dans ce territoire fortement habité par des gens de culture grecque, quon appelle la Décapole. Pourquoi cette insistance sur un contexte grec? On peut penser que leur évangile sadressait surtout à des gens de culture grecque.
- Dans leur introduction, Jean et Matthieu ne parlent que de Jésus qui semble se diriger seul vers le lieu où aura lieu la multiplication de pains. Cest leur façon de mettre Jésus dans une classe à part. Par contre, Luc reprend la mention de Marc que Jésus et ses disciples se dirigent ensemble vers un lieu de retraite, mais il le fait de manière différente : Jésus joue le rôle de leader qui donne la direction à ses disciples. On notera quil nest pas mention de barque chez Luc, comme si le déplacement se faisait à pied.
Action de la foule
- Chez Marc, Jésus se retire à lécart car la foule est si pressante que ses disciples nont pas le temps de manger (Voir Mc 6, 31). Luc, par contre, simplifie la scène au point que les foules apparaissent comme un cheveu sur la soupe : on ne sait pas ce quelles viennent faire ici; ils seront de simples figurants pour la scène qui suit. Il élimine des détails qui lui semblent inutiles à la compréhension de la scène, comme le fait que les foules viennent de différentes villes à pied, et le fait quils ont compris où Jésus avait lintention daller et donc ont pu le devancer (comme si se déplacer à pied est plus rapide que se déplacer en barque).
- Ce qui étonne, cest de retrouver chez Luc une expression de Matthieu, alors quil a sous les yeux lévangile de Marc. En effet, tout comme Matthieu, il écrit : « Les foules partirent à sa suite (oi oichloi êkolouthêsan autô) ». Il faut se demander si Luc naurait pas eu à sa disposition une source Q de ce récit. De manière également étonnante, on retrouve une expression très similaire chez Jean : « Une grande foule le suivait (êkolouthei dè autô ochlos polus ». Le bibliste M.-É. Boismard attribue ces passages communs à Luc et Jean à une source quil appelle Proto-Luc, une source qui précède la rédaction finale des évangiles de Luc et Jean (voir Synopse des quatre évangiles en français, Tome II : Paris, Cerf, 1972, p. 221). Quoi quil en soit de lhistoire de la rédaction du récit de Luc, laccent est sur la foi de la foule, donc sur une communauté sur laquelle il faudra exercer une action pastorale.
Attitude de Jésus et des disciples
- Même si Luc reprend le récit de Marc, il opère un travail rédactionnel important dans la première partie qui concerne lattitude de Jésus fasse à la foule : il élimine lattitude de Jésus qui a pitié dune foule qui est comme un troupeau de moutons sans bergers, pour ne garder que son activité denseignement, et pour même préciser en quoi consiste cet enseignement, i.e. parler du Royaume de Dieu. De manière étonnante, on retrouve chez lui une attitude de Jésus chez Matthieu, celle de guérir, comme sil y avait une source Q sur le même sujet. Quel est le sens de ce travail rédactionnel chez Luc? Il élimine tous les éléments trop concrets pour présenter plutôt un modèle général de laction pastorale de Jésus : enseigner sur le Royaume de Dieu et guérir les gens malades. Cest ce modèle quil a proposé plus tôt en envoyant les Douze en mission.
- La deuxième partie est centrée sur lattitude des disciples. De manière générale, Luc suit assez fidèlement Marc : nous sommes en fin de journée, et ce sont les disciples qui ressentent de la compassion pour la foule et prennent linitiative de proposer un plan daction, i.e. renvoyer les gens pour quils aillent dans les fermes des alentours sy nourrir. Cependant il opère encore ici un travail rédactionnel. Tout dabord, il ne parle pas de disciples en général comme chez Marc, mais des Douze, ce groupe très restreint des intimes de Jésus. Pour lui, la mission et laction particulière qui suivra lors du pain leur est réservé. Ensuite, il élimine lactivité commerciale daller sacheter de la nourriture pour proposer à la place la recherche de lhospitalité des gens dalentour. Cela est cohérent avec linsistance de son évangile sur le partage des biens, mais aussi cohérent avec le fait que les gens ne voyagent pas la nuit, et donc quil est logique quils cherchent un lieu dhébergement. Il donne ainsi un peu plus de crédibilité à son récit.
