Analyse de Marc 12, 38-44 Je vous propose une analyse biblique avec les étapes suivantes: une étude de chaque mot grec du passage évangélique, suivie d'une analyse de la structure du récit et de son contexte, à laquelle s'ajoute une comparaison des passages parallèles ou semblables. À la fin de cette analyse et en guise de conclusion, je propose de résumer ce que l'évangéliste a voulu dire, et je termine avec des pistes d'actualisation.
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didachē (enseignement) | Le nom didachē signifie : enseignement, i.e. l'action d'enseigner. Nos bibles le traduisent parfois par « doctrine », quand l'accent est sur le contenu de ce qui est enseigné; par exemple : « Vain est le culte qu'ils me rendent, les doctrines (didachē) qu'ils enseignent ne sont que préceptes humains » (Mc 7, 7). Il est important pour Marc : Mt = 3; Mc = 5; Lc = 1; Jn = 3; Ac = 4; 1Jn = 0; 2Jn = 3; 3Jn = 0. Pour bien comprendre cette importance, il faut inclure dans notre analyse le verbe didaskō (enseigner, instruire) : Mt = 13; Mc = 17; Lc = 17; Jn = 10; Ac = 16; 1Jn = 2; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Il faut également inclure le titre didaskalos (maître, celui qui enseigne) : Mt = 12; Mc = 12; Lc = 17; Jn = 8; Ac = 1; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Ce qui nous intéresse ici, c'est le nom « enseignement », le verbe « enseigner » et le titre « maître » quand ces trois mots font référence à Jésus. Quand on combine ces trois mots dans leur référence à Jésus, nous obtenons les statistiques suivantes pour les quatre évangiles : Mt = 21; Mc = 32; Lc = 23; Jn = 17. Le nombre d'occurrences chez Marc est d'autant plus impressionnant qu'il est le plus court des évangiles. Ainsi, l'évangéliste entend insister sur la figure de Jésus comme maître qui enseigne. Pourquoi?
Cette insistance surprend, car bien souvent Marc nous donne l'impression d'insister sur l'action de Jésus, sur le thaumaturge qui guérit et chasse beaucoup d'esprits mauvais. Pourtant, il n'y a pas de contradiction. Commençons avec la première activité publique de Jésus après avoir choisi ses disciples. Ils pénètrent à Capharnaüm. Et aussitôt, le jour du sabbat, étant entré dans la synagogue, il enseignait (didaskō). Et ils étaient frappés de son enseignement (didachē), car il les enseignait (didaskō) comme ayant autorité, et non pas comme les scribes. (1, 21-22) Ce qui est remarquable, c'est de constater que Marc se contente de nous dire que Jésus enseignait, sans préciser le contenu de son enseignement. Plutôt, il précise sa façon d'enseigner : avec autorité (exousia : droit, puissance, autorité, permission). Pour nous faire comprendre ce point, il le met en contraste avec les scribes, qui étaient des commentateurs ou des interprètes de l'Écriture; ces derniers se contentent de répéter ce que dit l'Écriture, en essayant d'y apporter un peu d'éclairage. À l'opposé, Jésus ne commente pas, il est l'auteur de ce qu'il dit, d'où le mot autorité, et d'où la réaction des gens : « Qu'est cela? Un enseignement (didachē) nouveau, donné d'autorité! » (1, 27). Mais il y a plus. Pour illustrer l'autorité et la puissance de la parole de Jésus, Marc fait suivre la mention de l'enseignement par un geste de guérison d'un homme avec un esprit impur. N'allons pas croire que le geste d'enseigner et de guérir constitue deux actions différentes. C'est la même action : l'enseignement de Jésus est transformateur. En cela, Marc est différent des autres évangélistes. Par exemple, on chercherait en vain dans son évangiles des récits où Jésus enseigne des règles de conduite comme on en trouve chez Matthieu, ou propose un enseignement théologique comme chez Jean. Plus particulièrement, il se contente de mentionner de manière générale que Jésus enseigne surtout aux foules. Pourquoi? Voici sa réponse : En débarquant, il vit une foule nombreuse et il en eut pitié, parce qu'ils étaient comme des brebis qui n'ont pas de berger, et il se mit à les enseigner (didaskō) longuement. (6, 34) Jésus enseigne pour que la foule ait un berger, un berger qui les nourrit, comme l'expliquera la scène de la multiplication des pains qui suit. Marc semble indiquer que Jésus donne une direction, un sens à leur vie qui puisse les animer. Quand on essaie de préciser le contenu de cet enseignement aux foules, on se retrouve avec les paraboles : Il leur enseignait (didaskō) beaucoup de choses en paraboles et il leur disait dans son enseignement (didachē)... (4, 2) Fondamentalement, toutes ces paraboles (le semeur, la lampe et la mesure, la semence qui pousse d'elle-même, la graine et la moutarde) sont axées sur la dynamique du royaume de Dieu que rien ne peut empêcher de croître. Cela rejoint la parole initiale de Jésus : « Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché : convertissez-vous et croyez à l'Évangile » (1, 15). Il y a une force de Dieu à l'oeuvre dans le monde et qui transforme tout, si bien que rien ne peut l'arrêter. L'enseignement de Jésus n'est centré sur aucune morale, mais sur la force de l'intervention de Dieu, sur la bonne nouvelle qui transforme tout et guérit tout. Voilà pourquoi le simple fait de mentionner que Jésus enseigne et de le faire suivre d'une guérison est suffisant : les deux gestes s'éclairent mutuellement. La plupart du temps, Jésus enseigne aux foules. Mais il lui arrive parfois d'avoir un enseignement particulier pour ses disciples. Le ton est totalement différent. Et il commença de leur enseigner (didaskō): "Le Fils de l'homme doit beaucoup souffrir, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, être tué et, après trois jours, ressusciter" (8, 31) Ainsi, pour les disciples, il y a deux types d'enseignement : 1) la révélation que l'entrée dans la vie éternelle passe par la souffrance et le sacrifice de sa vie; 2) la mise en garde contre une élite religieuse qui cultive l'image de leur personne. Pourquoi cet enseignement est réservé aux disciples? Parce qu'ils se sont engagés dans les pas d'un maître, et le sort ignoble du maître risque d'être une source de scandale; puis, comme disciples, ils doivent éviter le piège propre à une élite religieuse. Disons un mot sur didaskalos (maître). Dans le monde grec, il désigne l'enseignant, souvent rémunéré, chargé de développer les capacités de ses élèves (sur le sujet, voir André Myre, Nouveau vocabulaire biblique. Paris-Montréal : Bayard Médiaspaul, 2004, p. 291). On le chercherait en vain dans la Septante. Car même si elle a traduit l'hébreu lamad (enseigner) par didaskō, elle a refusé de traduire celui qui enseigne par didaskalos (deux exceptions, Est 6, 1 qui a le sens de « lecteur », et 2M 1,10 pour désigner Aristobule, commentateur de l'Écriture), mais a opté plutôt pour sophos (sage) : sans doute était-elle réticente à traduire par la réalité d'une personne rémunérée celui qui s'adonnait à scruter l'Écriture et à en dégager un enseignement pour éclairer la conduite de la vie. Marc ne voit aucun problème à faire donner le titre de « maître » (didaskalos) à Jésus soit par le public en général, soit par ses disciples (12 fois). Et il le préfère à « rabbi » ou plutôt « rabbouni » (une seule fois, en 10, 51), et à « seigneur » (3 fois, si on ne tient pas compte du passage 16, 19-20 qui appartient à un autre auteur). Bref, pour Marc, Jésus est un enseignant dynamique et unique dont l'enseignement est une bonne nouvelle transformatrice. |
Textes avec didachē, didaskō et didaskalos en référence à Jésus chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
blepete (voyez) | Le verbe blepete est l'impératif, 2e personne pluriel, du verbe blepō : voir de ses yeux, porter ses regards sur, constater. C'est un verbe bien ordinaire qu'on trouve régulièrement dans les évangiles : Mt = 20; Mc = 15; Lc = 16; Jn = 17; Ac = 13; 1Jn = 0; 2Jn = 1; 3Jn = 0. Il ne mériterait pas d'être signalé, si ce n'est que nous avons ici une particularité de Marc : son évangile est le seul à présenter ce verbe à l'impératif (6 fois), et dans ce cas le verbe a le sens de : prenez garde à, gardez-vous de, ouvrez les yeux; c'est une invitation à faire attention à quelque chose (la présence de blepō à l'impératif en Lc 21, 8 et Mt 24, 4 n'est qu'une copie de Marc). | Le verbe blepō dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
grammateōn (scribes) | Grammateōn est la forme du mot grammateus au masculin, génitif, pluriel. Le génitif est appelé par la préposition apo (de la par de). Il est présent surtout dans les évangiles synoptiques : Mt = 21; Mc = 20; Lc = 14; Jn = 1; Ac = 4; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. On le traduit habituellement par scribe, car le mot a la même racine que gramma (lettre, caractère, écrit, signe de l'alphabet) et graphō (écrire, tracer des lettres, rédiger, noter par écrit); c'est quelqu'un qui sait lire et écrire, et donc pouvait exercer la fonction de greffier ou secrétaire. On peut comprendre le prestige de cette fonction dans un monde où la majorité des gens ne savaient ni lire ni écrire.
Notons que le scribe a une longue histoire qui a un écho dans l'Ancien Testament. Il est un fonctionnaire royal, passé maître non seulement dans l'art de la rédaction de documents, mais également dans certaines techniques, comme celles des cadastres, et il jouait un rôle important dans l'administration du royaume. On le retrouve aux côtés de David (2 S 8, 17), de Salomon (1 R 4, 3), de Joas (2 R 12, 11), d'Ézéchias (2 R 18, 18), d'Ozias (2 Ch 26, 11), Néhémie (Ne 13, 13). Il s'occupe de la conservation des archives, et ils ont joué un rôle dans la compilation des textes sacrés qui ont nous a donné le Pentateuque (voir L. Monloubou F.M. Du But, Dictionnaire biblique universel. Paris-Québec : Desclée Anne Sigier, 1984, p. 686-687). Personnellement, j'aime traduire le mot « scribe » par « spécialiste de la Bible », car la Bible était l'objet principal par lequel on apprenait à lire, et le but premier pour lequel on apprenait à lire. D'ailleurs, quand on observe leurs interventions dans les évangiles, on remarque qu'ils entendent débattre de points particuliers de l'Écriture, comme cet écho chez Marc où ils enseignaient qu'Élie doit venir avant le messie (9, 11), que le messie est fils de David (12, 35), et que Dieu est unique (12, 32). Au point de départ, il est important de distinguer les trois groupes sociaux que sont les scribes, les pharisiens et les grands prêtres. Par exemple, certains scribes étaient Pharisiens, mais tous les Pharisiens n'étaient pas nécessairement des scribes. Les Pharisiens étaient un groupe politico-religieux et leur nom signifie : les séparés, ou ceux qui sont à part; apparus vers le 2e s. av. J.C., ils visaient une application stricte de la loi, et par là leur recherche de pureté les amenaient à éviter souvent la contamination avec la masse des gens. Cela ne signifiait pas pour autant qu'ils savaient tous lire et écrire, d'où l'expression qu'on trouve en Marc 2, 16 : « les scribes des Pharisiens », que Luc précise ainsi : « les Pharisiens et leurs scribes »; ainsi, un certains de scribes étaient dans la mouvance du parti des Pharisiens. Comme leur tradition orale occupait une grande place, la nécessité de savoir lire était d'autant moins importante. Quant aux grands prêtres, on peut imaginer que plusieurs savaient lire et écrire, mais leur appartenance à une lignée héréditaire et leur rôle totalement différent en faisaient un groupe distinct. Notons enfin que si les scribes sont nommés avec les grands prêtres et les anciens, c'est qu'ils reflétaient la composition du Sanhédrin. Comment Marc perçoit-il les scribes? On peut répartir en trois catégories la façon dont il les met en scène.
