Sybil 2007

Le texte évangélique

Jean 3, 14-21

14 Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, de la même façon il est essentiel que le nouvel Adam soit élevé, 15 afin que, quiconque croit en lui, ait une vie sans fin. 16 En effet, Dieu a aimé le monde de cette façon: il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne meure pas, mais ait une vie sans fin. 17 Car Dieu n'a pas envoyé son fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit libéré par lui. 18 Celui qui croit en lui n'est pas condamné. Mais celui qui ne croit pas en lui s'est condamné lui-même, car il n'a pas mis sa confiance dans la personne du fils unique de Dieu. 19 Or voici le jugement : la lumière est venue dans le monde et les gens ont préféré l'obscurité à la lumière, car leurs actions étaient mauvaises. 20 En effet, celui qui commet le mal déteste la lumière et ne la cherche pas, de peur que ses actions ne soient démasquées. 21 Celui qui veut faire la vérité cherche la lumière, afin de montrer que ses actions ont été accomplies sous l'inspiration de Dieu.

Des études

Suivre l'instinct de vie


Commentaire d'évangile - Homélie

Quelle est notre prochaine étape ?

C'est l'histoire de Babai Sathe. Cela se passe à Jawalke, un tout petit village dans l'état de Maharashtra, au centre des Indes. Elle porte le brassard pneumatique pour la pression sanguine, le stéthoscope et une balance pour peser les bébés. Qui est-elle ? Elle n'est ni médecin, ni infirmière. C'est une illettrée de la caste des Intouchables, née dans la plus profonde misère. Elle ne pouvait manger que lorsque des castes supérieures lui lançait de la nourriture et que celle-ci rejoignait le rebord de son sari. Elle allait pieds nus dans le village, car les femmes Intouchables ne peuvent porter de chaussure. Mais voilà maintenant qu'elle a été formée pour être travailleuse de la santé du village, veiller aux accouchements, soigner les maladies et sauver des vies. Que s'est-il passé ?

Sathe se rappelle s'être tenue pendant des heures aux abords du puits local, qu'elle n'avait pas le droit de toucher, dans l'attente qu'une femme d'une caste supérieure ait pitié d'elle et lui remplisse son seau d'eau. Elle était si pauvre qu'elle lavait ses cheveux avec de la boue et n'avait qu'un seul sari, si bien que lorsqu'elle le lavait, elle devait demeurer à la rivière le temps qu'il sèche. Mariée à 10 ans, elle n'est jamais allée à l'école.

Or voilà qu'un médecin, gradué d'une des plus brillants collèges de médecine des Indes, décide de se consacrer avec sa conjointe aux plus pauvres des pauvres. Pour promouvoir la médecine préventive, il décide de mettre sur pied un programme où les villageois s'impliqueraient eux-mêmes, plus particulièrement les femmes des castes inférieures, après avoir reçu une formation sur place. C'est ainsi que Sathe s'est retrouvée en formation. Et la première étape était la transformation de soi. Quand on lui a demandé son nom, elle a donné plutôt le nom de son village d'origine et sa caste, car elle n'avait pas d'identité personnelle. C'est en se regardant dans un miroir qu'elle s'est pratiquée à dire son nom. Peu à peu, elle apprenait à habiter sa personne, à apprivoiser son identité. Après plusieurs semaines et plusieurs mois de formation en soins de santé, voilà qu'elle devient une autorité dans le village, veille aux accouchements, prodigue des conseils aux jeunes mères, démystifie la santé et chasse plusieurs mythes. « J'étais comme une pierre sans âme », se rappelle-t-elle. « Quand je suis venu ici, on m'a donné un être, la vie. J'ai appris le courage et l'audace. Je suis devenue un être humain. » Sathe était née.

L'histoire de Sathe nous aide à entrer dans l'évangile de ce jour. Jésus fait allusion à un étrange geste de Moïse qui a fabriqué et dressé dans le désert un serpent de cuivre et de bronze, afin d'arrêter l'infestation de serpents vénéneux qui avait déjà détruit une partie du peuple. Pourquoi fabriquer un serpent ? Le serpent est un symbole de vie, de régénérescence et de jeunesse éternelle, car il a la capacité de muer et faire constamment peau neuve. Le dieu grec Esculape, un dieu grec guérisseur, est représenté sous la figure du serpent, si bien qu'aujourd'hui ce serpent enroulé autour d'un bâton est associé à l'arbre de vie et aux associations médicales. Voilà que Jésus reprend ce symbole pour décrire son destin. N'oublions pas que nous sommes au milieu du discours à Nicodème où Jésus dit : « À moins de naître de nouveau, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. » Nous parlons donc de nouvelle naissance. Mais en quoi consiste-t-elle ?

Il n'est pas facile de décrire cette nouvelle naissance. Jésus utilise avec Nicodème l'image du vent dont on reconnaît l'existence par le son qu'il fait, mais dont on ne peut prédire la direction qu'il prendra. Quelqu'un peut établir un plan de carrière, mais il ne peut établir d'avance le chemin qui le fera grandir. Car grandir implique de faire constamment la vérité, de chercher la lumière, se laisser inspirer par un souffle intérieur qui vient de Dieu : « Celui qui veut faire la vérité cherche la lumière, afin de montrer que ses actions ont été accomplies sous l'inspiration de Dieu. » De plus, il devra avoir le courage d'abandonner sa vieille peau à l'image du serpent, comme l'a fait Sathe. Et il ne pourra jamais dire : j'ai atteint mon but, mais seulement : quelle est la prochaine étape ?

Mais il nous faut faire un pas de plus. L'évangile dit : Jésus est ce serpent de vie dressé, il est cette lumière qui ouvre sur une vie sans fin. Ce serpent dressé fait clairement allusion à la croix, où en suivant le chemin de l'amour il a dû abandonner cette peau avec laquelle il a fait tant de bien, afin de naître à l'être universel qui, aujourd'hui, nous transforme par-delà le temps, à travers des êtres comme ce médecin qui a donné naissance à une nouvelle Sathe.

En 2005, Babai Sathe, l'Intouchable, fut élue sarpanch, i.e. leader du village de Jawalke. Quelle triomphe de la vie ! Mais nous savons que cette victoire n'est pas le fruit du hasard, qu'elle a un visage, celle que Dieu a voulu nous révéler à travers Jésus. Voulons-nous que cette même force de renaissance continue à nous transformer, pour une vie sans fin?

 

-André Gilbert, Gatineau, décembre 2008

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