Demande de Jésus
- Luc reprend à peu près textuellement Marc tout en allégeant lentrée en matière.
Objection des disciples
- Nous observons ici quelque chose dextrêmement intéressant. Luc opère un collage de deux sources différentes. Tout dabord, il puise dans cette source quil partage avec Matthieu (« nous navons ici que cinq pains et deux poissons »), avant de reprendre la version de Marc, i.e. le scénario daller acheter de la nourriture. Cest un collage habile, car il commence par constater létat des provisions, avant de conclure logiquement que cest insuffisant et quil faudra aller acheter de nourriture. Et pour étayer ce constat, il termine en disant quil y a cinq mille personnes à nourrir. Voici encore un autre exemple de lart de Luc de bien structurer son récit et davoir une logique impeccable. Quest-ce que cela ajoute à la compréhension du récit? En fait, Luc regroupe en un paragraphe tous les scénarios possibles sur le plan humain pour résoudre le problème, ce qui éliminera le besoin chez Jésus au paragraphe suivant senquérir sur létat des provisions.
Enquête sur les provisions
- Luc a donc éliminé complètement le besoin de Jésus de sinformer sur les provisions. En cela, il imite Matthieu. De manière générale, son visage de Jésus est plus près du Christ ressuscité que celui du Jésus humain de Nazareth, et le Christ na pas besoin de sinformer pour connaître la réalité. Il ne faut pas sen étonner dune telle liberté par rapport au Jésus historique : à mesure que lÉglise traversera le temps, sa pensée théologique évoluera, et cest le Jésus de la foi quelle projettera sur le Jésus historique. Noublions pas, les évangiles sont avant tout une catéchèse. Lévangéliste Jean procède de manière un peu différente : plutôt que déliminer la scène où Jésus sinforme des provisions, il nous présente un Jésus qui connaît très bien les provisions et ce quil est sur le point de faire, mais posera une question à Philippe dans un but pédagogique.
Jésus organise la logistique
- Luc simplifie tout dabord quelque peu le texte de Marc. Il élimine les groupes de cent personnes pour limiter lorganisation de la foule à des groupes de cinquante : sa communauté grecque devait mal connaître cette référence à lExode et lorganisation des Juifs au désert, et donc il était inutile dy insister. De plus, il ne retient pas la référence à lherbe, car cela ajoute très peu à la compréhension du récit, et devient tout à fait inutile si son public est constitué surtout de citadins dans les villes grecques. Encore ici, Luc structure mieux son récit en dénotant deux moments très clairs, la demande de Jésus (« Faites-les sétendre »), et la réponse des disciples qui exécutent la demande (« Ils agirent ainsi et les firent tous sétendre »). On voit bien la place et limportance des disciples dans ce récit. Notons néanmoins une petite incohérence. Alors que cest le groupe des Douze qui avait fait part à Jésus du problème de lheure tardive et du besoin de renvoyer la foule, Luc parle maintenant simplement de disciples, en principe un groupe beaucoup plus large. Aussi, faut-il assumer ici que les disciples se limitent probablement au groupe des Douze.
Jésus rompt le pain et le distribue
- Luc suit religieusement le texte de Marc, sauf sa dernière partie où les poissons sont distribués après les pains. Pour ce dernier, tout semble être distribué en même temps. On pourrait penser quen cela il continue son travail de simplification de sa source. Cependant, on note la même chose chez Matthieu. Comment expliquer cela? Luc aurait-eu sous les yeux cette source commune, appelé source Q? On ne pas peut lécarter.
- Le coeur des paroles de Jésus reprend celles de la dernière cène. Revisitons les paroles de la cène, en incluant le rappel de Paul dans son épitre aux Corinthiens, et comparons-les avec notre texte de Luc.
En souligné les bouts de phrase identiques et en italique les bouts différents. En turquoise, les passages communs à Luc et Paul dans son épitre aux Corinthiens.