Ici, au v. 38, le scribe est présenté comme un anti-modèle, démontrant une attitude à rejeter, comme on le détaillera un peu plus loin.
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Textes sur grammateus chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
stolais (vêtements amples) |
Stolais est le mot stolē (vêtement tombant, robe, vêtement, vêtement ample jusqu'au pied, équipement) au féminin datif pluriel. Il est très rare : Mt = 0; Mc = 2; Lc = 2; Jn = 0; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Pour bien comprendre cette pièce de vêtement, il faut inclure dans notre analyse deux autres pièces de vêtement de l'Antiquité : himation (vêtement) et chitōn (tunique).
Commençons avec chitōn (Mt = 2; Mc = 2; Lc = 3; Jn = 2; Ac = 1; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0) qui est cette tunique ou chemise qu'on portait directement sur la peau et servait de sous-vêtement. Aussi, quand Jean mentionne (19, 23) que les soldats firent quatre parts avec les vêtements (himation) de Jésus, puis quand ils arrivèrent à la tunique (chitōn) qui était sans couture, ils décidèrent de ne pas la déchirer et de la tirer au sort, il se trouve à dire que Jésus s'est retrouvé complètement nu pour être crucifié (sur la nudité de Jésus à la crucifixion, voir R.E. Brown). Quand le Jésus de Marc envoie ses disciples en mission en leur disant : « Ne mettez pas deux tuniques », il les invite à voyager léger. Pour sa part, Luc met cette parole dans la bouche de Jésus dans son discours dans la plaine : « à qui t'enlève ton manteau (himation), ne refuse pas ta tunique (chitōn) »; cela signifie aller jusqu'à donner ses sous-vêtements et se retrouver nu. Le mot le plus courant pour parler des vêtements est himation : Mt = 13; Mc = 12; Lc = 10; Jn = 6; Ac = 8; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Il s'agit d'une pièce d'étoffe rectangulaire portée sur le chiton, donc une sorte de manteau utilisé comme survêtement. Chez les Romains, himation fait référence à la toge. Marc nous donne une bonne idée de l'utilisation de himation en 13, 16, dans cette scène apocalyptique de la fin des temps : « et que celui qui sera aux champs ne retourne pas en arrière pour prendre son manteau (himation) »; cela signifie que, lorsqu'on travaillait aux champs, sans doute en raison de l'effort physique, on ne portait pas de manteau et on se contentait du chiton. À l'inverse, il nous raconte l'histoire de Bartimée qui, lorsque Jésus l'appelle, rejette son manteau (himation) et bondit vers Jésus (10, 50); le manteau l'empêche de bouger rapidement. Dans ce contexte, où situer stolē? Nous sommes devant une pièce de vêtement comme himation. Mais, d'après W. Grimm (Greek-English Lexicon of the New Testament), il s'agirait d'une pièce de vêtement ample qui descendait jusqu'aux pieds et réservé aux hommes. Malheureusement, nous n'avons que trois occurrences dans les évangiles pour nous faire une idée de ce qu'est ce vêtement : en plus de ce verset-ci, il y a Mc 16, 5 qui parle de ce jeune homme assis à droite du tombeau, vêtu d'une robe (stolē) blanche et Lc 15, 22, une parabole où le père veut célébrer le retour de son fils perdu et demande aux serviteurs de revêtir son fils de son « premier » vêtement (stolē), qu'on traduit habituellement par « sa plus belle robe » (on ne compte pas Lc 20, 46 dans le nombre d'occurrences, car c'est une copie de Mc 12, 38). Ailleurs dans le Nouveau Testament, on le retrouve dans l'Apocalypse où il est utilisé de manière synonyme à himation. Agrandissons donc notre champ de recherche pour inclure la Septante où stolē apparaît environ 90 fois. Notons que, tout comme pour le Nouveau Testament, himation est beaucoup plus fréquent (environ 214 fois). Quand on parcourt l'ensemble de l'Ancien Testament, on se rend compte que la traduction grecque de la Septante a associé stolē à un vêtement d'une certaine qualité. Par exemple, Gn 41, 42 : LXX : Puis, le Pharaon ôtant l'anneau de sa main, le mit à la main de Joseph ; il le revêtit d'une robe (stolē, héb. beged) de lin (byssinos, héb. shesh) le plus fin, et lui passa autour du cou un collier d'or. Les vêtements de lin sont considérés d'une qualité supérieure, et c'est ainsi que Pharaon honore Joseph. Dans la même ligne, nous avons ce passage d'Ézéchiel 10, 2 : LXX : Et le Seigneur dit à l'homme revêtu d'une robe (stolē, héb. bad = lin) : Entre au milieu des roues sous les chérubins, et prends à pleines mains des charbons au foyer qui est entre les chérubins, et disperse-les sur la ville. Et il y entra devant moi. Le texte hébreu parle de bad, une étoffe de lin, et la Septante l'a traduit par stolē, et certains traducteurs de la Septante on traduit ici stolē par : longue robe, pour essayer de rendre l'idée d'un vêtement de qualité. Mais tout cela est clarifié plus loin quand Ézéchiel parle de l'entrée au temple des prêtres lévites : « lorsqu'ils entreront par la porte du parvis intérieur, ils seront revêtus de robes (stolē, héb. beged) de lin (linon, héb. pesheth) » (44, 17). Le stolē est souvent mentionné comme manteau des rois. LXX : Et ce jour-là, j'appellerai mon serviteur Elyaqim fils d'Hilqiyyahu. Et je le revêtirai de ta robe (stolē, héb. kethoneth = tunique), et je lui donnerai ta couronne avec l'empire, et je confierai ton ministère à ses mains, et il sera comme un père pour ceux qui résident à Jérusalem et habitent en Judée. Et je lui donnerai la gloire de David, et il gouvernera, et il n'aura point de contradicteur (Isaïe 22, 20-22) C'est l'annonce de l'intronisation du roi Elyaqim. Mais il n'y a pas que les rois qui porte le stolē, il y a aussi les prêtres qui doivent officier au temple. LXX : Après quoi, Aaron entrera dans le tabernacle du témoignage, il ôtera la robe (stolē, héb. beged) de lin (linon, héb. bad) qu'il aura revêtue pour entrer dans le sanctuaire, et il l'y déposera. (Lv 16, 23) Cette présentation du prêtre avec un vêtement de qualité a un écho jusque dans le Siracide, écrit probablement au 2e s. av. J.C. LXX : Quand il (le grand prêtre Simon) avait pris la robe (stolē) d'honneur (doxa), et revêtu tous ses ornements, et qu'il montait à l'autel saint, il faisait resplendir les abords du sanctuaire (Si 50, 11) Malgré tout ce que nous venons de dire, stolē ne doit pas être considéré comme un terme technique pour désigner un vêtement spécifique. D'ailleurs, nous avons pu le remarquer : pour le désigner comme vêtement de qualité, il faut ajouter un qualificatif : de lin, ou d'honneur, ou beau. En soi, il pourrait désigner n'importe quel vêtement, comme on le voit en Deutéronome 22, 5 : LXX : La femme ne portera pas de vêtements (skeuē, héb. keli = tenue) d'homme, l'homme ne portera pas de robe (stolē, héb. simlah = manteau) de femme ; quiconque fait ces choses est en abomination au Seigneur ton Dieu. Le fait même que la Septante a traduit la référence à un manteau féminin par stolē, alors que Grimm, plus tôt, nous dit dans son dictionnaire que stolē est un vêtement d'homme, confirme que ce mot doit être pris au sens général de vêtement, même si c'est ce mot que la Septante préfère à himation lorsqu'il entend décrire un vêtement de qualité. Revenons aux évangiles. Nous avons dit que Marc utilise stolē à la fin de son évangile pour décrire le jeune homme à la droite de l'entrée du tombeau de Jésus, vêtu d'une robe blanche (16, 5), et Luc pour parler de la demande du père de l'enfant prodigue de revêtir son fils de sa première (plus belle) robe (15, 22). Or, Marc, ici au v. 38, raconte que les scribes aiment se promener en stolē, sans lui associer un qualificatif, comme beau, ou blanc, ou d'honneur. Comme nous l'avons vu dans la Septante, stolē est souvent associé à un vêtement d'honneur, mais ce n'est pas une règle absolue, et souvent on lui ajoute un qualificatif. Ici, il faut reconnaître que Marc nous oblige à deviner qu'il s'agit d'un vêtement de qualité qui attire l'attention, autrement le verset serait incompréhensible. Par contre, pour parler du manteau de Jésus, il utilise toujours himation, jamais stolē. |
Textes sur le vêtement chez Marc
Voir le glossaire sur les vêtements dans la bible Le chitōn Himation Toge romaine qui donne une idée du stolē
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peripatein (marcher) | Peripatein est le verbe peripateō à l'infinitif présent actif. Chez les synoptiques, Marc est celui qui l'utilise le plus : Mt = 7; Mc = 9; Lc = 5; Jn = 17; Ac = 8; 1Jn = 5; 2Jn = 3; 3Jn = 2. Il signifie d'abord « marcher ». Contrairement à des verbes comme « aller » ou « se rendre » ou « parcourir », peripateō n'entend pas décrire un mouvement vers quelque part; il veut simplement dire que la personne bouge. Par exemple, quand Jésus invite un paralytique à marcher (Mc 2, 9), il lui demande simplement de bouger, signe qu'il est guéri.
Aussi, dans le contexte des scribes qui « marchent », ils n'entendent pas aller quelque part, mais seulement bouger pour se faire voir. Aussi peripateō est-il traduit dans nos diverses bibles par : circuler, se promener, déambuler, pavaner. |
Textes sur le verbe peripateō dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
aspasmous (salutations) | Aspasmous est l'accusatif masculin pluriel de aspasmos, qui signifie : salutation orale ou écrite, étreinte, accolade. Dans le Nouveau Testament, il n'apparaît que dans les évangiles synoptiques (Mt = 1; Mc = 1; Lc = 5; Jn = 0; Ac = 0) et chez Paul (« La salutation est de ma main, à moi, Paul ») où il sert à conclure quelques lettres (1 Co 16, 21; Col 4, 18; 2 Th 3, 17). Il est totalement absent de la Septante. Chez les Synoptiques, on le retrouve dans deux seuls contextes, d'abord celui des scribes qui, d'après Marc 12, 38, aiment recevoir des salutations sur les places publiques, repris par Matthieu 23, 7 et Luc 11, 43 et 20, 46, puis celui du récit de l'enfance de Luc où Marie reçoit la salutation de l'ange (1, 29 : « Je te salue, toi la gratifiée, le Seigneur (est) avec toi) et se demande ce qu'elle signifie, où Élizabeth reçoit la salutation de Marie (1, 40.44), ce qui amène le petit Jean-Baptiste à tressaillir dans son ventre. Il y a donc dans le geste de la salutation une action d'importance qui n'existe plus dans nos salutations modernes. Pour que les scribes, les légistes et les Pharisiens la recherchent, il devait y avoir un impact social qu'il nous est difficile de deviner. Afin de décrire ce qu'il y avait de valorisant dans ce geste, nous proposons de traduire aspasmos par « courbette », pour exprimer la reconnaissance sociale impliquée par ce geste.
