![]() Sybil 1997 |
Le texte évangélique
Luc 6, 17-26 17 Après être redescendu de la montagne avec les douze disciples qu'il avait choisis, Jésus se retrouva dans une plaine avec une grande foule de ses disciples, et une grande partie du peuple venu de toute la Judée, de Jérusalem et des régions maritimes de Tyr et Sidon, 18 qui étaient venu pour l'écouter et se faire guérir de leurs maladies. Les gens tourmentés par des esprits dérangés se faisaient soigner. 19 Toute la foule cherchait à le toucher, car une force transformatrice sortait de lui et les guérissait tous. 20 Alors fixant son regard sur ses disciples, il se mit à leur dire : Bravo, vous les pauvres, |
Des études |
![]() Être en route, avec peu de choses |
Commentaire d'évangile - Homélie La vie est un long cheminement Il s'appelle Wang. Elle s'appelle Sun Jing. Pour survivre, ce couple laisse leur fille de 2 ans, Siting, dans les bras du père de Wang et quitte le village de Dongfa de leur Manchourie natale pour se diriger 500 kilomètres plus au sud, à Dalian, lui pour travailler dans une mine de fer, elle pour travailler dans une usine de transformation de poisson. Salaire de famine pour 10 heures par jour de travail. Elle logera dans le dortoir de l'usine. Lui se partagera avec 20 autres travailleurs un logement de 2 pièces. Même pas une photo de sa fille, autrement il pleurerait trop. Une fois par an, le couple retourne à Dongfa remettre leurs maigres économies au père de Wang, afin qu'il survive ainsi que leur fille. Cette dernière se demande qui sont ces deux étrangers, même si on lui répète que c'est papa et maman. L'histoire de ce couple de Chine pourrait être également celle de milliers d'autres déplacés par les grands courants économiques mondiaux et les politiques nationales. C'est à tous ces gens que j'ai pensé lorsque j'ai entendu l'évangile de ce jour : « Bravo, vous les pauvres, car le domaine de Dieu est pour vous.» Quand il ne contrôle pas la situation, que reste-t-il à quelqu'un sinon ce cri qui appelle à un avenir meilleur. Mais si on ne fait pas attention, ce récit des Béatitudes chez Luc peut avoir un caractère étouffant et culpabilisant : « Je vous plains, vous, les gens riches! » C'est comme s'il fallait se sentir coupable d'avoir des richesses ou d'être heureux et que l'idéal était d'avoir faim et d'être triste. On voit bien qu'une telle interprétation n'a pas de sens. D'ailleurs, Joseph d'Arimathie, un homme pourtant très à l'aise, a été honoré par les évangiles en soulignant son geste de donner à Jésus une sépulture. Comment doit-on donc lire ces Béatitudes ? La clé d'interprétation ici est une certaine vision de l'être humain appelé à une croissance sans limites. La vie est mouvement perpétuel qui ne cesse qu'avec la mort. C'est le propre de la vie d'évoluer sans cesse, de s'adapter à l'infini, de changer tant que les bonnes réponses ne soient pas trouvées, puis de reprendre le cheminement quand de nouvelles questions surgissent. L'idée de la vie comme un long cheminement est l'un des points d'insistance de Luc qu'il nous présente sous le thème d'un Jésus qui fait route vers Jérusalem pendant 10 chapitres (9,51 18,14) et y donne l'essentiel de son enseignement aux disciples. Mais alors, d'où vient le problème avec les richesses ? Les richesses deviennent un problème quand elles stoppent l'évolution de l'être humain, avec l'illusion qu'il est repu et a tout le réconfort possible, et le besoin que plus rien ne change autour de lui. Nous connaissons cette scène du riche notable qui accomplit les commandements de Dieu depuis son enfance et qui demande à Jésus ce qu'il doit faire pour avoir la vie éternelle. Quand Jésus l'invite à faire un pas de plus et à le suivre sur la route, le riche s'en retourna tout triste, incapable de grandir d'avantage, parce que prisonnier de ses biens : « Je vous plains, vous, qui êtes en train de rire en ce moment, car vous allez connaître le deuil et les larmes. ». Mais parmi les choses qui peuvent empêcher un véritable cheminement et détruire la vie, n'allons pas croire qu'il y a seulement les richesses ; il y a aussi la peur sous toutes ses formes, il y a aussi la soif du pouvoir, il y a aussi l'attachement au prestige et à la reconnaissance provenant du monde tant civil que religieux : « Je vous plains, vous, qui êtes complimentés par tous les hommes ». Faut-il donc bénir la pauvreté ? Pas nécessairement. Il y a des pauvretés qui détruisent, il ya des pauvretés qui se transforment en fiel et en rage envieuse. Mais ce qu'il faut bénir, ce sont des conditions de vie qui permettent d'éprouver la vie dans toute sa vérité et d'échapper à ses multiples illusions qui sont autant de pièges. Il faut bénir ces conditions qui nous aident à rester en marche, qui gardent vivant notre désir d'un monde meilleur. Mais la question se pose : dans quelles conditions restons-nous en marche. Malheureusement, c'est souvent quand on n'a plus rien à perdre, qu'on accepte de poser les vraies questions, qu'on accepte de faire de grands sauts en avant. La pauvreté, quelles que soit ses formes, n'a pas de valeur en soi. Mais les pauvres sont souvent des gens qui aspirent à quelque chose de mieux, qui sont ouverts à un monde meilleur, et donc demeurent en marche; ils sont ainsi capables d'accueillir une bonne nouvelle. En revanche, les richesses ne sont pas mauvaises en soi. Mais alors qu'elles devraient susciter un sentiment de responsabilité, elles entraînent trop souvent l'illusion de la sécurité et d'avoir atteint le sommet, avec la peur du changement, bloquant tout véritable cheminement humain. Pour Luc, les béatitudes nous présentent le regard de Dieu sur notre monde, un regard très différent de celui de nos sociétés modernes. Alors se pose la question : Qui a raison? À qui faisons-nous confiance? Où se trouve vraiment le bonheur?
-André Gilbert, Gatineau, octobre 2006 |
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