Mc 14, 22-25 |
Mt 26, 26-29 |
Lc 22, 19-20 |
1 C 11, 23-24 |
Lc 9, 16 |
22 il prit du pain, le bénit, le rompit et le leur donna en disant: "Prenez, ceci est mon corps. |
26 Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna aux disciples en disant: "Prenez, mangez, ceci est mon corps. |
19 Puis, prenant du pain, il rendit grâces, le rompit et le leur donna, en disant: "Ceci est mon corps, donné pour vous; faites cela en mémoire de moi. |
23 le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain 24 et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit: "Ceci est mon corps, qui est pour vous; faites ceci en mémoire de moi. |
16 Prenant alors les cinq pains et les deux poissons, il leva les yeux au ciel, les bénit, les rompit et il les donnait aux disciples pour les servir à la foule |
Ce que notre texte (Lc 9) partage avec le récit de la cène chez Marc (Mc 14) et Matthieu (Mt 26) est le fait que Jésus prend du pain, le bénit, le rompt et le donne aux disciples. Lallusion à leucharistie dans le récit de la multiplication des pains est très claire. Peu importe si lévénement derrière ce récit comportait exactement ces paroles, Marc et les autres évangélistes ont voulu le relier au repas eucharistique.
Loeil observateur aura noté que les paroles de Jésus lors de son dernier repas chez Luc divergent de celles de son propre récit de la multiplication des pains en ce que, dans le premier cas, Jésus rend grâce, et dans le deuxième cas il bénit le pain. Le mot « bénir » faisait partir de la prière juive, et ce mot serait typique dans la bouche de Jésus, tandis que « rendre grâce » appartient à la culture grecque. Ainsi, dans son récit de la multiplication des pains, Luc demeure fidèle à Marc et aux sources juives du récit.
Par contre, dans son récit de la dernière cène, Luc met lexpression « rendre grâce » dans la bouche de Jésus, préférant ainsi refléter le vocabulaire de la célébration eucharistique de sa communauté en milieu grec. On aura noté la très grande ressemblance du texte de la dernière cène de Luc avec le texte de Paul : Luc a été le compagnon de Paul et on peut comprendre quil partage avec lui les paroles mêmes du mémorial lors des célébrations chrétiennes dans les communautés grecques. Ainsi, non seulement il parle daction de grâce, mais également de pain « donné pour vous », et de « faites cela en mémoire de moi ».
Résultat de laction de Jésus
- Luc reprend Marc, mais simplifie et précise. Il simplifie en évitant de distinguer les pains et le poisson. Il précise que les douze couffins de morceaux concernent des restes, alors que le texte de Marc comporte une certaine ambiguïté en ce quil ne parle que de restes de poissons et on ne sait pas sils font partie des douze couffins. Enfin, comme Luc a déjà mentionné le chiffre cinq mille plus tôt, il est inutile dy revenir.
Résumons le résultant de notre analyse des parallèles. De manière générale, Luc reprend le texte de Marc en lui donnant une tournure plus cohérence et plus concise. Il semble en même temps avoir sous les yeux ce qui semble un extrait de la source Q. Mais ce qui est plus important, on perçoit son accent catéchétique : cette scène représente un modèle pastorale pour les disciples de Jésus. Dorénavant, ce sont les apôtres ou certains représentants de la communauté qui auront la responsabilité denseigner et de guérir, et donc de partager avec les autres ce que Jésus leur donne.
- Intention de l'auteur en écrivant ce passage
Sur le plan historique, on ne sait pas vraiment ce qui sest passé. Comme les évangiles de Jean et de Marc, deux sources indépendantes, rapportent ce récit, il faut reconnaître que derrière ce récit il y probablement un événement mémorable qui a touché limagination des gens. Mais on ne peut en dire plus. Et surtout, daprès la structure du récit, il ne sagit pas dun miracle : on ne trouve pas dappel à la foi et, à la fin, il ny a aucun étonnement du côté de la foule ou des disciples.