Mais notons qu'il y a quelque chose de boiteux dans la phrase de Marc (ce qui n'est pas nouveau) : le nom aspasmos n'a pas de verbe. En effet, Marc écrit : « Ouvrez les yeux sur les spécialistes de la bible, ceux qui aiment déambuler en longues robes ainsi que des courbettes »; le seul verbe est peripateō (marcher), que nous avons traduit par « déambuler » : il s'agit d'un verbe intransitif qui ne peut introduire aspasmos (salutation / courbette). Pour introduire aspasmos, il faut ajouter un verbe comme « recevoir » (la BJ a ajouté « recevoir », la TOB, Louis Second et Maredssous ont transformé le nom aspasmos en verbe passif « être salué », tandis que NTB, de manière surprenante, a ajouté un verbe actif « faire de grands saluts », en contradiction avec la compréhension de Matthieu de ce passage qui écrit : « ils aiment... les salutations », et pour préciser la signification de la phrase, ajoute : « et à s'entendre appeler Rabbi par les gens » ). |
Textes sur le nom aspasmos dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
agorais (place publiques) | Agorais est le féminin datif pluriel de agora, qui désigne la place publique d'une ville ou d'un village. L'agora était un lieu important de la vie sociale dans l'antiquité. Tout d'abord, elle se situait à l'entrée de la ville, non à son centre. C'est là que les magistrats rendaient leur jugement (Ac 16, 19 : « Mais ses maîtres, voyant disparaître leurs espoirs de gain, se saisirent de Paul et de Silas, les traînèrent sur l'agora devant les magistrats »), c'est là que se faisait le marché (Ez 27, 22 : « Les marchands de Saba et de Rhamma trafiquaient avec toi ; ils apportaient à ton marché (agora) les épices les plus recherchées, des pierres précieuses et de l'or »), c'est là qu'il faut aller pour rencontrer des gens (Ac 17, 17 : « Il (Paul) s'entretenait donc à la synagogue avec des Juifs et ceux qui adoraient Dieu, et sur l'agora, tous les jours, avec les passants »). D'après Marc, Jésus a fréquenté les places publiques, et c'est là bien souvent qu'il opérait des guérisons (Mc 6, 56 : « Et en tout lieu où il pénétrait, villages, villes ou fermes, on mettait les malades sur les places publiques (agora) et on le priait de les laisser toucher ne fût-ce que la frange de son manteau, et tous ceux qui le touchaient étaient sauvés »). Donc, une foule bigarrée s'y retrouvait, et c'est la raison pour laquelle Marc écrit : « Les Pharisiens ne mangent pas au retour de la place publique (agora) avant de s'être aspergés d'eau (pour se purifier) » (7, 4).
Pourquoi les scribes vont-il à la place publique, là où tout le monde se retrouve? La réponse est évidente : pour se faire voir, pour recevoir les courbettes et la reconnaissance qu'ils croient leur être dus. |
Textes sur le nom agora dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 39 ainsi que des places d'honneur dans les synagogues et des premières places dans les festins
Littéralement : et des premiers sièges (prōtokathedrias) dans les synagogues (synagōgais) et des premiers divans à table (prōtoklisias) dans les festins (deipnois) |
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prōtokathedrias (premiers sièges) | Prōtokathedrias est le féminin accusatiff pluriel de prōtokathedria. Il est formé de deux mots : prōtos (premier) et kathedra (siège, position assise ou de repos), et donc signifie : première place, place d'honneur. C'est un mot qui n'apparaît nulle part dans la Bible, sinon dans les évangiles synoptiques : Mt = 1; Mc = 1; Lc = 2; Jn = 0; Ac = 0. Et les quatre occurrences sont centrées sur l'attitude des scribes, des Pharisiens et des légistes et de leur recherche de la première place à la synagogue.
On peut facilement imaginer que les scribes, que nous avons décrits comme des spécialistes de la Bible, considèrent la synagogue comme leur lieu de prédilection, et trouvent tout à fait approprié d'y occuper une place d'honneur : ne sont-ils pas une autorité en matière d'Écritures? |
Textes sur nom prōtokathedria dans la Bible | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
synagōgais (synagogues) | Synagōgais est le féminin datif pluriel de synagōgē. Le mot signifie : lieu de rassemblement, synagogue, assemblée. Il est associé au verbe synagō qui signifie : rassembler, assemblée. Dans l'Ancien Testament, il est très fréquent et désigne tout ce qui est multiple de quelque chose, par exemple : « une assemblée de nations » (Gn 35, 11), « l'assemblée de Jacob » (Dt 33, 4), « la bande de taureaux » (Ps 68, 31). Dans le Nouveau Testament, le mot ne se retrouve pratiquement que dans les évangiles-Actes (Mt = 9; Mc = 8; Lc = 15; Jn = 2; Ac = 19; l'exception étant Ja 2,2 et Ap 2, 9; 3, 9). Et il fait toujours référence au rassemblement à la synagogue. Il ne faut pas s'en surprendre : Jésus a fréquenté la synagogue, et les premiers chrétiens ont fréquenté la synagogue jusqu'à ce qu'ils soient mis à la porte (sur les célébrations à la synagogue, on se réfèrera au Glossaire).
Chez Marc, la référence à la synagogue se retrouve dans trois contextes différents.
Ainsi, pour un Juif, en particulier hors Jérusalem, la synagogue représentait le coeur de sa vie religieuse, et les scribes en occupaient le centre. |
Le glossaire sur la synagogue | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
prōtoklisias (premiers divans à table) | Prōtoklisias est le féminin accusatif pluriel de prōtoklisia. Ce dernier est formé de deux mots: prōtos (premier) et klisia (une place pour s'étendre lors d'un repas). Ainsi il signifie : place d'honneur à table, ou premier divan à table. Notons qu'on se couchait sur des divans lors des repas festifs. Dans le Nouveau Testament, il n'apparaît que dans les évangiles synoptiques : Mt = 1; Mc = 1; Lc = 3; Jn = 0; Ac = 0; ailleurs dans la Bible, on ne le retrouve que dans le 2e livre des Maccabées (4, 21).
C'est Marc qui introduit ce mot, et il n'apparaît qu'ici. Matthieu se contente de recopier ce passage en Mt 23, 6, ce que fait également Luc en 20, 46. Chez Luc on ne le retrouve que dans une autre scène où Jésus est invité à manger chez un chef des Pharisiens et s'adresse aux invités, après avoir remarqué qu'on cherchait les premières places, pour dénoncer cette attitude (14, 7-8). Selon les moeurs sociales de l'époque, le meilleur divan se trouvait tout près de l'hôte qui avait organisé le banquet, et que c'était là une marque de déférence et d'honneur. Voilà donc ce que semble rechercher certains, en particulier les scribes, qui considéraient sans doute que cela convenait à leur rang. D'ailleurs, on peut facilement imaginer que ce sont surtout les membres de l'aristocratie qui avaient le privilège d'avoir pu s'instruire. |
Textes avec prōtoklisia dans la Bible | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
deipnois (festins) | Deipnois est le neutre datif pluriel de deipnon. Ce mot ne désigne pas tout repas, mais le repas principal pris le soir, appelé « dîner » en France, et surtout un repas festif, en particulier lors des noces. Il est peu fréquent dans l'ensemble du Nouveau Testament : à part les évangiles-Actes (Mt = 1; Mc = 2; Lc = 5; Jn = 4; Ac = 0), il apparaît seulement chez Paul quand il admoneste la communauté chrétienne sur leur façon de prendre ensemble le repas du Seigneur (1 Co 11, 20-21), et dans l'Apocalypse qui parle des noces avec l'Agneau (Ap 19, 9.17).
Chez Jean, le repas festif apparaît dans deux circonstances : le repas avec Marthe, Marie et Lazare (12, 2), le dernier repas de Jésus (13, 2.4; 22, 20). Chez Marc, on fait référence à deux repas, celui d'Hérode qui fête son anniversaire de naissance (6, 21) et celle de l'admonestation des scribes (12, 39). Chez Luc, la mention du repas festif se trouve dans une exhortation de Jésus, alors qu'il est invité à un repas par un Pharisien, à ne pas inviter ses amis lorsqu'on en organise un (14, 12), suivie d'une parabole sur un homme frustré de ne pas recevoir de réponse lorsqu'il invite à un grand repas (14, 16-17.24), et dans une copie de la scène de Marc en 20, 46. Chez Matthieu, cette copie se trouve en 23, 6. Bref, nous ne sommes pas devant un événement fréquent. Il s'agit d'un repas de grande circonstance. Mais c'est ce que recherchent les scribes. |
Textes avec deipnon dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 40 des gens qui dévorent les biens des veuves et, pour l'apparence, passent de longs moments en prière. Ils seront jugés plus sévèrement.
Littéralement : les dévorants (katesthiontes) les maisons (oikias) des veuves (chērōn) et en prétexte (prophasei) de longs [moments](makra) ils sont priants (proseuchomenoi). Ceux-ci recevront (lēmpsontai) un plus fort jugement (krima). |
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katesthiontes (les dévorants) | Katesthiontes est le participe présent actif au nominatif masculin pluriel du verbe katesthiō. Ce dernier est formé de la préposition kata, qui exprime un mouvement de haut en bas, avec parfois une connotation négative et violente, comme dans le mot « catastrophe », et du verbe esthiō, qui signifie « manger ». On le traduit habituellement par : dévorer. Il est très rare dans les évangiles : Mt = 1; Mc = 2; Lc = 3; Jn = 1; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Ailleurs, dans le Nouveau Testament, il n'apparaît que chez Paul (2 Co 11, 20; Ga 5, 15) et dans l'Apocalypse. Dans les évangiles, il a toujours un sens négatif, à l'exception de Jean (2, 17) où il s'agit en fait d'une citation de l'Écriture.