Mais ce qui importe pour notre propos, cest de se demander : quavait lévangéliste Luc en tête lorsquil reprend ce récit de Marc et le réécrit à sa manière. Déjà chez Marc, notre scène sinsère dans le contexte dun retour en mission des disciples, et ce sont les disciples qui perçoivent le besoin de soccuper de la foule, et ce sont eux qui leur distribueront la nourriture. Luc accentuera ce point et le développera encore davantage en présentant de manière concise le rôle du disciple et en créant une atmosphère postpascale où Jésus nest plus avec nous que par la foi. Quand Luc nous peint au début de notre récit un Jésus qui enseigne le Royaume de Dieu et guérit les gens qui en ont besoin, il présente la modèle que devront suivre les disciples. Et le Jésus de la multiplication des pains porte déjà les traits du Christ ressuscité, car il na pas besoin quon linforme de létat des provisions comme chez Marc. Notre scène est suivie par celle de la profession de foi de Pierre, une profession qui na vraiment eu lieu avec toute sa force quaprès Pâques. Et ce qui est encore plus important, cette scène marque le début des annonces de la mort de Jésus, donc de son départ et de la prise en charge de la mission par les disciples. Dailleurs les scènes qui suivent parlent de la condition du disciple.
Comment donc résumer en une phrase le message de Luc? Luc dit à peu près ceci : comme disciples, cest maintenant à vous de prendre la relève de laction de Jésus qui enseigne et guérit, et alors que vous pensez ne pas avoir ce quil faut pour soutenir la communauté, vous en serez capable car Jésus ressuscité est au milieu de vous; leucharistie condense de manière symbolique tout cela.
- Situations ou événements actuels dans lesquels on pourrait lire ce texte
Quand on essaie dactualiser un passage biblique, on peut se laisser guider par les différents symboles du récit, tout en respectant lintention de lauteur. À lopposé, on peut sinspirer dabord dévénements actuels en essayant de voir comment le passage biblique peut les éclairer. Mais au coeur de cet exercice dactualisation, il est aussi important dêtre conscient de ce que le texte ne dit pas. Ce récit, appelé habituellement « récit de la multiplication des pains », ne dit pas : « Voici une autre miracle extraordinaire de Jésus, lui un être à part qui peut nourrir des gens avec presque rien. »
- Suggestions provenant des différents symboles du récit
- Les foules suivent Jésus
Les foules avaient faim de ce que Jésus pouvait leur donner. Pouvons-nous dire la même chose aujourdhui des disciples de Jésus? Sommes-nous même capable de saisir ce dont les gens daujourdhui ont besoin? Constamment Jésus répète : « Oui, vous êtes capables de le trouver, et cest votre responsabilité de le donner. »
- Jésus accueille les foules
Nous avons ici le visage typique du pasteur. Jésus avait dautres plans, celui de se retirer avec ses disciples. La foule vient bouleverser ses plans. Que fait-il? Rejeter la foule? Ronchonner? Non. Il accueille les foules. Les événements guident sa vie et deviennent parole de Dieu. Le besoin des gens sont parole de Dieu. Voilà un pasteur!
- Jésus enseigne et guérit
Voilà un résumé de laction de Jésus, et donc celui de son disciple. Lactivité denseignement est plus facile à accepter et à comprendre. Celui de guérir nous laisse un peu plus songeur. Tout dabord, il nous faut dabord accepter les erreurs ou les anomalies ou les maladies de la vie. Ensuite, il nous faut accepter que nous sommes capables daider à la guérison. En offrant simplement ce que nous sommes et ce que nous avons, nous sommes capables de contribuer à la guérison, nous dit Jésus.
- Le jour décline, nous sommes en un lieu désert
Luc nous présente certaines contraintes de la vie : labsence de lumière, lisolement, le manque de ressources. Nous pouvons tous faire référence ici à des situations concrètes. Notre réaction première est de dire : « Quelle catastrophe! Comme jaimerais que de telles situations nexistent pas! » Mais la réaction de Jésus est de dire : « Cest le moment pour vous dagir. Vous avez ce quil faut. »
- Nous navons que cinq pains et deux poissons... il y avait 5 000 personnes
Limmensité de la tâche! Est-ce ridicule de vouloir transformer le monde? Quest-ce quune goutte deau dans locéan? Que ce serait-il passé si notre scène sétait arrêtée à la réaction des disciples? Que serait notre monde si tout le monde sétait dit : nous ne ferons rien, la tâche est trop immense. Comme chrétien, sachant que Jésus ressuscité au milieu de nous, ne rien faire est inacceptable.