Ailleurs chez Marc (4, 4), ce sont les oiseaux qui dévorent ou mangent la graine, l'empêchant de pousser. Ainsi, selon l'évangéliste, les scribes sont des profiteurs qui ne se gênent pas à spolier les plus démunis. Cette affirmation est surprenante, car elle ne cadre pas avec le portrait général que les évangélistes nous brossent des scribes : ceux-ci entrent en conflit avec Jésus sur des points de la loi qu'ils interprètent de manière littérale, ou encore sont scandalisés devant Jésus qui s'arroge des privilèges réservés à Dieu, et non pas parce qu'ils sont des profiteurs. Matthieu est celui qui nous présente quelques phrases qui vont un peu en ce sens : « au-dehors vous (scribes et Pharisiens) offrez aux yeux des hommes l'apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d'hypocrisie et d'iniquité (sans loi) » (23, 28). Ainsi, les scribes ne recherchent pas seulement les honneurs, mais également l'argent. Nous avons ici une critique sociale qui a quelque chose d'universel. |
Textes sur le verbe katesthiō dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
oikias (maisons) | Oikias est le féminin accusatif pluriel de oikia, qui signifie : maison, bâtiment, maisonnée. Comme on peut s'en douter, il est très fréquent : Mt = 25; Mc = 18; Lc = 24; Jn = 5; Ac = 11; 1Jn = 0; 2Jn = 1; 3Jn = 0. Mais ce qu'il y a de particulier, ce mot féminin a un synonyme masculin, oikos (maison, habitation), qui est aussi fréquent : Mt = 10; Mc = 13; Lc = 33; Jn = 5; Ac = 25; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Comme on peut le constater, au premier coup d'oeil, chaque évangéliste a ses préférences : Luc préfère oikos, Matthieu et Marc préfèrent oikia, tandis que Jean les utilise à part égale. Même si les deux mots semblent synonymes, y a-t-il une nuance différente entre les deux?
Si on prend Marc, comme exemple, alors que oikia peut désigner une maison en général ou l'ensemble des bâtiments ou un domaine, oikos désigne toujours la demeure d'un individu spécifique, si bien que la BJ le traduit souvent : chez soi. Mais la signification du mot oikia ici au v. 40 est unique dans toute la Bible : il désigne l'ensemble des possessions et des biens d'une personne, que symbolise la maison; perdre sa maison c'est perdre tout ce qu'on a. |
Textes sur les noms oikia et oikos chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
chērōn (veuves) | Chērōn est le féminin génitif pluriel de chēra, qui signifie : veuve; le nom provient du verbe chēreuō, qui signifie : être privé de (« Car Israël et Juda ne sont pas privées (chēreuō) de leur Dieu », Jr 51, 5; LXX : 28, 5). Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce mot n'est pas si fréquent dans les évangiles-Actes (Mt = 0; Mc = 3; Lc = 9; Jn = 0; Ac = 3; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0); chez Marc, il n'apparaît que dans la scène de cette pauvre veuve au temple, chez Luc dans cette même scène qu'il copie de Marc, puis dans la mention de la prophétesse Anne dans le récit de l'enfance, ensuite dans la citation vétérotestamentaire de la veuve de Sarepta et dans la ressuscitation du fils de la veuve de Naïn, et enfin dans la parabole de la veuve importune; dans les Actes, il y a deux scènes : les veuves dont s'occupait la communauté chrétienne, et les veuves qui jouent le rôle de pleureuses à la mort de Dorcas.
Sur le plan social, les veuves font partie des groupes de démunis. On peut le comprendre, car n'oublions pas que dans l'antiquité la femme, comme les enfants d'ailleurs, demeurait une mineure toute sa vie, et maintenant « privée d'un mari », elle est privée d'un statut social en plus d'être privé d'un soutien financier. C'est pourquoi on recommandait à la veuve de retourner chez son père en attendant qu'un fils ou un homme soit assez âgé pour la soutenir financièrement : « Alors Juda dit à sa belle-fille Tamar: "Retourne comme veuve chez ton père, en attendant que grandisse mon fils Shéla" » (Gn 38, 11; voir auss Lv 22, 13). Le code d'alliance donné par Yahvé à Moïse range les veuves dans le même groupe que les étrangers et les orphelins, et demande : « Tu ne molesteras pas l'étranger ni ne l'opprimeras car vous-mêmes avez été étrangers dans le pays d'Égypte. Vous ne maltraiterez pas une veuve ni un orphelin. Si tu le maltraites et qu'il crie vers moi, j'écouterai son cri » (Ex 22, 20-21; voir aussi Dt 10, 18; 14, 29; 16, 11). Même plus, on recommandait aux cultivateurs de ne pas moissonner jusqu'à la dernière gerbe, afin de laisser quelque chose pour les veuves, les orphelins et les étrangers : « Lorsque tu feras la moisson dans ton champ, si tu oublies une gerbe au champ, ne reviens pas la chercher. Elle sera pour l'étranger, l'orphelin et la veuve, afin que Yahvé ton Dieu te bénisse dans toutes tes oeuvres » (Dt 24, 19). Et il y avait la dîme de la 3e année réservée au lévite, à l'étranger, à la veuve et à l'orphelin (Dt 26, 12). Même si on pouvait prendre soin des veuves pour des motifs humanitaires, la société de l'époque offrait peu d'ouverture pour un second mariage ; par exemple, un prêtre ne pouvait la prendre pour épouse, car elle n'était plus vierge, et donc rangée avec les femmes répudiées et les prostituées : « Il prendra pour épouse une femme encore vierge. La veuve, la femme répudiée ou profanée par la prostitution, il ne les prendra pas pour épouses; c'est seulement une vierge d'entre les siens qu'il prendra pour épouse » (Lv 21, 13-14). (Notons que la jeune communauté chrétienne n'encouragera pas également le remariage des veuves; voir 1 Co 7, 8; 1 Tm 5, 5.9.11, le remariage étant permis seulement pour éviter le pire, i.e. vie désordonnée (1 Co 7, 9; 1 Tm 5, 14). Les premières communautés chrétiennes prendront en charge les veuves pour leur assurer une vie décente (voir Ac 6, 1). Le reproche que Marc met dans la bouche de Jésus est terrible : les scribes dévorent les biens des veuves, malgré leur situation précaire; c'est le comble de l'ignominie. |
Textes sur le nom chēra dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
prophasei (en prétexte) | Prophasei est le féminin datif singulier de prophasis, formé de la préposition pro (devant), et du nom phasis (rapport), formé du verbe phēmi (dire, déclarer) : il s'agit de mettre de l'avant une déclaration ou une information pour soutenir quelque chose. On le traduit habituellement par : prétexte, motif, excuse. C'est un mot très rare dans les évangiles-Actes (Mt = 0; Mc = 1; Lc = 1; Jn = 1; Ac = 1; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0), et même dans tout le reste du Nouveau Testament, n'apparaissant que dans l'épitre aux Philippiens et la première aux Thessaloniciens.
Ce mot n'apparaît qu'une seule fois chez Marc, dans notre scène, que Luc (20, 47) se contente de copier : l'idée est que les scribes font semblant de prier longuement, alors que leur coeur n'y est pas; c'est de l'hypocrisie pure et simple. Chez Jean (15, 22), le mot a le sens de « motif non valide » pour les Juifs de rejeter Jésus et ses disciples, après que Jésus leur eut offert tout son enseignement : c'est en quelque sorte synonyme de mauvaise foi. Dans les Actes (27, 30), il désigne un leurre mis de l'avant par les matelots pour s'enfuir; donc, l'idée est de tromper l'autre. Chez Paul, c'est l'idée de mensonge qui domine : dans sa lettre aux Philippiens (1, 18), Paul reproche à certains de prêcher l'évangile non pas pour les vrais motifs, mais par rivalité et par esprit d'intrigue; dans sa première lettre aux Thessaloniciens (2, 15), c'est pour dire qu'il a toujours été vrai dans sa prédication de l'évangile et n'a jamais cherché à tromper les autres. Ainsi, une constante se dégage dans le mot prophasis : il décrit un esprit de tromperie, de mensonge et d'hypocrisie, bref de refus de la vérité. Voilà la description du scribe que Marc met dans la bouche de Jésus. Et ce qu'il y a de tragique dans notre scène, la prière et la religion servent de tremplin pour tromper. |
Textes sur le nom prophasis dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
makra (longs) | Makra est l'accusatif neutre pluriel de l'adjectif makros. Cet adjectif peut avoir le sens temporel de « long », i.e. un long moment ou une longue période, ou le sens local de « éloigné », i.e. une région lointaine, une peuple éloigné. Il est peu usité dans le Nouveau Testament et n'apparaît que dans les évangiles-Actes : Mt = 0; Mc = 1; Lc = 3; Jn = 0; Ac = 1; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0.
C'est Marc qui l'utilise le premier au sens temporel, et seulement ici. Luc copie tel quel ce passage en 20, 47, puis emploie cet adjectif au sens local pour parler de pays lointains (15, 13; 19, 12), puis de nations lointaines (Actes 22, 21). Mais il y a un point particulier qu'il faut souligner chez Marc : il emploie l'adjectif « long » tout seul, sans nom à qualifier. Le fait que l'adjectif est au neutre pluriel laisse entendre qu'il entend l'utiliser comme si c'était un adverbe, et donc il faut sous-entendre « longtemps » ou « longs moments ». Ce style concis, un peu rugueux et non poli est typique de Marc. L'idée est tout de même claire : les scribes accentuent le temps de prière pour jeter de la poudre aux yeux; il n'y a rien de sincère dans leur geste. |
Textes sur l'adjectif makros dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
proseuchomenoi (ils sont priants) | Proseuchomenoi est le participe présent moyen/passif de proseuchomai : prier. Il apparaît régulièrement dans les évangiles-Actes. Mt = 15; Mc = 10; Lc = 19; Jn = 0; Ac = 16; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. C'est surtout Luc qui insiste sur ce thème à la fois dans son évangile et dans ses Actes. Par contre, il est totalement absent de la tradition johannique. Pourquoi? On peut penser que, dans la perspective de Jean, Jésus est en communion constante avec son Père, si bien que toute sa vie est prière, et celle-ci n'est pas une activité qui s'ajoute à sa journée.
On ne peut mentionner le verbe proseuchomai sans inclure aussi le nom proseuchē : prière. Il est moins fréquent que le verbe : Mt = 1; Mc = 2; Lc = 3; Jn = 0; Ac = 9; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Mais les mêmes observations s'imposent : c'est Luc qui insiste sur ce thème, alors qu'il est totalement absent de la tradition johannique. Qu'en est-il de Marc? Tout d'abord, sur les 10 occurrences du verbe « prier », cinq décrivent l'action de Jésus de prier, et cela lors de deux types de scène :
Ainsi, selon Marc, Jésus priait tous les matins, avant le lever du jour, et bien souvent après son activité de la journée. Et à chaque fois, il s'isolait, soit dans un lieu désertique, soit dans la montagne. Gethsémani ne fait que refléter ce qu'il avait l'habitude de faire. Ensuite, Marc nous présente trois scènes où Jésus invite ses disciples à prier :
Enfin, il y a notre scène où le scribe prie longuement pour se faire voir et admirer. Cette scène est tout à fait unique dans le contexte de la prière chez Marc. Et surtout, elle établit un contraste frappant : alors que Jésus s'isole pour prier, le scribe s'affiche publiquement; l'un est sincère et prie vraiment, l'autre ne veut que se faire admirer et ne prie pas vraiment. Disons un mot sur le nom « prière » chez Marc. On n'y trouve que deux occurrences, et l'une d'elles est une citation d'Isaïe 56, 7, qui parle de « maison de prière » (« Et il les enseignait et leur disait: "N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière... », 11, 17). L'autre occurrence est beaucoup plus intéressante. Alors qu'ils ont été incapables de guérir un homme possédé d'un esprit, les disciples demandent à Jésus une explication. Ce dernier répond : « Cette espèce-là ne peut sortir que par la prière » (9, 29). Cette réponse que Marc met dans la bouche de Jésus est surprenante et semble sortir de nulle part, à tel point que Matthieu et Luc qui recopient ce passage éprouvent le besoin d'apporter des modifications : Matthieu élimine la mention de la prière pour la remplacer par la foi (Mt 17, 20), tandis que Luc procède à l'amputation de cette finale, pour éviter d'insister sur l'échec des disciples (Lc 9, 43). Ainsi, Marc n'est pas comme Luc qui fait de la prière un de ses thèmes favoris, mais à sa manière, de manière concise et directe, il affirme que la prière est pour lui un élément fondamental de la vie de Jésus et de la vie chrétienne. Quant au scribe, il ne prie pas vraiment. |
Textes avec le verbe proseuchomai dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
lēmpsontai (ils recevront) | Lēmpsontai est le futur indicatif moyen de lambanō. Ce verbe fait partie du vocabulaire grec courant et est très fréquent dans les évangiles-Actes : Mt = 53; Mc = 20; Lc = 21; Jn = 46; Ac = 29. Fondamentalement, il signifie : prendre. Mais « prendre » peut avoir deux dimensions, une dimension active où on se saisit de quelque chose et on la manipule (15 fois chez Marc; par exemple 6, 41 : « Prenant (lambanō) alors les cinq pains et les deux poissons... »), et une dimension passive où on prend sur soi quelque chose, et donc on l'accueille et on la reçoit (5 fois chez Marc, par exemple 10, 41 : « Et de même ceux qui sont semés sur les endroits rocheux, sont ceux qui, quand ils ont entendu la Parole, l'accueillent (lambanō) aussitôt avec joie»).
Ici, le verbe a le sens de recevoir : recevoir un jugement. Au fait, que reçoit-on chez Marc?
Dans la majorité des cas, ce qu'on reçoit vient de Dieu : la Parole, le centuple pour l'engagement face à l'évangile, la réponse à la prière, et le jugement. Le fait même de devoir recevoir exprime l'absence de contrôle et l'ouverture à ce qui ne peut être donné que par un autre. |
Textes sur le verbe lambanō dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
krima (jugement) | Krima est le neutre accusatif singulier de krima, qu'on traduit habituellement par jugement. En fait, krima a deux grandes significations :
Quand on considère l'ensemble du Nouveau Testament, ce n'est pas un mot très fréquent. Pour l'ensemble évangiles-Actes, on trouve seulement sept occurrences (Mt = 1; Mc = 1; Lc = 3; Jn = 1; Ac = 1; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0), douze dans la tradition paulinienne, et huit dans les autres écrits. Car les différents auteurs ont préféré son synonyme, krisis (par exemple : Mt = 12; Mc = 0; Lc = 4; Jn = 11; Ac = 1; 1Jn = 1; 2Jn = 0; 3Jn = 0), qui désigne aussi un « jugement », mais plus souvent au sens de « discernement », « procès », et même « exercice de la justice ». Dans le Nouveau Testament, sur 27 occurrences de krima 19 renvoient à la sentence et à la condamnation. Et si on ne regarde que les évangiles-Actes, c'est quatre occurrences sur sept qui désignent la sentence et la condamnation. Une chose est remarquable chez Marc : la réalité du jugement est pratiquement absente de son évangile, soit sous la forme krima, soit sous la forme krisis, à l'exception de notre passage avec les scribes. N'oublions pas. L'idée que toutes notre vie et tout notre monde est sujet à une évaluation finale par Dieu est typiquement juive : un jour, à la fin des temps, il y aura l'intervention finale de Yahvé en tant que juge du ciel et de la terre, et c'est ainsi que seront séparés les bons et les méchants, chacun recevant une sentence adéquate. C'est le Juif Matthieu qui insistera le plus sur cette réalité : rappelons-nous de ses scènes sur le jugement dernier (par ex. voir 25, 31-46). Jean réutilise cette idée, mais pour affirmer que ce jugement final a déjà eu lieu dans la personne de Jésus : ceux qui ont cru en lui ont évité le jugement et son passés de la mort à la vie (5, 24), tandis ceux qui l'ont refusé se sont eux-mêmes condamnés, car leurs oeuvres étaient mauvaises. Luc, qui écrit pour un public grec, se contente de reprendre brièvement de la tradition la notion du jour du jugement (10, 14; 11, 31-32; 20, 47), sans y insister. Marc, qui écrit probablement pour le public romain, ne nous offre que ce verset-ci. Pourtant, l'expression qu'il utilise semble bien connue dans la première communauté chrétienne : recevoir une condamnation (lambanō krima). Regardons de plus près.
Ainsi, Marc, Paul et Jacques utilisent tous l'expression lambanō krima (recevoir un jugement). Qui plus est, Jacques ose affirmer qu'un lettré ou quelqu'un qui a eu la chance de s'instruire et jouit d'une notoriété comme enseignant, sera jugé avec des critères plus élevés en raison même de son savoir. N'est-ce pas ce que Jésus dit à propos des scribes? Marc met donc dans la bouche de Jésus un enseignement qui pourrait probablement remonter au Jésus historique, mais qui s'applique tout aussi bien aux chrétiens de sa communauté. Mais il y a plus. Ne trouve-t-on pas ce passage en Ex 22, 21-23? Vous ne maltraiterez pas une veuve ni un orphelin. Si tu le maltraites et qu'il crie vers moi, j'écouterai son cri; ma colère s'enflammera et je vous ferai périr par l'épée: vos femmes seront veuves et vos fils orphelins. Or, maltraiter la veuve, c'est ce que font les scribes. Ils méritent le jugement de Dieu. |
Textes sur le nom krima dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 41 Par la suite, s'étant assis devant la salle du trésor, il observait la foule jeter des pièces de monnaie dans la salle du trésor. Beaucoup de gens riches en jetaient beaucoup.
Littéralement : Et s'étant assis (kathisas) en face (katenanti) de la salle du trésor (gazophylakiou), il regardait (etheōrei) comment (pōs) la foule (ochlos) jette (ballei) une pièce de cuivre (chalkon) dans la salle du trésor et plusieurs riches (plousioi) jetaient plusieurs. |
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kathisas (s'étant assis) | Kathisas est le participe aoriste active du verbe kathizō (Mt = 8; Mc = 8; Lc = 7; Jn = 3; Ac = 9). Ce dernier a deux grandes significations : s'asseoir (29) et demeurer (6 fois). On s'assoit par terre soit pour enseigner (ex. Jésus s'assoit pour enseigner, Mc 9, 35), soit pour un travail exigeant de la concentration (ex. « Qui de vous en effet, s'il veut bâtir une tour, ne commence par s'asseoir pour calculer la dépense... », Lc 14, 28, ou encore on s'assoit pour écrire, Lc 16, 6); on s'assoit sur un siège ou trône dans l'exercice d'une fonction judiciaire ou d'autorité (ex. Jacques et Jean demandent de siéger à la droite et à la gauche de Jésus dans sa gloire, Mc 10, 37); on s'assoit sur un animal (ex. Jésus s'assoit sur un petit âne, Jn 12, 14) ou on s'assoit dans un char (ex. un Éthiopien s'assoit dans le char de Philippe, Ac 8, 31). Dans l'ensemble du Nouveau Testament, c'est la référence à s'asseoir sur un trône qui revient le plus fréquemment : dans un univers où domine la royauté, on se représente Dieu et son monde à la manière d'un palais royal où on siège sur des trônes.
On a un peu toute cette gamme chez Marc. Ici, au v. 41, le geste de Jésus de s'asseoir exprime son intension d'observer ce qui se passe, un travail qui demande la concentration. Par la suite, le fait d'être assis lui permettra d'offrir un enseignement à ses disciples à propos de ce qu'il a observé. Notre scène nous donne un autre exemple du talent de conteur de Marc. Car il prend bien la peine d'introduire l'enseignement qui suivra en nous présentant un aspect très humain de Jésus : celui qui prend le temps d'observer les gens; car son enseignement s'enracine dans une intelligence profonde du coeur humain. |
Textes sur le verbe kathizō chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
katenanti (en face de) | Katenanti est un adverbe très rare : Mt = 1; Mc = 3; Lc = 1; Jn = 0; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Ailleurs dans le Nouveau Testament, il n'apparaît que chez Paul (3 fois). Il signifie : en face de, devant, en présence de, contre. C'est un adverbe formé de deux prépositions : kata (en bas, contre) et anti : en face de. C'est donc l'idée d'être devant quelqu'un ou quelque chose qui nous fait face.
Dans les évangiles, seul Marc utilise ce mot, puisque Luc et Matthieu ne font que copier ce passage de Marc où Jésus demande à ses disciples d'aller au village d'en face où se trouve un ânon : Mc 11, 2 || Lc 19, 30 || Mt 21, 2. À part ce passage, les deux autres occurrences décrivent le fait que Jésus est face au temple, ici, devant le trésor du temple, et en 13, 3, devant l'ensemble de la construction du temple à partir de la pente du mont des Oliviers. On ne peut s'empêcher de sentir dans ces deux occurrences une forme de distance et d'opposition, car katenanti a aussi le sens de : contre. |
La préposition katenanti dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
gazophylakiou (trésor) | Gazophylakiou est le nom neutre génitif singulier de gazophylakion, un génitif commandé par katenanti (en face de). C'est un mot formé du perse gaza (trésor du roi) et du grec phylakeïon (lieu où l'on tient sous sa garde). Il est très rare dans le Nouveau Testament et ne se retrouve que dans les évangiles : Mt = 0; Mc = 3; Lc = 1; Jn = 1; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Pour être plus précis, seul Marc et Jean l'utilisent, car Luc 21, 1 ne fait que copier Marc 12, 41. Chez Marc, il est concentré dans la scène de cette pauvre veuve fait le don de tout ce qu'elle a, chez Jean il s'agit d'une simple référence au lieu où Jésus enseignait au temple.