- Faites-les étendre en groupe de cinquante
Dans la création de la communauté, la première étape est dorganiser et structurer les gens. Bien sûr, pour nous des groupes de cinquante nont plus aucun sens. Mais Jésus, comme un bon Juif, a voulu rassembler son peuple, et pour rassembler il faut structurer et intégrer des groupes. Aujourdhui, notre façon de structurer et dintégrer est bien différente, et elle pourra varier selon les cultures. Mais les signes dune vraie communauté sont les mêmes : la capacité de partager et de vivre un événement commun autour des mêmes valeurs, ou dune personne qui incarne ces valeurs.
- Jésus prononce la bénédiction sur le pain et le partage
Dans le geste de Jésus de bénir, il y a quelque chose détonnant : pourquoi bénir du pain? Le geste de bénir ne sadresse habituellement quà des réalités divines? Dans le milieu juif, on dit habituellement : béni soit Dieu! Or, ici nous avons : béni soit le pain! Est-ce dire que le pain a une valeur divine? Dune certaine façon : oui. Et il y aussi les poissons, et on pourrait étendre cette bénédiction à toute la matière. Au fond, Dieu a créé la matière, et donc la matière est sainte et doit être bénie. Elle est finalement le seul lieu de la rencontre avec Dieu, elle est reçue, et il nous revient de la partager. Leucharistie répète le même message.
- Jésus le donne aux disciples pour quils les offrent à la foule
Nous ne sommes que des intermédiaires. Cependant, Dieu ne peut agir que par ces intermédiaires. Jésus naurait pas peu rejoindre les cinq milles personnes sans les disciples. Cela donne une idée de limportance de notre rôle.
- Ils mangèrent et furent rassasiés
Être rassasié, être comblé. Mais quest-ce qui peut rassasier ainsi des gens? Seul linfini peut combler vraiment des gens faits pour linfini. Voilà la nourriture quoffre Jésus, voilà la nourriture quil nous faut offrir à notre monde. Si ce nest pas là la nourriture qui fait partie de notre menue, nous ne pourrons vraiment combler les autres.
- On emporta les morceaux quils avaient eus en excédent, douze paniers
Nous avons lexpérience des restes de table. Ils vont rejoindre habituellement la poubelle. Ici, ils sont si précieux quils sont recueillis pour nourrir les autres. Et le partage appelle le partage. Les gens qui ont vécu un partage inoubliable veulent le faire vivre aux autres. Cest ainsi que ce quont vécu les disciples avec Jésus sest prolongé jusquau 21e siècle et que, aujourdhui, nous avons accès à cet excédent.
- Suggestions provenant de ce que nous vivons actuellement
- La Syrie et la Palestine, des situations problématiques insolubles? « Donnez ce que vous avez », dit Jésus.
- Les cas de toxicomanie dans notre milieu immédiat. Que pouvons-nous faire? Rien? Est-ce là le message de Jésus?
- Nos propres conflits. Nous sommes loin de ce partage un peu idyllique à Bethsaïde. Vraiment? Pourtant Jésus semble avoir une opinion différente.
- Être au chômage nous amène parfois à perdre confiance en notre valeur et notre rôle dans la société. Pourtant ce nest pas le regard que porte Jésus sur nous quand il dit : « Donne ce que tu as... nourris les gens ».
- Des gens malades de notre entourage, maladie physique et mentale. Pourquoi est-ce si pénible? Pourquoi est-ce si long? Pourquoi ne nous a-t-on pas donné un monde sans la maladie? Pourtant, si jécoute lévangile, ne serait-ce pas là le canal où trouver Dieu?
- Les journaux parlent de la corruption dans le monde politique. Tout cela apparaît comme une fatalité, car comment peut-on senrichir sans accepter les règles du jeu? À côté, Jésus nous arrive avec son monde naïf et impraticable. Vraiment? Quel est donc le sens de la vie?
- On dit de nos vies : métro, boulot, dodo. Cette routine quotidienne nous use et apparaît débilitante. Pourtant, en bénissant le pain, Jésus se trouve à bénir cette vie et à dire : cette vie est sainte, car elle est lieu de la rencontre de Dieu.
- Lislam fait peur, à cause des fondamentalistes et de jeunes radicaux qui veulent établir la sharia et un état islamiste. Il fait peur à cause de la violence quil génère et de son côté irrationnel. De quoi ces jeunes ont-ils faim et quun disciple de Jésus peut offrir?
-André Gilbert, Gatineau, mai 2013
| |