Dans les évangiles, le mot fait référence uniquement au trésor du temple, i.e. le lieu où on recueillait les dons ou les offrandes des gens, ou encore la dîme. En fait, il désigne deux choses :
Dans les évangiles on trouve une autre référence au trésor du temple chez Mt 27, 6 avec le mot korban: « Ayant ramassé l'argent, les grands prêtres dirent: "Il n'est pas permis de le verser au trésor (korban), puisque c'est le prix du sang." » Le mot korban vient de l'hébreu : qorbān, qui signifie offrande, celle qu'on apportait au trésor du temple. Dans la scène de Matthieu, les grands prêtres avaient puisé dans les offrandes (trésor) du temple les 30 pièces d'argent qu'ils ont dont donné à Judas pour trahir Jésus, et maintenant ils ne peuvent remettre cet argent au trésor, parce qu'il a servi à tuer quelqu'un, et donc qu'il est souillé. Bref, la salle du trésor du temple était une sorte d'entrepôt pour les biens et un coffre-fort pour l'argent. C'est une référence semblable qu'on trouve aussi chez Marc 7, 11 : « Mais vous, vous dites: Si un homme dit à son père ou à sa mère: Je déclare korban (c'est-à-dire offrande sacrée) les biens dont j'aurais pu t'assister »; il s'agit donc de biens qu'on réservait comme dons pour le trésor du temple. Puisque le nombre de références à gazophylakion est si limité, tournons-nous vers l'Ancien Testament, plus précisément vers la Septante, cette traduction grecques du texte hébreu. On y trouve 25 occurrences ce mot, réparties entre
Très souvent, gazophylakion désigne le trésor du temple, comme l'indique ce passage de Esdras B 20, 38 (Néhémie 10, 38) : Et pour que nous apportions aux prêtres, pour le trésor (gazophylakion, héb. : ʾôṣār) de la maison de Dieu, les prémices de notre blé, des fruits de nos arbres, du vin et de l'huile ; et aux lévites la dîme de notre terre, et pour que les lévites perçoivent la dîme en toutes les villes de la terre que nous cultivons. Qu'apprenons-nous? Tout d'abord, le traducteur de la Septante a parfois choisi gazophylakion pour traduire l'hébreu ʾôṣār, אוֹצָר (trésor, magasin, entrepôt). Ensuite, cet entrepôt du temple servait à entreposer du blé, des fruits, du vin et de l'huile ainsi que la dîme qu'apportaient les gens pieux (pour la localisation de cette salle, voir la carte du temple). Malheureusement, ʾôṣār ne désigne pas seulement le trésor du temple, mais peut avoir un sens général : « Que le Seigneur t'ouvre son inestimable trésor (héb. : ʾôṣār, grec : thēsauros) le ciel, pour donner de la pluie à tes champs au temps opportun... » (Dt 28, 12). Il en est de même de gazophylakion qui ne désigne pas seulement le trésor du temple. Le plus bel exemple nous est donné par 1 Maccabées 3, 28-39 : et il (Antiochus) ouvrit son trésor (gazophylakion), donna à l'armée la solde d'un an, et leur commanda d'être prêt à tout. Mais il vit que l'argent manquait dans ses trésors (thēsauros), et que les tributs de la contrée étaient faibles, à cause des troubles et des maux qu'il avait faits dans le pays, en lui ôtant les lois qu'il possédait depuis les anciens jours. Ainsi, on constate deux choses : gazophylakion désigne le trésor d'Antiochus, non celui du temple, ensuite gazophylakion et thēsauros (trésor, coffret, objet précieux, de valeur, somme d'argent) sont utilisés de manière synonyme. Et cela s'applique également à la désignation du trésor du temple où on peu utiliser soit gazophylakion, soit thēsauros, comme le montre l'exemple suivant : Et ce jour-là, on institua des gardiens des trésors (grec : gazophylakion, héb. : niškah) pour les trésors (thēsauros, héb. : ʾôṣār), des prémices et des dîmes, et des hommes pour les recueillir dans les villes, et on les choisit parmi les prêtres et les lévites (Esdras B 22, 44) Que conclure? Dans l'Ancien Testament, il n'y a pas de terme technique pour désigner la chambre du trésor du temple de Jérusalem. On utilisait souvent ʾôṣār (trésor, magasin, entrepôt), mais on pouvait utiliser aussi liškah (chambre, petit salon, pièce), ou niškah (chambre, salle). La Septante a traduit ces termes soit par gazophylakion, soit par thēsauros. Dans le Nouveau Testament, deux termes y font référence, d'abord gazophylakion (trésor ou salle du trésor), mais aussi korban (offrande sacrée). C'est ainsi que le trésor du temple peut désigner trois choses :
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Textes sur le nom gazophylakion dans la Bible | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
etheōrei (il regardait) | Etheōrei est l'indicatif imparfait actif du verbe theōreō, qui signifie : regarder, observer, examiner, contempler. Il est assez fréquent dans les évangiles-Actes, surtout dans la tradition johannique (Mt = 2; Mc = 7; Lc = 7; Jn = 24; Ac = 14; 1Jn = 1; 2Jn = 0; 3Jn = 0), où il a souvent le sens particulier de connaître, et connaître avec un regard de foi.
Chez Marc, deux significations dominent : celui de regarder ou apercevoir (les esprits impurs aperçoivent Jésus, les gens aperçoivent le démoniaque, Jésus aperçoit la foule), celui d'observer ou constater (Jésus observe la foule, les femmes au calvaire observent à distance, Marie de Magdala observe où on a mis le corps de Jésus, les femmes au tombeau observent que la pierre a été roulée). Ici, au v. 41, Marc nous présente un Jésus qui s'assoit pour faire une étude de moeurs des gens, un travail d'observation. Notons le verbe à l'imparfait, un temps qui signifie que l'action est inachevée, qu'elle se poursuit. Pour lui, Jésus a pris le temps de connaître l'être humain dans toute sa profondeur. |
Textes avec le verbe theōreō chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
pōs (comment) | Pōs est un adverbe qui signifie : comment, combien. Il est assez répandu dans les évangiles-Actes : Mt = 14; Mc = 14; Lc = 16; Jn = 20; Ac = 9; 1Jn = 1; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Même si c'est un mot assez banal, il vaut la peine de le mentionner en raison de la façon dont Marc l'utilise.
Ici, au v. 41, pōs décrit l'effort de Jésus qui cherche à comprendre tous ces gens qui vont déposer des pièces de monnaie dans les différents troncs dans la cour des femmes au temple. |
Textes sur l'adverbe pōs dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
ochlos (foule) | Ochlos est un nom pour désigner la foule ou la multitude. S'il y a une constante dans tous les évangiles, c'est la présence d'une foule autour de Jésus et de Jean-Baptiste. Pour Jean-Baptiste, ce fait est aussi rapporté par l'historien juif Flavius Josèphe (voir par exemple Antiquités judaïques, 18, 5, #116-118 : « Des gens s'étaient rassemblés autour de lui, car ils étaient très exaltés en l'entendant parler. Hérode craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme »). Malheureusement, pour Jésus, l'historien juif reste silencieux. Mais Marc et Jean, deux traditions indépendantes, s'entendent pour dire que Jésus a rassemblé des foules qui désiraient l'écouter et voir les signes qu'il faisait. L'utilisation du mot ochlos n'apparaît que dans les évangiles-Actes dans tout le Nouveau Testament, à l'exception de quatre occurrences dans l'Apocalypse : Mt = 50 ; Mc = 38 ; Lc = 41 ; Jn = 20 ; Ac = 22.
Marc, comme les autres évangiles, fait jouer trois rôles différents à la foule: elle joue un rôle positif (33 fois) quand elle se déplace pour écouter Jésus ou se faire guérir par lui, même si leur masse peut être encombrant; elle joue un rôle négatif (3 fois) lors du procès de Jésus, quand excitée par les grands prêtres, la foule préfère Barabbas à Jésus pour être relâché; elle joue un rôle neutre (2 fois) quand elle n'a pas à prendre position pour ou contre Jésus, quand elle monte chez Pilate pour demander la grâce habituelle de libérer un prisonnier ou dans notre scène autour du trésor du temple. Ainsi, au v. 41, nous avons une rare occurrence où la foule est totalement neutre, seulement l'objet de l'observation de Jésus. |
Textes avec le nom ochlos dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
ballei (elle jette) | Ballei est l'indicatif présent du verbe ballō. Il signifie d'abord : jeter, d'où dérive : lancer, placer, laisser tomber, mettre, déposer. Il n'apparaît que dans les évangiles-Actes, à l'exception de l'Apocalypse, et d'un passage dans l'épitre de Jacques et de la première de Jean. Mt = 33; Mc = 17; Lc = 18; Jn = 17; Ac = 5; 1Jn = 1; 2Jn = 0; 3Jn = 0.
Chez Marc, ballō véhicule la panoplie des significations du mot.
Notons que sur les 17 occurrences du mot chez Marc, sept se retrouvent dans notre scène pour décrire le geste de déposer dans la monnaie du temple; sans cette scène, il faudrait admettre qu'il s'agit d'un mot peu utilisé par Marc. Un dernier point mérite d'être mentionné : le verbe ballō est au présent. Nous avons ici un trait du style de Marc. Bien souvent, les évangiles commencent une scène en écrivant : en ce temps-là, Jésus fit route ou se mit à dire..., avec un verbe pour traduire le passé historique. Or, Marc, comme un bon conteur, aime utiliser un présent pour rendre la scène plus près de nous, plus vivante, comme si nous assistions à l'événement en temps réel. |
Textes avec le verbe ballō dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
chalkon (cuivre) | Chalkon est le masculin accusatif singulier de chalkos. Le nom signifie d'abord : cuivre, mais également le cuivre avec ses alliages, comme le bronze et l'airain, et par extension un monnaie de bronze du système grec valant 1/48e de drachme, la plus petite division de cette monnaie, soit environ le salaire pour 15 minutes de travail pour un journalier agricole de l'époque (sur le sujet, voir le Glossaire). Il est très rare dans le Nouveau Testament, n'apparaissant que Marc (2 fois), chez Matthieu qui se contente de copier Marc, puis chez Paul dans sa première lettre aux Corinthiens et dans l'Apocalypse. Mais c'est seulement dans l'évangile que chalkon fait référence à la monnaie grecque, car ailleurs dans le Nouveau Testament et dans tout l'Ancien Testament, il s'agit d'une référence aux objets de bronze ou d'airain.
Ici, au v. 41, Marc fait référence à cette plus petite division de la monnaie grecque, valant environ le salaire pour 15 minutes de travail pour un journalier agricole de l'époque. On peut faire deux observations :
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Textes sur le nom chalkos dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
plousioi (riches) | Plousioi est l'adjectif plousios au nominatif masculin pluriel, mais c'est un adjectif utilisé comme substantif ou nom, i.e. on sous-entend l'expression : personne riche. Si ce n'était de Luc, ce mot serait peu fréquent dans les évangiles-Actes : Mt = 3; Mc = 2; Lc = 11; Jn = 0; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Cette analyse ne peut être complète sans ajouter le nom « richesse », en grec : ploutos (Mt = 1; Mc = 1; Lc = 1; Jn = 0; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0), et le verbe s'enrichir, en grec plouteō (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 2; Jn = 0; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0); que ce soit pour plousios, ploutos ou plouteō, on aura remarqué que ces mots sont totalement absents de la tradition johannique.
Dans les évangiles, on peut répartir les textes sur la richesse en deux groupes, ceux où le fait d'être riche est une entrave pour l'entrée dans le royaume et leur attitude est vue de manière négative (15 fois), et ceux où le fait d'être riche est vu de manière neutre, et même positive (6 fois). Une vue négative du riche
Une vue neutre ou même positive du riche
Au v. 41, Marc nous présente des gens riches de manière assez neutre : ils donnent beaucoup de leur petite monnaie qu'ils trouvent dans le fond de leur bourse. Cette mention prépare ce qui s'en vient. Car les riches se départissent seulement de leur petite monnaie, tandis que la pauvre veuve qui suivra se départira de ce qui lui est essentiel. |
Textes avec l'adjectif plousios dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 42 Quand se présenta une pauvre veuve, elle jeta deux leptes, ce qui représente dix minutes de salaire pour un ouvrier de l'époque.
Littéralement : Et étant venue une veuve pauvre (ptōchē), elle jeta leptes (lepta) deux, qui est un quadrant (kodrantēs). |
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ptōchē (pauvre) | Ptōchē est l'adjectif ptōchos au féminin nominatif singulier, et signifie : mendiant, pauvre, quelqu'un qui se blottit. Comme pour les passages sur la richesse, c'est encore Luc qui fait le plus référence à « pauvre » : Mt = 5; Mc = 5; Lc = 10; Jn = 4; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Notons qu'aucun évangile ne fait référence au mot « pauvreté » (ptōcheia), ou au verbe « être pauvre » (ptōcheuō).
On pourra être surpris de constater que la perspective des évangiles sur les pauvres varie. En fait, il y a deux perspectives : une première où on note l'existence des pauvres, mais sans qu'ils soient l'objet d'une attention particulière dans le plan de Dieu; une deuxième perspective où on les considère les privilégiés de Dieu et l'objet de l'évangile. Perspective où on note simplement leur existence
Perspective où les pauvres sont les privilégiés de Dieu et l'objet de l'évangile
La richesse de l'enseignement de Jésus permet à chaque évangéliste d'y sélectionner ce qui peut nourrir sa communauté en fonction de sa situation particulière. La communauté de Marc, probablement la communauté chrétienne de Rome, ne semble pas porter de questions autour de la richesse ou de la pauvreté. Et donc Marc, comme pasteur, ne s'y intéresse pas particulièrement. La question plus pressante concerne la perspective de mourir dans les persécutions. C'est dans ce cadre que Marc nous présente cette pauvre qui donne tout ce qu'elle a pour vivre, et qui est ultimement sa propre vie. Nous donnerons un peu plus de détail dans ce qui suit. |
Textes avec l'adjectif ptōchos dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
lepta (leptes) | Lepta est le neutre accusatif pluriel de leptos, qui est d'abord un adjectif signifiant : mince, petit. C'est uniquement ce sens qu'on trouve dans l'Ancien Testament, par exemple Gn 41, 3 : LXX « Après celles-là, il sortit du fleuve sept autres vaches, laides et maigres (gr : leptos, heb. : daq), qui se mirent à paître à côté des autres sur la rive ». Dans le Nouveau Testament, on l'utilise comme nom, et il désigne seulement la plus petite pièce de monnaie du système romain, en bronze (1,55 gr). Il représentait 1/128 de denier, soit environ la valeur de cinq minutes de travail pour un journalier agricole. C'est donc une somme insignifiante et dérisoire (sur le lepte et sa comparaison avec les autres monnaies de l'époque, voir le glossaire).
Ainsi, en donnant deux leptes, cette veuve met l'équivalent de 10 minutes de travail pour un journalier de l'époque. Cela donne une idée de sa pauvreté. |
Textes avec le nom leptos dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
ho estin (ce qui est) | L'expression ho estin est formée du pronom relatif hos (ce qui) au neutre nominatif singulier et du verbe eimi (être) à l'indicatif présent singulier. C'est une expression bien ordinaire, sauf qu'elle est très utilisée par Marc, beaucoup plus que les autres évangélistes : Mt = 2; Mc = 9; Lc = 0; Jn = 1; Ac = 2; 1Jn = 1; 2Jn = 0; 3Jn = 0.
Il vaut la peine de le noter, car Marc, dans son effort pastoral, essaie de traduire pour son auditoire romain des réalités du monde de la Palestine qu'il ignore. Par exemple, il doit expliquer ce qu'est la Préparation chez les Juifs, i.e. la veille du sabbat (15, 42), ou encore pourquoi on amène Jésus à l'intérieur du palais de Pilate, car c'est là que se trouve le Prétoire (15, 22), ou encore quelle est la valeur de deux leptes, i.e. un quart d'as (12, 42). Alors il introduit son explication avec ho estin (ce qui est), i.e. ce qui veut dire ou ce qui signifie. De plus, en bon conteur, il aime capter l'attention de son auditoire en utilisant des mots ou des expressions qui pouvaient sembler exotiques pour son auditoire, comme Boanergès (3, 17), Talitha koum (5, 41), korbân (7, 11), Ephphatha (7, 34), Golgotha (15, 22), Elôï, Elôï, lema sabachthani (15, 34). Aussi, après les avoir utilisés, il s'empresse d'ajouter : ho estin (ce qui est, ce qui veut dire, ce qui se traduit par). |
Textes avec l'expression ho estin dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
kodrantēs (quadrant) | Le mot grec kodrantēs vient du latin quadrans, i.e. un quart, et fait référence à un quart d'as, une monnaie romaine valant 1/16e de denier; ainsi, un quart d'as équivaut à 1/64e de denier. Sur le quadrant, on se réfèrera au glossaire.
Ce qu'il importe de remarquer ici, c'est que Marc prend la peine de traduire pour son auditoire romain la valeur des deux leptes : ceux-ci, appartenant au système monétaire grec, pouvaient apparaître exotique pour son auditoire. Ainsi, sachant maintenant que la veuve a mis dans le trésor du temple l'équivalent de 1/64e de denier, le denier étant la norme pour une journée de salaire, cet auditoire pouvoir saisir la valeur dérisoire jetée dans le trésor du temple. |
Textes avec le nom kodrantēs dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 43 Ayant alors appelé ses disciples, il leur dit : « Vraiment, je vous l'assure, cette veuve, qui est pauvre, a jeté plus que tous ceux qui ont jeté dans la salle du trésor.
Littéralement : et ayant appelé (proskalesamenos) les disciples (mathētas) de lui, il a dit à eux : c'est vrai (amēn), je dis à vous, que la veuve celle-ci la pauvre, davantage (pleion) à tous elle a jeté que les jetant dans la salle du trésor. |
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proskalesamenos (ayant appelé) | Proskalesamenos est le verbe proskaleō au participe aoriste moyen, nominatif masculin singulier. Ce verbe est formé de la préposition pros (vers) et du verbe kaleō (appeler, convoquer), et donc signifie littéralement : appeler vers soi. Il apparaît à quelques reprises dans les évangiles, sauf chez Jean : Mt = 6; Mc = 9; Lc = 4; Jn = 0; Ac = 10; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. On peut dire que ce verbe appartient surtout à Marc, car dans les six occurrences chez Mt, quatre sont simplement une reprise de Marc.
Ce qu'il y a de particulier chez Marc, c'est que huit fois sur neuf c'est Jésus qui appelle. Et quand il appelle, c'est soit pour donner un enseignement important (avec l'expression « appeler et dire »), soit pour poser un geste solennel. Un enseignement important
Un geste solennel
Ici, au v. 43, Marc veut nous présenter un Jésus qui s'apprête à donner un enseignement : après avoir dénoncé l'attitude des scribes centrée sur les apparences et leur réputation, il éclaire maintenant en contraste l'attitude de la pauvre veuve qui a tout donné ce qu'elle a, attitude qu'ils auront à suivre, attitude qui sera la sienne en croix. |
Textes avec le verbe proskaleō dans les évangile-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
mathētas (disciples) | Mathētas est le nom masculin mathētēs à l'accusatif pluriel. Il signifie : être disciple ou élève ou apprenant; il s'agit de quelqu'un qui est à l'écoute d'un maître. Comme on peut l'imaginer, le mot est très fréquent dans les évangiles-Actes : Mt = 72; Mc = 46; Lc = 37; Jn = 78; Ac = 28; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Il peut s'agir des disciples de Jésus, de Jean ou même ceux des Pharisiens (Mc 2, 18)
On s'est posé la question : le mot « disciple » est-il l'oeuvre de la première communauté chrétienne qui désignait ainsi les membres de la communauté, ou bien reflète-t-il vraiment comment les gens nommaient tous ceux et celles qui s'attachaient à Jésus lors de sa prédication? Après son analyse, J.P. Meier conclut que ce terme appartient vraiment à l'époque de Jésus, puisque que les premiers chrétiens ont plutôt abandonné ce terme pour se définir. De plus, parmi ceux qui ont considéré Jésus comme un maître, on peut distinguer trois groupes différents de personnes,
Mentionnons que même si plusieurs femmes sont mentionnées, aucune ne se voit attribuée le titre de disciple, en raison sans doute de la culture de l'époque. Qu'en est-il chez Marc? Un premier point à souligner est qu'il associe les disciples au tout début du ministère de Jésus, dès qu'il commence à enseigner. Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée, proclamant l'Évangile de Dieu et disant: "Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est tout proche: repentez-vous et croyez à l'Évangile. Comme il passait sur le bord de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, qui jetaient l'épervier dans la mer; car c'étaient des pêcheurs. Et Jésus leur dit: "Venez à ma suite et je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes." (1, 14-17) Pourtant, le groupe des Douze ne sera officialisé que beaucoup plus loin en 3, 13-14, alors que par neuf fois il a déjà fait référence aux disciples. L'intention de Marc est claire : le ministère de Jésus ne se conçoit pas sans ses disciples auxquels il est étroitement associé. Et pour sa communauté chrétienne, le message est tout aussi clair : dans ce ministère de Jésus, ils doivent se voir eux-mêmes. Il y a un deuxième point à souligner dans le rôle que Marc fait jouer aux disciples : ils sont l'objet d'un enseignement particulier de Jésus. Cette idée est introduite avec l'enseignement en paraboles quand Marc écrit : « et il ne leur parlait pas sans parabole, mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples » (4, 34); ainsi, ils ont le privilège d'accéder à une compréhension plus profonde de l'enseignement de Jésus. Ce thème se poursuivra tout au long de l'évangile, introduit par cette mention : « Quand il fut entré dans la maison, à l'écart de la foule » (7, 17; voir aussi 9, 28; 10, 10); à la maison, Jésus prend le temps d'expliquer ce qu'il vient de dire. De même, tout au long de l'Évangile, Marc fait référence au fait que « Jésus instruisait ses disciples » (9, 31), qu'il les appelle pour leur donner un enseignement (8, 1.34; 10, 42; 12, 43). Tout cela fournit le contexte de notre récit avec la pauvre veuve où Jésus appelle ses disciples pour donner son enseignement. Non seulement il les éclaire sur sa manière de voir les choses, mais les prépare à ce qu'ils auront à vivre eux-mêmes. |
Textes sur nom mathētēs chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
amēn (c'est vrai) |
Le terme amēn revient régulièrement dans les évangiles, sauf chez Luc : Mt = 31 ; Mc = 13 ; Lc = 5 ; Jn = 50 ; Ac = 0 ; 1Jn = 0 ; 2Jn = 0 ; 3Jn = 0. Il a déjà été analysé dans le glossaire et on s'y réfèrera. Qu'il nous suffise de rappeler que le terme provient de l'hébreu ʾāman, dont la racine mn renvoit à ce qui est solide et ferme (Ps 89, 53 « Béni soit Yahvé à jamais! Amen! Amen! »). Cet « amen » final a été traduit par la Septante par genoito (que cela arrive, qu'il en soit ainsi), du verbe ginomai (arriver, survenir). Le verbe, pour sa part, décrit l'idée de qui est solide, stable, et donc fiable, comme on le voit en Gn 15, 6 : « Abram se fia (hé'émin) en Yahvé, qui le lui compta comme justice ». La présence de amēn dans le Nouveau Testament s'explique par deux sources : le langage de Jésus, et son utilisation dans la liturgie synagogale, alors que les chrétiens juifs continuaient à fréquenter la synagogue.
En introduisant le mot amēn dans son évangile, Marc poursuit non seulement sa tendance de bon conteur à introduire des termes exotiques, mais il cherche surtout à donner une certaine valeur et une certaine solennité à ce que Jésus est sur le point d'affirmer et, en même temps, est un appel à le croire sur parole. Dans les 13 occurrences du mot chez Marc, onze font référence à un événement futur. Et dans les deux occurrences tournées vers le présent, Jésus s'adresse seulement à ses disciples : qui n'accueille pas le Royaume comme un enfant n'y entrera pas (10, 15); la veuve qui a mis deux piécettes dans le trésor du temple y a mis plus que tous les autres (12, 43). Ces deux cas concernent une attitude fondamentale du coeur humain que discerne Jésus chez les gens et qu'il met en valeur. |
Textes avec le mot amēn chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
pleion (davantage) | Pleion est le neutre accusatif singulier de pleiōn, l'adjectif comparatif de polus (nombreux, plusieurs). Il signifie : plus, davantage. C'est le seul cas chez Marc : Mt = 7 ; Mc = 1 ; Lc = 9 ; Jn = 5 ; Ac = 19 ; 1Jn = 0 ; 2Jn = 0 ; 3Jn = 0. Nous ne sommes pas devant un mot de l'arsenal de Marc. Il fait simplement partie du récit originel : cette pauvre veuve a donné davantage que les gens riches, proportionnellement à ce que chacun possédait. | Textes avec l'adjectif pleiōn dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
v. 44 En effet, ils ont tous jeté à partir de leur superflu, alors qu'elle, à partir de son indigence, elle a jeté en entier tout ce qu'elle avait pour vivre.
Littéralement : Car tous de l'étant dans l'abondance (perisseuontos) à eux ils jetèrent, puis celle-ci, de l'indigence (hysterēseōs) d'elle tout autant qu'elle avait, elle jeta entier (holon) le bien (bion) d'elle. |
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perisseuontos (étant dans l'abondance) | Perisseuontos est le verbe perisseuō au participe présent actif, au neutre génitif singulier. Ce verbe est peu fréquent dans les évangiles-Actes : Mt = 2; Mc = 5; Lc = 2; Jn = 1; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0. À partir de sa racine « être dans l'abondance », il peut revêtir trois grandes significations.
Ici, au v. 44, les riches, qui donnent dans le trésor du temple, puisent à partir de leur superflu; ils ont plus que ce qui est nécessaire pour vivre, et ainsi, ce qui est mis dans le trésor du temple, est ce dont ils n'ont pas besoin pour vivre. |
Textes avec le verbe perisseuō dans les évangiles-Actes | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
hysterēseōs (indigence) | Hysterēseōs est le génitif féminin singulier de hysterēsis : privation, pauvreté, indigence, dénuement. C'est la seule instance dans les évangiles-Actes (Mt = 0; Mc = 1; Lc = 0; Jn = 0; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0), et le seul autre cas dans le Nouveau Testament se trouve dans l'épitre aux Philippiens. Pour nous aider dans notre analyse, on peut inclure son synonyme hysterēma, un nom neutre qui signifie : manque, besoin, indigence, insuffisance, lacune, absence; dans les évangiles-Actes, il n'apparaît qu'une seule fois chez Luc dans sa version de notre scène (Mt = 0; Mc = 0; Lc = 1; Jn = 0; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0), mais se trouve à quelques reprises dans les épitres pauliniennes. Enfin, il y a le verbe hystereō : manquer ou être privé de quelque chose, un verbe qui apparaît quelques fois dans les évangiles-Actes (Mt = 1; Mc = 1; Lc = 2; Jn = 1; Ac = 0; 1Jn = 0; 2Jn = 0; 3Jn = 0).
Tous ces mots pointent vers une situation de manque. Mais le manque peut se situer à trois niveaux différents.
Au v. 41, c'est bien de manque de biens physiques qu'il s'agit. Comme beaucoup de veuves à l'époque, cette veuve vit dans l'indigence. |
Textes avec le nom hysterēsis dans le Nouveau Testament | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
holon (entier) | Holon est l'accusatif masculin singulier de l'adjectif holos, qui s'accorde avec le nom masculin qui suit : bios. C'est un adjectif assez général qu'on trouve fréquemment dans les évangiles-Actes : Mt = 22; Mc = 18; Lc = 17; Jn = 6; Ac = 19; 1Jn = 2; 2Jn = 0; 3Jn = 0. Il signifie : entier, ou tout entier, ou totalité.
Chez Marc, holos qualifie très souvent une région géographique : la réputation de Jésus se répand dans toute la région de Galilée (1, 28.39), la ville entière se rassemble devant la porte de sa maison (1, 33), Jésus parcourt toute la région (6, 55), l'évangile est proclamé au monde entier (14, 9). Holos entend aussi désigner la totalité de l'être humain : le Jésus de Marc rappelle le commandement d'aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de tout son esprit et de toute sa force (12, 30.33). De même, Marc emploie holos pour signifier la totalité d'un groupe : c'est tout le Sanhédrin qui cherche à condamner Jésus (14, 55; 15, 1), et c'est toute la cohorte qui se moque de Jésus (15, 16). Ici, au v. 44, c'est tout son bien que la veuve met dans le trésor. Chez Marc, c'est un cas unique où holos qualifie l'avoir d'une personne. Pourtant, ce n'est pas unique dans les évangiles, puisque Luc a cette phrase dans la scène qu'il emprunte à Marc à propos de la femme qui avait des pertes de sang : « elle avait dépensé tout (holos) son avoir (bios) en médecins » (Lc 8, 43). Que conclure? Marc reprend probablement un récit qu'il reçoit de la tradition, parce qu'on ne retrouve pas son vocabulaire familier. De plus, ce récit de la veuve de Marc et la remarque de Luc met de l'avant deux femmes démunies, qui se retrouvent ruinées. On ne connaîtra jamais la suite de l'histoire de la veuve qui donne tout son avoir au trésor du temple. Mais il est clair que, pour Marc, elle vient de tout donner, tout, tout, tout. |
Textes avec l'adjectif holos chez Marc | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
bion (bien) | Bion est l'accusatif masculin singulier du nom bios. Nous connaissons en français le mot « bio », car il nous a donné des mots comme biologie ou biosphère ou biographie. Fondamentalement, il signifie : vie, non au sens de vie animale, mais au sens de mode ou manière de vivre, d'où sont dérivés gagne-pain, moyens de subsistance, ressources, avoir, fortune, niveau de vie. Il est rare dans les évangiles-Actes, car il n'apparaît qu'une fois chez Marc, dans notre récit de la pauvre veuve qui donne tout son avoir dans le trésor du temple, et cinq fois chez Luc : Mt = 0; Mc = 1; Lc = 5; Jn = 0; Ac = 0; chez Luc, à part la reprise du récit de la pauvre veuve (Lc 21, 4), on le retrouve parmi les obstacles à la parole quand elle est semée (un style de vie axé sur le plaisir, Lc 8, 14); dans le récit de cette femme qui a dépensé tout son avoir en médecins (Lc 8, 43), et enfin dans le récit de l'enfant prodigue qui a dilapidé l'avoir de son père reçu en héritage (Lc 15, 12.30). Ainsi, bios signifie soit l'avoir, soit le style de vie.
Il est également peu fréquent dans le reste du Nouveau Testament, i.e. quatre fois : dans la première lettre de Jean, on fait référence à l'avoir qui vient, non pas de Dieu, mais du monde (2, 16), et qu'il faut partager avec ceux qui sont dans le besoin (3, 17); la première lettre à Timothée parle d'un style de vie calme et paisible à laquelle nous sommes invités (2, 2); la deuxième parle des activités habituelles de la vie (2, 4). Ainsi, encore une fois, bios signifie soit l'avoir, soit le style de vie, incluant un style marqué par certaines activités typiques de cette vie. Qu'en est-il de l'Ancien Testament? Le mot bios apparaît 69 fois dans la Septante, si on inclut tant ses écrits canoniques (Proverbes, Job, Cantique des cantiques, Esdras A et B) que deutérocanoniques (Esther grec, Sagesse, Siracide, 1 et 2 Maccabées) et apocryphes (3 et 4 Maccabées) : Pr = 8; Jb = 13; Ct = 1; Esd A = 1; Esd B = 1; Est = 1; Sg = 14; Si = 4; 2M = 7; 3M = 5; 4M = 14. Comme nous l'avons vu pour le Nouveau Testament, bios sert parfois à décrire l'avoir ou le nécessaire pour vivre, mais c'est très peu fréquent : Pr = 3; Ct = 1; Esd B = 1; Si = 1. Par exemple, Ct 8, 7 : LXX « Des torrents d'eau ne pourront point éteindre l'amour, ni les fleuves le submerger. Si un homme donne toute sa vie (bios, hébr : toutes les richesses de sa maison) par amour, les autres hommes auront pour lui le dernier mépris ». De même, bios, dans la moitié des cas, fait référence à un style de vie ou à la dimension morale de la vie : Jb = 2; Est = 1; Sg = 14; Si = 2; 2M = 2; 3M = 2; 4M = 11. Par exemple, Sg 2, 15 : « Il nous est odieux, même à voir (l'impie); parce que sa vie (bios) n'est point comme celle des autres, et que ses sentiers sont différents ». Mais bios y revêt aussi des significations absentes du Nouveau Testament. Ainsi désigne-t-il un certain nombre de fois l'existence humaine en générale, en particulier dans sa précarité et sa durée éphémère : Pr = 5; Jb = 11; Si = 1; 3M = 3; 4M = 3. Dans les textes canoniques, il traduit souvent l'hébreu yôm (jour). Par exemple, Jb 9, 25 : LXX « Ma vie (bios, héb. : mes jours) est plus rapide qu'un courrier ; on ne s'est point placé sur son passage et on ne l'a pas vue ». En ce sens, le mot bios a une signification très proche de zōē (vie, souffle de vie). Par exemple, Si 40, 29 : « Quand un homme en est réduit à regarder vers la table d'un autre, sa vie (bios) ne saurait compter pour une vie (zōē). Car il souille son âme par des mets étrangers, ce dont se gardera l'homme instruit et bien élevé ». Et parfois, le traducteur de la Septante utilise bios et zōē de manière pratiquement synonyme; par exemple, Pr 3, 2 LXX : « car elles (mes préceptes) te donneront une longue vie (bios), des années de vie (zōē), et la paix (voir aussi Pr 3, 16; 4, 10). Enfin, il y a des cas où bios et zōē sont carrément synonymes, i.e. tout comme zōē se prend par opposition à la mort, de même perdre son bios est synonyme de mourir : 2M = 5; Esd A = 1. Par exemple, Esd 1, 29 : LXX « et il monta sur son char, le second ; et une fois ramené à Jérusalem il perdit la vie (bios, litt. : il altéra sa vie; l'hébreu a plutôt : mût , i.e. il mourut) et fut enterré dans le tombeau de ses pères ». Que conclure? Le mot bios a évolué avec le temps. Alors qu'il pouvait être pratiquement synonyme de zōē ou désigner la vie dans sa durée, il en est venu à l'orée de la période néotestamentaire à ne désigner que la vie dans sa dimension morale, i.e. le style de vie et les biens qui permettent de vivre. C'est ainsi que le récit de Marc apparaît dans sa particularité, alors que bios désigne l'avoir d'une personne, une signification très peu fréquente. Cela ne fait que souligner qu'on a ici, non pas l'écho du style de Marc, mais probablement celui d'une tradition qu'il utilise. |
Textes avec le nom bios dans la Bible | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
-André Gilbert, Gatineau, novembre 2018 |